Le Pardon de l'Empereur
Chapitre 31. Confrontation
L’habituelle odeur de flambe. Tierce plaqua Kutchann au sol – juste à temps. A une seconde près, ils y avaient droit tous les deux.
Les oiseaux cessèrent de chier sur la main de l’Empereur. Les oiseaux paniquèrent. Les oiseaux s’envolèrent. Des laser percèrent le mur formé par le décollage des volatiles. Des plumes volèrent, du sang gicla, des ailes tombèrent.
Le sniper ne se trouvait pas loin – à l’abri derrière un reste de toge de Palpatine. Kutchann rampait jusqu’à la Zundyel, tandis que Tierce se camoufla derrière ce qui avait été un poignet de l’Empereur.
La place était parsemée de morceaux épars de la statue – autant d’abris, autant d’obstacles. Des civils couraient, terrorisés, pas le temps de dire « ouf », mais de hurler. Tierce aperçut une nouvelle fois le casque du sniper, ouvrit le feu à son tour. Les laser ricochèrent sur le roc. Le sniper… oui, s’envola – portait un propulseur dorsal – décochant quelques tirs à l’adresse de Tierce et de la Zundyel. Kutchann s’était réfugié un rocher, près de la Zundyel, avait dégainé son blaster, allait se lever lorsque une pluie de laser s’abattit près de lui. Et…
… WHÂÂM !!!
Tierce gueula – mais trop tard. La Zundyel se transforma en boule de feu vite surmontée d’un champignon de fumée. Kutchann gisait à côté, inanimé – mort ? Tierce, fou de rage, encadra le tireur volant, fit feu… Le type, touché, plongea vers le sol… Vers lui… Il n’avait cessé de lui tirer dessus. Tierce se plaqua au sol pour éviter le zigue, qui atterrit juste derrière lui… Le Garde se redressa à la seconde où le tueur ouvrit le feu.
L’homme portait une armure mandalorienne – typique de celle d’un chasseur de primes plutôt réputé et qui louait cher ses services. Tierce ne se hasarda pas à aller plus loin – pressa la détente immédiatement. Le rayon ricocha sur l’armure du tueur, le projetant à quelques mètres. Dans sa chute, le chasseur de primes lâcha son blaster. Tierce allait l’achever lorsqu’il sentit quelque chose s’enrouler autour de son poignet et le tirer violemment vers l’avant. Le chasseur de primes lui avait projeté un filin d’un lanceur inséré à son avant-bras, ce qui obligea le Garde impérial à lâcher son arme…
Boba Fett sortit une vibrolame de son armure, véritable arsenal ambulant, amena Tierce à lui, allait lui découper la tête, la vibrolame fendit l’air…
… et heurta une autre vibrolame – celle de Tierce, celle qu’il venait de sortir de son uniforme. Son poignet saignait, mais il s’en tapait – c’était sa survie et celle de l’Empire qu’étaient en cause, merde ! Tierce décocha un coup de coude au casque de Boba Fett, tandis que son épée s’abattait sur le filin, le tranchant net. Le chasseur de primes, déséquilibré, dut alors parer toutes les attaques que Tierce lui porta, un, deux, trois, puis dix, quinze, vingt coups. Les lames s’entrechoquèrent violemment, incessamment. Tierce amorça un mouvement circulaire vers la droite – que Fett interrompit brutalement. Fett rejeta l’épée de Tierce vers la gauche, redressa la sienne, allait fendre le crâne du Garde en deux, ce dernier esquiva, la lame entra dans son épaule, le sang voltigea, Tierce répliqua par un terrible coup de patte à l’abdomen…
… puis repartit à l’attaque. Sa vibrolame tournoyait sans cesse, tentant de percer les défenses de Boba Fett, se rapprochant des épaules, du cou. Le chasseur de primes paraît chaque coup – avec une agilité déconcertante, qui alla jusqu’à surprendre Tierce. Cette « ordure de chasseur de primes » se battait décidément comme un… Garde impérial.
Le chasseur de primes trébucha en arrière en heurtant un fragment d’ongle impérial, s’écrasa sur le cul – Tierce était déjà sur lui, prêt à saisir cette occase magnifique. Ses deux mains saisirent la vibrolame, ses deux mains élevèrent la vibrolame, ses deux mains précipitèrent la vibrolame sur Boba Fett. Ce dernier roula sur la gauche, la vibrolame rebondit sur le sol, Tierce était à nouveau sur lui, prêt à le découper, Fett se cala sur le dos, balança un coup de pied à la main de l’agresseur qui tenait la vibrolame – Tierce manqua de perdre son épée, recula, considérant le chasseur de primes…
… oui, un vrai Garde impérial…
En une seconde, Boba Fett se retrouva sur ses pieds – et dut immédiatement contrer une nouvelle attaque de Tierce… Choc des lames – encore et encore. Tierce était tout de même mieux formé, plus expérimenté – Fett rencontrait de plus en plus de difficultés à esquiver ou contrer les assauts. La lame de Tierce s’abaissa, vira vers la droite – parade. La lame de Tierce recula, se releva, plongea – nouvelle parade. La lame de Tierce se déplaça vers la gauche, piqua vers l’épaule droite de Fett – esquive.
Boba Fett se défendait bien – mais il se défendait, ne faisait que ça. Tierce ne lui laissait pas le temps d’organiser ses propres contres. Peu à peu, il l’acculait vers l’extrémité de la grand place, au milieu des badauds qui, revenus de leur première frayeur, contemplaient le combat, fascinés, gamins compris (et surtout, à vrai dire).
Assauts, chocs, dérobades, parades, esquives, assauts, dérobades, assauts, parades, assauts, esquives, assauts, chocs… Fett reculait. Fett marchait pas à pas vers le gouffre… La grande place donnait dans le vide, là où Tierce le pressait. Fett n’avait pas le choix. Fett ne pouvait pas contre-attaquer. Les badauds se rapprochaient. Les oiseaux volaient.
Le chasseur de primes tenta quelque chose. Le chasseur de primes plongea en arrière, exécuta une roulette, se retrouvant près du parapet qui marquait la limite de la grand place avant le vide. Ainsi dégagé, il sortit un autre blaster, ouvrit le feu, les laser loupèrent Tierce, mais pas sa vibrolame, éclatée. Un fragment swingua à un millimètre de l’œil du Garde.
La foule dit : « Oh ! »
Tierce saisit un des badauds, s’en servant en guise de bouclier. Fett vida son blaster, sans succès, trouant le civil qui n’avait rien demandé – ledit civil n’était pas mince…
La foule recula.
Tierce possédait un autre blaster et, sans lâcher son involontaire garde du corps, le sortit de sa vareuse, flinguant Boba Fett. L’homme bascula dans le vide en poussant un hurlement.
La foule redit : « Oh ! »
Tierce se précipita sur le parapet, pour voir la chute du corps… lequel ne tombait absolument pas et suivait une trajectoire horizontale, plus bas – satané propulseur !
Et il revenait vers lui. Et il lui tirait dessus, à nouveau. Tierce s’aplatit au sol, roula sur le côté pour éviter les traînées laser. Le chasseur de primes avait atterri, le dardait de tirs laser. Quelques rayons fauchèrent la foule, des corps tombèrent. Tierce répliqua. Quelques rayons fauchèrent la foule, des corps tombèrent.
La foule hurlait. La foule se dispersa. Un corps heurta Boba Fett. Un pied écrasa la main de Tierce. Boba Fett agrippa une jeune femme, s’en servit comme bouclier. Tierce agrippa un ado, s’en servit comme bouclier, réalisa qu’il aurait du prendre quelqu’un de plus grand.
Les corps tressautaient à chaque tir laser qu’ils recevaient. L’ado ne mourut pas tout de suite mais au troisième rayon décoché par le blaster de Fett. L’ado s’écroula, Tierce était sans bouclier, il se baissa pour attraper un oiseau mort qui gisait au sol et le balancer juste au moment où Fett lui adressait un tir qu’il croyait ultime. Le laser frappa le cadavre de l’animal en plein ciel – laissant le temps à Tierce d’ouvrir le feu en réplique.
Les laser frappèrent l’armure mandalorienne à bout portant. Boba Fett plia sous le choc, s’écroula.
Pas tout à fait Garde impérial…
Le corps de Fett avait cessé de bouger – parfait, l’achever n’en serait que plus aisé… Tierce pointa… Boba Fett.. son blaster… roula… Pressa la détente… sur le côté… Le rayon rata… il se releva… le chasseur de primes… s’envola…
Tierce bondit vers un véhicule de flics qui venait de se caser, vira ses deux occupants sans ménagement en leur balançant le langage convenu des gars élevés de la hiérarchie. Les flics obtempérèrent. Les flics se cassèrent. Tierce s’empara du volant, appuya sur le champignon. Le speeder décolla – Tierce pouvait encore apercevoir ce salopard de Fett.
Boba Fett s’agrippa à un speeder, défonça la vitre à coup de blaster, saisit le conducteur au collet, le jeta par dessus bord., prit sa place. Le speeder accéléra. Tierce en fit autant – vous auriez fait quoi à sa place, ami lecteur ?
Spectacle désormais habituel : course-poursuite en speeder. Cadre : Coruscant et ses canyons. Obstacles divers : immeubles, speeders. Faisable.
Tierce ne perdait pas le chasseur de primes de vue. Tierce vit que le chasseur de primes tournait à droite, s’engageant dans un boulevard aérien situé plus bas… Tierce mit la gomme. Tierce voulait lui tomber dessus. Tierce voulait avoir sa peau. Tierce voulait anéantir Boba Fett.
Le speeder de Tierce parcourut encore quelques kilomètres puis plongea à une vitesse folle – presque une chute libre – sur le boulevard qu’avait emprunté Fett. Le véhicule du tueur se matérialisa dans son écran – Tierce enclencha la manette de tir, pressa le bouton… Le speeder du Garde cracha quatre rayons laser successifs. Le speeder du chasseur de primes cracha de la fumée. Vibra. Tangua. Ralentit. Stoppa – brutalement. Tierce freina à mort, ayant compris où Fett voulait en venir, mais là encore, trop tard. Fett surgit du speeder, une longue traînée de flammes et de fumée s’échappant de son propulseur dorsal. Fett fonçait sur lui, un blaster à chaque main, vidant ses chargeurs. Le speeder de police était blindé, les rayons ricochèrent, Fett se cala sur le toit d’un véhicule qui allait en sens inverse, recassa la vitre, revira le chauffeur en le rebalançant par dessus bord, reprit sa place, ré-accéléra. Tierce fit demi-tour, entreprenant une nouvelle poursuite.
Une nouvelle fois, le véhicule du tueur se retrouva dans son écran de visée. Quatre tirs. Un petit éclair, à l’arrière-gauche du speeder, lequel plongea brusquement, quasiment à la verticale, manquant de se choper une dizaine d’autres véhicules qui volaient au-dessous.
Tierce fit de même – encore une saloperie de chute libre, hein ? Les deux véhicules tombèrent comme des pierres, quelques kilomètres… Puis le toit du speeder de Fett parut voler en éclats, Fett s’échappa – toujours ce propulseur dorsal… Tierce stabilisa son véhicule, à deux doigts de se viander sur un vaisseau lourd, remonta. Fett était déjà sur une autre speeder volant, mais…
… BANG !!!
… ledit speeder se fit exploser par un autre qui arrivait derrière lui… ledit speeder se désintégra… ledit speeder se transforma en boule de feu…
… Fett fut projeté dans le vide…
Tierce, d’en haut, assista à la chute spectaculaire du chasseur de primes… Plusieurs kilomètres à franchir avant de s’éclater au sol. Tierce lui souhaita bien du plaisir.
Le regard du Garde impérial erra sur les immeubles alentours. Tierce réfléchissait.
Isard aurait organisé le désastre d’Endor. Isard aurait fait exécuter l’Empereur, de manière proprement imparable, et surtout, sans passer pour une traîtresse. Les preuves à charge contre elles atteignaient le chiffre peu encourageant de zéro.
… encore que…
Kutchann – était-il en vie, était-il mort ? – lui avait parlé de Magagran. Quelque chose d’énorme tournait autour de Magagran. Quelque chose qui justifiait qu’un chasseur de primes plutôt compétent fût envoyé pour le supprimer lui, Tierce – et accessoirement Kutchann. Quelque chose qui justifiait l’anéantissement d’un commando impérial ici, sur Coruscant. Quelque chose qui justifiait la destruction de tout un destroyer de classe Victoire.
Seul dénominateur commun de tout ça : Wetzel. Wetzel avait agi au nom d’Isard pour tromper les cinq Gardes impériaux envoyés sur Endor. Et Wetzel était au courant, pour Magagran. Wetzel, d’une manière ou d’une autre, lui apporterait la solution de l’énigme, ou des énigmes qui se pressaient dans sa tête.
Tierce décida d’enquêter plus avant sur ce colonel… Il fit pivoter son véhicule, reprit de la vitesse et se dirigea vers cette mocheté gigantesque qu’était le Palais impérial.
Boba Fett tombait en vrille – chute libre – inanimé. La pression, le hurlement de l’air le ranimèrent. Il s’approchait trop grave du sol, il allait se crasher. Fett serra les dents, déclencha son propulseur.
Sa chute ralentit… Mince, trop tard… quelques dizaines de mètres, encore et…
… il redressa…
… atterrit en catastrophe sur un des milliers de balcons parsemant un immeuble plutôt bien foutu, sous le regard ahuri d’un vieux type qui arrosait tranquillement ses plantes vertes…
Regard ahuri qui vira à la franche terreur – de toute évidence, la réputation de Boba Fett l’avait précédé. Le visage du vieux type blanchit. Le vieux type fut pris de tremblements. Le vieux type se pissa dessus. L’arrosoir tomba, une nappe d’eau se forma, se mêla à l’urine.
Boba Fett s’approcha de lui, le dominant de sa taille, la visière de son casque dans les yeux du vieux type.
- Où est la sortie ? demanda froidement le chasseur de primes.
Le vieux type éleva lentement, fébrilement la main. Son doigt pointa une direction, à l’intérieur de l’appartement.
- T… Tout dr… droit… bégaya le vieux type.
Boba Fett ne tourna pas la tête. Il dévisageait toujours le vieux type. Le vieux type n’en pouvait plus. Le vieux type redressa la tête. Le vieux type tomba dans les pommes – et dans le lac qui s’était formé sur son balcon.
Le chasseur de primes contempla un bref instant ce corps malingre, puis pénétra dans l’appartement, se dirigeant calmement vers la porte de sortie.
* * *
Dans son vaste bureau du Palais impérial, le Grand Moff Nesta serra la mâchoire, fou de rage. Il venait d’apprendre, de la part d’une unité de police envoyée sur les lieux, que Tierce avait disparu. Mort ? Vivant ? Les flics ne savaient. En attendant, un sacré paquet de civils avait été retrouvé troués au blaster. Ce Boba Fett ne faisait décidément pas dans la dentelle. Nesta se demanda s’il n’eût pas été préférable d’utiliser des flics pour supprimer Tierce…
Il se ravisa. Bien sûr que non. Tierce les aurait proprement exécutés… C’était un Garde impérial, non ?
Et Kutchann ? Kutchann avait disparu, lui aussi. Evidemment, le vieux salaud s’était douté de quelque chose…
Or, donc, il fallait à présent faire vite. Les derniers destroyers d’Hiffrig partiraient aux premières heures de la matinée, demain donc, pour un système proche de celui de Naboo. Il était temps d’avertir Mek’Thra.
Nesta tapa le code d’accès requis sur la console qui traînait sur son bureau, devant lui. Demain, tout serait consommé. Tierce aurait probablement, d’ici là, été massacré par Fett. La flotte rebelle attaquerait Naboo. Plus personne, alors, n’empêcherait Nesta d’accomplir ses volontés.
Les Bothans libéreraient Coruscant demain. L’Empire, même victorieux à Naboo – ce qui n’était pas hautement certain – s’effondrerait. Et le Soleil Noir ressuscité trouverait un nouveau chef.
* * *
Le voyage serait ardu. Il faudrait éviter les trous noirs, les bases spatiales impériales, les patrouilles – des patrouilles aisément dispersables, mais dans le cadre de cette opération, la rapidité était un facteur clef. La flotte d’invasion bothane, que l’on avait patiemment rassemblée, renforcée, entraînée, ne pouvait se permettre de perdre du temps au regard d’un objectif de cette importance.
Traest Kre’fey avait bossé tous les itinéraires possibles pour un trajet hyperspatial, avait finalement fait son choix. Il avait mis au point une demi-douzaine de plans destinés à parer toute contre-attaque impériale éventuelle et venait de remettre le projet à l’amiral Khi’mel, lequel en discutait avec son état-major. Certains vieux avaient recnâclé. Mais Kre’fey savait que le plan serait accepté – ils n’avaient pas d’autre solution, dans un tel délai.
A présent, Kre’fey déambulait rêveusement dans les couloirs du cuirassé bothan, un modèle Katana. Il allait contribuer à libérer Coruscant du joug impérial. Il allait contribuer à terrasser l’Empire. Il allait participer à l’offensive qui mettrait fin à la guerre. Kre’fey serait un des instruments de la victoire. De la victoire !
La flotte bothane n’avait pas participé à Endor. Les ordres étaient formels : le chantier d’Ho-D’Oacr’ devait rester inconnu de tous. Plusieurs motifs à cela, assez contradictoires : assurer une réserve stratégique à l’Alliance, assurer la souveraineté de Bothawui, assurer la survie des accords avec l’Empire… Kre’fey se demanda s’il n’aurait pas eu à traquer les Rebelles en cas de victoire impériale dans cette guerre civile. Il n’ignorait pas que certains officiers supérieurs de la Flotte bothane étaient prêts à retourner leur veste en cas de pépin.
Dans ce cas là, qu’aurait-il fait, lui ? Il voulait se dire qu’il aurait déserté. Mais d’un autre côté… D’un autre côté, il y avait sa patrie, sa famille…
- Capitaine Kre’fey ?
La voix de l’amiral Khi’mel résonna derrière lui, l’arrachant à ses états d’âme. Kre’fey se retourna, vit que l’amiral rayonnait.
- Le plan a été accepté, dit Khi’mel avec un grand sourire. Je tenais à vous en informer personnellement.
- Et quand passons-nous à l’action ? demanda Traest, qui ne savait où se mettre.
La main de Khi’mel se posa sur son épaule. Le regard de l’amiral brillait.
- Dans vingt-quatre heures standard.
Kre’fey dégluti. Quoi ? Si tôt ?
- Vous ne savez pas tout, ni moi non plus, expliqua Kre’fey. Mais la date est arrêtée. Et rien ne pourra plus y changer. Nous nous mettons en état d’alerte rouge 3.
- A vos ordres ! dit Kre’fey en claquant les talons, comme il savait si bien le faire depuis l’Acamarbo.
Il n’était pas rassuré. Pas rassuré du tout. L’enjeu du combat, sans doute. Ce n’était pas tous les jours que la paix était au bout de l’offensive…
- Au fait, ajouta Khi’mel. L’opération sera supervisée par…
- … moi, coupa un Bothan en costume de Conseiller qui suivait l’amiral.
- Conseiller Mek’Thra ? dit Kre’fey, surpris.
Mek’Thra hocha la tête en guise de confirmation.
- Moi seul connais toutes les modalités de cette opération, capitaine, précisa-t-il. Ne l’oubliez jamais.
Kre’fey ne pouvait que se soumettre.
* * *
- Je crains que le destroyer Ténébreux ne soit définitivement irréparable, fit savoir l’ingénieur en chef du chantier d’Annaj par le biais de l’holo-écran. Nous avons tout essayé pour le rafistoler, sans succès.
Le capitaine Pellaeon, bien droit sur le pont de commandement du Chimaera, soupira de dépit. C’était le troisième destroyer à être classé « fichu » ici, depuis le désastre.
- Prenez les mesures conséquentes… ordonna-t-il. Récupération des pièces d’artillerie, des réacteurs, des plaques de blindage.
- A vos ordres.
Pellaeon mit fin à la communication. Se retourna vers le chantier qui se dessinait sous yeux, par delà les hublots. Une fois de plus, son cœur se serra devant la vision d’une Flotte pour ainsi dire presque réduite à la casse. Presque, en fait. Les ingénieurs et les droïds, les esclaves et même les membres d’équipage travaillaient d’arrache-pied pour réparer les dégâts, nombreux, très nombreux, trop nombreux, qu’avaient subi les vaisseaux de l’escadre. Cinq destroyers pouvaient déjà être considérés comme plus ou moins remis sur pied, même si quelques dysfonctionnements demeuraient, et même s’il n’était pas trop conseillé de reprendre du service avant le mois prochain – l’on avait mis les bouchées doubles sur le Chimaera. Trois autres destroyers seraient à nouveau opérationnels dans un semestre. Pour quatre autres encore, il faudrait attendre un an ou deux – si la Rébellion leur laissait le temps, ce qui était évidemment illusoire.
Les autres survivants avaient déserté. Et ceux qui étaient restés promettaient de déserter. Pellaeon se méfiait particulièrement de deux de ses subordonnés, les amiraux Harrsk et Terradoc. Des amiraux, en effet, qui voyaient d’un très mauvais œil un capitaine leur dicter des ordres. Ce qui les empêchait, comme tant d’autres officiers supérieurs du genre Zjinj, de faire sécession, c’était ce simple fait : leurs vaisseaux faisaient partie de ceux qui ne pouvaient pas reprendre du service avant six mois.
L’Executor… 280.000 membres d’équipage… Tout est mort…
De la haine flamba le cœur de Pellaeon. De la haine contre ces salopards de Rebelles. Il finirait bien par obtenir sa vengeance. Il n’attendait que ça. Tel était le sens de sa vie. Détruire la Rébellion. La question était de savoir quand est-ce que l’opportunité se présenterait.
* * *
Il y avait sans doute plus angoissé que le capitaine Kre’fey et d’humeur au moins aussi sombre que le capitaine Pellaeon, à la même heure, dans cette galaxie ‘achement lointaine. L’amiral Ackbar, debout sur la passerelle blanche du croiseur Alliance, ne cessait d’évaluer les risques découlant d’une attaque massive du dispositif impérial à Naboo.
Extrêmement risquée, l’attaque était, il ne pouvait le nier. D’autant qu’il avait fallu rameuter en quelques heures les meilleures unités de la Flotte ainsi que des survivants d’Endor, le tout dans la plus grande discrétion – mais il savait que ce serait vain. Ackbar avait malgré tout ordonné à quelques patrouilles d’effectuer des raids sur diverses bases impériales, histoire de faire diversion. De même, les systèmes impériaux tombaient entre les mains des Rebelles les uns après les autres. Inclus : des chantiers, des bases, des usines, de l’armement, des troupes.
Mais jamais une opération aussi importante que celle qu’il s’apprêtait à lancer n’aurait lieu dans des délais aussi brefs. L’offensive démarrerait en effet dans vingt-quatre heures. Vingt-quatre heures ! Il fallait agir vite, pour sauver un maximum de gens sur Naboo. Les instructions avaient été données à vitesse luminique. Tous les vaisseaux, toutes les escadrilles n’avaient pas encore été avertis et briefés.
Au vrai, Ackbar était calamari à relever des défis. A Endor, il avait prévu de mener l’assaut le plus bref de l’Histoire – et avait finalement réussi à battre l’élite de la Flotte impériale au cours d’une bataille difficile. A Naboo, il mènerait l’assaut le plus brièvement préparé de l’Histoire. Il connaissait ses forces et ses faiblesses. Les avait mûrement analysées, soupesées, dans ce laps de temps.
Son plan était d’une simplicité aberrante. Mettre le paquet sur l’escadre impériale, l’anéantir en moins d’une demi-heure. Les points de saut avaient été déterminés à cet effet. Puis, se tourner contre d’éventuels destroyers amenés en renforts par ce Grand Amiral Takel.
Ackbar connaissait bien Takel. Le Calamari prenait plaisir à décortiquer les campagnes passées de ses adversaires. Il avait lu et relu les écrits relatifs aux batailles remportées par Takel. Et avait retenu que ce dernier était un artilleur diablement manœuvrier. Le genre à concentrer ses pièces d’artillerie en un endroit, façon groupe compact, pour décupler leur puissance de feu. En somme, Takel se plaisait à user de ses destroyers à la manière d’un gigantesque canon galactique.
Et pour protéger cette masse, il comptait évidemment sur des effectifs de TIE en surnombre. Sans aucun doute avait-il pris avec lui les meilleurs pilotes qu’il pût trouver. Les chasseurs de l’Alliance trinqueraient, donc. Et à cette pensée, Ackbar sentit l’amertume le gagner.
Quelques heures, donc… Ackbar, comme les autres, ferait son devoir. Il n’avait pas survécu aux brimades du Grand Moff Tarkin et à Endor pour tout perdre en une seule bataille. Son peuple n’avait pas enduré l’esclavage impérial pour que l’Alliance perde la guerre. Ackbar se battrait à Naboo. Et on verrait bien de quoi Mon Mothma causait lorsqu’elle qualifiait la future bataille de « coup de grâce ».
Que la Force soit avec nous…
Les oiseaux cessèrent de chier sur la main de l’Empereur. Les oiseaux paniquèrent. Les oiseaux s’envolèrent. Des laser percèrent le mur formé par le décollage des volatiles. Des plumes volèrent, du sang gicla, des ailes tombèrent.
Le sniper ne se trouvait pas loin – à l’abri derrière un reste de toge de Palpatine. Kutchann rampait jusqu’à la Zundyel, tandis que Tierce se camoufla derrière ce qui avait été un poignet de l’Empereur.
La place était parsemée de morceaux épars de la statue – autant d’abris, autant d’obstacles. Des civils couraient, terrorisés, pas le temps de dire « ouf », mais de hurler. Tierce aperçut une nouvelle fois le casque du sniper, ouvrit le feu à son tour. Les laser ricochèrent sur le roc. Le sniper… oui, s’envola – portait un propulseur dorsal – décochant quelques tirs à l’adresse de Tierce et de la Zundyel. Kutchann s’était réfugié un rocher, près de la Zundyel, avait dégainé son blaster, allait se lever lorsque une pluie de laser s’abattit près de lui. Et…
… WHÂÂM !!!
Tierce gueula – mais trop tard. La Zundyel se transforma en boule de feu vite surmontée d’un champignon de fumée. Kutchann gisait à côté, inanimé – mort ? Tierce, fou de rage, encadra le tireur volant, fit feu… Le type, touché, plongea vers le sol… Vers lui… Il n’avait cessé de lui tirer dessus. Tierce se plaqua au sol pour éviter le zigue, qui atterrit juste derrière lui… Le Garde se redressa à la seconde où le tueur ouvrit le feu.
L’homme portait une armure mandalorienne – typique de celle d’un chasseur de primes plutôt réputé et qui louait cher ses services. Tierce ne se hasarda pas à aller plus loin – pressa la détente immédiatement. Le rayon ricocha sur l’armure du tueur, le projetant à quelques mètres. Dans sa chute, le chasseur de primes lâcha son blaster. Tierce allait l’achever lorsqu’il sentit quelque chose s’enrouler autour de son poignet et le tirer violemment vers l’avant. Le chasseur de primes lui avait projeté un filin d’un lanceur inséré à son avant-bras, ce qui obligea le Garde impérial à lâcher son arme…
Boba Fett sortit une vibrolame de son armure, véritable arsenal ambulant, amena Tierce à lui, allait lui découper la tête, la vibrolame fendit l’air…
… et heurta une autre vibrolame – celle de Tierce, celle qu’il venait de sortir de son uniforme. Son poignet saignait, mais il s’en tapait – c’était sa survie et celle de l’Empire qu’étaient en cause, merde ! Tierce décocha un coup de coude au casque de Boba Fett, tandis que son épée s’abattait sur le filin, le tranchant net. Le chasseur de primes, déséquilibré, dut alors parer toutes les attaques que Tierce lui porta, un, deux, trois, puis dix, quinze, vingt coups. Les lames s’entrechoquèrent violemment, incessamment. Tierce amorça un mouvement circulaire vers la droite – que Fett interrompit brutalement. Fett rejeta l’épée de Tierce vers la gauche, redressa la sienne, allait fendre le crâne du Garde en deux, ce dernier esquiva, la lame entra dans son épaule, le sang voltigea, Tierce répliqua par un terrible coup de patte à l’abdomen…
… puis repartit à l’attaque. Sa vibrolame tournoyait sans cesse, tentant de percer les défenses de Boba Fett, se rapprochant des épaules, du cou. Le chasseur de primes paraît chaque coup – avec une agilité déconcertante, qui alla jusqu’à surprendre Tierce. Cette « ordure de chasseur de primes » se battait décidément comme un… Garde impérial.
Le chasseur de primes trébucha en arrière en heurtant un fragment d’ongle impérial, s’écrasa sur le cul – Tierce était déjà sur lui, prêt à saisir cette occase magnifique. Ses deux mains saisirent la vibrolame, ses deux mains élevèrent la vibrolame, ses deux mains précipitèrent la vibrolame sur Boba Fett. Ce dernier roula sur la gauche, la vibrolame rebondit sur le sol, Tierce était à nouveau sur lui, prêt à le découper, Fett se cala sur le dos, balança un coup de pied à la main de l’agresseur qui tenait la vibrolame – Tierce manqua de perdre son épée, recula, considérant le chasseur de primes…
… oui, un vrai Garde impérial…
En une seconde, Boba Fett se retrouva sur ses pieds – et dut immédiatement contrer une nouvelle attaque de Tierce… Choc des lames – encore et encore. Tierce était tout de même mieux formé, plus expérimenté – Fett rencontrait de plus en plus de difficultés à esquiver ou contrer les assauts. La lame de Tierce s’abaissa, vira vers la droite – parade. La lame de Tierce recula, se releva, plongea – nouvelle parade. La lame de Tierce se déplaça vers la gauche, piqua vers l’épaule droite de Fett – esquive.
Boba Fett se défendait bien – mais il se défendait, ne faisait que ça. Tierce ne lui laissait pas le temps d’organiser ses propres contres. Peu à peu, il l’acculait vers l’extrémité de la grand place, au milieu des badauds qui, revenus de leur première frayeur, contemplaient le combat, fascinés, gamins compris (et surtout, à vrai dire).
Assauts, chocs, dérobades, parades, esquives, assauts, dérobades, assauts, parades, assauts, esquives, assauts, chocs… Fett reculait. Fett marchait pas à pas vers le gouffre… La grande place donnait dans le vide, là où Tierce le pressait. Fett n’avait pas le choix. Fett ne pouvait pas contre-attaquer. Les badauds se rapprochaient. Les oiseaux volaient.
Le chasseur de primes tenta quelque chose. Le chasseur de primes plongea en arrière, exécuta une roulette, se retrouvant près du parapet qui marquait la limite de la grand place avant le vide. Ainsi dégagé, il sortit un autre blaster, ouvrit le feu, les laser loupèrent Tierce, mais pas sa vibrolame, éclatée. Un fragment swingua à un millimètre de l’œil du Garde.
La foule dit : « Oh ! »
Tierce saisit un des badauds, s’en servant en guise de bouclier. Fett vida son blaster, sans succès, trouant le civil qui n’avait rien demandé – ledit civil n’était pas mince…
La foule recula.
Tierce possédait un autre blaster et, sans lâcher son involontaire garde du corps, le sortit de sa vareuse, flinguant Boba Fett. L’homme bascula dans le vide en poussant un hurlement.
La foule redit : « Oh ! »
Tierce se précipita sur le parapet, pour voir la chute du corps… lequel ne tombait absolument pas et suivait une trajectoire horizontale, plus bas – satané propulseur !
Et il revenait vers lui. Et il lui tirait dessus, à nouveau. Tierce s’aplatit au sol, roula sur le côté pour éviter les traînées laser. Le chasseur de primes avait atterri, le dardait de tirs laser. Quelques rayons fauchèrent la foule, des corps tombèrent. Tierce répliqua. Quelques rayons fauchèrent la foule, des corps tombèrent.
La foule hurlait. La foule se dispersa. Un corps heurta Boba Fett. Un pied écrasa la main de Tierce. Boba Fett agrippa une jeune femme, s’en servit comme bouclier. Tierce agrippa un ado, s’en servit comme bouclier, réalisa qu’il aurait du prendre quelqu’un de plus grand.
Les corps tressautaient à chaque tir laser qu’ils recevaient. L’ado ne mourut pas tout de suite mais au troisième rayon décoché par le blaster de Fett. L’ado s’écroula, Tierce était sans bouclier, il se baissa pour attraper un oiseau mort qui gisait au sol et le balancer juste au moment où Fett lui adressait un tir qu’il croyait ultime. Le laser frappa le cadavre de l’animal en plein ciel – laissant le temps à Tierce d’ouvrir le feu en réplique.
Les laser frappèrent l’armure mandalorienne à bout portant. Boba Fett plia sous le choc, s’écroula.
Pas tout à fait Garde impérial…
Le corps de Fett avait cessé de bouger – parfait, l’achever n’en serait que plus aisé… Tierce pointa… Boba Fett.. son blaster… roula… Pressa la détente… sur le côté… Le rayon rata… il se releva… le chasseur de primes… s’envola…
Tierce bondit vers un véhicule de flics qui venait de se caser, vira ses deux occupants sans ménagement en leur balançant le langage convenu des gars élevés de la hiérarchie. Les flics obtempérèrent. Les flics se cassèrent. Tierce s’empara du volant, appuya sur le champignon. Le speeder décolla – Tierce pouvait encore apercevoir ce salopard de Fett.
Boba Fett s’agrippa à un speeder, défonça la vitre à coup de blaster, saisit le conducteur au collet, le jeta par dessus bord., prit sa place. Le speeder accéléra. Tierce en fit autant – vous auriez fait quoi à sa place, ami lecteur ?
Spectacle désormais habituel : course-poursuite en speeder. Cadre : Coruscant et ses canyons. Obstacles divers : immeubles, speeders. Faisable.
Tierce ne perdait pas le chasseur de primes de vue. Tierce vit que le chasseur de primes tournait à droite, s’engageant dans un boulevard aérien situé plus bas… Tierce mit la gomme. Tierce voulait lui tomber dessus. Tierce voulait avoir sa peau. Tierce voulait anéantir Boba Fett.
Le speeder de Tierce parcourut encore quelques kilomètres puis plongea à une vitesse folle – presque une chute libre – sur le boulevard qu’avait emprunté Fett. Le véhicule du tueur se matérialisa dans son écran – Tierce enclencha la manette de tir, pressa le bouton… Le speeder du Garde cracha quatre rayons laser successifs. Le speeder du chasseur de primes cracha de la fumée. Vibra. Tangua. Ralentit. Stoppa – brutalement. Tierce freina à mort, ayant compris où Fett voulait en venir, mais là encore, trop tard. Fett surgit du speeder, une longue traînée de flammes et de fumée s’échappant de son propulseur dorsal. Fett fonçait sur lui, un blaster à chaque main, vidant ses chargeurs. Le speeder de police était blindé, les rayons ricochèrent, Fett se cala sur le toit d’un véhicule qui allait en sens inverse, recassa la vitre, revira le chauffeur en le rebalançant par dessus bord, reprit sa place, ré-accéléra. Tierce fit demi-tour, entreprenant une nouvelle poursuite.
Une nouvelle fois, le véhicule du tueur se retrouva dans son écran de visée. Quatre tirs. Un petit éclair, à l’arrière-gauche du speeder, lequel plongea brusquement, quasiment à la verticale, manquant de se choper une dizaine d’autres véhicules qui volaient au-dessous.
Tierce fit de même – encore une saloperie de chute libre, hein ? Les deux véhicules tombèrent comme des pierres, quelques kilomètres… Puis le toit du speeder de Fett parut voler en éclats, Fett s’échappa – toujours ce propulseur dorsal… Tierce stabilisa son véhicule, à deux doigts de se viander sur un vaisseau lourd, remonta. Fett était déjà sur une autre speeder volant, mais…
… BANG !!!
… ledit speeder se fit exploser par un autre qui arrivait derrière lui… ledit speeder se désintégra… ledit speeder se transforma en boule de feu…
… Fett fut projeté dans le vide…
Tierce, d’en haut, assista à la chute spectaculaire du chasseur de primes… Plusieurs kilomètres à franchir avant de s’éclater au sol. Tierce lui souhaita bien du plaisir.
Le regard du Garde impérial erra sur les immeubles alentours. Tierce réfléchissait.
Isard aurait organisé le désastre d’Endor. Isard aurait fait exécuter l’Empereur, de manière proprement imparable, et surtout, sans passer pour une traîtresse. Les preuves à charge contre elles atteignaient le chiffre peu encourageant de zéro.
… encore que…
Kutchann – était-il en vie, était-il mort ? – lui avait parlé de Magagran. Quelque chose d’énorme tournait autour de Magagran. Quelque chose qui justifiait qu’un chasseur de primes plutôt compétent fût envoyé pour le supprimer lui, Tierce – et accessoirement Kutchann. Quelque chose qui justifiait l’anéantissement d’un commando impérial ici, sur Coruscant. Quelque chose qui justifiait la destruction de tout un destroyer de classe Victoire.
Seul dénominateur commun de tout ça : Wetzel. Wetzel avait agi au nom d’Isard pour tromper les cinq Gardes impériaux envoyés sur Endor. Et Wetzel était au courant, pour Magagran. Wetzel, d’une manière ou d’une autre, lui apporterait la solution de l’énigme, ou des énigmes qui se pressaient dans sa tête.
Tierce décida d’enquêter plus avant sur ce colonel… Il fit pivoter son véhicule, reprit de la vitesse et se dirigea vers cette mocheté gigantesque qu’était le Palais impérial.
Boba Fett tombait en vrille – chute libre – inanimé. La pression, le hurlement de l’air le ranimèrent. Il s’approchait trop grave du sol, il allait se crasher. Fett serra les dents, déclencha son propulseur.
Sa chute ralentit… Mince, trop tard… quelques dizaines de mètres, encore et…
… il redressa…
… atterrit en catastrophe sur un des milliers de balcons parsemant un immeuble plutôt bien foutu, sous le regard ahuri d’un vieux type qui arrosait tranquillement ses plantes vertes…
Regard ahuri qui vira à la franche terreur – de toute évidence, la réputation de Boba Fett l’avait précédé. Le visage du vieux type blanchit. Le vieux type fut pris de tremblements. Le vieux type se pissa dessus. L’arrosoir tomba, une nappe d’eau se forma, se mêla à l’urine.
Boba Fett s’approcha de lui, le dominant de sa taille, la visière de son casque dans les yeux du vieux type.
- Où est la sortie ? demanda froidement le chasseur de primes.
Le vieux type éleva lentement, fébrilement la main. Son doigt pointa une direction, à l’intérieur de l’appartement.
- T… Tout dr… droit… bégaya le vieux type.
Boba Fett ne tourna pas la tête. Il dévisageait toujours le vieux type. Le vieux type n’en pouvait plus. Le vieux type redressa la tête. Le vieux type tomba dans les pommes – et dans le lac qui s’était formé sur son balcon.
Le chasseur de primes contempla un bref instant ce corps malingre, puis pénétra dans l’appartement, se dirigeant calmement vers la porte de sortie.
Dans son vaste bureau du Palais impérial, le Grand Moff Nesta serra la mâchoire, fou de rage. Il venait d’apprendre, de la part d’une unité de police envoyée sur les lieux, que Tierce avait disparu. Mort ? Vivant ? Les flics ne savaient. En attendant, un sacré paquet de civils avait été retrouvé troués au blaster. Ce Boba Fett ne faisait décidément pas dans la dentelle. Nesta se demanda s’il n’eût pas été préférable d’utiliser des flics pour supprimer Tierce…
Il se ravisa. Bien sûr que non. Tierce les aurait proprement exécutés… C’était un Garde impérial, non ?
Et Kutchann ? Kutchann avait disparu, lui aussi. Evidemment, le vieux salaud s’était douté de quelque chose…
Or, donc, il fallait à présent faire vite. Les derniers destroyers d’Hiffrig partiraient aux premières heures de la matinée, demain donc, pour un système proche de celui de Naboo. Il était temps d’avertir Mek’Thra.
Nesta tapa le code d’accès requis sur la console qui traînait sur son bureau, devant lui. Demain, tout serait consommé. Tierce aurait probablement, d’ici là, été massacré par Fett. La flotte rebelle attaquerait Naboo. Plus personne, alors, n’empêcherait Nesta d’accomplir ses volontés.
Les Bothans libéreraient Coruscant demain. L’Empire, même victorieux à Naboo – ce qui n’était pas hautement certain – s’effondrerait. Et le Soleil Noir ressuscité trouverait un nouveau chef.
Le voyage serait ardu. Il faudrait éviter les trous noirs, les bases spatiales impériales, les patrouilles – des patrouilles aisément dispersables, mais dans le cadre de cette opération, la rapidité était un facteur clef. La flotte d’invasion bothane, que l’on avait patiemment rassemblée, renforcée, entraînée, ne pouvait se permettre de perdre du temps au regard d’un objectif de cette importance.
Traest Kre’fey avait bossé tous les itinéraires possibles pour un trajet hyperspatial, avait finalement fait son choix. Il avait mis au point une demi-douzaine de plans destinés à parer toute contre-attaque impériale éventuelle et venait de remettre le projet à l’amiral Khi’mel, lequel en discutait avec son état-major. Certains vieux avaient recnâclé. Mais Kre’fey savait que le plan serait accepté – ils n’avaient pas d’autre solution, dans un tel délai.
A présent, Kre’fey déambulait rêveusement dans les couloirs du cuirassé bothan, un modèle Katana. Il allait contribuer à libérer Coruscant du joug impérial. Il allait contribuer à terrasser l’Empire. Il allait participer à l’offensive qui mettrait fin à la guerre. Kre’fey serait un des instruments de la victoire. De la victoire !
La flotte bothane n’avait pas participé à Endor. Les ordres étaient formels : le chantier d’Ho-D’Oacr’ devait rester inconnu de tous. Plusieurs motifs à cela, assez contradictoires : assurer une réserve stratégique à l’Alliance, assurer la souveraineté de Bothawui, assurer la survie des accords avec l’Empire… Kre’fey se demanda s’il n’aurait pas eu à traquer les Rebelles en cas de victoire impériale dans cette guerre civile. Il n’ignorait pas que certains officiers supérieurs de la Flotte bothane étaient prêts à retourner leur veste en cas de pépin.
Dans ce cas là, qu’aurait-il fait, lui ? Il voulait se dire qu’il aurait déserté. Mais d’un autre côté… D’un autre côté, il y avait sa patrie, sa famille…
- Capitaine Kre’fey ?
La voix de l’amiral Khi’mel résonna derrière lui, l’arrachant à ses états d’âme. Kre’fey se retourna, vit que l’amiral rayonnait.
- Le plan a été accepté, dit Khi’mel avec un grand sourire. Je tenais à vous en informer personnellement.
- Et quand passons-nous à l’action ? demanda Traest, qui ne savait où se mettre.
La main de Khi’mel se posa sur son épaule. Le regard de l’amiral brillait.
- Dans vingt-quatre heures standard.
Kre’fey dégluti. Quoi ? Si tôt ?
- Vous ne savez pas tout, ni moi non plus, expliqua Kre’fey. Mais la date est arrêtée. Et rien ne pourra plus y changer. Nous nous mettons en état d’alerte rouge 3.
- A vos ordres ! dit Kre’fey en claquant les talons, comme il savait si bien le faire depuis l’Acamarbo.
Il n’était pas rassuré. Pas rassuré du tout. L’enjeu du combat, sans doute. Ce n’était pas tous les jours que la paix était au bout de l’offensive…
- Au fait, ajouta Khi’mel. L’opération sera supervisée par…
- … moi, coupa un Bothan en costume de Conseiller qui suivait l’amiral.
- Conseiller Mek’Thra ? dit Kre’fey, surpris.
Mek’Thra hocha la tête en guise de confirmation.
- Moi seul connais toutes les modalités de cette opération, capitaine, précisa-t-il. Ne l’oubliez jamais.
Kre’fey ne pouvait que se soumettre.
- Je crains que le destroyer Ténébreux ne soit définitivement irréparable, fit savoir l’ingénieur en chef du chantier d’Annaj par le biais de l’holo-écran. Nous avons tout essayé pour le rafistoler, sans succès.
Le capitaine Pellaeon, bien droit sur le pont de commandement du Chimaera, soupira de dépit. C’était le troisième destroyer à être classé « fichu » ici, depuis le désastre.
- Prenez les mesures conséquentes… ordonna-t-il. Récupération des pièces d’artillerie, des réacteurs, des plaques de blindage.
- A vos ordres.
Pellaeon mit fin à la communication. Se retourna vers le chantier qui se dessinait sous yeux, par delà les hublots. Une fois de plus, son cœur se serra devant la vision d’une Flotte pour ainsi dire presque réduite à la casse. Presque, en fait. Les ingénieurs et les droïds, les esclaves et même les membres d’équipage travaillaient d’arrache-pied pour réparer les dégâts, nombreux, très nombreux, trop nombreux, qu’avaient subi les vaisseaux de l’escadre. Cinq destroyers pouvaient déjà être considérés comme plus ou moins remis sur pied, même si quelques dysfonctionnements demeuraient, et même s’il n’était pas trop conseillé de reprendre du service avant le mois prochain – l’on avait mis les bouchées doubles sur le Chimaera. Trois autres destroyers seraient à nouveau opérationnels dans un semestre. Pour quatre autres encore, il faudrait attendre un an ou deux – si la Rébellion leur laissait le temps, ce qui était évidemment illusoire.
Les autres survivants avaient déserté. Et ceux qui étaient restés promettaient de déserter. Pellaeon se méfiait particulièrement de deux de ses subordonnés, les amiraux Harrsk et Terradoc. Des amiraux, en effet, qui voyaient d’un très mauvais œil un capitaine leur dicter des ordres. Ce qui les empêchait, comme tant d’autres officiers supérieurs du genre Zjinj, de faire sécession, c’était ce simple fait : leurs vaisseaux faisaient partie de ceux qui ne pouvaient pas reprendre du service avant six mois.
L’Executor… 280.000 membres d’équipage… Tout est mort…
De la haine flamba le cœur de Pellaeon. De la haine contre ces salopards de Rebelles. Il finirait bien par obtenir sa vengeance. Il n’attendait que ça. Tel était le sens de sa vie. Détruire la Rébellion. La question était de savoir quand est-ce que l’opportunité se présenterait.
Il y avait sans doute plus angoissé que le capitaine Kre’fey et d’humeur au moins aussi sombre que le capitaine Pellaeon, à la même heure, dans cette galaxie ‘achement lointaine. L’amiral Ackbar, debout sur la passerelle blanche du croiseur Alliance, ne cessait d’évaluer les risques découlant d’une attaque massive du dispositif impérial à Naboo.
Extrêmement risquée, l’attaque était, il ne pouvait le nier. D’autant qu’il avait fallu rameuter en quelques heures les meilleures unités de la Flotte ainsi que des survivants d’Endor, le tout dans la plus grande discrétion – mais il savait que ce serait vain. Ackbar avait malgré tout ordonné à quelques patrouilles d’effectuer des raids sur diverses bases impériales, histoire de faire diversion. De même, les systèmes impériaux tombaient entre les mains des Rebelles les uns après les autres. Inclus : des chantiers, des bases, des usines, de l’armement, des troupes.
Mais jamais une opération aussi importante que celle qu’il s’apprêtait à lancer n’aurait lieu dans des délais aussi brefs. L’offensive démarrerait en effet dans vingt-quatre heures. Vingt-quatre heures ! Il fallait agir vite, pour sauver un maximum de gens sur Naboo. Les instructions avaient été données à vitesse luminique. Tous les vaisseaux, toutes les escadrilles n’avaient pas encore été avertis et briefés.
Au vrai, Ackbar était calamari à relever des défis. A Endor, il avait prévu de mener l’assaut le plus bref de l’Histoire – et avait finalement réussi à battre l’élite de la Flotte impériale au cours d’une bataille difficile. A Naboo, il mènerait l’assaut le plus brièvement préparé de l’Histoire. Il connaissait ses forces et ses faiblesses. Les avait mûrement analysées, soupesées, dans ce laps de temps.
Son plan était d’une simplicité aberrante. Mettre le paquet sur l’escadre impériale, l’anéantir en moins d’une demi-heure. Les points de saut avaient été déterminés à cet effet. Puis, se tourner contre d’éventuels destroyers amenés en renforts par ce Grand Amiral Takel.
Ackbar connaissait bien Takel. Le Calamari prenait plaisir à décortiquer les campagnes passées de ses adversaires. Il avait lu et relu les écrits relatifs aux batailles remportées par Takel. Et avait retenu que ce dernier était un artilleur diablement manœuvrier. Le genre à concentrer ses pièces d’artillerie en un endroit, façon groupe compact, pour décupler leur puissance de feu. En somme, Takel se plaisait à user de ses destroyers à la manière d’un gigantesque canon galactique.
Et pour protéger cette masse, il comptait évidemment sur des effectifs de TIE en surnombre. Sans aucun doute avait-il pris avec lui les meilleurs pilotes qu’il pût trouver. Les chasseurs de l’Alliance trinqueraient, donc. Et à cette pensée, Ackbar sentit l’amertume le gagner.
Quelques heures, donc… Ackbar, comme les autres, ferait son devoir. Il n’avait pas survécu aux brimades du Grand Moff Tarkin et à Endor pour tout perdre en une seule bataille. Son peuple n’avait pas enduré l’esclavage impérial pour que l’Alliance perde la guerre. Ackbar se battrait à Naboo. Et on verrait bien de quoi Mon Mothma causait lorsqu’elle qualifiait la future bataille de « coup de grâce ».
Que la Force soit avec nous…
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