Alors qu'en ce mois d'avril 2023, les regards des fans de Star Wars étaient tournés vers Celebration Londres et son étalage d'invités prestigieux, c'est en France que Timothy Zahn a choisi de se rendre, à l'invitation des Héritiers de la Force et du Paris Fan Festival ! Un déplacement à l'occasion duquel l'auteur de L'Héritier de l'Empire a pu réaliser sa popularité auprès des fans francophones, notamment lors de Générations Star Wars et Science-Fiction 2023, les 29 et 30 avril à Cusset, où il a enchaîné signatures et photos pendant tout le week-end.

Le dimanche après-midi, il s'est accordé une pause bien méritée pour répondre à plusieurs entretiens. À cette occasion, Star Wars Universe a eu le plaisir de pouvoir lui poser quelques questions, à retrouver en vidéo ci-dessous... Et en texte un peu plus bas !

(AVERTISSEMENT : Cet entretien comporte des spoilers mineurs sur la saison 3 de la série The Mandalorian et le trailer de la série Ahsoka.)

Bonjour Timothy Zahn, merci d’avoir accepté de répondre aux questions de Star Wars Universe.

Merci de me recevoir.

Votre séjour en France s’est bien passé ?

Oui ! Ça a été très plaisant, et très fatigant. C’est un grand pays, et il y a beaucoup de choses intéressantes à voir. Nous n'avons pas pu voir autant de choses que nous le voulions. Nous allons devoir revenir plus tard.

Bien ! Allons-y pour nos questions sur la saga Star Wars. Vous avez créé le Grand Amiral Thrawn en 1991. Pensiez-vous alors qu’il serait un jour porté à l’écran, d’abord en tant que personnage animé dans Rebels, et maintenant en chair et en os ?

Au moment où je l’ai créé, nous ne savions même pas s’il restait encore des fans de Star Wars quelque part. Personne ne savait si quelqu’un s’intéressait encore à Star Wars, le dernier film datait de 8 ans. Les réactions au livre ont montré à tous que les fans de Star Wars étaient encore là et qu’ils en voulaient plus, et on a continué sur cette lancée depuis. Un auteur essaie de créer les meilleurs personnages possibles, mais c’est aux fans qu’il revient de choisir ceux qu’ils retiennent. Nous faisons de notre mieux, mais ça reste entre les mains des lecteurs. J’ai toujours espéré que Thrawn, Mara Jade, Talon Karrde et les autres trouveraient un public, des gens qui les aiment vraiment, mais je n’ai jamais été sûr que cela arriverait. Ça a donc été très gratifiant de voir Thrawn porté à l’écran en animation et maintenant en prise de vues réelles ; cela montre que c’est un personnage que les lecteurs aiment autant que j’aime écrire sur lui.

The Mandalorian a aussi marqué la première apparition à l’écran du capitaine Pellaeon.

Oui !

C’est un autre de vos personnages les plus célèbres. Pensez-vous qu’il y a une chance que d’autres de vos créations apparaissent dans de futurs contenus audiovisuels ?

Cela dépend entièrement des gens de LucasFilm. Ils possèdent les droits de tout ce que j’ai écrit, tout ce que d’autres auteurs ont fait sur Star Wars. La décision de ramener d’autres personnages leur revient. Je ne m’y opposerais certainement pas, et je sais que les fans aimeraient voir certains de ces personnages de retour. Mais ce n’est pas pour tout de suite. Pour le moment, nous avons Thrawn, nous avons Pellaeon, et j’en suis très content pour l’instant. Nous verrons ce que nous aurons d’autre au fur et à mesure.

Et qu’en est-il de Mara Jade ? Espérez-vous toujours la revoir ? Elle est votre autre personnage du Legends favori…

Oh, elle l’est vraiment. Elle et Thrawn sont les deux personnages que j’ai préféré écrire, et je sais qu’un grand nombre de fans, moi y compris, aimeraient la voir de retour dans le Canon. Encore une fois, la décision appartient à LucasFilm.

Dans vos commentaires pour la version du vingtième anniversaire de L’Héritier de l’Empire, vous avez mentionné quelques-unes de vos inspirations : les Vornskrs de Talon Karrde qui ont été nommé Sturm et Drang en référence au mouvement du pré-romantisme allemand, le capitaine Pellaeon a hérité son nom de mythes arthuriens…

Oui.

Avez-vous trouvé des inspirations dans l’histoire ou la culture française ?

J'ai pioché quelque chose dans Pelléas et Mélisande (Ndr : drame écrit par Maurice Maeterlinck à la fin du XIX^ème siècle, joué en 1905 par la célèbre tragédienne Sarah Bernhardt et adaptée par Claude Debussy pour l'opéra ; il s'agit pour l'essentiel d'une réécriture du mythe médiéval de Tristan et Yseult), c'est une histoire française. Pellaeon vient de là. J’ai lu beaucoup de mythes et de légendes en grandissant, et tous ces éléments sont ressortis et ressortent dans mes récits. Je recherche des noms qui sortent du lot, qui ont une sonorité intéressante. J’ai toujours aimé celui de Pellaeon. Il en va de même pour Sturm et Drang. Talon Karrde aime les jeux de mots, c'est pour ça que j'ai pris cette direction. Encore une fois, tout ce que j’ai lu ressort d’une façon ou d’une autre dans mes écrits.

Il y a un personnage… Je pense particulièrement à Garm Bel Iblis. C’est à la fois un politicien et un militaire, c’est un général avec un grand sens tactique, et c’est aussi un franc-tireur qui cause parfois autant de problèmes à ses amis qu’à ses ennemis. Nous avons eu un personnage similaire dans l’histoire française récente, le général Charles de Gaulle. A-t-il été une inspiration pour Bel Iblis ?

Bel Iblis, oui. C’est un bon tacticien, mais il a ce problème de fierté qui l’a fait quitter la Rébellion. Donc, oui, c’est un autre chef militaire, mais sans rien qui le renvoie à quelqu’un de spécifique sur Terre. C’était la dynamique que j’essayais d’impulser avec lui et la Nouvelle République.

Garm Bel Iblis, lors de la crise de la flotte Katana.

Il n’y a pas de militaire en particulier qui a inspiré Thrawn. Il devait… Il devait être le meilleur de tous les militaires, sans leurs… angles morts. Par exemple, Napoléon a été un grand général, tacticien et stratège, mais il a fait quelques erreurs : aller à Moscou n’était pas la bonne chose à faire pour lui ! Ça n’a pas très bien fonctionné. Chaque général, quel qu'il soit, a ses points faibles, des choses qu'il a ratées alors que ça aurait pu être évité. Et mon but était de prendre tous ces grands chefs et d’en faire un seul, qui n’aurait pas leurs faiblesses individuelles.

Vous avez été l’un des fondateurs des romans de l’Univers Étendu, au début des années 1990, et vous êtes le seul auteur de cette période qui écrit encore des livres Star Wars aujourd’hui. Est-ce que les méthodes de travail et les contraintes ont évolué ?

La plus grande différence à présent est que, lorsque Disney a acheté LucasFilm, LucasFilm a créé ce qu’on appelle le Story Group. C’est un groupe de personnes qui supervisent tout ce qui est fait, tous les livres, comics, jeux, films, séries télévisées, et qui essaient de maintenir une continuité. Ils évitent que quelqu'un se trouve à deux endroits en même temps, ce genre de choses. Donc, puisque tous mes livres passent par le Story Group, cela prend un ou deux mois de plus pour qu’ils soient approuvés, parce qu’ils ont tout à vérifier, donc nous avons à intégrer ça dans notre calendrier de parution. Mais cela signifie qu’il y a plusieurs paires d'yeux vigilants en plus sur le manuscrit, sur l’histoire, et c’est toujours une bonne chose. Je peux donc écrire maintenant sans m’inquiéter d'entrer en conflit avec le travail de quelqu'un qui fait un comics en même temps, sans qu'on le sache l'un et l'autre. Le Story Group gardera ça sur la bonne voie pour nous.

Nous ne suivons jamais, dans vos livres, le point de vue du Grand Amiral Thrawn. Il est toujours vu à travers les yeux de quelqu’un d’autre. Prévoyez-vous un jour de révéler ce qui est caché dans sa tête, ou prévoyez-vous de garder cela secret à jamais ? 

Nous l’entrevoyons un petit peu dans le livre Thrawn. Vous y trouvez quelques-unes de ses analyses rapides de la situation… Mais je ne prévois pas d’aller voir ce qui se passe dans son processus de pensée. À cet égard, il est assez proche de Sherlock Holmes. Vous avez besoin de quelqu’un d’autre pour l’observer. Il y a une ou deux histoires de Sherlock Holmes écrites de son point de vue, et elles ne fonctionnent pas très bien. Vous avez besoin d’un observateur extérieur pour ce genre de personnage afin qu’il fonctionne au mieux.

Dernièrement, tous vos livres Star Wars étaient centrés sur le Grand Amiral Thrawn. Prévoyez-vous d’écrire des livres Star Wars à propos d’autres personnages, comme vous le faisiez avant 2012 ?

Je serais ravi de le faire, en ce moment, et j'avais ça en tête aussi pour les six derniers livres. Mais Del Rey Books et LucasFilm voulaient des histoires sur Thrawn. Et j’étais heureux de le faire, car j’aime écrire sur Thrawn. Mais il va certainement y avoir des opportunités, à l’avenir, pour écrire sur d’autres personnages, de nouveaux personnages, et peut-être ramener d’anciens personnages dans le Canon. Il y a aussi la possibilité qu’ils décident que j'ai suffisamment écrit sur Thrawn, et alors j'écrirai d'autres histoires pour eux. Donc, oui, ce n’est pas que je ne veux pas écrire sur quelqu’un d’autre, mais Thrawn, c’est ce qu’ils veulent, et je suis heureux le faire.

Et quels sont vos plans, hormis les romans Star Wars ? Prévoyez-vous de scénariser un autre comics un jour ?

Encore une fois, ça dépend des décideurs. En fait, j’ai proposé il y a quelques années à Marvel Comics un récit en six parties sur Thrawn et Vador, et j’ai le plan pour les six parties, j’ai le script pour la première partie. Puis les choses ont changé, ils n'ont pas pu avoir les artistes qu'ils voulaient sur le moment. Et cela a en quelque sorte disparu. Donc c'est resté dans mon ordinateur, si quelqu’un en veut un jour, mais je n'arrive pas à capter l'attention des gens de Marvel. J’aimerais le faire, mais encore une fois cela dépend de ce que les gens veulent que je fasse.

Et allez-vous écrire des romans autres que Star Wars ?

Oh, je suis en train d’écrire une série appelée la Saga Icarus, qui est issue d’un livre que j’ai écrit il y a vingt ans. J’ai une autre série avec David Weber, dans son univers « Honor Harrington », on travaille là-dessus. Et j’ai au moins une demi-douzaine d’autres idées pour d’autres romans sur mon ordinateur, sous forme d’ébauches. Je vais donc continuer de travailler aussi longtemps que je peux, je vais écrire des livres et des histoires aussi longtemps que je le peux.

Voilà pour les questions posées à l'occasion de cet entretien d'une dizaine de minutes... Mais Timothy Zahn a livré d'autres informations lors de son passage en France !

Certaines sont connues depuis son passage au Paris Fan Festival mi-avril : les conditions de son recrutement pour écrire la première trilogie Thrawn, par exemple. Mais il a livré quelques anecdotes supplémentaires lors de la conférence Pocket à Générations Star Wars et Science-Fiction :

• Il a été prévenu en novembre 2015 pour l'apparition de Thrawn dans Rebels. Dave Filoni lui a alors demandé d'écrire une trilogie d'introduction du personnage. Il a expliqué avoir été obligé de garder le silence pendant huit mois jusqu'à Celebration Londres (2016) et la révélation du trailer de la saison 3 de Rebels. La réaction des fans face au retour de son personnage favori lui a fait chaud au cœur.
• Il apprécie Lars Mikkelsen, qu'il trouve être un très bon comédien ; il trouve que son accent danois n'est pas dérangeant, mais donne un rythme, dans la voix du personnage, qui indique clairement qu'il vient d'ailleurs.
• Il ignore quel âge a Thrawn dans cette nouvelle série qui se déroule à peu de choses près à la même époque que la trilogie Thrawn de l'univers Legends. « Je ne sais pas combien de temps les Chiss vivent », a-t-il confié. « C'est quelque chose que j'ai laissé de côté pour ne pas avoir de problèmes. »
• Il dit ignorer ce que Filoni et Favreau veulent faire du personnage, mais assure qu'il va leur rappeler que le but principal de Thrawn est la défense de l'Ascendance Chiss.
• Les ysalamiris, créatures capables de couper les utilisateurs de la Force de leurs pouvoirs, seront-ils de retour ? « Je ne sais pas », a-t-il déclaré. « George Lucas n'a jamais aimé ces créatures. » Il a dit être en mesure d'expliquer leur fonctionnement mais ignore ce que pense Filoni à leur sujet.
• Sur les influences à l'origine de Thrawn (question qui décidément revient souvent !), il a expliqué avoir voulu un méchant qui ne soit pas comme Vador une source de terreur, mais un leader qui inspire la loyauté. Il fallait donc quelqu'un en qui ses hommes aient une confiance absolue. Le fait d'en avoir fait un Chiss était pour le rendre encore plus spécial par rapport aux autres officiers, tous humains.
• Interrogé sur les séquels de la saga, il n'a pas mâché ses mots. « Je pense que la postlogie aurait pu être meilleure », a-t-il lancé, « et que le principal problème est de ne pas avoir prévu une histoire complète », a-t-il ajouté en faisant référence aux conflits entre les visions de J.J. Abrams et Rian Johnson. Les acteurs de la saga originelle étaient certes trop vieux pour jouer dans une adaptation de L'Héritier de l'Empire ; toutefois, selon lui, l'histoire aurait pu être adaptée pour convenir à leurs enfants. « Mais ils ne m'ont rien demandé ! »
• Sur la liberté qui lui est laissée, il a expliqué que c'est la raison pour laquelle on lui a proposé d'écrire des romans entre les Épisodes IV et V (Allégeance, Choix décisifs, Vauriens) quand la saga du Nouvel Ordre Jedi (Legends) a été lancée. Pour la trilogie de l'Ascendance (Univers Officiel), dont le dernier livre est sorti il y a quelques jours, on lui a laissé carte blanche pour créer à partir de rien la société Chiss. « C'est canon... Jusqu'à ce qu'un réalisateur décide de changer », a-t-il glissé avec lucidité.

Voilà pour les informations recueillies à l'occasion de cette visite française de Timothy Zahn, à la fois très souriant et sympathique lors de ces échanges avec les fans et lors des séances de dédicace qui ont suscité un engouement inédit à Cusset !

Un grand merci aux Héritiers de la Force pour l'organisation de l'entretien et à Pocket Imaginaire pour l'accompagnement.

(Et merci également aux membres du staff et de SWU qui ont aidé à la réalisation de cet entretien : Chadax et Anthony11 pour la prise de vues, Niva et Joysstar pour la traduction, et le reste de l'équipe présente à Cusset pour son soutien !)