CHAPITRE 4 : Navette pour Alderaan
À mesure que Corellia apparaissait devant eux, Obi-Wan ne pouvait empêcher son regard de dévier de la lointaine sphère bleue striée de blanc au visage de la sorcière, animé d’une joie presque enfantine. Si le poste de pilotage n’obstruait pas complètement l’accès à la large vitre du cockpit, le Jedi était à peu près certain que la jeune femme y aurait collé son nez. Elle ouvrait ses grands yeux sombres, où se reflétait un émerveillement si sincère que le cœur du Jedi se serra. Il aurait aimé pouvoir lui faire visiter la planète, et bien d’autres endroits bien plus paradisiaques, plutôt que de l’entraîner avec lui dans une traque incertaine.
— Tout ce bleu… ce sont des océans ? demanda-t-elle d’une voix où pointait une admiration béate.
— Ouaip, tout à fait, s’enthousiasma Bitlit. On croit souvent que Corellia c’est que des chantiers navals et des rues mal famées, mais paraît que le reste est très joli. Forêt, jungle, plage, tout ce dont on peut rêver ! Enfin… souvent, dans ce métier, on voit pas grand-chose à part le spatioport et le quartier des heu… affaires. Mais pour vous, des archéologues, ça doit être différent, vous devez en visiter, des endroits époustouflants !
— Malheureusement, nous ne sommes pas là pour faire du tourisme, mais pour attraper une correspondance, précisa Obi-Wan, ignorant la pointe de culpabilité qui refusait de le quitter.
Si Yaraa n’avait aucun souvenir de sa vie avant le crash de vaisseau et son arrivée sur Tatooine, il y avait fort à parier que la découverte d’une nouvelle planète n’ait rien d’anodin pour elle. Encore une joie dont il allait devoir la priver, après ce catastrophique voyage qui lui faisait regretter presque de ne pas avoir finalement opté pour une croisière de luxe.
— Val, très chère ? Tu m’aiderais à rassembler nos affaires avant que nous n’amorcions la descente vers Coronet City ? lui demanda-t-il.
Yaraa le suivi dans le hangar du vaisseau, une méfiance à peine dissimulée dansant dans ses iris. Conscient que sa tentative pour les isoler n’était pas des plus adroites, Obi-Wan s’empressa de se justifier une fois qu’ils furent hors de portée de l’ouïe ultra fine du Chadra-fan :
— Ne vous inquiétez pas, je voulais simplement mettre certaines choses au point.
— Certaines choses qui impliquent que l’on se vouvoie de nouveau ? remarqua-t-elle, les sourcils froncés.
— Mais non, pas du tout Yaraa… Je ne sais pas pourquoi j’ai dit ça, enfin c’est… Je suis juste fatigué, c’est…
— C’est à cause du placard, n’est-ce pas ? demanda-t-elle.
Elle croisa les bras et recula imperceptiblement. Dank Farrik. Elle se fermait de nouveau, sautait sur le moindre prétexte pour le repousser loin d’elle, loin des fêlures qu’il commençait à deviner le long de sa carapace et de ses airs farouches. Evidemment, que c’était à cause du placard. À cause de l’intimité qu’imposait l’étroite cachette, et qui avait incité la jeune femme à lâcher ce qu’elle avait sur le cœur. Elle pense que je la déteste. Oh Yaraa, j’aimerais pouvoir vous détromper, mais la réalité vous déplairait encore plus… pensa le Jedi. Au fond, elle n’avait pas complètement tort. Il avait inconsciemment eu recours au vouvoiement, à cette distance autrefois rassurante et immuable, à cause de ce qu’il s’était passé dans l’obscurité, entre les canettes de booster bleu. Mais parce qu’elle avait raison. Non pas qu’il la déteste, mais car justement, être aussi proche d’elle avait encore une fois failli lui faire perdre la raison.
Dans le placard, il ne pensait plus à l’Empire, aux soldats qui auraient pu les débusquer d’un instant à l’autre. Il ne pensait même plus à Luke et au danger qui planait encore sur lui par sa faute. Il ne pensait qu’aux lèvres de Yaraa, à la rencontre desquelles il lui serait si facile d’aller. Il lui suffisait de s’approcher, encore un peu, et il pourrait se perdre dans un baiser brûlant, s’enivrer d’une étreinte aux effluves de miel et de lavande. La perspective de cette limite infranchissable était si réelle, si pressante, qu’il pouvait presque sentir la caresse de ses lèvres, comme un souvenir. Comme s’il existait une autre vie, un monde parallèle où elle aurait pu l’aimer. Un monde où il n’aurait pas été un lâche, un piètre Jedi, qui avait failli à son devoir.
Comme si les épices brisées au sol lui avait fait miroiter une réalité tout autre, dans laquelle il aurait été l’homme qu’elle méritait. Quelqu’un d’aussi bon et altruiste qu’il s’était un jour imaginé l’être, et qui aurait pu lui montrer la voie vers la Lumière. Quelqu’un qui n’aurait pas conclu un pacte terrible avec une Inquisitrice, une envoyée du côté obscur, dans le seul espoir égoïste de sauver Yaraa. Il l’avait choisi, elle, avant sa mission, avant le Bien. Il avait été prêt à mourir pour elle. À trahir sa parole. À abandonner Luke. Tout plutôt que de la voir mourir devant lui, tout plutôt que de revivre les derniers instants de Satine. Il ne l’avait pas sauvée parce que c’était le bon choix. Il l’avait fait parce qu’il ne pouvait envisager une autre issue. Parce qu’il ne méritait plus de porter le nom de Jedi. Parce qu’il ne pensait plus qu’à elle, à leur complicité nouvelle et au feu qui le dévorait à son contact. Aux activités auxquelles il aimerait se livrer avec elle dans le noir, et qui ferait blêmir les plus éminents membres du Conseil. Parce qu’il était vain, faible, et indigne.
Ce qu’il se pensait capable d’enterrer au plus profond de lui, sous des strates de raison, de versets du code Jedi, de méditation et de conditionnement quotidien lui avait explosé à la figure dans le minuscule réduit. La savoir en vie n’était pas suffisant. Il avait besoin de l’avoir près de lui. De l’avoir pour lui.
— Je ne vois pas de quoi tu veux parler, affirma-t-il avec aplomb. Je te le redis, Yaraa ; je suis heureux que tu sois à mes côtés.
Ça, au moins, ce n’était pas un mensonge. Jamais il ne pourrait lui avouer qu’il en voulait plus. Bien plus. Assez pour craindre de n’avoir déjà fait un pas dans les ténèbres.
— Nous avons tous les deux fait des choix discutables sur Tatooine. Mais maintenant, on se fait confiance, d’accord ?
— Je… oui, d’accord, concéda Yaraa.
Les bras toujours croisés, elle ne semblait le croire qu’à demi-mots, ignorant tout des émois du Jedi, du rouge qui menaçait de lui monter aux joues à la simple évocation de l’heure passée à se cacher des stormtroopers. Elle ne retenait que la dispute, bien sûr. Plutôt que de la détromper, et tout aussi incapable de saisir l’occasion de recréer une distance entre eux, Obi-Wan choisit de la rassurer. D’ignorer ses propres sentiments. Ça, au moins, il savait le faire. Il avait même des années de pratiques derrière lui.
— Je voulais m’excuser, de ne pas pouvoir te faire découvrir Corellia. Je me doute que tout changement sera le bienvenu après Tatooine, et que tu aimerais t’aventurer sur une planète plus verdoyante.
— Ben, je ne suis pas une idiote superficielle. Je sais que nous avons une mission. Que chaque jour, blast, chaque minute sans savoir où est ma tante met Luke en danger. Tu sais que nous ne sommes pas de vrais archéologues, n’est-ce pas, et que je ne vais pas t’en vouloir de me priver de m’imprégner de la culture locale ? ironisa-t-elle.
— Ne jamais sous-estimer les égarements d’un homme qui s’est pris plusieurs coups sur la tête en quelques jours, après qu’on lui ait jeté un sort, rétorqua-t-il d’un ton égal.
— Et voilà, ça recommence, soupira Yaraa, haussant les yeux au ciel de manière théâtrale.
— Tu vas lui plaire, réfléchit-t-il à voix haute. Autant que sa planète va te ravir. A Bail, mon contact. C’est lui que nous allons retrouver dès que nous serons partis de Corellia. C’est ce que je voulais te dire ; là où nous allons, tu vas pouvoir te créer quelques nouveaux souvenirs, plus agréables que sur Tatooine, s’empressa-t-il d’expliquer. Et j’ai l’impression que Bail et toi vous entendrez à merveille.
Laissant une Yaraa médusée derrière lui, Obi-Wan profita de sa surprise pour rejoindre Bitlit à l’avant du vaisseau, où le Chadra-fan semblait en plein débat avec un officier impérial, arguant que si !, ses codes étaient tout à fait valables, et que le vaisseau avait été inspecté dans les règles. Quand Yaraa finit par s’assoir dans l’un des sièges bordant le cockpit, Bitlit perdit patience et tira au blaster dans le système de communication après avoir hurlé :
— Vérifie encore une fois mes codes, ou carre-les toi dans le … Bon accrochez vos ceintures les tourtereaux, on va devoir vite entrer dans l’atmosphère avant que ces abrutis ne se décident à vérifier si notre la coupure de notre discussion est vraiment accidentelle. Coronet City, nous voilà !
Sans donner l’occasion à ses deux passagers de protester, Bitlit appuya sur l’accélérateur comme si ce dernier avait personnellement offensé ses géniteurs, et mit le cap sur le spatioport de la capitale corellienne.
* * *
— Bon ben c’est pas le tout hein, j’vous laisse, j’ai un rendez-vous d’affaire avec une amie Twi’lek dans le quartier des… des affaires justement. C’était un plaisir de voyager avec vous. Val, professeur, au plaisir ! Vous savez où me trouver si vous chercher un pilote d’exception, conclut Bitlit avec un clin d’œil.
Yaraa se baissa pour enlacer le Chadra-fan et, tandis qu’il disparaissait au milieu de la foule, elle gracia le spatioport d’un regard dédaigneux.
— Vraiment, je ne vois pas pourquoi je pourrais avoir envie de m’attarder ici, grommela-t-elle.
— Pour citer notre talentueux pilote, tenta Obi-Wan, Corellia, ce n’est pas que…
— Un ciel gris, une mer grise, des bâtiments gris, des gens tous habillés en gris et une odeur de caniveaux ? le coupa la sorcière, le nez retroussé et les lèvres pincées de dégoût.
— Voilà, sourit le Jedi. Quoi que, les uniformes, ça doit être nouveau…
Joignant le geste à la parole, Obi-Wan tira la jeune femme par le bras et l’entraîna derrière un imposant pilier en durabéton, le temps qu’une patrouille de stormtroopers ne les dépasse.
— Et donc pour résumer… chuchota Yaraa, on doit traverser tout le spatioport, lequel est…
— "Protégé" par les forces impériales, oui. Un vaisseau devrait nous attendre dans les niveaux inférieurs, réservés aux transports diplomatiques. Reste avec moi, ne parle à personne, et met-ça, compléta Obi-Wan, en tendant une capeline à la jeune femme.
Il rabattit lui-même la capuche de son épais manteau brun et regarda Yaraa jouer avec le tissu, le froisser entre ses longs doigts blêmes. Elle leva vers lui des yeux interrogateurs, une question silencieuse à laquelle il se sentit obligé de répondre :
— Je… La manche de ta veste est déchirée et… je me suis dit que la couleur te plairait.
Bien joué Obi-Wan, un vrai tombeur. Et dire qu’il avait hésité un long moment, tandis que Yaraa négociait avec Bitlit le remplacement de leurs blasters, saisis par les troupes impériales. Sans prêter attention aux chamailleries puis aux adieux avec le Chadra-fan, il avait inspecté tous les manteaux du stand, avant de se décider pour une cape au tissu fluide et chaud, dont la couleur lui rappelait la sorcière. Il l’imaginait déjà emmitouflée dedans, son teint pâle réhaussé par le violet profond de l’étoffe. Elle avait dû remiser son habituelle veste kaki dans son bagage, victime de l’atterrissage musclé de Bitlit, qui avait peut-être les pates trop courtes pour enclencher la pédale libérant les trains d’atterrissage. À voir Yaraa frissonner, en débardeur alors que la nuit tombait, il n’avait même pas pris la peine de négocier le prix avec le vendeur de la boutique de souvenirs. Il était certain de s’être fait avoir et réalisait maintenant le ridicule de son geste. C’était complètement idiot. Il n’aurait jamais dû. Elle détestait son cadeau.
— C’est surtout pour qu’on ne se fasse pas trop remarquer, s’embourba le Jedi, ça me semblait important que tu puisses cacher ton visage, on ne sait jamais si…
— Elle est magnifique, l’interrompit Yaraa. Merci, Obi-Wan.
Faisant mine de repérer les allées du spatioport, à la recherche d’un chemin qui les rapprocherait sans péril du hangar indiqué par Bail, Obi-Wan ne put retenir un sourire béat.
— Comment tu me trouves ? minauda Yaraa.
Il se retourna, prêt à afficher une indifférence polie. Mais rien ne le préparait à la vision qu’offrait la sorcière, ses cheveux cendre ramenés dans une tresse qui balayait son épaule droite, laissée visible par le col trop large de la cape. Le contraste entre son cou gracile et le tissu était saisissant. Un éclat de lune dans une nuit sans nuages. Elle fit un tour sur elle-même, le laissant admirer la façon dont le vêtement épousait chacune de ses courbes et accompagnait ses mouvements. À en croire qu’il avait été taillé pour elle.
— Alors ? répéta-t-elle avec malice. De quoi j’ai l’air ?
D’une nuit d’orage. D’une impératrice immortelle, incognito parmi le commun des mortels. D’un éclair dans un ciel d’été, annonçant une pluie pour laquelle tout une planète prie depuis des jours. Absolument magnifique.
— Hum… ça te va très bien, finit par répondre Obi-Wan.
Il se mordit la joue et tâcha de maitriser son souffle, conscient qu’il valait mieux passer pour un rustre au vocabulaire limité que de la laisser deviner le trouble qu’elle suscitait en lui.
— C’est tout ? se moqua-t-elle gentiment, non sans oublier de se fendre d’une moue boudeuse.
Par les Saintes Étoiles. Cette femme aura ma peau.
— Il manque juste un petit quelque chose, s’entendit répliquer Obi-Wan.
Il s’avança vers elle, sans réfléchir. Tout plutôt que de rester planté là, comme l’idiot bouche bée qu’il était. Il verrouilla son regard à celui de Yaraa, ne fléchit pas devant le défi muet qu’elle lui lançait. Tant que ça ne restait qu’un jeu, un test de volonté et de répartie, il pouvait rivaliser avec elle. Il avait au moins de l’expérience sur ce terrain. Chassant le souvenir d’une autre sorcière au teint tout aussi pâle et à la langue au moins aussi bien pendue, Obi-Wan repoussa une mèche de cheveux grise derrière l’oreille de la jeune femme, puis rabattit la capuche du manteau. Il aurait juré voir ses joues se colorer de rose, avant que son visage ne se fonde dans les ombres que faisait danser autour d’elle l’étoffe. Un point partout.
Obi-Wan se fendit de son sourire le plus innocent et offrit à Yaraa sa main, qu’elle saisit après une brève hésitation. Puis il l’entraîna dans la foule, priant pour que les agents de Bail Organa ne soient pas partis sans eux.
* * *
— Tu es sûr que c’est de l’autre côté du couloir ?
— Oui, Yaraa. J’ai reçu un plan complet du spatioport, pas juste un bête numéro. Je les ai étudiés pendant le voyage, je sais où je vais, affirma Obi-Wan.
— Ça fait au moins un d’entre nous, maugréa la sorcière.
Le Jedi soupira et lissa machinalement sa barbe. Elle n’avait cessé de ponctuer leur trajet de remarques à l’agressivité à peine dissimulée. Il détourna le regard de la patrouille de soldats impériaux qui semblait effectuer une ronde dans le secteur, et se prépara à affronter la mauvaise humeur de son acolyte :
— Je te l’ai déjà dit. Si nous venions à être capturés, et interrogés…récita-t-il.
— Je sais, il ne faudrait pas mettre ton ami en danger. C’est pour ça que tu as mémorisé les plans puis les a effacés de ton datapad. Je sais. Je trouve ça juste gonflé de la part de quelqu’un qui répète qu’on doit se faire confiance.
— Yaraa, tu as proposé de m’accompagner. Je pensais que c’était explicite, s’exaspéra Obi-Wan. Je me dois d’assurer la sécurité de Bail, tout autant que la tienne. Le moins tu en sais, le mieux c’est. Pour tout le monde.
— Ouais, c’est sûr que vu comme ça… marmonna la sorcière.
— Quoi ? s’enquit le Jedi, avec moins de retenue que ce qu’il n’avait escompté.
— La confiance. C’est plus facile quand ça ne marche que dans un sens.
— Mais, pas du tout, protesta-t-il. Je connais juste mieux la galaxie que toi, et, hum, comment dire…
— Je ne suis qu’une amnésique, incapable de se débrouiller sans son chevalier servant, fulmina Yaraa.
Elle brandit un doigt devant lui et énuméra :
— Voyons-voir si je suis aussi une menteuse patentée ; ton contact fantôme, dont je connais à peine le prénom, mais à qui je dois vouer une confiance aveugle. Le vaisseau, qui s’est révélé être un choix catastrophique, mais qui était pour toi la seule option viable.
Un second doigt accusateur apparut devant lui.
— Le spatioport, où toi seul a le droit de ne nous guider. Si nous étions séparés, comment est-ce que je suis censée te contacter ?
Un troisième doigt, accompagné d’éclairs dans ses yeux sombres.
Jamais, jamais il ne l’aurait perdue. Il lui suffisait de fermer les yeux pour retrouver son emprunte mauve, unique et aveuglante. La Force le ramènerait toujours vers elle. Mais il voyait où elle voulait en venir. Obi-Wan passa une main distraite dans ses cheveux, puis considéra la sorcière sous un nouveau jour. Si la plupart des choses qu’elle avait à lui dire ne lui convenait pas, ça ne voulait pas dire qu’elle avait forcément tort.
— Qu’est-ce que tu proposes ? concéda-t-il.
— J’attendais que tu me le demandes, se réjouit Yaraa avec un sourire félin.
Qu’est-ce que j’ai encore fait, regretta immédiatement le Jedi, tandis que Yaraa portait sa main à sa ceinture et dégainait l’un des deux blasters qu’elle avait réussi à extorquer à Bitlit, à grand renfort de suppliques et de battements de cils.
— Non, Yaraa, souffla-t-il. Hors de question. N’y pense même pas.
— Oh mais à toi de voir ce que tu fais, riposta-t-elle, mais moi, je ne vais pas attendre qu’ils nous tombent sur le coin du nez.
A ces mots, elle lança le second blaster à Obi-Wan et lui adressa un clin d’œil provocateur. Sans lui laisser le temps de rassembler ses esprits, elle se précipita à dans le couloir et gémit à l’adresse des trois stormtroopers qui arrivaient à l’angle de la coursive :
— Oh, soldats, vous tombez à pic ! Aidez-moi, je vous en supplie, je…
La fin de sa phrase se perdit dans un sanglot étranglé, qu’elle agrémenta de tremblements. Elle n’était qu’à quelques mètres des trois hommes en armure blanche, lesquels s’étaient figés à son approche. L’un d’entre deux, sans doute le plus gradé, s’avança vers elle, une main levée à l’intention de ses collègues :
— Mademoiselle, grésilla-t-il sous son casque, l’accès à ce secteur est réglementé. Avez-vous une autorisation ? Vous êtes-vous perdue ? ajouta-t-il avec plus de douceur, assurément ému par la performance de la jeune femme.
— Je… oui, mais je ne voulais pas, je le jure, j’essayais juste de lui échapper, balbutia Yaraa, qui trébucha et s’écroula dans les bras de l’homme.
— À qui, mademoiselle ?
— À… À lui, par les Étoiles, c’est lui, il m’a retrouvée ! s’écria la jeune femme, un doigt pointé dans la direction d’Obi-Wan.
Pointé directement sur Obi-Wan, qui avait s’était lancé à sa suite, dans l’espoir de la retenir. Il s’était figé à l’amorce de la comédie ridicule que jouait la sorcière et se tenait dorénavant en plein milieu du couloir, toujours encapuchonné et un blaster à la main. L’image même de l’innocence.
Yaraa simula une perte de connaissance, se laissant peser de tout son poids dans les bras du soldat. Ce dernier cria à ses collègues de se jeter à la poursuite du suspect. Obi-Wan jura dans sa barbe et se mit à couvert, derrière une caisse marquée du sceau de l’Empire. Un rapide coup d’œil lui permit de voir deux stormtroopers courir dans sa direction… puis glisser lamentablement. Une odeur pestilentielle emplit ses narines. Un bruit sourd lui indiqua que les soldats avaient chuté avec autant de grâce qu’on pouvait s’y attendre si ses soupçons se vérifiaient. Il se risqua à passer la tête hors de sa cachette et vit Yaraa, blaster au poing. À ses pieds, le corps du gradé gisait face contre terre. Entre le Jedi et elle, un liquide verdâtre recouvrait le sol. Les deux soldats ne bougeaient plus, leur armure couverte de la substance gluante et nauséabonde qu’Obi-Wan avait déjà aperçu sur Tatooine, lors de l’attaque des Inquisiteurs. Il rejoint la sorcière en longeant le mur, veillant à ne pas lui aussi finir les quatre fers en l’air. Elle l’attendait les deux mains sur les hanches, visiblement ravie de la situation :
— Tu as été parfait Ben, ils ont tout gobé.
— Mais à quoi est-ce que tu pensais, nom d’un bantha ? explosa le Jedi.
— À nous dépêcher avant que les envoyés de ton ami ne perdent patience et ne décollent sans nous. Je te rappelle que nous sommes en retard.
— Et tuer des soldats impériaux, tu as complètement perdu la tête ?!
— Déjà, de rien, problème réglé, siffla Yaraa. Et de deux, pour qui tu me prends ? J’ai tiré au rayon paralysant.
— Oh. Mais ils ont vu ton visage…
— Et ? Est-ce qu’Obi-Wan Kenobi, noble Jedi devant l’Éternelle, serait en train de suggérer d’achever de pauvres âmes sans défense ?
Obi-Wan croisa les bras et baissa les yeux. Evidemment qu’il ne pouvait répondre par l’affirmative. Même si, quelques jours auparavant, il avait été à deux doigts de franchir cette ligne. Si l’Inquisitrice ne l’avait pas repoussé d’une vague de Force, il savait très bien ce qu’il se serait passé. Ce qui se passerait sans doute une fois qu’il l’aurait retrouvée. Pour Luke. Pour Yaraa. Il leur faudrait évoquer le sujet, une fois qu’ils seraient lancés sur la trace de la femme. Mais pour l’instant, il avait ce besoin insensé qu’elle continue de le regarder avec ce mélange d’admiration et de reproche. Qu’elle s’entête à le prendre pour ce chevalier immaculé qu’il avait depuis longtemps cessé d’être, bien avant qu’elle ne fasse une entrée fracassante dans sa vie et ne pulvérise ses dernières certitudes. Il n’était plus un Jedi depuis longtemps. Depuis le début de la guerre, peut-être. Depuis qu’il était un général. Un instrument de mort et non de paix. Mais tant qu’elle persistait à voir en lui un idiot valeureux qui n’achèverait jamais un ennemi désarmé, il pouvait se regarder dans un miroir sans avoir envie de le traverser de son poing.
— C’est bien ce que je pensais, triompha Yaraa. Quel numéro, du coup ?
— Le B-87. Allons-y avant que des renforts n’arrivent, concéda Obi-Wan.
* * *
Obi-Wan toqua contre l’immense porte coulissante, sous l’œil vigilant de Yaraa, qui semblait encore craindre qu’il n’ait fait que prétendre connaître le chemin vers le vaisseau. Une voix enjouée lui répondit :
— Mot de passe ?
— Zigoola, grimaça-t-il, le code choisi par Bail invoquant des images d’une autre époque, qu’il aurait préféré enterrer avec la planète maudite dont il avait bien failli ne jamais revenir.
La porte s’ouvrit sur le champ.
— La Force me préserve de ces souvenirs, répondit Bail Organa, un sourire éclatant aux lèvres. Tout plutôt que de retourner là-bas. Venez, entrez, nous aurions partir il y a déjà deux heures. Il y a des règles à respecter, même pour un sénateur impérial.
Hello hello, j'espère que vous allez bien !
Petit changement de décors sur ce chapitre et on repasse un peu du point de vue d'Obi-Wan... J'avoue que je m'amuse vraiment sur ce tome à plus creuser sa perception des choses et ses sentiments, j'espère que ça vous plait !
Très heureuse aussi d'ENFIN intégrer Bail à notre duo dynamique, c'est un de mes personnages préférés et promis, il va bien rester quelques chapitres