Hello à tous, déjà bravo à tous ceux qui ont déjà posté un ou plusieurs textes
Voilà ma participation pour ce concours ! (pour l'instant unique, je n'avais pas trop d'idées pour les autres catégories et je ne sais pas si j'aurais le temps d'ici la date butoir !)
Ah et il me semble qu'il faut le préciser, mon texte est un
what if
Les conséquences de l'affrontement
Le Choix de Padmé
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Je t’aime, de tout mon cœur, de toute mon âme. Je voulais que tu le saches avant que l’on ne disparaisse.
*
Padmé faisait les cent pas dans la suite qu’on lui avait attribuée, en attendant qu’un transport puisse être déployé et la ramène en sécurité sur Naboo. Votre vie est toujours en danger, ma chère enfant. Tant que l’enquête menée par Maître Kenobi n’est pas officiellement close, le protocole doit être respecté. Vous êtes non seulement toujours la cible d’une tentative d’assassinat aux yeux du comité de maintien de la sécurité, mais aussi l’une de mes plus fidèles amies et un membre précieux du Sénat. Ni moi, ni la République ne pouvons prendre le risque de vous perdre. Palpatine avait bien entendu raison. Rien ne prouvait, pour le moment, que son assassin avait bien péri sur Géonosis. Des analyses devaient être menées, un rapport devait être rédigé. De la paperasse, toujours de la paperasse. Des délais, des règles à respecter, des compromis diplomatiques, des pratiques d’une lenteur abyssale, à honorer pour le bien commun.
Au fond, peut-être qu’Anakin et sa fougueuse candeur n’étaient pas totalement dans l’erreur. Parfois, derrière un charmant sourire et un air faussement attentif, Padmé ne pensait qu’à ça. Ignorer les règles. Contourner les chemins officiels. Accomplir quelque chose, tout de suite, sans s’infliger les affres déprimantes de la politique ; aller confronter les corporations minières d’Irvin IV sur leurs pratiques d’esclavage hors d’âge et leur imposer des contrôles à défaut du changement, trouver un slicer de génie et percer l’algorithme du clan bancaire pour le forcer à accompagner la transition des systèmes de la bordure intérieure, mener des négociations musclées… Sauver des vies. Améliorer la galaxie. La sénatrice soupira ; ce n’était pourtant pas cette voie-là qu’elle avait choisie. Si même elle, l’une des avocates les plus actives pour la paix dans la galaxie ne croyait pas de tout son cœur en la démocratie, qui le ferait ? Qui tempérerait les ardeurs de jeunes Jedi rêvant de remodeler la société à l’image d’un idéalisme naïf, dangereux ?
Anakin. Elle était coincée dans un appartement au luxe ostentatoire tandis que l’homme qu’elle aimait subissait une opération dont les détails lui étaient inconnus. Elle avait pratiquement supplié les gardiens du temple de la laisser le voir, avant que les guérisseurs ne l’endorment. Mais les Jedi étaient si secrets, si fermés. A leurs yeux, elle était peut-être une alliée de choix quand il s’agissait de se faire entendre au Sénat, mais elle restait une étrangère. Elle regarda avec dédain les fauteuils en velours fin et les bibelots qui décoraient la table en verre, trônant au milieu de la pièce à vivre. Elle avait envie de renverser les meubles, de prendre chaque statuette, chaque babiole, et de les jeter sur le sol en marbre. Que quelque chose éclate, brise le silence insupportable qui la forçait à n’écouter que ses pensées furieuses. Anakin est blessé. Anakin pourrait mourir. Je lui ai dit que je l’aimais, mais le sait-il vraiment ? Anakin. Anakin. ANAKIN.
Padmé se laissa glisser contre l’immense baie vitrée, puis serra ses genoux tremblants contre elle. Elle suffoquait et devait lutter pour offrir le moindre répit à ses poumons en feu. Mais qu’est-ce qu’elle fichait ? Ce n’était pas la première fois qu’elle devait sagement attendre qu’on l’autorise à reprendre le cours de sa vie, que sa liberté était dans les mains d’autrui. C’était le jeu, quand on était une figure publique. Ce n’était pas pour elle qu’elle s’inquiétait ; si elle devait mourir dans l’exercice de ses fonctions, qu’il en soit ainsi. Elle consacrerait chaque parcelle du temps qui lui était donné pour rendre la galaxie meilleure.
Mais aujourd’hui, après Naboo, après l’attentat, après Tatooine, après Géonosis, après Anakin, Padmé était incapable de trier ses messages, de pianoter furieusement sur son datapad et de diviser les tâches urgentes entre ses assistants parlementaires. Elle savait pourtant que son comlink devait déborder de messages de bon rétablissement de la part de connaissances et de collègues, de ses amis les plus proches comme de mielleux détracteurs. Elle devrait s’occuper, retrouver maîtrise d’elle-même en se plongeant dans son travail, sa raison d’être. Padmé essuya ses joues, réalisant qu’elle pleurait. Ça ne lui ressemblait pas. La sénatrice savait que ses adversaires ne la prenaient pas toujours au sérieux, aveuglés par son visage de poupée et ses coiffures alambiquées. Elle y comptait, choisissait toujours ses tenues avec soin ; qu’ils la prennent pour une parvenue lors d’un premier échange, une enfant devenue reine, une charmante idiote à la voix trop aiguë pour se faire entendre au Sénat. Qu’ils palissent quand elle apparaissait ensuite dans une robe austère et royale, leur jetant chacune de leurs erreurs au visage. Qu’ils tremblent devant la politicienne redoutable à qui aucun détail n’échappait, et qui savait tour à tour plaider une cause les yeux débordant de larme pour émouvoir une assemblée ou devenir une statue de glace et de raison. Elle était Padmé Amidala et ne s’apitoyait jamais sur son sort.
Ses pensées filèrent vers Géonosis. Elle avait refusé qu’on la soigne, écartant les médics penchés sur les griffures qui lacéraient son abdomen. Elle avait pratiquement giflé Maître Kenobi quand ce dernier lui avait interdit d’accéder à la tente où Anakin recevait les premiers soins. Elle s’était donnée en spectacle, oubliant le masque qu’elle portait tous les jours en public. Rien d’autre n’existait, sinon la certitude déchirante qu’Anakin était blessé.
Padmé ferma les yeux et se força à affronter les images qui se précipitaient devant ses paupières closes ; le sable ocre. Les cris de la bête affamée qui escaladait le poteau en haut duquel elle s’était réfugiée. Les caquètements railleurs du public. La peur, l’adrénaline, le soulagement quand Anakin lui avait intimé de le rejoindre sur le dos du Reek. L’arrivée des Jedi. Des éclats de lumière dans tous les sens, sa propre main, serrée autour d’un blaster, tirant sans relâche sur des cibles floues. Le regard admiratif d’Anakin. L’amour et la fierté dans ses yeux. Elle ne voyait que lui, féroce et chevaleresque, entouré de poussière et de lumière, rayonnant d’une aura presque divine. Elle en oubliait l’armée de droïdes, les corps des Jedi tombés au combat. Il n’y avait rien à craindre, puisqu’il tourbillonnait toujours, tranchait sans relâche des membres mécaniques. L’amour leur donnait des ailes, les rendait invincibles. Aucun tir ne semblait pouvoir les toucher, car rien ne pourrait les atteindre, tant qu’ils seraient ensemble.
Puis elle était tombée. Elle avait roulé sur le sable et perdu connaissance, sa dernière pensée consciente tournée entièrement vers lui, saisie par la peur viscérale et irrationnelle que maintenant qu’elle n’était plus à ses côtés, quelque chose de terrible allait se produire. Le destin lui avait donné raison. Anakin avait perdu un bras. Anakin avait failli mourir. Anakin avait besoin d’elle et elle était enfermée ici, prisonnière d’une cage dorée alors que son cœur menaçait de jaillir hors de sa poitrine. C’était injuste. C’était… terrifiant.
Comment pourrait-elle rester saine d’esprit, si elle devait revivre cette scène en boucle ? Que resterait-il d’elle, après un énième au-revoir, dans l’ombre du Sénat ou d’une ruelle obscure, sans la moindre certitude de le revoir un jour ? Comment survivrait-elle aux longues semaines d’agonie, sans nouvelles de sa part, alors qu’il accomplissait une mission aussi risquée que confidentielle ? Pour que leur relation ait une chance, elle devait rester secrète. Padmé devrait taire chacune de ses émotions, ne jamais lui sourire plus que de raison, conserver un calme absolu en public. Eteindre sans relâche le feu qui la dévorait intérieurement.
Il leur faudrait se contenter de nuits fugaces, d’étreintes volées entre deux missions et voyages diplomatiques. Il leur faudrait mentir. Son cœur se serra à l’idée de garder Bail hors de tout cela, lui qui ne cessait de lui demander si elle avait enfin rencontré quelqu’un. Et Anakin… non seulement il devrait jouer chaque jour un jeu de dupe auprès du Conseil, mais également mentir à son mentor, à celui qu’il avait confié aimer comme un père. Chaque jour, il brûlerait de partager sa joie avec Obi-Wan. Et à chaque fois, il serait forcé de regarder Maître Kenobi dans les yeux et maîtriser ses émotions, le tromper. Anakin s’en voudrait terriblement, la culpabilité le rongerait. Mais il le ferait pour elle, elle en était certaine. Il ferait tout pour elle.
Padmé le savait car elle ressentait exactement la même chose. Elle ferait tout pour Anakin. Elle enfreindrait la loi. Elle grifferait la porte jusqu’au sang, jusqu’à perdre ses ongles sur le tapis de fourrure blanche, si cela lui permettait de le retrouver. Elle l’aimait à en perdre la raison.
*
- Maître Kenobi est arrivé, maîtresse Amidala.
- Très bien, fais-le entrer, C-3. Amène-nous des rafraîchissements, veux-tu.
Padmé inspira profondément et lissa du plat de la main la robe d’un vert tendre qu’elle avait revêtue ; simple et élégante, elle complimentait sa silhouette sans rien dévoiler de sa peau et soulignait à merveille le brun de ses boucles, qui tombaient en cascade sur ses épaules recouvertes d’un châle en soie. Elle n’avait pas jugé utile de se maquiller, se contentant de rehausser ses joues pâlies par le manque de sommeil d’un peu de rose, et ne portait que de simples boucles d’oreille en sélénite. L’image même de l’innocence et de la sagesse. Pas qu’elle espère susciter le moindre émoi chez maître Kenobi, non, mais elle s’était sentie redevenir elle-même en composant ce tableau. L’apparence est une arme, ma robe est mon armure, mon sourire est mon épée. Une maigre défense peut-être, mais un exercice qui lui avait permis de se calmer et de retrouver une certaine contenance. Et elle avait besoin de tout le soutien à sa disposition pour affronter ce qui l’attendait.
- Sénatrice Amidala ?
Elle réprima un sursaut au son de la voix du Jedi et lui indiqua d’un geste gracieux de prendre place sur le fauteuil en face d’elle. Aussi courtois que d’ordinaire, Obi-Wan Kenobi obtempéra, non sans lui avoir adressé une rapide révérence, témoin de son respect et du fait que malgré ce cadre intimiste, il n’avait rien oublié de leur statut respectif.
- Maitre Kenobi, je vous remercie d’avoir répondu aussi vite à mon invitation, déclara Padmé d’une voix assurée, ne révélant rien de la tempête qui faisait rage en elle. Je vois que les guérisseurs ont fait des merveilles, vous voir déjà sur pied est une surprise. Une excellente surprise, ajouta-t-elle avec plus de chaleur. Je suis ravie de vous voir debout, Obi-Wan.
Si elle avait insisté sur son prénom pour convoquer leur passé mutuel, en appeler à cette part d’empathie qu’elle savait si exacerbée chez lui, elle n’avait prononcé aucun mensonge. Elle était heureuse qu’Obi-Wan aille bien ; Anakin aurait besoin de lui.
- Je vous remercie. Je dois rester raisonnable encore quelques jours et ne pourrai pas honorer mes engagements d’instructeur auprès des apprentis mais… Oui, je vais bien.
Obi-Wan effleura presque inconsciemment son épaule gauche, là où le Comte l’avait frappé, puis reprit ;
- Je dois avouer que votre requête m’a surpris, Sénatrice. Je… il hésita, passant une main dans sa barbe. Je ne peux pas vous donner de détails sur l’opération d’Anakin, je n’ai moi-même pas encore eu l’autorisation de me rendre à son chevet. Mais Padmé…
- Je sais. Il faut que ça cesse.
Padmé essuya rageusement la larme qui avait perlé au coin de ses cils, et planta ses yeux dans ceux du Jedi ; par les Saintes Etoiles, elle était soulagée de ne pas devoir tourner autour du pot. Maître Kenobi savait parfaitement qu’elle ne l’avait pas convié pour échanger des ragots en buvant une infusion florale. Obi-Wan recula imperceptiblement contre le dossier du siège, une surprise sincère peinte sur son visage ;
- Alors… C’est bien vrai ? Je ne peux nier avoir eu quelques doutes mais bon sang, Padmé… Anakin est encore jeune et naïf mais je vous pensais plus…
- Raisonnable ? Sérieuse ? Insensible ? Je suis au regret de vous décevoir, Maître Kenobi, mais les choses sont ce qu’elles sont. Anakin et moi nous aimons.
Voilà. C’était dit. Elle ne pouvait plus reculer.
- Padmé… soupira Obi-Wan, plongeant son visage dans ses mains jointes. Qu’est-ce que vous attendez de moi ? Vous savez bien que le Code Jedi nous interdit l’attachement. Je ne peux ni vous donner ma bénédiction, ni garder cette information secrète. Je vais devoir m’en remettre au Conseil. Anakin pourrait être exclu de l’Ordre, c’est très grave, Padmé… Vous me mettez dans une position extrêmement délicate.
- Si je vous ai fait venir, Obi-Wan, c’est pour que vous m’aidiez. Je suis consciente que la situation actuelle ne sera bénéfique pour personne. Je vous ai fait quérir parce que je sais que vous aimez profondément Anakin et que vous ferez tout pour assurer son bonheur. C’est également ce que je souhaite.
Le Jedi se tortilla nerveusement sur son fauteuil, tiraillé entre la morale et ce qui se jouait devant lui. Padmé s’avança et se posa une main sur la jambe d’Obi-Wan, le forçant à affronter son regard ;
- Je dois prendre une décision, Obi-Wan. Et j’ai besoin que vous m’aidiez. Nous ne pouvons revenir en arrière, ce qui est fait est fait. Mais l’avenir est… ah, quel est cette formule Jedi, déjà ?
- Toujours en mouvement, est l’avenir, murmura Maître Kenobi.
Ils interrompirent leur échange le temps que le droïde de protocole ne dépose des boissons et un plateau de fruits, puis observèrent leurs verres dans un silence de plomb. Obi-Wan se décida à le rompre ;
- Qu’est-ce que je pourrais bien vous apporter, Padmé ? Vous savez que cette union ne peut avoir lieu. Vous savez pertinemment que vivre dans le secret vous détruirait tous les deux, Anakin ne pourrait jamais le supporter, il se rapprocherait du côté obscur chaque jour et…
- Moi non plus, je ne pourrais pas vivre ainsi. Oui, je le sais. Mais… et si nous ne nous cachions pas ?
- Si vous révélez cette union, Anakin devra quitter l’Ordre. Ou plutôt, il devra choisir entre vous et son statut de Jedi. Et il vous choisira Padmé, oh, il tournera le dos sans la moindre hésitation à tout ce qu’il connaît depuis qu’il a quitté Tatooine, à ses principes, ses pouvoirs, sa… famille.
Padmé laissa filer un instant avant de répondre. Elle avait réfléchi à tout ça, évidemment, mais une part d’elle espérait pourtant qu’Obi-Wan lui apporterait une solution miracle. Quelque chose auquel elle avait été incapable de penser, malgré les heures passées à se torturer l’esprit.
- Comment pouvez-vous en être aussi certain ? chuchota-t-elle. Vous formulez les choses comme si quoi qu’il arrive, je faisais déjà le choix pour lui.
- Parce que c’est la vérité, Padmé.
Une ombre passa sur le visage d’Obi-Wan, ses yeux se perdant dans le vide, vers des souvenirs intenses, douloureux et sans doute bien plus réels qu’il ne voulait l’admettre.
- Je le sais, Padmé, parce que la femme que j’ai aimée a eu la clémence de ne pas me mettre face à ce choix. J’étais jeune, encore un padawan et… nous avons vécu presque un an en fuite, pour la protéger des assassins qui la traquaient. Nous sommes tombés amoureux. Nous avons piétiné toutes les limites que m’imposaient mon statut de Jedi. Mais une fois la mission terminée, une fois sa sécurité assurée… elle m’a laissé partir. Parce qu’elle savait qu’elle n’avait qu’un mot à dire pour que j’abandonne ma raison d’être, ma mission sur cette terre. Si elle m’avait demandé de rester, j’aurais tout quitté. Je serai devenu un duc oisif, un Jedi déchu fait concubin, la risée de toute sa cour. Ou peut-être que j’aurais relevé le défi avec brio et que ma vie aurait pris un tout nouveau sens, ajouta-t-il, contemplant un rêve lancinant et impossible. Mais elle savait que ma place était auprès des miens. Si j’étais resté avec elle, jamais je n’aurais rencontré Anakin. Jamais je n’aurais tué le meurtrier de mon maître, et n’aurais révélé la présence des Sith pour la première fois depuis un millénaire. Jamais je n’aurais convaincu le Conseil de me laisser former Anakin. L’Élu. Celui qui doit ramener l’équilibre dans la Force.
Padmé resta muette, assimilant chacune des révélations que lui faisait Obi-Wan. Jamais elle n’aurait imaginé le sage et mesuré Maître Kenobi dans une position si similaire à celle d’Anakin. Elle ne pouvait s’empêcher de se demander qui était cette femme mystérieuse, même si elle savait pertinemment qu’elle manquait l’essentiel. Anakin. Une prophétie. L’Élu.
- Si je vous dévoile cela, Padmé, ce n’est pas pour que vous vous apitoyez sur mon sort. Je suis en paix avec mon passé. Je suis redevable aux Étoiles de m’avoir offert ne seraient-ce que quelques mois auprès d’elle. Je ne les échangerai pour rien au monde. Une partie de moi l’aime encore et l’aimera toujours. Mais… elle m’aimait assez, en retour, pour m’épargner ce choix. Si vous aimez véritablement Anakin, libérez-le. Il sera dévasté pendant un temps, bien sûr. Il ne comprendra pas. Il détestera l’Univers entier et reportera sa colère sur lui-même, peut-être sur moi, mais je serai à ses côtés. Je l’aiderai Padmé, parce que j’ai été à sa place. Je ne le laisserai pas s’écarter de la lumière. La guerre aura l’avantage de lui donner un objectif, une raison de vivre, un terrain où déverser sa frustration. Il s’en sortira, Padmé. Je vous en fait le serment.
A travers ses larmes, elle n’avait même pas remarqué qu’Obi-Wan s’était approché et agenouillé auprès d’elle. Il lui tenait la main, solennel et bien plus grave que d’ordinaire. Envolés la malice et l’éclat d’intelligence moqueuse dans ses yeux bleus, aujourd’hui cernés de mauve. Elle discerna pour la première fois des rides qui commençaient à tracer des sillons dans son visage espiègle.
- C’est… c’est vraiment la seule solution, Obi-Wan ?
Pour toute réponse, il la prit dans ses bras et la laissa sangloter sur son épaule, lui offrant un confort qu’elle n’aurait jamais imaginé trouver en le convoquant à cet entretien. Pourtant, derrière la peur et les regrets, derrière les images terribles d’Anakin se réveillant pour faire une découverte tout aussi terrible que la perte de son bras, Padmé savait. Elle savait qu’elle n’avait fait mander Obi-Wan que pour confirmer ce qu’elle avait compris en tombant sur le sable ocre de Géonosis. Elle le savait depuis que cet amour insensé la dévorait. Elle le savait en avouant ses sentiments à Anakin. Elle le savait en combattant à ses côtés. Elle l’avait compris en embrassant cette facette passionnée, flamboyante et destructrice d’elle-même.
Leur thé était froid depuis longtemps, et quand il se détachèrent enfin, elle fit signe à Maître Kenobi de patienter, puis se saisit de son datapad personnel. Elle avait une lettre à écrire.
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Elle avait à peine mis un point final à une lettre qu’elle se savait incapable de relire, quand la porte du salon s’ouvrit sur un C-3P0 radieux, les deux bras levés au ciel ;
- Maîtresse Amidala, loué soit le Créateur, Maître Anakin s’est réveillé !
Padmé jeta un regard en coin à Obi-Wan. Après plusieurs dizaines de minutes occupé à contempler les tableaux accrochés au mur et à tenter de se faire le plus discret possible, le Jedi venait de s’animer. Il dissimula ses poings serrés dans son dos, adoptant une position d’attente passive, mais Padmé n’était pas dupe ; il tenait à Anakin, au moins autant qu’elle. Son cœur battait sans doute autant la chamade que le sien.
Padmé passa le revers de sa main au coin de ses yeux avant de se redresser, le dos droit et la tête haute. Elle tendit le datapad à Maître Kenobi, qui lui adressa un sourire triste et empli de compassion. Bien qu’elle ait tout fait pour pleurer en silence, ce n'était qu'une maigre victoire pour sa dignité ; il savait.
- Merci 3P0, mais je dois rentrer sur Naboo, des affaires importantes m’attendent là-bas, la Reine compte sur moi. Maître Kenobi transmettra mes vœux de rétablissement à Anakin. D’ailleurs, Maître Kenobi était venu m’annoncer que l’enquête était bouclée et que j’étais désormais libre de mes mouvements. N’est-ce pas, Obi-Wan ?
Le Jedi s’inclina légèrement et fit disparaître la tablette dans un pli de sa tunique. Il ne la retiendrait pas.
- Sénatrice, souhaitez-vous que nous déployions…
- Je vous remercie, Maître Kenobi, mais je préférais être seule. Vous avez sans doute beaucoup à faire.
Comme accélérer la résolution d’une enquête encore en cours, pensa Padmé, un soupçon de culpabilité lui serrant la gorge. Tout ce dont elle était certaine, c’était qu’il lui fallait partir le plus loin possible de cet appartement maudit, des lumières de Coruscant et de la tentation d’oublier ses résolutions, de faire voler sa décision en éclats. Le plus loin possible de lui.
- Dites-lui, Obi-Wan. Dites-lui que je lui souhaite le meilleur… que…
- J’en fais mon devoir, Padmé, la rassura le Jedi, une main posée sur l’épaule de la Sénatrice et la seconde sur son propre cœur. Je vous le promets.
- Et on dit que je suis pointilleux, s’écria C-3P0, mais on dirait que les Jedi prennent la bienséance tout aussi à cœur que moi ! Vous voyez, Maîtresse Amidala, vous voyez que toutes les reproches que l’on me fait sont injustifiées !
Satisfait, le droïde quitta la pièce en emportant avec lui son monologue, laissant Padmé et Obi-Wan contempler le crépuscule qui enveloppait la ville et se rappeler des vies qu’ils luttaient chaque jour pour protéger, chacun à leur manière. Des sacrifices personnels qu’ils avaient tous deux fait pour la démocratie. Pour la République. Pour le Bien.
La Sénatrice et le Jedi restèrent longuement face à l’immense baie vitrée, comme pour savourer un silence et une quiétude dont ils savaient qu’ils seraient bientôt privés. Une page de leurs vies respectives venait de se tourner. La Guerre des Clones débutait à peine.
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