La Dernière Volonté de l'Empereur
Epilogue : Le Dernier Message du Condamné
«Deux semaines après les évènements tragiques qui ont secoué Coruscant, le Tribunal Spécial pour le Jugement des Crimes Impériaux va rendre son verdict aujourd’hui. Celui-ci est pour le moins attendu, d’autant plus après les innombrables rebondissements que le procès d’Aldwin Faraday a connus. Si dans un premier temps le général Impérial nous était apparu comme le Massacreur et le Serviteur de l’Empereur, mais surtout comme un homme sans scrupule et dénué de toute conscience morale, ses déclarations pendant le procès ont bouleversé la donne. Ainsi, il n’a échappé à personne que comme d’innombrables autres individus, Faraday avait été la victime du machiavélique Palpatine et de sa capacité à manipuler les gens à sa guise.
C’est donc un homme brisé qui a été jugé, accablé par les mensonges d’un Empereur qu’il ne demandait pourtant qu’à vénérer. Faraday croyait en la justesse des valeurs défendues par l’Empire Galactique mais il a fini par ne plus se retrouver dans son despotique leader. Et c’est en appuyant sur la dualité qui opposait le général Impérial à l’Empereur que le commandant Joshua Tenling est parvenu à faire basculer Faraday. Celui-ci avait en effet décidé de dévoiler tout ce qu’il savait sur la Dernière Volonté de l’Empereur au moment où il a été la cible d’un troisième attentat en moins d’une semaine.
La volonté d’obtenir coûte que coûte cette rédemption transparaît indubitablement dans le dernier choix de Faraday qui a accepté de livrer les membres des groupuscules impériaux, infiltrés sur Coruscant et responsables de l’attaque contre les centrales chargées de propager le bouclier planétaire. Un tel revirement est-il étonnant ? Non, car les analystes s’accordent à dire que Faraday a toujours été à la frontière entre le bien et le mal. Et si pendant d’innombrables années, cette oscillation le menait très souvent à commettre des actes horribles, il semblerait qu’il ait fini par revenir vers la lumière. A ce sujet, les révélations sur la mort de sa fille y sont très certainement pour quelque chose.
L’enjeu est donc simple pour Faraday : sera-t-il condamné à mort où aura-t-il droit de purger sa peine en prison ? La réponse est imminente. C’était pour la dernière fois Alinya Kalway, en direct du Tribunal Spécial pour le Jugement des Crimes Impériaux, pour la Nouvelle Tribune Galactique. »
***
Dans la salle d’audience, la tension était palpable. Il y avait indéniablement de l’électricité dans l’air, quelque chose qui faisait frissonner les personnes présentes dans la pièce. Peut-être le sentiment de vivre un moment historique. Pour la première fois, même les journalistes étaient calmes, les yeux rivés sur l’homme qui s’apprêtait à voir sa vie basculer une fois encore.
Aldwin Faraday était assis aux côtés de son avocat, Veldran Ballawick. L’Impérial n’affichait plus le même air suffisant qu’au début du procès, mais il gardait malgré tout une certaine fierté, qui transparaissait dans son regard pénétrant. Même abattu, même rongé par les remords, Faraday conservait un charisme naturel troublant. A ses côtés, l’excité Ballawick semblait insignifiant. Le petit homme replet ne cessait de regarder de tous les côtés, et lançait parfois des coups d’œil nerveux à l’avocat de l’Accusation, assis en face de lui.
La veille, les deux hommes s’étaient affrontés lors des plaidoiries. L’avocat de l’Accusation avait employé un ton lourd, dépeignant Faraday comme un homme sans scrupule, un meurtrier qui n’avait jamais osé dire non à son « maître ». Un homme qui n’avait en fait jamais su briser ses chaînes. Dès lors, étant donné tous les actes horribles que l’impérial avait commis, l’avocat avait requis la peine de mort. Ballawick s’exprima pour sa part de façon passionnée, insistant sur le fait qu’il parlait avec son cœur et qu’il pressentait que son client n’était pas un homme foncièrement mauvais, juste quelqu’un qui avait fait les mauvais choix. Il n’en restait pas moins un homme de valeur qui avait contribué à faire échouer la Dernière Volonté de l’Empereur. Et par conséquent, il ne méritait pas la mort.
Les trois juges entrèrent enfin dans la salle d’audience et prirent place sous le regard attentif de l’assistance. Assis au premier rang, prêts à intervenir en cas de besoin, Joshua Tenling et Connor Skell semblaient attendre avec gravité le verdict. Tenling regarda alors dans la direction de Faraday, au moment où celui-ci pivotait également la tête. Les deux hommes se dévisagèrent pendant plusieurs secondes, avant que Faraday ne baisse enfin les yeux.
La voix posée du Juge Principal se fit alors entendre, venant troubler un silence de cathédrale pour le moins impressionnant :
- Accusé, levez vous !
Faraday obtempéra aussitôt, redressant le menton avec fierté. Visiblement, l’homme était prêt à affronter avec dignité la sentence. Ce fut au tour du juge de le dévisager avant qu’il ne déclare enfin :
- Je tiens à préciser que la décision que nous avons du prendre a été probablement la plus difficile de toutes nos carrières. Comment juger un homme si contradictoire ? Comment trouver la juste sentence pour un individu capable du pire comme du meilleur ? Comment percevoir ce que recèle vraiment l’âme de l’accusé ? Il nous a fallu près de vingt deux heures pour finir par tomber d’accord. Nous ne prétendons pas que notre verdict est celui attendu, mais nous sommes persuadés qu’il est juste. Aldwin Faraday est un criminel. Un des plus grands criminels de notre époque. Il a commis des actes abominables et n’a jamais su y mettre fin, prisonnier d’un engrenage qu’il ne contrôlait pas. En cela, Faraday est quelqu’un de nuisible. Mais ce même homme a également voulu mettre un terme à la Dernière Volonté de l’Empereur et malgré sa décision tardive, il a concouru à sauver des milliards de vie. Et nous pensons que ce fait devait être pris en compte. En conséquence, ce tribunal condamne Aldwin Faraday à la prison à vie. Cette peine sera incompressible quoi qu’il arrive. La séance est levée.
Quelques secondes de silence suivirent le discours du Juge Principal, puis tout à coup, des cris d’approbation et d’autres de révoltes se firent entendre. Aussitôt les journalistes se levèrent et posèrent une multitude de questions, d’autres discutant vivement entre eux. Quant aux familles des victimes, si certaines se congratulèrent, d’autres fondirent en larmes. Au milieu de ce capharnaüm, Connor Skell et Joshua Tenling restèrent assis, parfaitement immobiles. Et malgré l’agitation qui régnait à présent autour de lui, le commandant put voir la réaction de Faraday. Celui-ci n’avait pas non plus bronché. Il était toujours debout, les yeux dans le vague, l’air hagard. Personne ne pouvait savoir ce qu’il se tramait à cet instant précis dans l’esprit de cet homme condamné. Enfin, l’impérial sembla revenir à la vie et inspira profondément. Puis, il fit quelque chose de complètement improbable. Il commença à applaudir les juges, d’une manière tout à fait respectueuse. Sidérés, les juges se regardèrent, sans véritablement comprendre ce qu’il se passait. Au bout de plusieurs secondes, Faraday arrêta de taper dans ses mains et se rassit lentement. Et il ne bougea plus.
A côté de Tenling, Connor Skell se leva enfin avant de déclarer d’un ton où transparaissaient la satisfaction et le soulagement :
- Bien, je suppose que cette histoire est enfin terminée.
Tenling releva les yeux vers son subalterne et lui adressa un sourire sincère :
- Oui, et je crois pouvoir dire que vous avez rempli votre mission.
- Difficilement…
- Dans le cas présent, je crois que seul le résultat compte !
Et tandis que Connor se mettait en mouvement, le regard de Tenling se posa de nouveau sur Faraday, toujours immobile. Et il murmura alors :
- Oui, cette histoire est terminée. Mais pour lui, sa peine ne fait que commencer.
***
Deux semaines plus tard…
Affalé dans le canapé moelleux de son petit salon, Connor Skell ne bougeait pas. Il écoutait. Il écoutait ce silence troublant qui avait envahi son modeste mais coquet appartement, situé dans les niveaux médians de Coruscant. Le jeune lieutenant ne pouvait s’empêcher d’avoir une sensation de vide, ce sentiment étrange d’absolue légèreté mais aussi d’inconsistance. Le mois dernier avait été rempli d’action, source d’adrénaline. Il avait combattu pour atteindre un objectif, pour réussir une mission qui lui semblait pourtant impossible de prime abord.
Et maintenant, tout était terminé. Il ne se passait plus rien, l’adrénaline ne palpitait plus dans ses veines et aucun danger ne viendrait bouleverser une nouvelle fois la donne. Tout était terminé et pourtant, Connor en était presque triste, comme si après toute cette histoire, quelque chose s’était brisée en lui. A moins que cela ne soit quelque chose qui n’ait toujours pas pu se réparer…
Connor tendit l’oreille pour entendre dans le lointain le bruit sourd des immenses droïds de construction qui déblayaient des monceaux de gravats. Il y a quelques temps encore, Skell n’était même pas sûr de survivre, et aujourd’hui, il se trouvait dans cette situation d’inaction pesante. En y réfléchissant bien, peut-être n’était ce pas l’action qui lui manquait mais plutôt une présence. Oui, peut-être souffrait-il d’une absence qu’il avait brièvement espéré combler…
C’est alors qu’on frappa doucement à la porte du petit appartement. Connor regarda cette dernière sans broncher pour autant. Les coups se furent alors plus insistants. Tout en maugréant, le lieutenant se leva avant de chanceler dangereusement. Il n’aurait peut-être pas du prendre un troisième verre de Brandy, encore moins à onze heures du matin. Skell se traîna jusqu’à la porte tout en grattant sa barbe de trois jours.
- J’arrive…Lança t-il sans conviction.
Connor appuya sur un petit interrupteur et la porte coulissa sur elle-même. En découvrant l’identité de son visiteur, Skell posa immédiatement la main sur son blaster. Mais il se rendit bien vite compte qu’il ne l’avait pas sur lui. L’homme en face de lui eut un sourire las, avant de lever lentement les mains devant lui et de déclarer :
- Je ne suis pas armé. Je dois te parler.
- Je pensais que nous n’avions plus rien à nous dire, rétorqua Connor, le cœur battant tout à coup plus vite.
- Comme pour beaucoup d’autres choses, je me suis trompé, assura Azel Skell l’air grave.
***
Joshua Tenling, bien campé sur ses jambes, regardait avec un mélange d’appréhension et d’excitation le ciel voilé de Coruscant. Au loin, des immenses nuages de fumée signalaient les quartiers où les intenses travaux de reconstruction avaient lieu. Un lointain bruit de fracas métallique trahissait également l’activité frénétique des droïds de construction qui avaient fort à faire.
Tenling se tenait sur une grande plateforme d’atterrissage qui avait été épargnée par les explosions cataclysmiques des vaisseaux envoyés par l’Empereur. Autour de la plateforme, les immeubles étaient encore debout et semblaient comme narguer de toute leur hauteur leurs frères décapités ou fauchés à la base. Le commandant scrutait le ciel, à la recherche du vaisseau de transport qu’il attendait avec une certaine crainte. Tout était allé si vite. Il y a trois jours, il avait reçu une demande officielle de Bastion, demandant l’autorisation à ce qu’une civile puisse poser les pieds sur Coruscant. En découvrant le but de cette visite, Tenling avait d’abord cru qu’il allait défaillir. Et puis, il avait compris que cette visite ne changerait rien, que tout était déjà allé trop loin pour qu’un quelconque retour en arrière puisse être opéré. Et voilà pourquoi Joshua attendait en personne « l’émissaire » de Bastion, son cœur battant plus vite qu’à la normale. Cette sensation était d’ailleurs étrange. En tentant de l’analyser, il se dit que peut-être se sentait-il coupable de cette situation? Non, il ne devait pas. Il avait fait ce qui était nécessaire pour sauver Coruscant, il n’y avait rien à regretter. Plus maintenant.
Un bruit de turbine diffus atteignit alors les oreilles de Tenling qui releva aussitôt les yeux vers le ciel. Apparaissant de derrière une forêt de buildings, un petit vaisseau effilé d’un beige quelconque se dirigea vers la plateforme et entama alors sa procédure d’atterrissage. Reculant pour ne pas être gêné par les impressionnants déplacements d’air, Tenling en profita également pour réajuster son uniforme officiel de commandant. Cela faisait bien longtemps qu’il ne l’avait plus revêtu et il se sentait quelque peu mal à l’aise. A moins que là encore, ce malaise n’ait rien à voir avec le costume.
Les turbines du vaisseau impérial cessèrent enfin de tourner et Tenling put alors s’approcher de la rampe de débarquement qui se déployait lentement. Quant elle eut enfin touchée le sol, deux soldats armés de blasters descendirent aussitôt du vaisseau et se positionnèrent de part et d’autre de la rampe. Puis, une jeune femme l’emprunta lentement à son tour, prenant soin de regarder partout autour d’elle avec un émerveillement non dissimulé.
Tenling décida alors d’aller à sa rencontre et s’arrêta à un mètre à peine d’elle. La jeune femme aux yeux d’un bleu bouleversant regarda le commandant. Celui-ci se racla alors la gorge avant de se forcer à sourire :
- Kelya Faraday, bienvenue sur Coruscant !
***
Connor s’écarta légèrement pour laisser son père entrer dans le petit appartement. Azel jeta un coup d’œil sur la table basse du salon sur laquelle trônait la bouteille de Brandy à moitié vide, avant de déclarer :
- Je vois que la solitude te pèse…
- Qui te dit que je ne voulais pas seulement prendre l’apéro ? Maugréa Connor en retour.
Azel s’immobilisa et regarda alors son fils avec un mélange de peine et de compassion :
- Je…je crois que je te dois des excuses.
- Pour quoi ? Pour m’avoir renié ou avoir essayé de me tuer ?
- Les deux. Je ne savais plus ce que je faisais, j’étais aveuglé par la colère.
Connor croisa ses bras musclés sur sa poitrine :
- Et ce n’est plus le cas ?
Azel ne répondit rien dans un premier temps et se dirigea vers la baie vitrée qui offrait une vue saisissante sur Coruscant, tournant de fait le dos à son fils :
- Ce qu’il s’est passé ici…
- La Dernière Volonté de l’Empereur !
- Oui. Je n’ai pas voulu te croire et pourtant tu avais raison. Tu avais même raison depuis le début. Ce que nous avons vécu m’a ouvert les yeux et j’ai compris une chose essentielle.
Voyant que Connor ne répondait rien, Azel pivota sur lui-même et plongea son regard dans celui hostile de son enfant :
- Nous sommes peu de chose, mon fils ! Nous ne sommes que poussière, des êtres insignifiants dont la vie peut-être balayée en une fraction de seconde, en un claquement de doigt.
- C’est vrai…
- Alors…j’ai compris que je m’étais égaré sur le chemin de la vengeance. J’aurai du percevoir que cela ne me mènerait nulle part, mais tu vois, la colère est tellement attirante, tellement réconfortante, elle te permet de trouver des forces insoupçonnées pour continuer à vivre et te battre. Et puis, Faraday avait tué ta mère, il devait payer pour ça !
- Maman ne peut-être ramenée d’entre les morts !
- Précisément ! Dès lors, pourquoi se venger ? Je voulais que ta mère revienne, pas tuer des innocents.
- C’est pourtant ce que tu as fait.
- Oui, mais je l’ai compris trop tard. J’étais enfermé dans une noirceur impénétrable et mon esprit refusait de fonctionner correctement. Je ne voulais qu’une chose : tuer Faraday, coûte que coûte. Quitte à tout perdre, quitte à te perdre !
Un silence pesant s’imposa alors entre les deux hommes. Puis Azel s’approcha de son fils :
- Ce que je suis venu chercher aujourd’hui, c’est ton pardon. Je suis la seule famille qui te reste et ta mère me détesterait si elle me voyait rester ton ennemi. Tu peux m’arrêter et me traduire en justice Connor, tu en as le droit. Peut-être en as-tu même le devoir. Mais même si tu le fais, je veux que toi, tu me pardonnes pour ce que j’ai fait.
Connor resta alors silencieux, face à son père, son regard plongé dans le sien. Le jeune lieutenant ne savait pas à l’évidence quelle attitude adopter. Devait-il arrêter cet homme afin qu’il paye pour ce qu’il avait fait, où devait-il le sauver au prétexte qu’il était son père et donc la seule bouée de sauvetage qu’il lui restait ?
A cet instant, les paroles de Tenling prononcées devant la chambre d’hôpital de Faraday revinrent à l’esprit de Connor : « Quand ce moment viendra, vous prendrez une décision. Et je suis certain que ce sera la bonne. » Le moment était venu et il fallait choisir. Au bout de plusieurs secondes qui parurent interminables, Connor inspira alors profondément et lança d’une voix hésitante :
- Tu…tu veux un verre de Brandy ?
Azel en resta interloqué. Il cligna plusieurs fois des yeux avant de sourire légèrement :
- Avec plaisir !
***
Kelya Faraday était aussi attirante que sur les projections holographiques que Tenling avait vues d’elle. Grande, plutôt mince, possédant des formes agréables et des traits fins, la jeune femme avait également une grâce indéniable et une certaine présence qui n’était pas sans rappeler celle de son père. Kelya serra avec chaleur la main de Tenling et dit d’une voix agréable :
- Coruscant est vraiment une planète surprenante.
- J’ai cru comprendre que vous n’aviez jamais réellement vécu ici ?
- En effet. Croyez bien que je le regrette. Vous êtes le commandant Joshua Tenling ?
Celui-ci se contenta d’approuver en hochant la tête. Puis il désigna un speeder blindé gris métallisé stationné à une trentaine de mètres et déclara :
- Si vous voulez bien me suivre, nous allons directement nous rendre à la prison dans laquelle est incarcéré votre père. Je suppose que vous avez hâte de le revoir.
Kelya eut un sourire las :
- Je ne sais même pas comment me comporter face à lui. Cela fait tant d’années que je ne l’ai pas vu. J’ai envie de le serrer dans mes bras et en même temps, j’ai le sentiment que le temps a creusé un fossé entre nous. L’avez-vous prévenu de ma visite ?
- Non, j’ai pensé que vous voudriez lui faire la surprise, fit Tenling légèrement gêné.
- Vous avez bien fait.
Tandis que le commandant et Kelya montaient dans le speeder, le premier se demanda comment Faraday allait réagir quand il comprendrait que sa fille était bel et bien en vie. Depuis deux semaines, Tenling avait été incapable de lui dire la vérité, peut-être parce qu’il sentait que cela ne ferait guère plus de différence…ou peut-être par lâcheté. Oui, Tenling n’était à l’évidence pas aussi courageux qu’il le pensait. Mais de toute façon, le commandant n’avait pas le droit d’empêcher une fille de rendre visite à son père, alors quand il avait reçu la demande de Kelya, il n’avait pas pu refuser. Joshua s’accommoderait dans tous les cas de la façon dont allait réagir le général impérial.
A présent que le speeder se dirigeait vers la Prison Centrale de Coruscant, slalomant dans la dense circulation matinale ; Tenling, assis sur la banquette arrière, demanda à son interlocutrice :
- Puis-je savoir pourquoi vous avez subitement décidé de venir ici ?
- Vous savez, cela ne fait qu’une semaine que je suis au courant de la situation de mon père. Auparavant, je n’avais aucune idée de ce qu’il se tramait sur cette planète. Les informations de votre Nouvelle République ont du mal à arriver jusqu’à Bastion.
- Ca ne m’étonne pas.
- Alors quand j’ai su que mon père avait réchappé à la mort, j’ai décidé qu’il était temps de venir le voir. Je pense pouvoir lui apporter un peu de bonheur, une sorte de répit dans la peine qu’il doit purger.
- Je comprends.
- Et puis, une fois que j’aurai vu mon père, je compte retrouver ma mère. Au fait, comment va-t-elle ?
- Je ne vous cacherai pas qu’elle vit mal l’incarcération de son mari. Elle est assignée à résidence et j’ai le sentiment que la solitude lui pèse. Je pense qu’elle aussi sera très contente de vous voir.
Kelya montra son assentiment. Au bout de quelques instants, elle se décida à rompre le silence en lançant sur un ton presque désinvolte :
- Les autorités de Bastion ont peur que je ne retourne jamais là-bas…
Tenling fronça les sourcils d’incompréhension :
- J’ai donné ma parole que vous seriez libre de rentrer chez vous à n’importe quel moment et je tiendrai ma promesse. Pour moi, vous n’êtes pas responsable des actes de votre père.
- Je suis heureuse de vous l’entendre dire, répondit alors la jeune femme en souriant.
Dix minutes plus tard, le speeder s’immobilisa devant une impressionnante et massive structure cubique, entourée par des murs déflecteurs de dix mètres de haut. Tenling fut le premier à sortir du véhicule, et alla ouvrir la porte de Kelya qui ne put réprimer un frisson en découvrant la Prison Centrale de Coruscant.
- Cet endroit est lugubre, assura t-elle les yeux tristes.
Joshua regarda à son tour la construction aux murs ternes et sales avant de déclarer :
- Je sais que cela ne changera pas grand-chose pour vous, mais Faraday a été mis dans le quartier des célébrités. Il est donc seul dans sa cellule et à ainsi un peu plus d’intimité.
Voyant que Kelya ne répondait rien, Tenling lui fit signe de le suivre. Ils s’arrêtèrent devant une énorme porte blindée, gardée par deux soldats armés de blasters d’assaut qui contrôlèrent les papiers de Tenling avant d’ouvrir la porte. Celle-ci coulissa sur elle-même, révélant une sorte de sas, où d’autres gardes attendaient. Sans hésiter un seul instant, le commandant se dirigea vers une petite guérite dans laquelle un agent de la prison attendait. Tenling se contenta de mentionner son nom et le but de sa visite avant que le gardien ne réponde d’une voix monocorde :
- Ah oui bien sûr, nous vous attendions. Le sergent Koldren va vous conduire à la cellule de Faraday.
- Je vous remercie.
Tenling et Kelya suivirent alors le sergent qui les mena dans un dédale de couloirs austères, parsemés à intervalles réguliers d’innombrables portes de cellules. De temps en temps, des cris où des paroles indéchiffrables se faisaient entendre, troublant le silence pesant des lieux. Les pas des visiteurs résonnaient et le moindre toussotement s’amplifiait instantanément. Kelya remonta le col de son manteau pour se protéger du froid qui errait dans ses couloirs sans fin. Le sergent tourna une nouvelle fois à droite, croisa plusieurs gardiens qui effectuaient leur ronde dans ce secteur puis emprunta un escalier qui semblait descendre dans les sous sols. Des spots s’allumèrent alors automatiquement au passage de la petite cohorte qui bifurqua une ultime fois. Enfin, Koldren s’arrêta devant une porte identique aux autres, lourdement blindée et qui était en partie dévorée par la rouille. Voyant le regard interloqué de Tenling, le sergent lança d’un air désabusé :
- Vous croyez peut-être que la Nouvelle République a les moyens financiers de restaurer les prisons ?
Tenling ne répondit rien. Koldren sortit alors une datacarte qu’il inséra dans une fente près de la porte. Puis il apposa son index sur un petit boîtier incrusté dans le mur, déclenchant un léger bip. On entendit alors une succession de sécurité se lever dans le mécanisme de la porte et celle-ci coulissa enfin sur elle-même dans un grincement infernal.
- Voilà, dîtes-moi quand vous en aurez fini avec lui.
- Merci.
Tenling pénétra alors dans la cellule, Kelya sur ses pas. Et tous deux s’immobilisèrent aussitôt, instantanément pétrifiés. Tandis que Tenling écarquillait les yeux de stupeur et faisait un pas en arrière, Kelya plaqua ses mains devant sa bouche pour retenir un cri d’effroi.
Devant eux, Aldwin Konrad Faraday était mort.
***
Le général Impérial pendait à quelques centimètres au dessus du sol, les bras le long du corps et le cou enserré dans un épais drap blanc qui faisait ressortir la peau rouge tirant sur le violet de son visage. Sa fille tomba alors à genou sur le sol gris et ne put retenir ses larmes, son corps se mettant aussitôt à trembler de toute part. Déglutissant avec difficulté, Tenling se retourna pour voir le sergent être lui-même atterré. Celui-ci réussit enfin à bouger et s’élança dans le couloir, sans doute pour donner l’alerte.
- Pourquoi ? Pourquoi a-t-il fait ça? Sanglota Kelya qui refusait de relever les yeux vers le corps ballotant de son défunt père.
Tenling ouvrit la bouche mais aucun son ne réussit à en sortir. Il s’approcha alors de son ancien ennemi et fut stupéfait de constater que ses yeux de glace si perçants étaient devenus ternes, littéralement éteints.
- Il…il est mort ! Se lamenta de nouveau la jeune femme en secouant lentement la tête.
Tenling regarda alors partout autour de lui et son regard tomba enfin sur une feuille de papier qui avait été posée sur le petit bureau mis à la disposition de Faraday lors de son arrivée dans le centre pénitentiaire. A cet instant, Kelya se releva en titubant et tenta d’essuyer ses abondantes larmes. Elle regarda Tenling qui constata que son maquillage avait coulé, laissant de grandes traces noires sous ses beaux yeux bleus. Ne sachant que faire, la fille de l’impérial finit par enserrer le commandant Tenling et pleurer de nouveau sur son épaule.
C’est dans cette position que Tenling tendit le bras droit et se saisit de la feuille posée sur le petit bureau. Et c’est envahi par un profond malaise et une terrible souffrance intérieure que le commandant lut le dernier texte qu’Aldwin Faraday avait rédigé de sa belle écriture légèrement penchée :
« Ceci est mon dernier message, ceci est mon témoignage.
Tout au long de ma vie, j’ai toujours apprécié cette possibilité rassurante de différencier les choses. J’ai souvent eu recours à un manichéisme des plus pathétiques mais aussi des plus confortables pour prendre des décisions difficiles. Il y avait le Bien et il y avait le Mal. C’était aussi simple que ça. Et ceux qui étaient du mauvais côté devaient en payer le prix.
Et pourtant, même si j’aimais ce principe, j’en suis l’exact opposé. Je ne suis pas blanc, je ne suis pas noir, je suis ombre et lumière. Je suis un ange noir qui illumine les ténèbres et qui obscurcit la lumière. Toute ma vie n’a été que doutes, hésitations et donc faiblesses. J’ai voulu vivre le rêve impérial, j’ai subi le cauchemar de Palpatine, j’ai souhaité être un guide pour les peuples, j’ai été un massacreur d’innocents. Oui, je suis un criminel, il n’y a pas de doute à ce sujet. J’ai tué, pillé, massacré pour obéir à un homme machiavélique. Mais ne soyons pas dupes, j’ai fait tout ceci parce que quelque part, le meurtre me procurait un sentiment de domination exaltant, une jouissance toujours renouvelée.
Oui, j’ai tué, pillé et massacré, mais j’ai aussi donné la vie. J’ai eu le bonheur d’être père, d’être le garant ultime d’une existence qui m’était si précieuse. Et pourtant, cette joie m’a été violemment arrachée, j’ai été dépossédé de ce que j’avais de plus cher au monde. Et pourquoi ? Parce que j’avais choisi de suivre un homme perfide sur le chemin des ténèbres absolues. C’est peut-être là une punition suprême, la plus terrible d’entre toutes. Je me suis perdu et j’ai tout perdu.
Si j’avais la possibilité de tout recommencer, mes choix seraient-ils différents ? Je ne sais pas, je ne sais plus et je le ne saurai jamais. Et voilà, encore ces doutes, ces hésitations et ces faiblesses. Mes faiblesses ! Je hais les faibles et j’en suis pourtant un. J’exècre les doutes et ils ont pourtant été mon seul compagnon pendant des années. Quelle ironie ! Je me voulais sûr de moi mais je suis à présent tiraillé par les remords et des spectres aux visages flous hantent mes nuits. Toutes mes nuits. Et voilà pourquoi j’ai décidé d’en finir, ici et maintenant, parce que j’ai compris une ultime vérité, sorte de dernier éclair de lucidité dans un flot de pensées obscures : sur l’autel de la rédemption, il n’y a définitivement pas de place pour moi.
J’ai décidé de mourir. Et c’est Ma Dernière Volonté. »
FIN
Ecrit par Darkwilliam.
C’est donc un homme brisé qui a été jugé, accablé par les mensonges d’un Empereur qu’il ne demandait pourtant qu’à vénérer. Faraday croyait en la justesse des valeurs défendues par l’Empire Galactique mais il a fini par ne plus se retrouver dans son despotique leader. Et c’est en appuyant sur la dualité qui opposait le général Impérial à l’Empereur que le commandant Joshua Tenling est parvenu à faire basculer Faraday. Celui-ci avait en effet décidé de dévoiler tout ce qu’il savait sur la Dernière Volonté de l’Empereur au moment où il a été la cible d’un troisième attentat en moins d’une semaine.
La volonté d’obtenir coûte que coûte cette rédemption transparaît indubitablement dans le dernier choix de Faraday qui a accepté de livrer les membres des groupuscules impériaux, infiltrés sur Coruscant et responsables de l’attaque contre les centrales chargées de propager le bouclier planétaire. Un tel revirement est-il étonnant ? Non, car les analystes s’accordent à dire que Faraday a toujours été à la frontière entre le bien et le mal. Et si pendant d’innombrables années, cette oscillation le menait très souvent à commettre des actes horribles, il semblerait qu’il ait fini par revenir vers la lumière. A ce sujet, les révélations sur la mort de sa fille y sont très certainement pour quelque chose.
L’enjeu est donc simple pour Faraday : sera-t-il condamné à mort où aura-t-il droit de purger sa peine en prison ? La réponse est imminente. C’était pour la dernière fois Alinya Kalway, en direct du Tribunal Spécial pour le Jugement des Crimes Impériaux, pour la Nouvelle Tribune Galactique. »
***
Dans la salle d’audience, la tension était palpable. Il y avait indéniablement de l’électricité dans l’air, quelque chose qui faisait frissonner les personnes présentes dans la pièce. Peut-être le sentiment de vivre un moment historique. Pour la première fois, même les journalistes étaient calmes, les yeux rivés sur l’homme qui s’apprêtait à voir sa vie basculer une fois encore.
Aldwin Faraday était assis aux côtés de son avocat, Veldran Ballawick. L’Impérial n’affichait plus le même air suffisant qu’au début du procès, mais il gardait malgré tout une certaine fierté, qui transparaissait dans son regard pénétrant. Même abattu, même rongé par les remords, Faraday conservait un charisme naturel troublant. A ses côtés, l’excité Ballawick semblait insignifiant. Le petit homme replet ne cessait de regarder de tous les côtés, et lançait parfois des coups d’œil nerveux à l’avocat de l’Accusation, assis en face de lui.
La veille, les deux hommes s’étaient affrontés lors des plaidoiries. L’avocat de l’Accusation avait employé un ton lourd, dépeignant Faraday comme un homme sans scrupule, un meurtrier qui n’avait jamais osé dire non à son « maître ». Un homme qui n’avait en fait jamais su briser ses chaînes. Dès lors, étant donné tous les actes horribles que l’impérial avait commis, l’avocat avait requis la peine de mort. Ballawick s’exprima pour sa part de façon passionnée, insistant sur le fait qu’il parlait avec son cœur et qu’il pressentait que son client n’était pas un homme foncièrement mauvais, juste quelqu’un qui avait fait les mauvais choix. Il n’en restait pas moins un homme de valeur qui avait contribué à faire échouer la Dernière Volonté de l’Empereur. Et par conséquent, il ne méritait pas la mort.
Les trois juges entrèrent enfin dans la salle d’audience et prirent place sous le regard attentif de l’assistance. Assis au premier rang, prêts à intervenir en cas de besoin, Joshua Tenling et Connor Skell semblaient attendre avec gravité le verdict. Tenling regarda alors dans la direction de Faraday, au moment où celui-ci pivotait également la tête. Les deux hommes se dévisagèrent pendant plusieurs secondes, avant que Faraday ne baisse enfin les yeux.
La voix posée du Juge Principal se fit alors entendre, venant troubler un silence de cathédrale pour le moins impressionnant :
- Accusé, levez vous !
Faraday obtempéra aussitôt, redressant le menton avec fierté. Visiblement, l’homme était prêt à affronter avec dignité la sentence. Ce fut au tour du juge de le dévisager avant qu’il ne déclare enfin :
- Je tiens à préciser que la décision que nous avons du prendre a été probablement la plus difficile de toutes nos carrières. Comment juger un homme si contradictoire ? Comment trouver la juste sentence pour un individu capable du pire comme du meilleur ? Comment percevoir ce que recèle vraiment l’âme de l’accusé ? Il nous a fallu près de vingt deux heures pour finir par tomber d’accord. Nous ne prétendons pas que notre verdict est celui attendu, mais nous sommes persuadés qu’il est juste. Aldwin Faraday est un criminel. Un des plus grands criminels de notre époque. Il a commis des actes abominables et n’a jamais su y mettre fin, prisonnier d’un engrenage qu’il ne contrôlait pas. En cela, Faraday est quelqu’un de nuisible. Mais ce même homme a également voulu mettre un terme à la Dernière Volonté de l’Empereur et malgré sa décision tardive, il a concouru à sauver des milliards de vie. Et nous pensons que ce fait devait être pris en compte. En conséquence, ce tribunal condamne Aldwin Faraday à la prison à vie. Cette peine sera incompressible quoi qu’il arrive. La séance est levée.
Quelques secondes de silence suivirent le discours du Juge Principal, puis tout à coup, des cris d’approbation et d’autres de révoltes se firent entendre. Aussitôt les journalistes se levèrent et posèrent une multitude de questions, d’autres discutant vivement entre eux. Quant aux familles des victimes, si certaines se congratulèrent, d’autres fondirent en larmes. Au milieu de ce capharnaüm, Connor Skell et Joshua Tenling restèrent assis, parfaitement immobiles. Et malgré l’agitation qui régnait à présent autour de lui, le commandant put voir la réaction de Faraday. Celui-ci n’avait pas non plus bronché. Il était toujours debout, les yeux dans le vague, l’air hagard. Personne ne pouvait savoir ce qu’il se tramait à cet instant précis dans l’esprit de cet homme condamné. Enfin, l’impérial sembla revenir à la vie et inspira profondément. Puis, il fit quelque chose de complètement improbable. Il commença à applaudir les juges, d’une manière tout à fait respectueuse. Sidérés, les juges se regardèrent, sans véritablement comprendre ce qu’il se passait. Au bout de plusieurs secondes, Faraday arrêta de taper dans ses mains et se rassit lentement. Et il ne bougea plus.
A côté de Tenling, Connor Skell se leva enfin avant de déclarer d’un ton où transparaissaient la satisfaction et le soulagement :
- Bien, je suppose que cette histoire est enfin terminée.
Tenling releva les yeux vers son subalterne et lui adressa un sourire sincère :
- Oui, et je crois pouvoir dire que vous avez rempli votre mission.
- Difficilement…
- Dans le cas présent, je crois que seul le résultat compte !
Et tandis que Connor se mettait en mouvement, le regard de Tenling se posa de nouveau sur Faraday, toujours immobile. Et il murmura alors :
- Oui, cette histoire est terminée. Mais pour lui, sa peine ne fait que commencer.
***
Deux semaines plus tard…
Affalé dans le canapé moelleux de son petit salon, Connor Skell ne bougeait pas. Il écoutait. Il écoutait ce silence troublant qui avait envahi son modeste mais coquet appartement, situé dans les niveaux médians de Coruscant. Le jeune lieutenant ne pouvait s’empêcher d’avoir une sensation de vide, ce sentiment étrange d’absolue légèreté mais aussi d’inconsistance. Le mois dernier avait été rempli d’action, source d’adrénaline. Il avait combattu pour atteindre un objectif, pour réussir une mission qui lui semblait pourtant impossible de prime abord.
Et maintenant, tout était terminé. Il ne se passait plus rien, l’adrénaline ne palpitait plus dans ses veines et aucun danger ne viendrait bouleverser une nouvelle fois la donne. Tout était terminé et pourtant, Connor en était presque triste, comme si après toute cette histoire, quelque chose s’était brisée en lui. A moins que cela ne soit quelque chose qui n’ait toujours pas pu se réparer…
Connor tendit l’oreille pour entendre dans le lointain le bruit sourd des immenses droïds de construction qui déblayaient des monceaux de gravats. Il y a quelques temps encore, Skell n’était même pas sûr de survivre, et aujourd’hui, il se trouvait dans cette situation d’inaction pesante. En y réfléchissant bien, peut-être n’était ce pas l’action qui lui manquait mais plutôt une présence. Oui, peut-être souffrait-il d’une absence qu’il avait brièvement espéré combler…
C’est alors qu’on frappa doucement à la porte du petit appartement. Connor regarda cette dernière sans broncher pour autant. Les coups se furent alors plus insistants. Tout en maugréant, le lieutenant se leva avant de chanceler dangereusement. Il n’aurait peut-être pas du prendre un troisième verre de Brandy, encore moins à onze heures du matin. Skell se traîna jusqu’à la porte tout en grattant sa barbe de trois jours.
- J’arrive…Lança t-il sans conviction.
Connor appuya sur un petit interrupteur et la porte coulissa sur elle-même. En découvrant l’identité de son visiteur, Skell posa immédiatement la main sur son blaster. Mais il se rendit bien vite compte qu’il ne l’avait pas sur lui. L’homme en face de lui eut un sourire las, avant de lever lentement les mains devant lui et de déclarer :
- Je ne suis pas armé. Je dois te parler.
- Je pensais que nous n’avions plus rien à nous dire, rétorqua Connor, le cœur battant tout à coup plus vite.
- Comme pour beaucoup d’autres choses, je me suis trompé, assura Azel Skell l’air grave.
***
Joshua Tenling, bien campé sur ses jambes, regardait avec un mélange d’appréhension et d’excitation le ciel voilé de Coruscant. Au loin, des immenses nuages de fumée signalaient les quartiers où les intenses travaux de reconstruction avaient lieu. Un lointain bruit de fracas métallique trahissait également l’activité frénétique des droïds de construction qui avaient fort à faire.
Tenling se tenait sur une grande plateforme d’atterrissage qui avait été épargnée par les explosions cataclysmiques des vaisseaux envoyés par l’Empereur. Autour de la plateforme, les immeubles étaient encore debout et semblaient comme narguer de toute leur hauteur leurs frères décapités ou fauchés à la base. Le commandant scrutait le ciel, à la recherche du vaisseau de transport qu’il attendait avec une certaine crainte. Tout était allé si vite. Il y a trois jours, il avait reçu une demande officielle de Bastion, demandant l’autorisation à ce qu’une civile puisse poser les pieds sur Coruscant. En découvrant le but de cette visite, Tenling avait d’abord cru qu’il allait défaillir. Et puis, il avait compris que cette visite ne changerait rien, que tout était déjà allé trop loin pour qu’un quelconque retour en arrière puisse être opéré. Et voilà pourquoi Joshua attendait en personne « l’émissaire » de Bastion, son cœur battant plus vite qu’à la normale. Cette sensation était d’ailleurs étrange. En tentant de l’analyser, il se dit que peut-être se sentait-il coupable de cette situation? Non, il ne devait pas. Il avait fait ce qui était nécessaire pour sauver Coruscant, il n’y avait rien à regretter. Plus maintenant.
Un bruit de turbine diffus atteignit alors les oreilles de Tenling qui releva aussitôt les yeux vers le ciel. Apparaissant de derrière une forêt de buildings, un petit vaisseau effilé d’un beige quelconque se dirigea vers la plateforme et entama alors sa procédure d’atterrissage. Reculant pour ne pas être gêné par les impressionnants déplacements d’air, Tenling en profita également pour réajuster son uniforme officiel de commandant. Cela faisait bien longtemps qu’il ne l’avait plus revêtu et il se sentait quelque peu mal à l’aise. A moins que là encore, ce malaise n’ait rien à voir avec le costume.
Les turbines du vaisseau impérial cessèrent enfin de tourner et Tenling put alors s’approcher de la rampe de débarquement qui se déployait lentement. Quant elle eut enfin touchée le sol, deux soldats armés de blasters descendirent aussitôt du vaisseau et se positionnèrent de part et d’autre de la rampe. Puis, une jeune femme l’emprunta lentement à son tour, prenant soin de regarder partout autour d’elle avec un émerveillement non dissimulé.
Tenling décida alors d’aller à sa rencontre et s’arrêta à un mètre à peine d’elle. La jeune femme aux yeux d’un bleu bouleversant regarda le commandant. Celui-ci se racla alors la gorge avant de se forcer à sourire :
- Kelya Faraday, bienvenue sur Coruscant !
***
Connor s’écarta légèrement pour laisser son père entrer dans le petit appartement. Azel jeta un coup d’œil sur la table basse du salon sur laquelle trônait la bouteille de Brandy à moitié vide, avant de déclarer :
- Je vois que la solitude te pèse…
- Qui te dit que je ne voulais pas seulement prendre l’apéro ? Maugréa Connor en retour.
Azel s’immobilisa et regarda alors son fils avec un mélange de peine et de compassion :
- Je…je crois que je te dois des excuses.
- Pour quoi ? Pour m’avoir renié ou avoir essayé de me tuer ?
- Les deux. Je ne savais plus ce que je faisais, j’étais aveuglé par la colère.
Connor croisa ses bras musclés sur sa poitrine :
- Et ce n’est plus le cas ?
Azel ne répondit rien dans un premier temps et se dirigea vers la baie vitrée qui offrait une vue saisissante sur Coruscant, tournant de fait le dos à son fils :
- Ce qu’il s’est passé ici…
- La Dernière Volonté de l’Empereur !
- Oui. Je n’ai pas voulu te croire et pourtant tu avais raison. Tu avais même raison depuis le début. Ce que nous avons vécu m’a ouvert les yeux et j’ai compris une chose essentielle.
Voyant que Connor ne répondait rien, Azel pivota sur lui-même et plongea son regard dans celui hostile de son enfant :
- Nous sommes peu de chose, mon fils ! Nous ne sommes que poussière, des êtres insignifiants dont la vie peut-être balayée en une fraction de seconde, en un claquement de doigt.
- C’est vrai…
- Alors…j’ai compris que je m’étais égaré sur le chemin de la vengeance. J’aurai du percevoir que cela ne me mènerait nulle part, mais tu vois, la colère est tellement attirante, tellement réconfortante, elle te permet de trouver des forces insoupçonnées pour continuer à vivre et te battre. Et puis, Faraday avait tué ta mère, il devait payer pour ça !
- Maman ne peut-être ramenée d’entre les morts !
- Précisément ! Dès lors, pourquoi se venger ? Je voulais que ta mère revienne, pas tuer des innocents.
- C’est pourtant ce que tu as fait.
- Oui, mais je l’ai compris trop tard. J’étais enfermé dans une noirceur impénétrable et mon esprit refusait de fonctionner correctement. Je ne voulais qu’une chose : tuer Faraday, coûte que coûte. Quitte à tout perdre, quitte à te perdre !
Un silence pesant s’imposa alors entre les deux hommes. Puis Azel s’approcha de son fils :
- Ce que je suis venu chercher aujourd’hui, c’est ton pardon. Je suis la seule famille qui te reste et ta mère me détesterait si elle me voyait rester ton ennemi. Tu peux m’arrêter et me traduire en justice Connor, tu en as le droit. Peut-être en as-tu même le devoir. Mais même si tu le fais, je veux que toi, tu me pardonnes pour ce que j’ai fait.
Connor resta alors silencieux, face à son père, son regard plongé dans le sien. Le jeune lieutenant ne savait pas à l’évidence quelle attitude adopter. Devait-il arrêter cet homme afin qu’il paye pour ce qu’il avait fait, où devait-il le sauver au prétexte qu’il était son père et donc la seule bouée de sauvetage qu’il lui restait ?
A cet instant, les paroles de Tenling prononcées devant la chambre d’hôpital de Faraday revinrent à l’esprit de Connor : « Quand ce moment viendra, vous prendrez une décision. Et je suis certain que ce sera la bonne. » Le moment était venu et il fallait choisir. Au bout de plusieurs secondes qui parurent interminables, Connor inspira alors profondément et lança d’une voix hésitante :
- Tu…tu veux un verre de Brandy ?
Azel en resta interloqué. Il cligna plusieurs fois des yeux avant de sourire légèrement :
- Avec plaisir !
***
Kelya Faraday était aussi attirante que sur les projections holographiques que Tenling avait vues d’elle. Grande, plutôt mince, possédant des formes agréables et des traits fins, la jeune femme avait également une grâce indéniable et une certaine présence qui n’était pas sans rappeler celle de son père. Kelya serra avec chaleur la main de Tenling et dit d’une voix agréable :
- Coruscant est vraiment une planète surprenante.
- J’ai cru comprendre que vous n’aviez jamais réellement vécu ici ?
- En effet. Croyez bien que je le regrette. Vous êtes le commandant Joshua Tenling ?
Celui-ci se contenta d’approuver en hochant la tête. Puis il désigna un speeder blindé gris métallisé stationné à une trentaine de mètres et déclara :
- Si vous voulez bien me suivre, nous allons directement nous rendre à la prison dans laquelle est incarcéré votre père. Je suppose que vous avez hâte de le revoir.
Kelya eut un sourire las :
- Je ne sais même pas comment me comporter face à lui. Cela fait tant d’années que je ne l’ai pas vu. J’ai envie de le serrer dans mes bras et en même temps, j’ai le sentiment que le temps a creusé un fossé entre nous. L’avez-vous prévenu de ma visite ?
- Non, j’ai pensé que vous voudriez lui faire la surprise, fit Tenling légèrement gêné.
- Vous avez bien fait.
Tandis que le commandant et Kelya montaient dans le speeder, le premier se demanda comment Faraday allait réagir quand il comprendrait que sa fille était bel et bien en vie. Depuis deux semaines, Tenling avait été incapable de lui dire la vérité, peut-être parce qu’il sentait que cela ne ferait guère plus de différence…ou peut-être par lâcheté. Oui, Tenling n’était à l’évidence pas aussi courageux qu’il le pensait. Mais de toute façon, le commandant n’avait pas le droit d’empêcher une fille de rendre visite à son père, alors quand il avait reçu la demande de Kelya, il n’avait pas pu refuser. Joshua s’accommoderait dans tous les cas de la façon dont allait réagir le général impérial.
A présent que le speeder se dirigeait vers la Prison Centrale de Coruscant, slalomant dans la dense circulation matinale ; Tenling, assis sur la banquette arrière, demanda à son interlocutrice :
- Puis-je savoir pourquoi vous avez subitement décidé de venir ici ?
- Vous savez, cela ne fait qu’une semaine que je suis au courant de la situation de mon père. Auparavant, je n’avais aucune idée de ce qu’il se tramait sur cette planète. Les informations de votre Nouvelle République ont du mal à arriver jusqu’à Bastion.
- Ca ne m’étonne pas.
- Alors quand j’ai su que mon père avait réchappé à la mort, j’ai décidé qu’il était temps de venir le voir. Je pense pouvoir lui apporter un peu de bonheur, une sorte de répit dans la peine qu’il doit purger.
- Je comprends.
- Et puis, une fois que j’aurai vu mon père, je compte retrouver ma mère. Au fait, comment va-t-elle ?
- Je ne vous cacherai pas qu’elle vit mal l’incarcération de son mari. Elle est assignée à résidence et j’ai le sentiment que la solitude lui pèse. Je pense qu’elle aussi sera très contente de vous voir.
Kelya montra son assentiment. Au bout de quelques instants, elle se décida à rompre le silence en lançant sur un ton presque désinvolte :
- Les autorités de Bastion ont peur que je ne retourne jamais là-bas…
Tenling fronça les sourcils d’incompréhension :
- J’ai donné ma parole que vous seriez libre de rentrer chez vous à n’importe quel moment et je tiendrai ma promesse. Pour moi, vous n’êtes pas responsable des actes de votre père.
- Je suis heureuse de vous l’entendre dire, répondit alors la jeune femme en souriant.
Dix minutes plus tard, le speeder s’immobilisa devant une impressionnante et massive structure cubique, entourée par des murs déflecteurs de dix mètres de haut. Tenling fut le premier à sortir du véhicule, et alla ouvrir la porte de Kelya qui ne put réprimer un frisson en découvrant la Prison Centrale de Coruscant.
- Cet endroit est lugubre, assura t-elle les yeux tristes.
Joshua regarda à son tour la construction aux murs ternes et sales avant de déclarer :
- Je sais que cela ne changera pas grand-chose pour vous, mais Faraday a été mis dans le quartier des célébrités. Il est donc seul dans sa cellule et à ainsi un peu plus d’intimité.
Voyant que Kelya ne répondait rien, Tenling lui fit signe de le suivre. Ils s’arrêtèrent devant une énorme porte blindée, gardée par deux soldats armés de blasters d’assaut qui contrôlèrent les papiers de Tenling avant d’ouvrir la porte. Celle-ci coulissa sur elle-même, révélant une sorte de sas, où d’autres gardes attendaient. Sans hésiter un seul instant, le commandant se dirigea vers une petite guérite dans laquelle un agent de la prison attendait. Tenling se contenta de mentionner son nom et le but de sa visite avant que le gardien ne réponde d’une voix monocorde :
- Ah oui bien sûr, nous vous attendions. Le sergent Koldren va vous conduire à la cellule de Faraday.
- Je vous remercie.
Tenling et Kelya suivirent alors le sergent qui les mena dans un dédale de couloirs austères, parsemés à intervalles réguliers d’innombrables portes de cellules. De temps en temps, des cris où des paroles indéchiffrables se faisaient entendre, troublant le silence pesant des lieux. Les pas des visiteurs résonnaient et le moindre toussotement s’amplifiait instantanément. Kelya remonta le col de son manteau pour se protéger du froid qui errait dans ses couloirs sans fin. Le sergent tourna une nouvelle fois à droite, croisa plusieurs gardiens qui effectuaient leur ronde dans ce secteur puis emprunta un escalier qui semblait descendre dans les sous sols. Des spots s’allumèrent alors automatiquement au passage de la petite cohorte qui bifurqua une ultime fois. Enfin, Koldren s’arrêta devant une porte identique aux autres, lourdement blindée et qui était en partie dévorée par la rouille. Voyant le regard interloqué de Tenling, le sergent lança d’un air désabusé :
- Vous croyez peut-être que la Nouvelle République a les moyens financiers de restaurer les prisons ?
Tenling ne répondit rien. Koldren sortit alors une datacarte qu’il inséra dans une fente près de la porte. Puis il apposa son index sur un petit boîtier incrusté dans le mur, déclenchant un léger bip. On entendit alors une succession de sécurité se lever dans le mécanisme de la porte et celle-ci coulissa enfin sur elle-même dans un grincement infernal.
- Voilà, dîtes-moi quand vous en aurez fini avec lui.
- Merci.
Tenling pénétra alors dans la cellule, Kelya sur ses pas. Et tous deux s’immobilisèrent aussitôt, instantanément pétrifiés. Tandis que Tenling écarquillait les yeux de stupeur et faisait un pas en arrière, Kelya plaqua ses mains devant sa bouche pour retenir un cri d’effroi.
Devant eux, Aldwin Konrad Faraday était mort.
***
Le général Impérial pendait à quelques centimètres au dessus du sol, les bras le long du corps et le cou enserré dans un épais drap blanc qui faisait ressortir la peau rouge tirant sur le violet de son visage. Sa fille tomba alors à genou sur le sol gris et ne put retenir ses larmes, son corps se mettant aussitôt à trembler de toute part. Déglutissant avec difficulté, Tenling se retourna pour voir le sergent être lui-même atterré. Celui-ci réussit enfin à bouger et s’élança dans le couloir, sans doute pour donner l’alerte.
- Pourquoi ? Pourquoi a-t-il fait ça? Sanglota Kelya qui refusait de relever les yeux vers le corps ballotant de son défunt père.
Tenling ouvrit la bouche mais aucun son ne réussit à en sortir. Il s’approcha alors de son ancien ennemi et fut stupéfait de constater que ses yeux de glace si perçants étaient devenus ternes, littéralement éteints.
- Il…il est mort ! Se lamenta de nouveau la jeune femme en secouant lentement la tête.
Tenling regarda alors partout autour de lui et son regard tomba enfin sur une feuille de papier qui avait été posée sur le petit bureau mis à la disposition de Faraday lors de son arrivée dans le centre pénitentiaire. A cet instant, Kelya se releva en titubant et tenta d’essuyer ses abondantes larmes. Elle regarda Tenling qui constata que son maquillage avait coulé, laissant de grandes traces noires sous ses beaux yeux bleus. Ne sachant que faire, la fille de l’impérial finit par enserrer le commandant Tenling et pleurer de nouveau sur son épaule.
C’est dans cette position que Tenling tendit le bras droit et se saisit de la feuille posée sur le petit bureau. Et c’est envahi par un profond malaise et une terrible souffrance intérieure que le commandant lut le dernier texte qu’Aldwin Faraday avait rédigé de sa belle écriture légèrement penchée :
« Ceci est mon dernier message, ceci est mon témoignage.
Tout au long de ma vie, j’ai toujours apprécié cette possibilité rassurante de différencier les choses. J’ai souvent eu recours à un manichéisme des plus pathétiques mais aussi des plus confortables pour prendre des décisions difficiles. Il y avait le Bien et il y avait le Mal. C’était aussi simple que ça. Et ceux qui étaient du mauvais côté devaient en payer le prix.
Et pourtant, même si j’aimais ce principe, j’en suis l’exact opposé. Je ne suis pas blanc, je ne suis pas noir, je suis ombre et lumière. Je suis un ange noir qui illumine les ténèbres et qui obscurcit la lumière. Toute ma vie n’a été que doutes, hésitations et donc faiblesses. J’ai voulu vivre le rêve impérial, j’ai subi le cauchemar de Palpatine, j’ai souhaité être un guide pour les peuples, j’ai été un massacreur d’innocents. Oui, je suis un criminel, il n’y a pas de doute à ce sujet. J’ai tué, pillé, massacré pour obéir à un homme machiavélique. Mais ne soyons pas dupes, j’ai fait tout ceci parce que quelque part, le meurtre me procurait un sentiment de domination exaltant, une jouissance toujours renouvelée.
Oui, j’ai tué, pillé et massacré, mais j’ai aussi donné la vie. J’ai eu le bonheur d’être père, d’être le garant ultime d’une existence qui m’était si précieuse. Et pourtant, cette joie m’a été violemment arrachée, j’ai été dépossédé de ce que j’avais de plus cher au monde. Et pourquoi ? Parce que j’avais choisi de suivre un homme perfide sur le chemin des ténèbres absolues. C’est peut-être là une punition suprême, la plus terrible d’entre toutes. Je me suis perdu et j’ai tout perdu.
Si j’avais la possibilité de tout recommencer, mes choix seraient-ils différents ? Je ne sais pas, je ne sais plus et je le ne saurai jamais. Et voilà, encore ces doutes, ces hésitations et ces faiblesses. Mes faiblesses ! Je hais les faibles et j’en suis pourtant un. J’exècre les doutes et ils ont pourtant été mon seul compagnon pendant des années. Quelle ironie ! Je me voulais sûr de moi mais je suis à présent tiraillé par les remords et des spectres aux visages flous hantent mes nuits. Toutes mes nuits. Et voilà pourquoi j’ai décidé d’en finir, ici et maintenant, parce que j’ai compris une ultime vérité, sorte de dernier éclair de lucidité dans un flot de pensées obscures : sur l’autel de la rédemption, il n’y a définitivement pas de place pour moi.
J’ai décidé de mourir. Et c’est Ma Dernière Volonté. »
FIN
Ecrit par Darkwilliam.
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