
A tout seigneur tout honneur, parlons de
Jacen Solo, le « héros » de cette saga. Toute l’histoire de LOTF tourne autour de son passage du Côté Obscur (de
Trahison à Sacrifice) puis de son comportement une fois au pouvoir (de
Enfer à Invincible). Force est de constater que sous l’égide de
Lumiya, on a droit à un vrai travail de corruption de l’esprit de Jacen, il est vraiment embarqué sur une pente très glissante dès le premier roman (lobotomisation de la Reine-Mère de
Hapes dans
Nid Obscur, qui l’avait bien cherché, puis assassinat de la Jedi Nelani dans Trahison).
Le parallélisme avec la prélogie, même s’il ne sera jamais revendiqué directement par les auteurs, est évident et évite habilement la répétition dans le sens où Jacen occupe à la fois le rôle de Palpatine et de Anakin. Vis-à-vis du second, là où la prélogie se basait sur une évolution par à-coups intéressants (le massacre des gamins Tuskens dans l’Attaque des Clones) ou maladroits (La Revanche des Sith ou comment-devenir-un-Sith-en-une-soirée), le glissement de Jacen est tout ce qu’il y a de plus progressif et insidieux. Relayé de surcroît par une narration qui permet au lecteur d’accompagner très longtemps Jacen dans sa volonté de se croire du « bon » côté. Puis, une fois devenu
Dark Caedus, Jacen nous sort la carte Palpatine en prenant le pouvoir sous le nez de ses ennemis sans que ceux-ci n’aient jamais un motif ou une possibilité d’action. Certes, il n’est pas plus fort que Sidious à ce jeu, mais son statut de Skywalker-Solo rend la chose beaucoup plus croustillante à suivre et beaucoup plus dramatique à terme.

Ce qui nous amène à l’origine de la chose. La chute de Jacen est-elle une faillite personnelle pour l’éducation made in Skywalker-Solo ? Clairement, Luke est capable de tenir la galaxie à bout de bras mais lorsqu’il s’agit de la famille, ça semble un peu plus difficile. A sa décharge, et à celle de Han et Leia avant tout, les raisons du comportement de Jacen sont un peu «indépendantes» de leur volonté :
Vergere et les Vongs (dans le
Nouvel Ordre Jedi), le road-trip de cinq ans avec tout ce que la galaxie compte de hippies de la Force (avant
Nid Obscur), et finalement Lumiya. A un moment donné, Jacen en est arrivé à un point où il était loin devant le reste des Jedi, et faute de confrontation directe (Enfer), il pouvait même se croire devant Luke. Et bien évidemment, à ce stade la frontière est étroite entre cet état de fait et le moment où l’on se voit plus beau qu’on ne l’est vraiment. Est-ce qu’avec un encadrement plus strict de la part de l’Ordre, Jacen n’aurait pas développé son complexe du messie ? Probablement, comme
Anakin Skywalker aurait pu être un peu mieux suivi, mais il n’y a pas de certitudes en la matière.
L’immobilisme de Luke et des Jedi face aux coups tordus de Jacen est lui de l’ordre des certitudes. La gestapo, les tortures, les tentatives d’assassinats sur ses parents et j’en passe, que faut-il donc à l’Ordre Jedi pour prendre les choses en main ? Que Jacen se mette un casque noir sur la tête et respire dans un aspirateur ? Il y a deux ou trois romans durant lesquels les choses dérapent et les Jedi pêchent par excès de non-implication (de
Descendances à Sacrifice), une des conséquences indirecte étant certainement le sort de Mara qui est la première à avoir le déclic et décide d’opérer seule.

Au final, et malgré une écriture qui construit ses développements sur des postulats très discutables (l’inaction des Jedi liée au fait que Jacen «est de la famille»), l’évolution de Jacen reste intéressante à suivre. Elle fait froid dans le dos, elle est subtile, pendant très longtemps on peut encore croire à la rédemption et à la possibilité qu’il ne soit pas totalement parti en sucette. Sur les derniers romans, la problématique s’inverse. Il a basculé du mauvais côté sans avoir une maîtrise totale comme celle de Palpatine et il lui faut ramer très fort pour garder ses opposants internes et externes à distance raisonnable, ce qui est intéressant à suivre pour le lecteur même s’il est difficile de s’identifier à lui.