StarWars-Universe.com utilise des cookies pour faciliter votre navigation sur le site, et à des fins de publicité, statistiques, et boutons sociaux. En poursuivant votre navigation sur SWU, vous acceptez l'utilisation des cookies ou technologies similaires. Pour plus d’informations, cliquez ici.  
 
Blanche.

La pièce où ils l’avaient jeté était blanche, une blancheur limpide, lumineuse, absolue. Une blancheur d’ivoire poli. Une blancheur de cadavre. Lando, recroquevillé dans un coin de la cellule, menottes aux poignets, ferma les yeux pour les soulager de l’aveuglante lumière dispensée par l’éclairage branché sur le mode « insupportable ».

Ils l’avaient laissé seul, le temps de faire travailler son imagination – Lando avait vaguement entendu parler de ce procédé au demeurant fort classique. Les Stormtroopers l’avaient bien sûr frappé au cours du trajet jusqu’au Lusankya, histoire de lui montrer qu’il n’en était qu’au début de son calvaire. Un calvaire dont on lui avait fait comprendre qu’il durerait à vie.

Lando rouvrit les yeux. Son regard se perdit dans la blancheur immaculée de son dernier univers.

Que s’était-il passé ? Qu’est-ce qui avait merdé ? Comment Isard l’avait-elle retrouvé ? Et Nora ? Que faisait Nora ? Où était Nora ? Nora était-elle à l’origine de son arrestation ? Nora l’avait-elle trahi ?

Il secoua la tête en un violent spasme neuromusculaire. Non, c’était impossible. Nora ne l’avait pas trahi, Nora ne pouvait l’avoir trahi. Il l’aimait, elle l’aimait, il le savait, l’avait toujours su. Elle ne pouvait pas l’avoir livré, elle ne pouvait pas l’avoir manipulé.

Mais plus Lando y réfléchissait, plus cette hypothèse s’imposait logiquement à son esprit. Depuis le début, elle s’était servie de lui. Elle lui avait sauvé la vie pour mieux le perdre. Elle l’avait poignardé dans le dos. Non, c’est absurde…

Plusieurs zones d’ombre demeuraient. Le mobile de ce jeu particulièrement diabolique et tordu. Et divers autres éléments. Quantité d’autres éléments. Pourquoi ne pas l’avoir fait coffrer dès son arrivée à Coruscant ? Pourquoi…

Lando referma les yeux. Se prit la tête dans ses mains. Depuis combien de temps traînait-il ici ? Il ne savait. C’était le but de ses futurs tortionnaires : lui fait perdre toute notion du monde extérieur, lui interdire tout contact avec la réalité. Qu’allaient-ils faire de lui ? Le saigner à mort ? Lui laver le cerveau pour en faire un vrai combattant de l’Empire, un tueur à gages chargé d’abattre les héros de l’Alliance ? Ces incertitudes, ces questions, finissaient par lui peser.

Sssssshhhhhhh…

Sifflement caractéristique de l’ouverture de porte. Et effectivement, une ombre se profila sur le sol, jusqu’à ses pieds. L’éclairage de sa cellule fut quelque peu réduit pour l’occasion. Quelqu’un entra, puis quelqu’un d’autre.

En rouvrant ses yeux, Lando put reconnaître le si charmant visage d’Ysanne Isard et le légendaire uniforme écarlate qu’elle se plaisait à revêtir. A sa suite, un jeune homme de grande taille et d’allure imposante, les cheveux bruns coupés courts, le regard lourd de meurtre. Il portait un uniforme d’officier impérial avec une barrette pourpre sur le côté droit du torse.

- Bonjour, Calrissian, sourit perfidement Isard. J’espère que cette salle vous a permis de vous mettre à l’aise.
- J’avoue que cela ne vaut pas les quartiers de Kessel, répliqua Lando, mais…

Il allait se lever quand l’officier impérial se dressa devant lui, le saisissant par les épaules pour le rejeter à terre.

- Garde Impérial Tierce, intervint doucereusement Isard, veuillez donc laisser notre ami poursuivre…

Le dénommé Tierce jeta un coup d’œil haineux à l’encontre de Lando, avant de revenir aux côtés de Cœur de Glace.

- Trop tard, maugréa Lando. Votre barbouze m’a ôté toute inspiration.
- Espérons que ce n’est que passager, fit Isard. Cela dit, j’imagine que vous avez cogité, depuis votre arrivée ici ?
- Je crois avoir réussi à déterminer qui de Kyle Katarn ou de Bria Tharen a réussi à remettre les plans de la première Etoile Noire à l’Alliance.

Isard éleva brièvement la main en direction du prisonnier. Tierce revint sur lui, le souleva par la gorge, lui asséna un violent direct à l’abdomen, un coup qui lui fit croire qu’il ne pourrait plus jamais respirer. Encore un autre direct, cette fois au visage… Lando s’écroula comme une loque essayant vainement de retrouver son souffle.

- Vous ne savez pas forcément qui en est le premier responsable, reprit Isard sur un ton nettement plus froid.
- Vous avez une théorie ? geignit Lando en se redressant.
- Disons que la personne qui a rendu possible cette catastrophe est la même qui comptait se servir du Document de Caamas pour manipuler nos amis Bothans.
- Pas que les Bothans, ajouta Calrissian, haletant. Nous. Et vous.
- En effet.

Isard se frictionna les tempes, comme pour montrer qu’elle aussi, elle avait cogité… Lando se demanda quel jeu elle jouait. Et où était Nora ?

- Je suppose que vous n’allez pas m’en dire plus, hasarda-t-il.

Nouveau sourire de Isard, sourire que Lando fut dans l’incapacité de déchiffrer. A côté, Tierce restait de marbre.

- Rassurez-vous, Calrissian. Comme vous m’avez été très utile, je vais vous rendre la pareille en détaillant le rôle que vous avez joué dans cette histoire.

Le rôle que j’ai… Ainsi c’était donc cela. Isard, par l’intermédiaire de Nora, l’avait utilisé comme un pion sur un échiquier. Très joyeux, décidément.

- Je m’étonne, cependant, que vous ne me demandiez pas des nouvelles du Major Reeze, observa Isard, l’air narquois.
- Il est vrai qu’elle me manque beaucoup.
- Un bon coup, c’est si rare de nos jours, fit valoir ironiquement Cœur de Glace. J’ai visionné des enregistrements de vos ébats. Je suis très impressionnée. A tel point que je me demande vraiment si je ne devrais pas, en fin de compte, vous soumettre aux séances de rééducation psychologique pour faire de vous mon esclave sexuel.
- Un dîner et un regard langoureux auraient fait l’affaire, opina Lando.
- C’est possible, je ne m’embarrasse pas de telles considérations sociales. Voyez-vous, Calrissian, le pouvoir facilite bien des choses.
- C’est aussi le meilleur des aphrodisiaques, précisa Lando. Palpatine le savait, non ?

Cette allusion aux rumeurs courant sur le pourquoi de l’ascension politique de Cœur de Glace laissa cette dernière… de glace.

- Le Major Reeze a apprécié cette expérience, poursuivit Isard sur le même ton. Je vous ai laissés tous les deux en profiter avant de venir vous chercher.
- Quel tact !

Cette fois, Lando fut en mesure de sourire. Il crut qu’Isard allait lancer son molosse lui exploser la face – mais rien ne se produisit.

- A dire vrai, c’est grâce à elle si toute cette opération a été rendue possible, fit valoir le Directeur de l’Ubiqtorate.
- On ne soulignera jamais assez l’efficacité de vos lavages de cerveau, observa Lando.

Isard éclata de rire. Un rire qui lui fit froid dans le dos.

- Détrompez-vous, Calrissian. Elle a toujours travaillé pour moi, en conscience. Pour son bien, le mien, et donc…
- … celui de l’Empire, acheva Lando.

Il essayait d’ironiser, de lui arracher divers renseignements. Mais cette dernière révélation de Cœur de Glace eut pour effet d’accroître le rythme de ses pulsations cardiaques – outre de lui bétonner les poumons.

- Voyez-vous, le Major Reeze était quelque peu en froid avec mon prédécesseur, lui apprit Isard. Elle vous a laissé fuir Coruscant pour que vous vous réfugiiez à Bespin, et s’est mis en tête de mener sa guerre personnelle contre l’Ubiqtorate. Mais voilà…
- … vos chemins se sont croisés, devina Lando, à bout de souffle.
- Exact. Une véritable alchimie cérébrale. Nous avions tous les deux le sentiment que mon prédécesseur était devenu pire qu’inutile à la cause de l’Empire : un véritable traître.
- Et vous vous êtes débarrassé de lui.
- Vous n’êtes pas idiot, Calrissian. Effectivement, le Major Reeze m’a rendu de précieux services à cet égard, en fabriq… en découvrant diverses preuves de la collusion de mon prédécesseur avec la rébellion. Notamment cette histoire de plans de la première Etoile Noire.

Lando, en dépit de l’épuisement et des douleurs que lui avait infligées Tierce, réfléchissait à vitesse grand V. Les informations que lui livrait Isard dépassaient tout ce qu’il avait pu imaginer. Nora… non… impossible… Ce portrait ne correspondait en rien à ce qu’elle était en réalité. Et pourtant…

Tout se tenait, pour le moment.

- Suite à ma nomination à la tête de l’Ubiqtorate, reprit Cœur de Glace, je l’ai maintenue à la section anti-Contrebande, pour faire pression sur les Hutts et le Soleil Noir. Et elle a réussi à faire craquer ce pauvre Wetzel…

A cet instant, un sourire imperceptible se dessina sur le visage épuré de Tierce. Isard sut que Tierce souriait. Elle prit de nouveau la parole :

- Evidemment, cet amour fou que le jeune colonel portait au Major Reeze me permettait de mieux surveiller le supérieur de Wetzel, le général Kutchann. Ce qui s’avérerait fort important pour la suite, puisque c’est Kutchann qui monterait cette manipulation autour de Caamas et Bothawui.
- Kutchann ?

Lando se souvenait de ce que lui avait dit Acritt au sujet de ce type. « Le Grand Kutchann ». Une légende du monde de l’espionnage. Conseiller occulte de Palpatine depuis un sacré paquet d’années. Un Impérial pur jus. Et c’était Kutchann qui avait voulu se servir des Bothans ? Mais pourquoi ?

- J’y viens, le rassura Isard, comme si elle lisait dans ses pensées. Soyez patient, le meilleur est à venir. Donc, Reeze partageait le lit – et les secrets – de Wetzel. Kutchann s’est-il méfié ? Je crois plutôt qu’il voulait lui-même s’en servir à son profit. Toujours est-il que Reeze a été mutée sur l’Executor, au service de renseignements du Seigneur Vador. Un poste ô combien glorieux – et mortel. Je crois que vous en savez quelque chose.
- Il est vrai que je conserve des souvenirs particulièrement palpitants de notre rencontre sur Bespin.
- Je me suis arrangée avec Vador, dès le retour de ce dernier au Centre impérial, pour réinstaller Reeze auprès de Wetzel. Kutchann ne pouvait que s’écraser, quels qu’aient été ses intentions.
- Plutôt ingénieux de votre part, admit Lando.
- N’est-ce pas. Wetzel ne pouvait qu’être heureux.
- J’en suis certain.

C’est impossible… C’est impossible… Le monde de Lando s’écroulait. Il s’écroulait. Tout s’écroulait. Nora, agent d’Isard ! Non… Je ne puis y croire…

- Dans le même temps, Reeze contactait les Rebelles pour entrer à leur service – sur mon ordre, bien entendu. La qualité de ses renseignements était telle qu’elle a fini par être placée sous le contrôle direct de Borsk Fey’lya.
- Fey’lya ? Mais…
- Silence ! l’interrompit Isard.

Il se la boucla. Mais n’en pensait pas moins.

- Je présume que, tout comme l’Ubiqtorate, les services de renseignements de l’Alliance connaissent leurs lots de luttes intestines, expliqua Isard. Le capitaine Acritt, votre supérieur, ne devait pas être au courant de cette mainmise opérée par Fey’lya. Peu importe, après tout. Reeze m’a permis d’intoxiquer savamment nos ennemis, même si je daignais transmettre de véritables informations pour en accroître la crédibilité.
- Vous êtes vraiment tordue.
- C’est ce que mon prédécesseur me disait, confirma Cœur de Glace avec une étrange lueur dans le regard. Mais passons. Vous savez sans doute que le Document de Caamas avait été dérobé par les Bothans et récupéré in extremis par un commando impérial. Et vous savez aussi que ce Document avait de nouveau disparu.
- En effet, c’est ce qui a fait que j’ai été envoyé sur Coruscant.
- Le Major Reeze avait réussi, grâce à la nature de ses relations avec Wetzel, à établir que c’était ce dernier qui avait volé cette pièce d’archive. Elle avait pareillement localisé le Document. A ce stade, nous aurions pu intervenir nous-mêmes, mettre Wetzel aux arrêts.
- Mais vous n’auriez récolté qu’un succès mineur.
- Parfaitement. Et avec Kutchann, je préférais agir avec prudence – vous n’ignorez pas que la mort de Palpatine a malheureusement déchaîné les ambitions de nombreux médiocres installés dans la hiérarchie du pouvoir.
- Aussi vous êtes vous servie de l’Alliance.

Sourire épanoui d’Isard. Lando flippait.

- En laissant des espions rebelles faire le sale boulot à notre place, j’espérais d’une part humilier l’Alliance, d’autre part pousser les alliés de Wetzel à sortir de leurs trous et à commettre des erreurs.
- Et j’imagine que les résultats ont dépassé vos plus folles espérances.
- Vous imaginez juste. Les Bothans ont paniqué, ont informé Wetzel, et la suite, vous la connaissez, au moins en partie. Kutchann lui-même a fini par être démasqué. Vous avez joué à merveille votre rôle de grain de sable dans leur machine superbement huilée.
- Le Major Reeze a été une très bonne guide – et une excellente garde du corps.
- Sa mission était de vous faire croire à sa trahison au profit de l’Alliance – et d’assurer votre… « protection » jusqu’à ce que vous mettiez la main sur le Document. Vu les moyens mis en œuvre par Wetzel, ça s’imposait, non ?
- Quelque chose ne me paraît pas encore très clair, fit Calrissian, pensif. Pourquoi m’avoir choisi, moi ?

Les yeux d’Isard se plissèrent en un mouvement très lent, sinistre.

- Vous ne devinez pas, monsieur le héros ?

Monsieur le héros… Le sang de Lando se congela. C’était donc ça…

- Parce que vous êtes le pilote qui a détruit l’Etoile Noire, voilà pourquoi ! cracha l’officier Tierce.

On y était enfin… Isard faisait décidément d’une pierre une infinité de coups. « Utiliser » Lando par le biais d’une femme dont il était fou amoureux pour l’emporter contre une faction rivale des services de renseignements impériaux lui permettait également de mettre la main sur le pilote qui avait détruit le symbole blindé de l’Empire – et accompli l’un des retournements de situation militaire les plus décisifs et les plus rapides de l’Histoire.

Machiavélique à donfe… euh, à fond… Si le sicba s’incrustait, il était mal…

- Quel naïf j’ai été, murmura Lando sur un ton empreint d’ironie. Je pensais que mon exploit était encore méconnu.
- Nous comptons d’assez bonnes sources d’informations, très cher, répondit fielleusement Isard. En vérité, la plupart de vos messages radio ont été interceptés lors de la bataille d’Endor – et déchiffrés après coup. Je me suis rappelée que le Major Reeze avait connu une tumultueuse liaison avec vous : je n’ai eu qu’à donner un ordre.

Un plan tordu – tordu – tordu – tordu.

- Mais vous ne savez pas encore tout, révéla le Directeur de l’Ubiqtorate sur un ton qui n’augurait rien de bon. En fait, Wetzel et vous vous situiez dans le même camp.
- N’importe quoi ! pesta Lando.

Là encore, une réponse directe, qui lui était sortie comme ça – et qu’il regretta aussitôt d’avoir prononcée.

- C’est vrai, je l’avoue, je résume un peu une histoire assurément plus complexe, sourit Isard. Mais cet infortuné Wetzel travaillait pour Kutchann, et ce dernier entretenait le projet de livrer Coruscant à l’Alliance.
- Quoi ?

Isard et Tierce parurent s’amuser de la situation. Ils en jouissaient. Isard, surtout. Elle prenait son pied à torturer les gens, par tous les moyens – y compris le verbe.

- Mais oui, parfaitement, confirma-elle. Wetzel a tout avoué. Kutchann avait néanmoins besoin du soutien que pourrait lui apporter le Gouverneur du Centre impérial, le Grand Moff Nesta, lequel contrôlait les boucliers et une partie des forces de défense de la capitale planétaire. Ils le tenaient par le chantage : Nesta faisait partie du Soleil Noir et, de ce fait, pouvait tout perdre du jour au lendemain. Depuis que vous vous êtes rendu dans le palais de feu Xizor, cette organisation a perdu tout intérêt pour l’Empire, si vous voyez ce que je veux dire.
- Je sais, oui.
- Evidemment, Kutchann ne pouvait se contenter de menacer Nesta. Il lui fallait également un moyen de le convaincre qu’il pourrait gagner gros. Il lui a donc proposé de devenir, en échange, le patron du Soleil Noir, de récupérer à son profit une organisation qui serait sauvée par la chute de l’Empire. Nesta s’en est félicité. Il perdrait son poste de Gouverneur, mais hériterait de la plus puissante institution criminelle de la galaxie.
- Seulement voilà : l’Alliance n’aurait jamais accepté de négocier avec Nesta.
- Très juste. Kutchann lui avait appris qu’il faisait partie de la liste des criminels de guerre instamment recherchés par l’Alliance. Comment faire, alors ?
- Forcer la main à l’Alliance. Ou certains de ses membres.
- J’ai toujours su que votre intelligence dépassait celle de mes adjoints. C’est exactement ce qui s’est passé. Et nos conspirateurs ont ainsi décidé de s’en prendre…
- … aux Bothans, acheva Lando. Par l’intermédiaire du Document de Caamas.
- Je dois avouer que c’était assez osé, reprit Isard. Toujours est-il que tout le monde devait y trouver son compte. Les Bothans auraient la gloire de libérer Coruscant et de par leur nouvelle position au sein de l’Alliance, auraient été suffisamment puissants pour autoriser Nesta à gouverner le Soleil Noir et se montrer tolérants à son égard. Quant à Wetzel, outre qu’il aurait récupéré le poste de vigo en attendant d’éliminer le Parrain, il obtiendrait enfin vengeance.
- Vengeance ?

Un autre sourire plissa le visage de Tierce.

- C’était un Alderaanien, déclara Isard en dosant soigneusement ses effets.

Lando manqua d’en rester bouche bée. Son pire ennemi dans cette course mortelle à travers Coruscant travaillait non seulement contre l’Empire, mais était en plus… originaire… d’Alderaan !?!

- C’est absurde.
- Pourquoi ? s’étonna sincèrement Isard. Ce n’est pas parce qu’Alderaan a été détruite que ses habitants étaient des enfants de chœur.

Lando n’avait ainsi fait que mettre des bâtons dans les roues de gars qui, et peu importaient leurs motifs, auraient pu hâter la fin de cette guerre. Ce qu’il avait réalisé à Endor, il venait de l’effacer ici. Et le plus drôle était que Nora, son amante, était sa véritable ennemie, et Wetzel son allié objectif de circonstance…

- Vous avez du prendre un malin plaisir à nous jouer les uns contre les autres, estima Lando.

Isard se caressa gracieusement sa chevelure sombre.

- C’est assez fréquent, en vérité, du moins en temps de guerre, confessa-t-elle. Si deux régiments de la même armée s’avancent vers le même objectif via des chemins opposés et sans communiquer entre eux, ils risquent de s’entretuer de la plus belle manière. Je n’ai fait que reproduire ce syndrome.
- L’un joue contre l’autre, et vous raflez la mise.
- A dire vrai, je me suis un peu inspirée d’une technique des guerriers noirs de Sith que m’avait enseignée le général Kutchann il y a quelques années, avant que je ne remplace mon prédécesseur. Le Triangle de la Subversion. Un Maître Sith, pour recruter un Jedi clair, le faisait affronter un Jedi sombre. Seule l’invocation de ce que ces types nomment le Côté Obscur était à même de permettre au Jedi clair de l’emporter. Et de tomber sous la coupe du Maître Sith.
- Vous savez, moi, les Jedi… opina Lando, pas convaincu et encore moins intéressé.
- Aucune importance, puisque vous avez accompli la mission que « je » vous avais confiée. A présent, le Document de Caamas est en lieu sûr, le complot impérial démantelé, et vous êtes ici.

Lando était atomisé de l’intérieur. Ses meilleures certitudes lâchaient les unes après les autres.

- Puis-je vous poser deux questions stupides ? demanda-t-il au bout d’un moment qui lui parut très long.
- Mais je vous en prie ! l’invita Isard avec courtoisie.
- La première : quels étaient les mobiles de Kutchann ? Je n’ai jamais cru savoir qu’il était un espion rebelle.

Isard hocha la tête, l’air dubitatif.

- En toute sincérité… amorça-t-elle.
- Oh, voyons, sourit péniblement Lando.

Signe discret d’Isard à Tierce. Coup de pied de Tierce dans le ventre de Lando. Affaissement de Lando. Halètement de Lando.

- J’ignore pourquoi ce cher général a agi ainsi, reprit Cœur de Glace. Comment un homme de cet acabit peut-il disjoncter à ce point, je ne sais. Sans doute voulait-il sauver sa peau en éliminant l’Empire, et pensait-il se débarrasser de Nesta après le coup.
- C’est tout le problème de notre époque.
- On ne peut faire confiance à personne, en conclut savoureusement Isard. Seconde question ?
- Oh, je n’ose…
- Si, si, allez-y.
- Qu’allez vous faire de ma petite personne ?

Sourire de Lando. Réponse souriante d’Isard.

- Vous le saurez très bientôt. En attendant…

Elle tourna les talons, se dirigeant d’un pas martial vers la sortie.

- … d’importantes affaires m’attendent, et je crois que le Garde Impérial Tierce souhaite s’entretenir avec vous. Je vous laisse donc entre hommes.

Elle était sortie. La porte se referma en un bref mugissement glaciaire.

Garde Impérial Tierce, se dit Lando en dévisageant l’homme demeuré dans la cellule.

Tierce le saisit à nouveau par les épaules, le plaqua debout, sur un mur, violemment – brutalement.

- Madame le Directeur ne désire pas que j’abîme votre précieux visage, énonça froidement le Garde Impérial, dont Lando pouvait ressentir l’haleine prédatrice. Pour la suite des événements. Mais en ce qui concerne le reste, j’ai carte blanche.
- Je n’ai pas l’impression que vous me portiez dans votre cœur, observa Lando en s’efforçant de ne pas paraître terrifié.
- Vous avez tué l’Empereur, dit Tierce. Et vous allez payer.

La seconde d’après, le premier coup porté par le Garde Impérial lui matraqua les entrailles… Et ce n’était que le début…






* * *










« Alderaan a cessé d’exister ».

Il avait appris la nouvelle comme ça – tout connement. Un pote de l’Ubiqtorate était tombé sur le lecteur d’holo-news, et l’info s’était répandue comme une traînée de poudre. Pendant quelques heures, il n’avait été question que de ça, dans les bureaux et les couloirs – jusqu’à l’annihilation de l’Etoile Noire elle-même.

Alderaan. Détruite.

L’anéantissement n’avait pas concerné la seule population. Toute la planète avait été réduite en poussière de particules, en quelques secondes. Un rayon, et pffff… Plus rien. Les villes et les villages, les fleuves et les ruisseaux, les océans et les lacs, les forêts et les montagnes, tout avait été désintégré. Dispersé. Atomisé.

Tout.

Et il ne restait rien.

Rien qu’un champ d’astéroïdes dispersés aux quatre vents. La plus belle planète de la galaxie avait été tout simplement rayée de la carte. Papa, maman avaient été rayés de la carte. Bail Organa, sa famille de tocards, avaient été rayés de la carte. Les marchands, les industriels, les ouvriers, les paysans, les riches, les pauvres, les adultes, les enfants, les vieillards, avaient été rayés de la carte.

Wetzel avait été décoré par l’Empereur le même jour, en compagnie du général Kutchann. La catastrophe lui avait été révélée peu après. Il lui avait fallu déployer des trésors de duplicité, multiplier les sourires, les courbettes, les professions de foi pour dissimuler l’ampleur de son désespoir. Wetzel avait été à deux doigts d’en finir, de s’exploser la mâchoire d’un coup de blaster, en terminer avec cette vie qui ne valait plus rien.

Il avait pu avoir accès à l’enregistrement de la séquence de mise à feu du rayon laser de l’Etoile Noire – ladite scène avait été filmée et envoyée à l’Empereur peu avant la bataille de Yavin-4. Il avait vu et revu le Grand Moff Tarkin exiger de la Princesse Leia, cette poufiasse rebelle, de révéler l’emplacement de la base terroriste. Il avait vu et revu la Princesse Leia refuser, puis fondre en larmes, avouer ce que Tarkin lui réclamait. Il avait vu et revu Tarkin sourire – un sourire qu’il n’oublierait jamais – en confessant à Leia qu’il s’était joué d’elle, qu’il allait tout de même « poursuivre la démonstration », et que…

Cette vision avait définitivement tué toute velléité suicidaire chez Wetzel. Dès cet instant, il sut ce qu’il avait à faire… Il…

… se réveilla.

Isolé dans une cellule de ce qu’il savait être le supercroiseur Lusankya, affalé sur le sol, le corps réduit en miettes, l’ex-colonel Yohanz Wetzel se prenait à réfléchir sur son destin. Un destin qui avait viré à l’incompréhensible.

Le plan de Kutchann avait échoué – une première, pour cet être infaillible. Wetzel n’en connaissait pas toutes les raisons, mais Isard, au cours de son précédent « interrogatoire » par lequel il avait été contraint de tout déballer – efficacité des moyens mis en œuvre aidant –, lui avait révélé diverses informations. Ce qui avait, au final, permis à cette ordure en uniforme rouge d’enrayer leur projet, tenait à l’intervention de deux éléments guère prévus : Lando Calrissian et Grodin Tierce. Deux interventions isolées, sans le moindre lien entre elles, mais qui avaient fini par converger pour mettre en échec la conspiration par laquelle Kutchann avait impliqué Nesta.

Isard savait tout, sur lui. Sa liaison avec Nora. Son passé d’Alderaanien. Isard l’avait cueilli en compagnie du général, là où était planqué ce Document de Caamas qu’elle avait, disait-elle, « sous la main »… La technologie cérébrale avait fait le reste. Wetzel avait du tout avouer, contre son gré.

Et maintenant, il était là, seul, dans cette cellule d’une blancheur hivernale. Sans rien savoir. Qu’était-il advenu de Nesta ? Avait-il été arrêté ? Visiblement, oui – le Lusankya était encore intact et n’avait pas bougé, ce qui laissait supposer qu’il se trouvait encore sous la surface de Coruscant, et que par conséquent Isard n’avait pas fui.

Kutchann avait été arrêté, Wetzel le savait pour y avoir assisté. Mais il avait cru comprendre, par des bruits de couloir, par les chuchotements de ses geôliers, qu’il était parvenu à s’enfuir, à s’évader – s’évader… Comment y était-il arrivé ? Mystère total.

Certes, ce type était un mystère à lui tout seul. Un proche de Palpatine, oui, mais personne ne savait depuis combien de temps ils se connaissaient. A une époque, Wetzel avait effectué des recherches sur le personnage, n’avait pratiquement rien trouvé. Un document anodin des services de renseignements de l’ex-Sénat républicain mentionnait pour la première fois son nom plus de dix ans avant l’avènement de l’Empire. Avant cela, rien. Et après, très peu.

Wetzel avait longtemps vénéré Kutchann, mais quelque chose en lui l’avait toujours inquiété. Cette espèce de distance qu’il avait essayé d’instaurer entre lui et la plupart des leaders impériaux, à l’exception peut-être de Pestage, et bien sûr l’Empereur. Certes, ce n’aurait pas été le premier hiérarque à rechercher la satisfaction de ses propres intérêts. Mais le problème était que Kutchann n’avait jamais semblé nourrir de véritable intérêt. Wetzel n’était jamais parvenu à établir les motivations du général.

Et le mystère s’était épaissi depuis la destruction d’Alderaan – date à laquelle Wetzel s’engagea à fond dans la lutte contre le despote tyrannique qui avait trahi les idéaux initiaux de l’Ordre Nouveau. Car dès cette époque, Kutchann, jusque là d’une loyauté sans faille à l’égard de l’Empereur, se mit à travailler contre lui. Oh, pas à la manière inefficace de cette Alliance ridicule dont les objectifs étaient de ramener au pouvoir un régime discrédité depuis des années. Pas à la manière non plus de ces pitoyables traîtres qui refilaient des renseignements souvent périmés à leurs commanditaires – non, ça c’était plutôt un comportement à la Nesta.

Rien à voir, en fait. Kutchann, avec l’aide de Wetzel, avait mis au point un projet qui devait aboutir à la destruction irrémédiable de l’Empire. Un plan qui commença par la désintégration de la première Etoile Noire à Yavin et qui se serait achevé par la chute de Coruscant, quelques jours après Endor.

Le projet avait été long à mettre en œuvre. Mais jusqu’à la phase ultime, il avait marché à la perfection. Et Wetzel pouvait s’enorgueillir d’y voir grandement participé.

Ce qui, de toutes les façons, ne répondait pas à la question des mobiles de Kutchann. Ce fut sans doute cette interrogation lancinante qui poussa Wetzel à se demander si lui non plus n’avait pas été manipulé.

D’où une méfiance qui grandit avec le temps, et qui aboutit à ce qu’il convînt avec Nesta de faire cavaliers seuls dans l’affaire Calrissian. Nesta alla même plus loin, puisqu’il autorisa son chasseur de primes à éliminer Kutchann en même temps que Tierce. Peut-être le Grand Moff voulait-il reprendre un peu le contrôle des événements, Wetzel ne savait.

Finalement, ils avaient tous échoué. Par extraordinaire, Isard les avait tous doublés. Kutchann, Nesta, Wetzel, l’Alliance. Tout le monde.

Et le projet n’avait pu aboutir. Mais en vérité, là n’était pas le plus dur.

Non, le plus dur, c’était cette confidence qu’Isard lui avait adressée au creux de l’oreille, à propos de… salope… pute… Nora.

Nora travaillait pour Isard. Elle la renseignait sur les moindres faits et gestes de Wetzel. Elle avait… salope… pute… même aidé ce Lando Calrissian à retrouver le Document de Caamas, dans le cadre d’une vaste manipulation opérée par Ysanne. Ce fameux combattant qui les avait tous mis hors de combat, l’avant-veille, dans cet appartement de banlieue impériale, ce n’était autre qu’elle, le… salope… pute… « Major Reeze ».

Elle l’avait… salope… pute… trahi. Elle s’était servie de lui… salope… Elle avait menti… pute… Elle avait simulé… traîtresse… Ces gestes, ces paroles d’amour, du baratin. Elle avait parodié des sentiments qui l’avaient, lui, ravagé au plus profond de son âme. Salope… pute… traîtresse…

Seule la haine maintenait encore son esprit à flot. Toutes ses pensées, toute sa volonté, tout son être étaient tendus vers cette seule ambition : faire payer à cette salope, à cette pute, toutes ses infamies. Il ne rêvait plus qu’à… salope… pute… ça.

L’Empereur avait fait détruire Alderaan, avait tué son père, sa famille, ses proches : et l’Empereur était mort. Nora avait détruit ses dernières illusions, avait détruit son cœur et son âme : son châtiment serait à la hauteur des souffrances qu’elle lui avait infligés.
<< Page précédente
Page suivante >>