StarWars-Universe.com utilise des cookies pour faciliter votre navigation sur le site, et à des fins de publicité, statistiques, et boutons sociaux. En poursuivant votre navigation sur SWU, vous acceptez l'utilisation des cookies ou technologies similaires. Pour plus d’informations, cliquez ici.  
 
Coup de poing.

- Quel est votre problème, Calrissian ?

En dépit des douleurs qui lui usaient les nerfs, Lando trouva le moyen d’être stupéfait par la question. Tierce tournait autour de lui, façon fauve.

- Quel est votre problème, Calrissian ? répéta précautionneusement le Garde Impérial sur un ton limite professoral, comme s’il prenait un élève en faute.
- Je… ne… vois… pas… ce que vous voulez dire…

Coup de pied. Tierce ne quittait pas Lando des yeux.

- C’est pourtant simple : votre problème ! répéta l’Impérial. Quel est-il ?

Coup de pied.

- Je crois que mon problème, c’est vous, fit Calrissian en grimaçant.

Curieusement, Tierce ne le bastonna point. Le visage du Garde s’illumina à nouveau.

- Voilà, dit-il avec un accent de triomphe. Vous êtes bien l’homme que j’imaginais.
- Et de quelle manière fantasmiez-vous sur moi ?

Toujours pas de réaction violente, chez Tierce. Lando ne comprit pas. Ne savait depuis combien de temps l’autre s’était mis à le frapper, à le matraquer… Trop longtemps, évidemment… Pour l’instant, seul son visage avait été épargné – conformément aux instructions d’Isard…

- Je crois que vous êtes un homme pragmatique, déclara Tierce. Un individu dénué de conscience politique, ignorant l’esprit civique, uniquement préoccupé par les problèmes de l’heure, sans véritable réflexion à long terme.
- Je vous dois combien ?
- Oh, si peu…

Coup de pied. Coup de pied. Mains sur la gorge. Redressement. Coup de poing. Coup de pied. Lâchage. Ecroulement.

- D’où la question que je vous posais, Calrissian, reprit le Garde. Car pour avoir consulté votre dossier, une chose m’étonne : pourquoi un homme tel que vous s’est-il lancé dans le terrorisme ?
- Je crois que votre question ne risque pas de trouver réponse, si vous daignez utiliser le terme de « terrorisme »…
- Ah, voyez-vous ça ! Monsieur se plaît à faire de la sémantique !

Coup de pied. Coup de pied. Coup de pied.

- Vous préférez sans doute le terme si épique de « rebelle » ! sourit Tierce (mais ce sourire dissimulait mal une profonde irritation). Ou de « Résistant ». Ou de « Révolutionnaire », que sais-je… Remarquez que je vous comprends : il faut bien vous donner le change. « Terroriste », ça déplaît. « Résistant », c’est épique. Ca masque les crimes, ça attire les plus minables d’entre vous qui veulent se la jouer contestataires pour combler les frustrations d’une vie qu’ils ont eux-mêmes gâchée, et ça justifie une subversion contre le gouvernement légitime de cette galaxie.
- Légitime ? maugréa Lando. Laissez-moi rire…

Tierce le regarda d’un air incompris. Il mimait bien, songea Calrissian.

- Tiens donc ? fit le Garde. Et quelle est votre opinion sur l’Empire ?
- Oh, vous savez, je crois que tout le monde sera d’accord sur certains aspects du gouvernement impérial…
- Du genre ?
- La dictature. L’Etat policier. Les purges, les exécutions sommaires, les massacres, les génocides. Le racisme.
- Ah, nous y sommes ! ricana Tierce. Et bien sûr, vous et vos amis de l’Alliance allez mettre fin à ces atrocités sans nom ! Si je ne me trompe, ce n’est pas vraiment pour ces raisons que vous êtes parti aider Skywalker et Solo, non ? Vous avez vécu des années, en tant que contrebandier et homme d’affaires, sans bouger le petit doigt contre cet Empire que vous venez de si brillamment décrire.
- Disons qu’il est venu un moment où j’ai arrêté de m’en foutre.

Lando rampait presque à ses pieds. Tierce hocha la tête, comme pour faire semblant de réfléchir, regard faussement compatissant.

- Mais bien sûr… Monsieur s’est, d’une seconde à l’autre, découvert une conscience politique. Et pour mieux abattre cette tyrannie si sanguinaire, si détestée, il a jeté son appareil à travers l’Etoile Noire dans une mission suicide et a courageusement condamné à mort un demi-million d’ingénieurs et de soldats qui ne faisaient que leur devoir.
- Foutaises ! gueula Lando, tout à coup régénéré. L’Etoile Noire était un instrument de mort. Son existence mettait en danger la vie de milliards d’innocents, elle devait permettre de perpétuer la dictature de Palpatine en anéantissant toutes les oppositions. Une simple manifestation de village aurait valu à une planète d’être vaporisée par l’Empereur !

Tierce considéra Lando, comme amusé. Ou furieux.

- Ah. Donc on a le droit de tuer des millions de soldats, des fils, des frères, des pères, des maris, mais pas des rebelles. En somme, lorsqu’il est attaqué, l’Etat ne doit pas se défendre, ne doit pas défendre l’ordre ni les populations civiles. Vous m’en voyez ravi.
- … défendre ?

Lando éclata de rire – au risque d’aggraver la douleur qui lui tenaillait les côtes. Un rire de dément. Tierce restait immobile.

- Défendre ? riait Calrissian. L’Etoile Noire devait exterminer, non défendre.
- C’est plus grave que je ne le pensais, fit Tierce, sobrement. Vous croyez réellement ce que vous dites. En bref, Palpatine était un malade mental dont l’intention était d’anéantir tous les peuples de la galaxie, au risque de causer l’effondrement d’un système dont il devait assurer la pérennité. Bravo, Calrissian, vous avez bien appris votre leçon.
- Une leçon ?
- Une leçon, mais oui ! La vocation de l’Etoile Noire était exclusivement militaire : détruire les vaisseaux ennemis. C’est d’ailleurs de cette manière qu’elle a été utilisée à Endor. Bien qu’opérationnelle avant votre offensive, elle n’a jamais été utilisée contre un astre planétaire.
- Mais…

Sur le point de mettre en lumière le pourquoi de cette non-intervention de l’Empereur – à savoir maintenir le secret sur le caractère opérationnel de son arme secrète – Lando s’interrompit. Ce n’était pas la peine de raisonner un type tel que Tierce. Et d’ailleurs, il ne savait quel jeu son bourreau jouait. A quoi cette conversation rimait. Si elle devait rimer à quelque chose…

- L’Etoile Noire devait servir d’arme de dissuasion, un peu à la manière des armements nucléaires des anciennes civilisations archaïques, expliqua Tierce. L’important était d’impressionner, non de détruire. Elle n’aurait jamais du servir contre une planète ou un vaisseau : les terroristes se seraient rendus sans hésiter, sans violence.
- Ah oui ? Et Alderaan ? Un accident, peut-être ?

Lando en aurait presque explosé de rage. Tierce ne le quittait pas des yeux. Ses pupilles scintillaient d’une lueur glacée.

- La destruction d’Alderaan est l’œuvre du Grand Moff Tarkin, répondit froidement Tierce. Il a outrepassé les instructions de l’Empereur. Néanmoins, vous ne pouvez pas nier le fait qu’Alderaan constituait le cœur de cette Rébellion. Elle y comptait les principaux leaders de votre mouvance terroriste, de nombreux dépôts d’armes. Les vrais criminels, ce sont les terroristes, qui ont cru devoir s’abriter derrière la population civile pour camoufler leurs arsenaux. Le Seigneur Tarkin a simplement cru bien faire. Qu’est d’ailleurs la mort de ce peuple de traîtres au regard de l’ordre galactique ? Vous autres terroristes comprenez votre lot de massacres : qui êtes-vous pour nous donner des leçons ?

Lando écoutait ce plaidoyer avec une fascination mêlée d’écoeurement. Le discours que lui tenait Tierce paraissait sortir d’un mauvais opuscule destiné à renforcer le fanatisme des troupes impériales. Bientôt, le Garde impérial lui soutiendrait que le carnage d’Alderaan résultait de la mauvaise volonté de la Princesse Leia à se montrer coopérative dans la lutte contre le fléau rebelle…

Le plus dingue était que son tortionnaire avait l’air sincère. Il pensait ce qu’il disait. Comme s’il avait effacé de ses données mémorielles certaines vérités gênantes. Mais ici, la vérité ne comptait plus. Elle n’avait jamais compté.

- L’entrée en service de l’Etoile Noire, reprit Tierce, aurait mis fin à ce conflit destructeur et ramené l’ordre et la paix dans la galaxie d’une manière autrement moins violente qu’une répression ordinaire menée à la manière de l’Ancienne République et des Jedi.
- L’Ancienne République ? Les Jedi ? Vous n’êtes pas sérieux ?
- Ah ? murmura Tierce, sombre. Et la destruction des armées sith il y a des siècles, ce n’était pas l’Ancienne République et ses Jedi, peut-être ? L’éradication d’un ordre philosophique et culturel se différenciant de l’ordre établi reste l’œuvre de ce régime que vous paraissez réhabiliter. Je n’évoquerai pas non plus la Guerre des Clones, la nécessaire suppression des traîtres séparatistes.

Il ne l’évoqua pas, non – se contentant d’un énième coup de pied qui explosa le torse de Lando.

- Ces… actes que vous décrivez, pour autant qu’ils soient conformes à la réalité… (Lando haletait, cherchant son souffle)… ce sont des dérives… une trahison de l’idéal démocratique… Ils ne sauraient représenter la République…

Un son parvint aux oreilles de Calrissian. Un claquement. Non… un applaudissement. Oui, c’était ça… Tierce applaudissait.

- Mes félicitations. Vous êtes parvenu à produire un discours politique. Je n’en attendais pas moins de vous. Très en forme, décidément.
- Allez vous faire foutre.
- Mauvaise réponse.

Coup de pied. Coup de pied. Coup de pied.

- La violence fait partie de l’exercice du pouvoir, poursuivit Tierce. Vous croyez que votre belle République de légende était un Etat démocratique où fleurissaient les droits de l’individu ? Voyons… L’homme qui m’a entraîné et m’a formé à toutes les formes d’interrogatoire intensif était un vétéran de la Garde républicaine. Lui-même tenait sa science d’un instructeur de la Garde républicaine. C’est très « idéal républicain », non ?
- Je sais pas, je…
- Ah ! (Tierce semblait rayonner) Vous ne savez pas ! Et votre putain d’Alliance rebelle, elle fait quoi ? Au lieu de reconnaître le génie de l’Empereur, au lieu de reconnaître les bienfaits de l’Ordre nouveau, comment réagit-elle ? En envoyant des pétitions ? Il me semble que vous avez eu l’idée de tuer, de bombarder, de détruire, je me trompe ?

Au fur et à mesure qu’il parlait, Tierce s’animait, s’agitait.

- Nous sommes en guerre, répliqua Lando sans être convaincu. En temps de guerre, les soldats meurent. C’est ainsi.
- Parce que « votre » guerre a épargné les civils ? L’artillerie de votre Flotte de combat a bien évidemment négligé les zones d’habitation, je suppose…
- Je…

Lando, tout à coup, éprouva un doute. On lui avait relaté quelques cas de bavures – sans parler de ces vaisseaux détruits qui finissaient par s’écraser sur diverses planètes, entraînant d’abominables catastrophes humanitaires et écologiques.

- … ce sont des accidents, des…
- Je pense que vous devriez aller dire ça aux familles, Calrissian.

Le ton de Tierce s’était soudainement transformé. Blindé. Le Garde s’accroupit devant Lando, comme pour lui faire part d’une confidence.

- Vous savez, Calrissian, dit-il presque à voix basse, un vaisseau rebelle, il y a quelques années de cela, eut l’idée d’effectuer un raid sur une base impériale, à Eriadu. Le raid fut une réussite. Une série de missiles et de salves de turbolasers la mit en pièces. Hélas, les habitations alentours subirent également le feu ennemi, et furent détruites par la même occasion. Accident ou non, le fait est que les Rebelles ont sacrifié ces civils.

Tierce s’interrompit. Son regard enfonçait celui de Lando. Ses traits s’étaient brusquement contractés. Un bref tic nerveux lui effleura les lèvres.

- Et parmi ces civils, mon père et ma mère.

Nouveau silence. Lando ne souhaitait pas répondre, ne souhaitait plus répondre.

- Savez-vous… ce que cela fait de déblayer les ruines à la recherche des corps de son père et de sa mère, Calrissian ? éructa Tierce. Savez-vous… ce que cela fait de passer des heures dans l’horreur du carnage et la putréfaction du charnier ? (son visage rougit légèrement) Savez-vous… ce que cela fait de découvrir enfin des restes épars de ceux qui constituaient votre famille, vos êtres les plus chers ? De réaliser que ceux qui étaient vos proches ne sont plus qu’une bouillie sanglante, une suite de membres amputés et déchiquetés, écrasés et carbonisés ? Et de vivre avec ça ? De dormir en sachant que chaque nuit leurs visages continueront à vous hanter jusqu’à l’heure de votre mort ? Et après ça, vous vous ramenez avec vos grandes idées, vos « droits de l’homme », votre « démocratie » ?

Tierce marqua une pause, comme pour reprendre son souffle après avoir décoché ses salves, après y être… retourné. Les lèvres de Lando, elles, restaient closes. Lando fermait les yeux. Essayait de se représenter la scène. N’y arrivait pas.

- Mes parents ont été tués ce jour là parce qu’un salopard d’officier rebelle avait nourri l’intention de faire parler de lui, reprit le Garde impérial d’un ton égal. Votre belle Révolution a fait incinérer ma famille et vous osez vous prétendre « libérateurs de la galaxie » ? Vous-même avez tué des centaines de milliers de soldats et d’ingénieurs et vous osez me donner des leçons de sciences politiques ? Tenez, la voilà votre science politique…

Coup de pied. Coup de pied. Coup de pied. Coup de pied. Lando cria. Lando gémit. Lando souffrait.

- Vous vous affirmez civilisés ? Vous n’êtes que des barbares aussi cyniques que cette ploutocratie républicaine liquidée par Palpatine. Vous vous affirmez libéraux ? Jamais une démocratie ne parviendra à régir une galaxie de cette importance. L’Histoire a prouvé que le Sénat n’était qu’une Chambre où prévalaient la basse politique, le clientélisme, l’esprit de clan, la corruption : et votre nouveau régime parviendrait à éviter les dérives du précédent ? La force seule est capable de maintenir l’ordre et la sécurité, non un Etat affaibli sur ses bases par la démagogie des Sénateurs et d’interminables palabres bureaucratiques. Vous vous rangez sous la bannière des races opprimées ? Faites excuse, mais il me semble que l’écrasante majorité de vos commandants et de vos troupes sont de nature humaine : nos experts n’ont pas recensé un seul non-humain parmi les forces de Yavin-4 ou du système Hoth. Evidemment, quelques abus ont été commis par divers agents impériaux : nul système n’est parfait, et à l’inverse de vous autres terroristes, nous n’avons aucune prétention là-dessus. Mais l’Empereur est-il décidément si raciste qu’il accepte d’enrôler des dirigeants politiques et militaires non-humains ?
- Vous… êtes un malade… répliqua douloureusement Lando.

Sourire de Tierce. Son imposante carrure ne dominait que trop la vermine qu’il avait fait de Calrissian.

- Si c’est ainsi que vous me voyez… dit le Garde, qui avait recouvré quelque calme. J’espère être parvenu à vous démontrer que votre pathétique petite bande de Rebelles ne cherche nullement à accomplir ces idéaux qu’elle trahit constamment. Ce n’est qu’une lutte pour le pouvoir. Savez-vous pourquoi Mon Mothma, Bel Iblis et cet abruti de Bail Organa ont fondé leur nébuleuse terroriste ? Pas pour protester contre le programme de Palpatine – non, loin de là. Ce programme avait tout pour créer un nouvel Âge d’Or : combattre le crime, restaurer l’égalité sociale. Pour ce faire, il fallait mettre fin à l’incurie et à la corruption du Sénat. Ce dernier ne pouvait que mal le prendre. D’autres Chanceliers avaient nourri les mêmes intentions et s’étaient fait balayer. Palpatine a certes usé de méthodes atypiques, aussi atypiques que les vôtres peut-être, mais telle était son intention : nettoyer le Sénat de la pourriture qui le gangrenait et nuisait à l’intérêt public. Or, quelles fonctions exerçaient Mon Mothma, Bel Iblis, Bail Organa ? Ces héros étaient et restent des Sénateurs. Leur objectif n’est rien moins que le retour à l’ancien régime, à un Parlement tout puissant et noyé sous les crédits privés. Voilà ce qu’ils voulaient, voilà ce qu’ils veulent, tel est le moteur de leur action. Ce qui implique le retour au désordre et à l’exacerbation de la guerre civile, au culte de l’irresponsabilité et de la violence non assumée.

Coup de pied.

- Vous, Calrissian, êtes un symbole de cette Rébellion. Un contrebandier à qui les circonstances ont forcé la main, entré dans la lutte contre l’ordre établi pour balayer un régime qui vous empêche d’aligner les dividendes de vos exploitations. Vous ne valez pas mieux que ces Sénateurs prétendument attachés au bien public ou les déserteurs qui vous servent de collègues de travail.

Coup de pied.

- Je crois… que vous faites erreur, soupira Calrissian en se redressant. J’avoue… pendant longtemps, et même encore maintenant, j’ai aimé l’argent. La richesse seule m’importait. Et à dire vrai, m’importe encore. Mais il me plaît de voir votre gouvernement se ramasser sur la gueule, s’effondrer de l’intérieur après avoir subi une terrible défaite militaire. Disons que je serais personnellement joyeux de voir s’émerger un Etat qui me permettrait de vous dire à quel point vous et vos délires rhétoriques me font dégueuler. L’Empire me refuse ce simple plaisir, cette simple phrase. Je crois que l’enjeu est là. Qu’en pensez-vous ?

Un coup de pied constitua l’unique réponse de Tierce à cette intéressante remarque philosophique.

- Effectivement, déglutit Lando, ça c’est du débat…
- Les gens se tapent de la liberté, mon pauvre ami… ajouta Tierce. Ce qu’ils veulent, c’est limiter le plus possible les dégâts que pourrait subir leur petite vie médiocre. Ils prennent leur pied à savoir qu’ils sont tous égaux en droits, en bonheur et en malheur : rien ne les irrite plus que de voir un voisin réussir. Alors ils préfèrent sacrifier leur liberté pour mieux se ressembler. Ils craignent tellement la solitude que comportent les responsabilités de la liberté pleinement assumée qu’ils y renoncent pour mieux se fondre dans la masse…

Merde, voilà que l’autre lui sortait un dérivé impérial de Sciences Po…

- Vous avez eu quel diplôme ? demanda Lando avant de serrer les dents pour réduire les élancements de ses côtes.
- Je crois en l’Ordre nouveau, répondit le Garde Impérial. Non pas cette caricature effroyable que peignent les propagandistes de votre nébuleuse rebelle, mais ce gouvernement qui a eu le courage de regarder la réalité en face pour veiller à la première attente des citoyens de cette galaxie : l’ordre et la sécurité. Quitte à ce que nous mêlions la sanction à l’éducation.

Coup de pied. Coup de pied. Coup de pied. Une fulgurante douleur transperça l’abdomen de Lando. Le choc remonta. Le choc jaillit de sa bouche. Tierce évita le jet juste à temps…

… et lui balança un autre coup de pied… Le talon de sa botte écrasait la tempe de Lando, comme pour s’enfoncer encore et encore plus profondément, jusqu’au cerveau…

- Nous… amorça Lando.
- Quoi ? demanda Tierce, ton rogue, son talon maculant la tempe de sa victime.

Il fallut un effort surhumain – jedi, presque – à Lando pour ouvrir la bouche, pour que des sons sortent de sa gorge, soient articulés par ses lèvres. La nausée était toujours là, prégnante. De la substance vomitive demeurait encore dans sa bouche. Un goût horrible.

- Nous… n’avons pas besoin d’éducation…
- Quoi ? répéta Tierce, trace d’étonnement dans la voix en dépit du ton impérial.
- … nous n’avons pas besoin… de contrôle de la pensée…

Le talon de la botte remua encore plus fort. Lando serra les dents, plus que jamais. Gémit… Geignit… Son corps n’était que plaie.

- Vous n’êtes qu’un mercenaire ! hurla Tierce. Un criminel de guerre ! Vous ne croyez en rien…
- … vous n’êtes qu’une brique dans le mur… souffla Lando.
- Vous n’êtes rien !

Le talon se souleva. Se déplaça. La botte fonça vers le torse de Calrissian.

- … une brique dans le mur… répéta Lando, comme halluciné. Vous n’êtes qu’une brique dans le mur…

Coup de pied.

… une brique dans le mur…

Coup de pied.

Coup de pied.

Coup de pied.






Il ne sut quelle heure il était lorsque la porte se rouvrit. A cet instant, allongé dans un coin, il eut un mouvement de recul, dans la crainte d’un éventuel retour de Tierce. Ce dernier lui avait pulvérisé l’abdomen, le torse, le dos, les jambes. Mais ni les mains, ni le visage n’avaient été touchés. Pourquoi ? Il ne savait.

En fait, il s’en foutait.

Quatre bras puissants s’emparèrent de lui, le remirent debout, tout en réveillant d’innombrables douleurs, le traînèrent jusqu’à la sortie, le traînèrent dans le couloir, le traînèrent dans un élévateur, puis dans d’autres couloirs, puis une espèce de hangar d’où il sentit… un air glacé lui emplir les narines… une odeur de carburant…

A côté, des Soldats de Choc et autres Impériaux en uniformes allaient et venaient, armés jusqu’aux caries. Devant, une navette de transport, navette abaissée. Et Grodin Tierce. Non, pas lui… Et Lando qui ne pouvait se dégager…

- Tiens, voici le dernier ! ricana Tierce en l’apercevant.

Une claque sur le crâne de Lando, et un geste à destination des Stormtroopers qui le ceinturaient : l’ex-contrebandier fut emmené dans la navette…

… il y a du monde, ici…

Des Soldats de Choc, évidemment. Et, enchaînés aux parois, trois hommes – trois humains – et… non… Cette masse de graisse immonde…

… un Hutt ?

- Bienvenue, Calrissian, le salua la bestiole, en qui Lando reconnut les traits de Konga.
- Je croyais que tu étais…
- … Wynssa Starflare ? Je sais, les gens confondent souvent…

Les Soldats de Choc rivèrent ses menottes à la paroi. Le Hutt rit. Arf ! Arf ! Arf !Arf ! Arf ! Putain de rire…

- Ces enflures se sont contentées de me capturer – et m’ont anesthésié ! soupira Konga en désignant un des humains, en face de lui.

L’homme en question paraissait avoir pris vingt ans de plus depuis la veille – les sévices d’Isard, à n’en pas douter. Mais Lando n’eut aucune peine à établir l’identité du gars. Colonel Yohanz Wetzel, Ubiqtorate. Et aujourd’hui, taulard.

- Enchanté de vous revoir, maugréa ce dernier à l’adresse de Calrissian.
- Tout le plaisir est pour moi, intervint le deuxième humain.

Lando le jaugea. Taille moyenne, crâne dégarni, tronche de haut-fonctionnaire sadique.

- Grand Moff Nesta, ajouta l’homme d’un air irrité. Ex-Grand Moff, devrais-je dire. Et le type à côté de moi, là…

Nesta désigna de la tête un solide individu aux traits sévères et au regard polaire, également enchaîné. Son visage était buriné, parsemé de cicatrices, marqué par l’épreuve de décennies de combats. Ses yeux ciblaient Lando comme pour en détailler le potentiel combatif.

- … fait partie du premier lot de clones que Palpatine a commandés avant la Guerre du même nom, acheva Nesta sur un ton railleur.
- On me connaît sous le nom de Boba Fett, précisa le type.
- Ah, fit Lando, négligemment.

Le voyage serait donc très fun.

La rampe de la navette remonta. Quelques secondes passèrent, puis une légère poussée fit trembler la navette. Décollage…

Lando remarqua que Nesta ne le quittait pas des yeux.

- Au fond, tout ceci n’est-il pas grotesque ? déclara ce dernier.
- Comment cela ? s’étonna Calrissian.

L’ex-Moff haussa les épaules.

- Nous étions, d’un certain point de vue, dans le même camp.
- D’un certain point de vue ? répondit Lando sur un ton vaguement agacé.
- Si vous aviez, comme moi, évolué dans le sérail de ces minables du Palais impérial, vous sauriez que nombre de choses dépendent de notre propre point de vue.
- Vous vouliez vous servir des Bothans pour instaurer à votre profit un empire du crime encore plus puissant que celui de Xizor, répliqua Lando. Navré, mais je ne crois pas que l’Alliance y aurait finalement gagné, même à prendre Coruscant.
- Votre point de vue, Calrissian, objecta Nesta. Si vous étiez resté tranquillement chez vous à vous reposer sur vos lauriers, Coruscant serait tombé aux mains des Rebelles, et l’Empire aurait été frappé à mort.
- L’Empire a déjà été frappé à mort, rétorqua Calrissian. A Endor.

Il remarqua que Wetzel avait esquissé un bref sourire.

- Et il n’était pas question de tuer l’Empire pour voir le Soleil noir renaître.
- Pathétique idéaliste… sourit Nesta.
- Ouais, parfois, ça m’arrive lorsque je me lève tôt.
<< Page précédente
Page suivante >>