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Lobot et son implant cérébral
 
Et si Lobot était notre futur ?
31/12/2024

Chères lectrices, chers lecteurs, cher Lobot,

Vous trouverez ci-dessous le dernier article du dossier Science et Star Wars.
Cette fois-ci il s'agit d'un focus sur une partie des implants cérébraux en cours de développement sur le marché (comme Lobot).

Bonne lecture ! 


  • L'officier Lobot avec son implant cérébral © Lucasfilm
  • L'officier Lobot avec son implant cérébral © Lucasfilm

Dans Star Wars, certains individus se font implanter un "implant cybernétique". Il peut effacer une partie de la personnalité afin de prendre des décisions plus efficaces et permettre ainsi d'être plus productif. C'était le cas de l'officier de liaison informatique de la Cité des Nuages. Son nom, Lobot, venait de l'implant cybernétique "Lobot-Tech".


Partout à travers le monde réel, des entreprises ayant pour objectif de réparer les humains se multiplient. Parfois l'ambition va au-delà des soins et vise à améliorer notre espèce. Voici quelques sociétés qui travaillent sur le sujet.

 

Blackrock Neurotech

Fondée en 2008 par Florian Solzbacher et Marcus Gerhardt, la société Blackrock s'est basée sur les recherches de l'Université d'Utah dans les années 1990. Ses fondateurs sont ainsi les précurseurs dans de nombreux projets, notamment la première implantation chez un être humain en 2004. Les annonces tonitruantes de la concurrence font parfois sourire ces chercheurs qui obtenaient déjà des résultats sur un singe dès 2002.
Leurs objectifs sont multiples mais n'ont pas tous le même état d'avancement : créer des implants pour la vue, l'ouïe, la parole, le touché Le système filiaire dans l'exemple MoveAgain © Blackrock Neurotech ou la mobilité (SeeAgain, HearAgain, MoveAgain, TalkAgain, FeelAgain, Communicate again). Au total, pas moins d'une cinquantaine de patients dans le monde ont pu bénéficier d'un implant au cours des 20 dernières années. Avec ses 30 000 jours de retours d'expériences, c'est ce qui fait que, pour l'instant, Blackrock Neurotech est le numéro 1 dans le monde des Interfaces Cerveau-Machine (ICM), également appelés IND ou BCI. Leurs progrès sont constants même s'ils peuvent paraître lents.

D'autres ingénieurs et chercheurs travaillent déjà sur des implants aidant à la mobilité. C'est le cas notamment de Wandercraf (article sur les exosquelettes) ou de l'institut Clinatec en France. En dehors de ces efforts notables, on trouve donc chez Blackrock Neurotech des implants quasi inédits ; c'est le cas notamment avec le projet SeeAgain. C'est un très vaste champ de recherche que Blackrock Neurotech a ouvert en cherchant à lutter y compris contre les problèmes de mémoire, l'anxiété ou la dépression. Quant à l'approche concernant la communication, Blackrock a une solution légèrement différente de la concurrence.


L'implant Neuralace pour s'ouvrir aux autres

L'implant Utah Array est l'implant-phare de Blackrock Neurotech, avec son système baptisé "Neuroport". Au même titre que la plupart des ICM le fonctionnement est simple mais invasif : on implante le patient avec la puce de 96 électrodes (pour 1024 canaux) afin de permettre l'enregistrement et la stimulation des neurones, que ce soit par groupes de neurones ou par neurone isolé. Le capteur, plutôt imposant, transmet les informations qui sont ensuite analysées et traitées par le système Neuroport puis transformées en ordres de différents types.

  • La puce Utah Array (à gauche) et le capteur cylindrique fixé au crâne (à droite) © Blackrock Neurotech
  • La nouvelle puce Neuralace © Blackrock Neurotech

D'une manière générale selon la zone de cerveau que l'implant va étudier, cela peut servir à communiquer avec l'extérieur, contrôler un Le site adapté au contrôle neural © Blackrock Neurotechordinateur, activer une neuroprothèse, permettre à son utilisateur de marcher ou rendre certains sens.

Cet implant, c'est un peu la meilleure publicité que puisse faire Blackrock Neurotech. La société qui est principalement dédiée au domaine de la recherche se voit propulsée dans une course où elle a de l'avance sur de nombreux concurrents. Leur site lui-même montre qu'il est adapté au contrôle neural.

Depuis 2022, un successeur de cet implant est présenté comme ayant 10 000 canaux. L'objectif est de faire du nouvel implant "Neuralace" un outil pour les scientifiques d'ici 2024, puis de commercialiser le produit en tant que dispositif médical d'ici 2028. Ses propriétés (notamment sa flexibilité) le font entrer directement en concurrence avec d'autres sociétés.

Des lunettes qui rendent la vue

Dès 2012, l'Université d'Oxford travaillait sur un implant implanté dans l'œil, à la surface du globe oculaire, afin de capter les informations Le principe de l'implant de l'Université d'Oxford et de l'implant IRIS © Pixiumet de les transmettre au cerveau. Ce procédé est toujours en développement au sein de l'Oxford University Hospitals. Tout comme la société française Pixium (actuellement en liquidation car elle n'a pas pu être rachetée par Neurotech) et son implant IRIS présenté en 2014, le principe est plutôt simple. Une caméra montée sur des lunettes enregistre les mouvements de l'œil. Les images sont ensuite transformées par un microprocesseur (intégré dans l'implant qui est dans l'œil) en signaux électriques. Les électrodes transmettent les signaux au cerveau via le nerf optique. Chez Pixium, une version alternative de l'implant a été développée avec un emplacement cette fois sous la rétine (l'implant PRIMA).

L'approche de Blackrock Neurotech est donc différente puisqu'elle est basée sur son ICM.
En 2020, une équipe de chercheurs liés à Blackrock Neurotech publie ses travaux sur un implant neural destiné aux personnes atteintes de cécité. Pour stimuler les neurones concernés, des microélectrodes ont été implantées dans le cortex visuel d'une patiente. Cette dernière a également été équipée d’une paire de lunettes munie d’une caméra. Les signaux lumineux captés par la caméra sont convertis en signaux électriques et transmis instantanément aux électrodes. Il ne s'agit pas d'images comme on peut se l'imaginer mais le cerveau détecte des variations lumineuses, ce qui a permis à la patiente de distinguer des silhouettes ou des objets.

Même si cela reste à améliorer, la patiente peut, par exemple, lire l'alphabet. Il est à noter que la patiente n'était pas aveugle de naissance. Il faut donc savoir si cette technique peut être généralisée dans tous les cas de figure. De plus, la thérapie génique apporte un autre type d'espoir et de réponses pour les aveugles ; l'implant ne serait donc pas toujours la meilleure solution.

 

Synchron

Fondée en 2012 par Tom Oxley, la très discrète start-up Synchron est une des pionnières dans le domaine des interfaces cerveau-ordinateur. 
Synchron adopte une approche peu intrusive. Leur implant, baptisé SWITCH, vise à aider les personnes souffrant de paralysie, notamment celles atteintes de sclérose latérale amyotrophique (SLA).

SWITCH permet au patient d'effectuer des tâches autrement impossibles © SynchronPrincipe du système SWITCH © SynchronCette avancée technologique pourrait bénéficier à environ 100 millions de personnes dans le monde en leur permettant de contrôler un ordinateur par la pensée.

Le système est simple. Synchron implante son dispositif près du cortex cérébral (dans un vaisseau sanguin) en passant par la veine jugulaire. L'intervention, qui dure deux heures, est similaire à la pose de stents dans le cœur. Le capteur est installé sur la poitrine comme un cathéter. Toute la partie filaire de la neuroprothèse est donc implantée. Pour le patient, c'est un avantage pratique et esthétique.

Dès 2021, Synchron a reçu l'accord pour tester son produit sur des patients. Depuis, il y a eu au total 5 personnes d'implantées qui bénéficient toujours d'un suivi pour des tests et des apprentissages. En 2022, Synchron a réussi à lever 75 millions de dollars lors d'une levée de fonds, avec la participation de grands noms tels que Jeff Bezos et Bill Gates.

Puisque aucun effet indésirable n'est à noter, Synchron va lancer une étude pivot pour rendre son ICM éligible à l'assurance-maladie et ainsi générer ses premiers revenus. La start-up paraît être sur de bons rails, mais son plus gros concurrent, Neuralink, pèse désormais 686 millions de dollars en levée de fonds contre 145 millions pour Synchron.

 

Neuralink

L'ambition... et le scandale

Fondée en 2016 par des employés d'Elon Musk, la société Neuralink a pour objectif d'obtenir un implant permettant d'explorer des applications médicales et thérapeutiques. Ce qui distingue Neuralink des autres, c'est la volonté affichée de ne pas se limiter à "réparer" les corps mais, un jour, d'apporter une assistance cérébrale à des gens qui n'ont aucun problème. En effet, les déclarations très médiatiques d'Elon Musk laissent à penser qu'il imagine le futur avec des "humains augmentés".

Des tests concluants ont permis à un singe de jouer à Pong @ NeuralinkQuoi qu'il en soit, les premiers essais préhumains d'un projet aussi complexe ont dû être effectués sur des animaux. En décembre 2022, un article de Reuters révèle que plus de 1 500 animaux, dont des singes, des porcs et des moutons, sont décédés lors des expériences menées par la société depuis 2018. Elon Musk était impatient de résultats concrets ; c'est ainsi que la pression morale qu'il exerçait aurait conduit les scientifiques de Neuralink à adopter une approche précipitée lors d’interventions chirurgicales, entraînant des erreurs pourtant évitables pour les animaux. Neuralink a donc fait l’objet d’une enquête fédérale mais a nié les accusations en publiant des documents et n'a d'ailleurs pas été condamné. Des résultats concrets ont été publiés dans la foulée : un singe jouant à Pong, ou un autre tapant virtuellement des mots sur un ordinateur. L'administration américaine a donné son autorisation pour les tests humains au mois de mai 2023.

Comme pour tourner la page, l'ouverture aux candidatures pour les premiers tests humains a été annoncée fin septembre 2023. Le profil recherché était, par exemple, des patients atteints de tétraplégie ou de SLA. Hélas, peu d'éléments ont été communiqués à cette époque ; beaucoup de spécialistes s'inquiétaient d'ailleurs de cette discrétion qui ne permettait pas de s'assurer de l'objet de l'expérience et de la sécurité des patients.

L'outil de précision de Neuralink

La procédure de création de l'ICM Telepathy consiste à insérer 64 fils flexibles dans une partie du cerveau qui contrôle l'intention de mouvement. Ces fils sont reliés aux 1024 électrodes de la puce. La puce n'est pas plus grosse qu'une pièce de 2 €, est connectée en bluetooth et munie d'une batterie rechargeable (recharge sans fil).

  • La puce N1 du projet Telepathy © Neuralink
  • Ce que contient la puce © Neuralink
  • Le robot chirurgien de Neuralink © Neuralink
  • L'aiguille du robot est plus petite qu'un cheveu © Neuralink

Toute l'opération chirurgicale s'effectue sans anesthésie générale. L'intervention oblige à couper une section circulaire du crâne afin de faire de la place pour la puce. La seconde étape consiste à connecter les fils directement sur le cortex à l'aide d'un robot dont l'aiguille de travail est plus petite qu'un cheveu (tout comme les fils à fixer). En fait, les fils sont si fins et ce travail est si précis qu'il ne peut pas être effectué par une main humaine. Ces fils permettent à l'implant d'enregistrer et de transmettre les signaux cérébraux à une application, qui décode ensuite la manière dont la personne décide de bouger la souris d'un ordinateur.

 

Jouer aux échecs puis à Mario Kart et Civilisation VI

En janvier 2024, Elon Musk annonçait officiellement la première implantation de leur puce N1 sur un humain. L'étude PRIME de Neuralink a donc testé son implant sur un premier patient atteint d'une lésion de la moelle épinière. Pour commencer, le patient passe d'abord par une phase de calibrage. Il est ensuite capable d'utiliser un clavier virtuel ou de déplacer la souris d'un ordinateur. Une fois habitué à s'exercer sur l'ordinateur de façon classique, Noland Arbaugh - le premier patient - a commencé à jouer aux échecs numériques. L'implant lui sert également pour apprendre le français et le japonais.

Noland étant très à l'aise, il a pu également affronter son père et son ami sur une partie de Mario Kart 8 après seulement une semaine d'utilisation ! Il indique qu'ils ne l'ont pas laissé gagner mais qu'il a été surpris de réussir malgré tout à finir en deuxième position à plusieurs reprises.

  • La phase de calibrage est indispensable © Neuralink
  • Il devient possible de jouer aux échecs © Neuralink
  • Mario Kart 8 © Nintendo - Civilization 6 © Firaxis Games

Passionné du jeu Civilization avant son accident de plongée, Noland a tenté de jouer à Civilization VI. Ce fut un succès : il a joué toute une nuit jusqu'à 6 heures du matin ! Sa seule frustration fut de constater que la puce était déchargée et qu'il faudrait patienter le temps d'une recharge.

Quelque temps plus tard, 85 % des fils avaient bougé. Même si l'implant est resté partiellement fonctionnel, c'était là l'illustration des problèmes rencontrés dans des domaines pionniers comme celui-ci. 
L'implantation d'un deuxième patient a été révélée au mois d'août 2024. Là encore, il s'agissait d'un homme ayant une lésion de la moelle épinière. Sans donner l'identité exacte de ce "Alex", il a été possible d'apprendre que celui-ci pouvait jouer à Counter Strike, mais également faire de la modélisation 3D (pour imprimer un support pour son chargeur électrique d'implant). Là encore, les fils ont bougé, mais cette fois à hauteur de 60 %. Nul doute que l'objectif de l'étude PRIME sera de travailler à diminuer encore cet inconvénient.

En novembre 2024, Neuralink annonçait également avoir reçu l'autorisation d'expérimenter l'implant N1 afin de contrôler un bras robotique. Cette expérience s'inscrira alors dans le projet baptisé CONVOY. Là encore, beaucoup d'annonces ont été faites et l'année 2025 répondra en partie aux interrogations les plus légitimes.

 

Voir le monde différemment

L'ambition de Neuralink, maintenant canalisée, n'en demeure pas moins réelle. La société ne veut pas seulement donner l'opportunité aux paraplégiques d'envoyer des emails ou de jouer aux échecs : l'objectif est de rendre l'usage de leurs membres aux paralysés, la vue aux aveugles, l'ouïe aux sourds et d'augmenter les capacités de l'être humain.Technique d'implantation du N1 © Neuralink
Ces objectifs, bien que louables, pourraient paraître farfelus ; et pourtant...

Le 20/03/2024 Elon Musk déclarait que l'implant Blindsight était opérationnel sur les singes.

Je dois mentionner que l'implant Blindsight fonctionne déjà chez le singe. La résolution sera faible au début, comme les premiers graphismes de Nintendo, mais pourra finalement dépasser la vision humaine normale. (De plus, aucun singe n'est mort ou n'a été gravement blessé par un appareil Neuralink !)

La société pense être en capacité de rendre la vue aux gens l'ayant perdue, mais pas seulement. Leurs chercheurs sont également confiants sur la possibilité de "donner" la vue aux aveugles de naissance. Ils expliquent simplement que tant que la partie du cortex qui concerne la vue est intacte, il n'y a pas de raison pour que ce ne soit pas possible. 

En dehors de ces déclarations, aucune publication scientifique ne permet d'appuyer ces propos. Les gens curieux attendent désormais des preuves et des précisions sur le contexte des expériences. Des données ont pourtant dû être avancées par Neuralink, car en septembre 2024, l’agence américaine chargée de la surveillance des denrées alimentaires et des médicaments (la Food & Drug Administration) a donné son feu vert pour les premiers tests sur patients humains.

 

Precision Neuroscience

Fondée en 2021 par Ben Rapoport et Michael Mager (les cofondateurs de Neuralink), la société Precision Neuroscience travaille sur une troisième approche.

La société est spécialisée dans le développement d'implants destinés à l'ICM, qui sont conçus pour être peu invasifs et réversibles. En moins de deux ans, Precision a réussi à lever un total de 53 millions de dollars pour poursuivre le développement de ses produits et préparer l'examen réglementaire de la FDA.

L'implant-phare de Precision, nommé Layer 7 Cortical Interface, est une fine bande de matériau flexible, semblable à un morceau de ruban adhésif mais avec une épaisseur équivalente à 1/5e d'un cheveu humain. L'implant très souple Layer 7 © Precision NeuroscienceCe matériau est conçu pour s'adapter à la surface du cerveau sans causer de dommages aux tissus. Il peut être implanté à l'aide d'une technique peu invasive (micro-fente du crâne). L'implant de Precision peut traiter de grandes quantités de données, chaque réseau de microélectrodes comportant 1024 canaux d'électrodes, soit une densité 600 fois supérieure à celle des réseaux corticaux standards (mais la même que l'implant invasif de Balckrock Neurotech). De plus, il s'agit du seul implant ICM conçu pour être amovible.

La société détient plus de 25 brevets sur cette technologie innovante.

La mission de Precision est de rendre enfin traitables les situations neurologiques dévastatrices telles que les accidents vasculaires cérébraux, les traumatismes crâniens et la démence, grâce à la technologie d'interface cerveau-ordinateur. Avec près de 100 millions de personnes aux États-Unis souffrant de ces affections, Precision s'engage à faire progresser cette technologie du laboratoire à la clinique pour améliorer la vie de ces individus.

 


 

Ce petit tour d'horizon des ICM n'est pas exhaustif et ne le sera jamais. Mais il permet de mettre en évidence les différentes approches... et les différents objectifs de ces sociétés.

 

Nuances et prudence

Faire parler avant tout

Concernant Neuralink, les critiques sont multiples. Les annonces grandiloquentes de la société génèrent une centralisation des critiques, alors que ces mêmes critiques pourraient être imputées à d'autres sociétés.
Sur le plan technique, il a été soulevé que l'introduction d'un corps étranger peut engendrer un rejet du système immunitaire. De plus, si un tissu cicatriciel se forme autour de l'implant, son fonctionnement pourrait en être altéré.

Habitué des tribunes médiatiques, Elon Musk n'en est pas à ses premiers effets d'annonce qui, finalement, débouchent sur des reports de calendrier. En effet, les "bientôt" sont souvent sur de longues échéances et les "demain" se transforment en "après-demain". Même si cela est presque devenu une habitude, il faut reconnaître la ténacité du PDG, voire son entêtement. C'est pourquoi il est pour l'heure impossible de dire si Neuralink est à l'aube d'une révolution technologique ou d'une impasse qui ne répondrait pas à des objectifs réalisables.

De plus, faute de publications scientifiques suffisantes, beaucoup de chercheurs s'interrogent, par exemple, sur la sécurité des patients. Aucun effet indésirable n'a été déclaré, mais les chercheurs alertent sur les risques d'une telle opération et les conséquences inconnues sur le long terme. Il faudra du temps pour tirer les bonnes conclusions.

Des implants à quel prix ?

Les implants étant encore à l'étape de la recherche, les prix ne sont pas communiqués - et s'ils finissaient par l'être, ils seraient sans doute différents de la réalité du prix du produit mis sur le marché.

Mais existe-t-il un autre prix à payer ? On peut noter une problématique commune à ces différentes Vue d'artiste d'une personne implantée dans le futursociétés : quels seront les effets à long terme de ces implants ? La stabilité de ces implants est-elle fiable ? Les réactions des individus seront-elles toujours les mêmes ? La sécurité des données sans fil est-elle assurée ?
Stephen ALMOND, directeur exécutif du risque réglementaire à l'ICO (Royaume-Uni), a mis en garde sur les risques sous-estimés de ces implants. Par exemple la marginalisation sociale d'une partie de la population qui n'aurait pas les moyens d'accéder à ce type de soins. De plus, des personnes ne pourront jamais accéder aux implants pour des raisons médicales (implants inadaptés à la pathologie, rejet de l'implant, etc.).
D'autre part, la vie privée le sera-t-elle toujours ? Puisqu'il est possible de collecter des données, il est donc possible de géolocaliser, de voir et d'entendre la vie d'un patient selon son implant. L'ICO invite donc à la vigilance sur le "déploiement de manière inappropriée" de ces nouvelles technologies.
Enfin - sur le sujet des augmentations de personnes sans handicap - certaines données inexactes ou des généralités détectées par un implant pourraient conduire à des
biais d'interprétation. L'inéquité serait ainsi une conséquence directe de l'arrivée des implants dans le monde du travail : un employé capable de solliciter les bonnes zones cérébrales, sans utilisation jugée "parasite" de ses capacités serait plus vite promu qu'un autre. Des emplois pourraient être refusés plus facilement, là encore, par ces biais d'interprétation.
Pour éviter d'en arriver là et pour soulever les différentes problématiques, l'ICO va fournir une étude avec des recommandations sur les risques et les bonnes pratiques des neurodonnées d'ici 2025. Le bureau de régulation espère qu'en apportant une vision anticipée de l'avenir, les décideurs pourront encadrer les pratiques.


En 2017, le groupe Morningside alertait également sur ces différents problèmes. Ces chercheurs du monde entier ont publié dans Nature un article s'articulant autour de 4 grandes thématiques à aborder :

  • la vie privée mentale et le consentement : comme l'indique l'ICO, il est capital que les données soient sécurisées.

  • l'individu et l'identité : les ICM peuvent avoir un impact sur la façon de raisonner à long terme. Est-ce mon raisonnement ou une habitude de traitement de calcul ? pourrait devenir une phrase commune générant des angoisses. Un homme ayant utilisé un stimulateur cérébral pendant 7 ans a fini par se demander qui il était. De plus, le principe de l'individu est à surveiller également lorsqu'on sait que plusieurs cerveaux peuvent être connectés ensemble. Une étude a été publiée en 2015 sur 3 singes implantés qui collaboraient pour déplacer un bras robotique. C'était là le premier "réseau de cerveau".

  • l'augmentation des capacités : au-delà des incontournables questions sociétales déjà évoquées, le groupe Morningside invite à des réponses claires et un consensus. Il souligne que l'interdiction pure et simple des implants d'augmentation pourrait mener à la clandestinité. Leur demande la plus basique est d'interdire ces augmentations dans l'armée (si possible dans un traité international).

  • les biais : Les différents biais possibles (qu'ils soient statistiques ou mathématiques) présentent l'inconvénient d'entraîner des généralités et donc des erreurs. Le groupe Morningside invite à établir des contre-mesures et des pare-feux capables de réduire ce risque d'erreurs.


De gauche à droite, Rahmi AKTEPE et Stephen ALMOND © TBD © ICO Dans le même registre que Stephen ALMOND et le Morningside, le président de l'association turque de l'informatique et ancien directeur du centre de technologie de l'information turque, Rahmi AKTEPE, indiquait dès 2020 les risques de piratage de ces puces et implants. Il évoque la possibilité qu'un virus informatique puisse endommager le cerveau mais aussi d'autres fonctions du corps. Il imagine également possible une prise de contrôle d'un être humain à distance. Ce serait là une désastreuse porte d'entrée pour une cyber-attaque.
Bien sûr, il nuance son propos en constatant la volonté pour quelqu'un comme Elon MUSK de vouloir apporter un progrès pour l'humanité. Cependant, là encore, il se veut méfiant sur les questions éthiques soulevées par un implant soutenu par une intelligence artificielle et sur cette future compétition - futile - pour développer l'humain le plus intelligent au monde.

 

Quel avenir ?

De par leur variété et leur évolution, il est très difficile de conclure sur cette grande thématique des implants d'interface cerveau-ordinateur. La concurrence dans le domaine engendre parfois des innovations et des progrès, mais aussi des impasses ou des manques de financement. Il semble qu'un nouvel eldorado vienne de voir le jour, en parallèle du développement de l'intelligence artificielle (IA). La croisée des 2 domaines permet d'envisager un futur radicalement différent pour les personnes souffrant d'un handicap.

Cependant, on peut encore se demander dans combien de temps cette technologie sera aussi facilement disponible qu'une opération chirurgicale simple et surtout à quel tarif. N'est-ce là qu'un espoir inaccessible ?

Mais si la technologie devient disponible, pourquoi se limiterait-elle aux personnes souffrantes ? Les gens n'ayant aucun problème ne se verraient-ils pas, eux aussi, équipés d'implants afin de gagner du temps dans leur vie quotidienne ? Serait-ce la disparition annoncée du smartphone ? Et pourquoi ne pas optimiser l'usage des muscles en les programmant pour une séance de sport ? Pourquoi ne pas augmenter les capacités de concentration - et donc céder une partie de son libre-arbitre - afin d'être plus productif ?
Quels seront les jalons qui encadreront l'envie de profiter de la puissance de calcul d'une IA pour les études, le travail, les loisirs ? Quels seront les freins qui empêcheront de nuire ou de contrôler les gens ? Quelles valeurs auront les diplômes, les décisions d'un patron ou d'un politicien assisté par une IA grâce à un implant cybernétique ? Les employés pourraient-ils être forcés à travailler en réseau de cerveau dans certaines entreprises ?

Derrière ces menaces, bien réelles, se cache un potentiel incroyable et inédit dans l'histoire de l'humanité.
Serons-nous un jour des Homo Cyberneticus ?

 


J'espère que vous avez aimé cet article. Vous pouvez le retrouver ici. Il suffit également d'un clic pour consulter l'intégralité du dossier Quand la science rattrape Star Wars.

Comme toujours, je vous invite à consulter les sources dans l'onglet "sources" des articles. Vous y trouverez des sites internet et parfois des vidéos.

À bientôt dans notre galaxie !

Parution : 31/12/2024
Validé par : Xendor
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Les 10 derniers messages (voir toutes les réponses) :
  • 08/11/2024 - 14:00
    Tu vois les choses comme tu veux :D
    Les articles ne sont pas faits pour "chercher loin" ou raccommoder (sinon je parlerais de l'univers étendu :paf:).
    Le but est de prendre un sujet et de voir quelles sont les curiosités qui en découlent. Surtout lorsque la matière de départ est aussi vague que la Force ou aussi insolite qu'un brouilleur de parole... :)
  • 09/11/2024 - 15:23
    J'ai déjà expérimenté malgré moi la chose sur des logiciels de discussions vocales et effectivement : c'est très déroutant de parler et de s'entendre en retour :paf:
    avec en prime, les variations de qualité d'enceinte et de micro du responsable du retour son... :roll:
  • 10/11/2024 - 20:24
    Déjà au "naturel", c'est très compliqué de continuer à parler quand l'interlocuteur parle exactement en même temps que toi :transpire:
  • 10/11/2024 - 21:37
    le malaise quand on s'entend est amplifié par le fait que notre voix enregistrée ne correspond pas à celle qu'on entend en s'écoutant parler :transpire:
  • 11/11/2024 - 7:58
    C'est clair ! Nombreux sont ceux qui ne supportent pas d'entendre leur voix d'ailleurs :D
  • 11/12/2024 - 13:45
    je vois revenir cette image de temps en temps
    et bien que ça prétend être la reconstitution d'un Elasmotherium dans un musée ? ( y a ce lien aussi)
    Image

    on dirait plus une repro du Mudhorn qu'une statue réaliste de l'Elasmotherium...
    Spoiler: Afficher
    Image
  • 12/12/2024 - 7:52
    Je ne connaissais pas du tout et je te rejoins complètement. La ressemblance est plus que frappante, ce qui me fait penser que ça va sans doute au-delà d'une simple coïncidence (même si ce n'est pas à exclure).
  • 12/12/2024 - 8:34
    l'elasmotherium est surement une des inspirations du mudhorn : je n'ai pas creusé à fond la question :wink:
  • 02/01/2025 - 17:13
    Nouvel article en ligne pour ceux qui l'aurait manqué :
    Lobot et son implant cérébral.

    Bonne lecture :)
  • 02/01/2025 - 20:47
    Xendor a écrit:Nouvel article en ligne pour ceux qui l'aurait manqué :
    Lobot et son implant cérébral.

    Bonne lecture :)

    Très intéressant comme d'habitude, merci :jap:
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