Super-Bern a écrit:Voici, deux ans plus tard... deux ans...

le texte que j'avais promis.
Deux autres années et demie plus tard... j'ai écrit un autre texte!

Bon, je sais que ce sujet traite d'
avant Mastaria (et qu'il est mort, mais je ne perds pas espoir

), mais j'ai eu une idée pour pendant le RP, donc voilà. Il prend place après le sauvetage de Miri, pendant le texte de Xiaomii qui traite de l'arrivée du Maître de Kira. Vous verrez qu'il est, comment dire... spécial.

Blanc comme neige
Vingt minutes après le début de ma journée de travail, je terminais d’écrire mon rapport sur l’attentat à la bombe qui avait eu lieu la veille au ministère de la Défense. Je laissais la lumière matinale du soleil entrer par la fenêtre et réchauffer mes bras quand j’entendis s’approcher de mon bureau le bruit de pas caractéristique des souliers à talons hauts de ma secrétaire. Elle cogna trois petits coups à la porte, je fermai le dossier et l’invitai à entrer.
- Il y a une femme qui demande à te voir, affirma-t-elle en affichant un air professionnel.
- Fais-la entrer, répondis-je. Tandis que tu es là, est-ce qu’il y a eu des appels concernant les tueurs du métro?
- Toujours pas, malheureusement.
- Bon, tant pis. Merci.
Ma secrétaire s’éloigna pour faire signe à la nouvelle cliente. Tutoyer son employeur ou sa secrétaire pouvait faire croire à un manque de professionnalisme dans le milieu de l’agence de détective privé, mais Enya était devenue une amie depuis que je l’avais engagée quelques mois auparavant.
Cette trentenaire avancée à la peau basanée était autrefois chanteuse dans un bar jazz comme il y en a à chaque coin de rue de la ville, c’est toutefois dans le sien que j’étais allé prendre un verre à la fin d’une longue journée en me laissant porter par le doux son de sa voix. J’avais eu la chance de brièvement échanger avec elle après sa performance, mais c’était lorsque son patron était venu l’avertir sèchement de retourner à l’arrière-scène et qu’elle m’avait quitté avec un sourire angoissé que j’avais aperçu qu’elle ne semblait pas l’apprécier. Décidant de l’attendre à côté de l’entrée des artistes à la fermeture, j’avais eu une conversation plus sérieuse avec elle qui m’avait appris qu’elle ne trouvait pas de travail payant à cause de son teint de peau et que cet homme était celui qui la rémunérait le plus, malgré le comportement qu’il avait envers l’artiste. Étant moi-même de race noire et ayant dû faire ma place au cours des deux dernières décennies dans le monde de l’enquête privée, son histoire m’avait touché personnellement, ce qui m’avait poussé à l’engager et à lui promettre un meilleur environnement de travail. Même si les clients ne se bousculaient pas, ceux qui venaient quérir mon aide le faisant principalement parce que la plupart des gens ne s’attendent pas à être suspectés par quelqu’un comme moi, Enya avait l’air plus saine à son poste actuel et elle pouvait se produire de temps en temps sans se soucier du peu d’argent qu’elle y gagnait.
L’apparence de la femme qui entra à ce moment contrastait violemment avec celle de ma secrétaire. Trente ans tout au plus, elle avait les cheveux d’un blond platine comme ceux de Marylin Monroe qui descendaient en longues vagues jusqu’au milieu du dos, le visage pâle, probablement accentué par un maquillage abondant, et des iris bleu pâle qui disparaissaient presque au milieu de tout ce blanc. Je voyais qu’elle était anxieuse à sa manière renfermée de se tenir dans le cadre de porte, je l’invitai donc à s’asseoir, ce qu’elle fit sans attendre, et lui demandai ce que je pouvais faire pour elle.
- C’est ma meilleure amie, commença-t-elle avec un tremblement dans la voix. Elle a disparu. Je l’ai appelée plusieurs fois depuis deux jours et elle ne répond pas. J’ai appelé à son travail et ils disent qu’ils ne l’ont pas vue depuis deux jours également. Et aucune de nos amies communes ne sait où elle se trouve.
- Êtes-vous allée mentionner sa disparition à la police? demandai-je comme l’obligeait le protocole.
- Non, je ne peux pas. Vous allez croire que je suis folle, mais je suis certaine que c’est ce Sévigny qui l’a enlevée! Et tout le monde sait qu’il a la moitié des forces de police dans sa poche, ce serait trop dangereux. C’est pour ça que je suis venue vous demander votre aide. Vous avez sûrement déjà un dossier sur lui ou quelque chose?
Ah, ce Nathaniel Sévigny, le parrain de la mafia de la ville. J’avais effectivement un dossier à son nom, mais rien de concret qui permettait de l’accuser pour de bon pour ses crimes. La rumeur courait depuis quelque temps qu’en plus de son trafic d’armes, il avait commencé à enlever des femmes qui désiraient s’émanciper. On comptait parmi les disparues des médecins, des chercheuses, de jeunes écrivaines et des femmes de plusieurs autres domaines dits pour hommes. La raison qui le pousserait à commettre ces gestes, personne ne la connaissait. Peut-être qu’il voulait éliminer discrètement la concurrence, peut-être qu’il désirait l’utiliser pour ses affaires, ou alors il s’agissait simplement de misogynie et il n’acceptait pas les femmes qui lui étaient supérieures. Avec cette idée en tête, ma prochaine question me vint naturellement.
- Quel travail fait-elle?
- Elle est femme d’affaires. La dernière fois que je lui ai parlée, elle était en négociations pour ouvrir sa chaîne d’orphelinats pour filles.
Elle s’appelle Myriam Côté, voilà sa carte.
Comme je le craignais, elle avait le profil parfait pour atterrir entre les griffes de Sévigny. D’un autre côté, n’importe qui pouvait en vouloir à une femme moderne comme elle. Je déposai la carte d’affaires dans une pochette vide et y inscrivis le nom de ma cliente, Annabelle Poisson. Dans les minutes suivantes, je pus faire le profil complet de mademoiselle Côté et je listai les endroits où je pourrais commencer ma recherche. Mademoiselle Poisson se releva en me remerciant grassement après m’avoir dit tout ce qu’elle savait et je lui donnai congé.
Maintenant seul dans mon bureau, je grillai une cigarette et m’écrasa dans mon fauteuil. Je repensai à l’autre disparition semblable sur laquelle il m’avait été demandé d’enquêter au début du mois pour la même raison. Cette fois-là, c’était une mère qui s’inquiétait pour sa fille, une jeune peintre qui, selon sa mère, sortait du lot. La police l’avait finalement retrouvée deux jours plus tard aux bras d’un petit hors-la-loi avec qui elle avait quitté la ville pour changer de vie. J’espérais que le cas de Myriam Côté serait aussi simple. M’extirpant de mes pensées entre deux bouffées de cigarette, je fermai ce dossier et je me remis à remplir mon rapport pour l’attentat à la bombe. Une procédure pénible, mais obligatoire quand on croise par hasard le chemin des enquêteurs officiels de la ville pendant la traque d’un suspect.
***
La première piste me mena à l’école primaire du quartier, là où mademoiselle Côté avait enseigné pendant quelques années avant de devenir femme d’affaires. On me conduisit au bureau de Fabien Ouellet, un de ses collègues qui la connaissait bien et, de surcroît, qui était ami depuis plusieurs années avec ma secrétaire. C’était lui qui avait ouvert la porte de l’entrepreneuriat à mademoiselle Côté, qui lui avait permis de trouver les contacts nécessaires à son affaire, il me semblait donc être un témoin de choix à interroger. En jeune homme droit, bien habillé et souriant, il m’accueillit à son bureau, sur lequel on ne pouvait pas manquer les nombreuses photos de voyages autour du monde, et entama la conversation en me remerciant d’avoir trouvé à Enya un travail qui la rendait sereine. J’acceptai le compliment avec joie, mais je fis néanmoins dériver le sujet vers la raison de ma visite.
Bien qu’angoissé par la disparition de son amie, monsieur Ouellet se montra très bavard et chaleureux. Il me raconta sa rencontre avec Myriam Côté il y a de cela douze ans, alors qu’il avait quinze ans et elle dix-sept, jusqu’à ce qu’il la convainque de déposer son projet d’orphelinat pour filles deux ans plus tôt. Comme pour ma cliente, la disparue lui avait dit qu’elle était en bon chemin pour obtenir l’accord de la ville, mais il ajouta le nom d’un vendeur, un certain Patrick Neville, qui aurait fait part à mademoiselle Côté d’un cadeau spécial pour convaincre les acheteurs. Il me donna le nom de la rue que je notai dans mon carnet, mais il ne pouvait rien m’apprendre de plus, je le remerciai donc et lui promis en le quittant de saluer Enya de sa part.
***
L’adresse du vendeur ne fut pas difficile à trouver.
Par la Force des Choses était marqué en demi-lune sur la fenêtre. Il s’agissait d’une petite boutique dans une rue marchande qui pouvait facilement passer inaperçue. Le carillon retentit quand je poussai la porte et une multitude d’odeurs s’infiltra d’un coup dans mes narines, certaines plus fortes que d’autres, mais agréables pour la majorité. L’endroit était rempli de bougies parfumées, d’encens, de pierres colorées, de capteurs de rêves et de divers objets que j’associai à la pratique de l’astrologie. Une belle jeune femme sortit de la pièce derrière le comptoir et me salua. Elle ne devait pas avoir plus de vingt ans, elle portait une longue robe argentée qui renvoyait des reflets de lumière, ses cheveux étaient attachés de chaque côté de son visage pour former deux longues tresses blondes et violettes qui descendaient au-dessus de ses hanches et sa tête était ornée d’une chaîne métallique qui tombait probablement à l’arrière de sa chevelure. Au premier regard, elle avait tout l’air d’une gitane qui se serait installée en ville pour faire fleurir ses affaires, mais Dieu sait que dans mon métier, on ne doit pas se fier aux apparences.
- Vous cherchez quelque chose en particulier? me demanda-t-elle d’une voix douce, mais enfantine, le sourire jusqu’aux oreilles.
- En fait, je cherche Patrick Neville. Est-ce qu’il est là?
- Ah, non malheureusement, il est hors de la ville pour affaires pour une semaine encore. Je peux peut-être vous aider, c’est mon père, je l’aide dans ses ventes. Je m’appelle Kristen au fait.
- Philippe Kelly, me présentai-je en lui tendant ma carte. Votre père aurait vendu un objet à une femme récemment, une jeune brune de 29 ans, quelque chose qui arriverait à influencer les décisions des gens.
- Un détective privé, s’étonna la jeune femme en lisant ma carte. Si vous avez le nom de la cliente, je peux vous trouver l’objet.
- Myriam Côté, dis-je alors qu’elle sortit le registre des ventes de sous le comptoir.
Elle tourna quelques pages du document en répétant à voix basse le nom de la disparue, puis s’arrêta sur un nom.
- Ah, voilà! Myriam Côté, il y a quatre jours. Elle a acheté l’Orbe rouge.
- L’Orbe rouge?
Kristen retourna dans la pièce arrière et en rapporta une petite boîte qui tenait dans une main. Elle en sortit une petite pierre sphérique rouge transparente qu’elle serra délicatement dans son poing.
- Avec cet objet, si vous le tenez fermement et que vous donnez un ordre à quelqu’un d’influençable, et que vous y croyez sincèrement, vous pouvez implanter des suggestions dans l’esprit de la personne.
- Vous ne pensez pas que ça peut être dangereux entre de mauvaises mains? objectai-je en examinant la boîte.
- Bien sûr, je ne vous l’aurais pas montré si j’avais vu du mal en vous. Mais vous dégagez des ondes positives et si mon père a vendu une Orbe rouge à cette Myriam, c’est qu’elle devait lui inspirer confiance.
- D’accord… hésitai-je. Comment faire pour savoir si l’Orbe a vraiment cette capacité?
- Je vous ferais bien une démonstration, mais je ne veux pas vous prendre pour un simple d’esprit, dit-elle en souriant timidement. Ce n’est pas non plus sur moi que ça fera effet, sans vouloir me prendre pour une autre. Vous pouvez toujours l’acheter et vérifier par vous-même.
- Non merci, refusai-je poliment. Est-ce que cet objet est rare ou a une valeur quelconque?
- Rare? Ça dépend de ce que vous entendez par là. Comme j’ai dit, on ne le vend pas à n’importe qui. On en a peut-être une dizaine à la boutique et mon père passe ses commandes quand il en a besoin, mais je ne suis pas au courant de l’approvisionnement ailleurs…
- Ce n’est pas grave. Vous avez ma carte, s’il y a du nouveau ou si votre père a des informations en plus, appelez-moi.
- Compris! s’enjoua-t-elle. Juste une question qui me taraude, est-ce que je peux vous demander sur quoi vous enquêtez exactement?
- Désolé, je ne peux rien vous dire pendant que l’affaire est en cours, dis-je avec un sourire gêné à mon tour.
- Bon… Je vous souhaite de la résoudre en tout cas, bonne journée!
Kristen retrouva son large sourire et je lui rendis la salutation. En sortant, l’odeur de l’air extérieur et le bruit des voitures me ramenèrent à la réalité, mes sens se surprenant de l’atmosphère qui rompait avec le calme de la boutique.
***
J’ouvris les yeux en essayant de supporter l’aveuglement de la lumière qui m’inondait. Alors que je m’habituai à l’éclairage, je pus voir que j’étais sur la banquette arrière d’une voiture stationnée. Sur le siège du conducteur, un homme se tourna vers moi en me dévisageant. Je mis la main à ma ceinture par réflexe, à l’endroit où devait se trouver mon revolver, mais il n’y était pas. Le chauffeur me montra qu’il le tenait dans sa main, mais étonnamment, il n’avait pas l’air menaçant. De ce que je pouvais voir, il était habillé d’une chemise bleu marine sous un veston noir et portait un chapeau melon de la même teinte entouré d’un ruban gris. Il arborait une petite moustache dont les extrémités se perdaient dans sa légère barbe au menton. Pourtant, sa pilosité jurait avec les traits féminins de son visage. Les derniers souvenirs me revinrent d’un coup à cet instant. En marchant à la sortie de la boutique pour retourner à mon bureau, on m’avait surpris par-derrière en m’étouffant avec un chiffon imbibé de chloroforme, en déduisis-je, qui m’endormit presque aussitôt.
- On a bien dormi? dit l’homme d’une voix qu’il tentait de faire sonner masculine, mais qui était sans aucun doute féminine.
Sans répondre, je fixai la personne devant moi et son visage m’apparut soudainement familier.
- Zoé? m’exclamai-je, toujours légèrement confus.
Je regardai l’homme décoller sa barbe avec sa moustache et retirer son couvre-chef qui révéla des cheveux noirs qui lui tombèrent au milieu du coup. Zoé me sourit avec moquerie, à l’évidence parce que je ne l’avais pas reconnue tout de suite. Zoé Cadet était une détective privée avec qui j’avais déjà eu affaire plusieurs fois et je devais dire qu’elle était passée maître dans l’art du déguisement. Elle s’amusait souvent à me surprendre à des moments impromptus quand elle voulait me parler pour me prouver qu’elle était meilleure que moi dans le domaine.
- Tu es aussi sur le cas de Myriam Côté? enchaîna-t-elle en me rendant mon arme.
- Ne me dis pas que cette Annabelle Poisson est aussi venue te demander ton aide.
- Bingo, lança-t-elle avec dédain. Elle doit avoir des moyens, cette petite, pour nous engager tous les deux. Je venais d’arriver à la boutique pour une planque et je t’ai vu en sortir.
- Côté y est allé il y a trois jours pour acheter…
- Un objet pour influencer les esprits, je sais. J’ai une piste qui pourrait nous mener jusqu’à Sévigny, mais tu ne l’aimeras pas.
- Tu as des preuves de son implication? dis-je en levant les bras pour la confronter.
- Je vais en avoir.
Elle démarra son véhicule et s’engagea sur la route. Son comportement moqueur et impulsif m’exaspérait parfois, mais cette femme était compétente et savait tirer les vers du nez des suspects récalcitrants. Elle m’avait dit avoir monté un dossier garni sur Sévigny qui lui permettrait bientôt de le coincer et que les enlèvements ne faisaient que la rapprocher de son but. Même si j’avais voulu la contredire, j’étais à l’arrière d’une voiture en mouvement, je n’avais pas vraiment mon mot à dire…
***
Il s’avéra que c’était bien Sévigny qui détenait mademoiselle Côté et les autres femmes dans un entrepôt désaffecté. Le coup de poing que je reçus de son garde du corps me le confirma. Je chancelai vers la droite, mais me remis sur pieds et repris l’affrontement de plus belle. On s’échangea des coups en raison de l’absence de son arme que j’avais envoyée par terre. Je sentais le sang couler de mon nez, mais je m’acharnais à rester debout. Mon adversaire faisait une bonne tête de plus que moi, mais ma forme physique me permettait de tenir bon. Le duel dura encore une longue minute, après quoi un coup de feu retentit dans une pièce non loin de nous. L’homme se retourna vers le son, comme s’il savait que le tir ne venait pas de son équipe. Je profitai de sa seconde d’inattention pour le faire basculer d’un coup de pied et lui envoya un crochet qui le projeta au sol et le fit tomber inconscient.
J’accourus vers l’origine du coup de feu et trouvai Zoé, l’arme pointée vers un corps gisant sur le plancher. C’était celui de Nathaniel Sévigny, sa petite taille fine, ses habits négligés et ses lunettes de soleil ne trompaient pas, c’était ce qui faisait sa réputation. Le sang coulait abondamment sous le parrain, il était visiblement mort.
- Tu l’as tué?! m’écriai-je, choqué. J’espère que c’était pour te défendre.
- Il n’enlèvera plus de femmes, répondit-elle simplement. Tu t’es occupé de l’autre?
En se retournant vers moi, son regard dériva derrière ma tête et elle me cria de faire attention. Avant que je ne puisse réagir, elle me poussa sur le côté et j’entendis deux coups de feu assourdissants, l’un provenant de ma coéquipière, le deuxième de derrière moi. Je regardai d’où venait ce dernier. Le garde du corps se tenait là, l’arme à la main, le visage empreint de rage, du sang coulant d’un trou sur son costume beige. Il s’effondra et plus loin se trouvait un inspecteur de la police qui rangea son pistolet en nous voyant. Le deuxième impact de balle était atterri dans le dos du grand homme effondré.
- Vous devriez surveiller vos arrières mieux que ça, dit l’inspecteur en s’approchant.
Zoé leva un sourcil en ma direction, auquel je ne prêtai pas plus attention que nécessaire. Je reconnaissais la voix de l’officiel à l’imperméable brun, c’était celle de l’inspecteur Quinn-Gagné, le contact de Zoé dans la police.
- André, mon sauveur, s’exclama la femme sans cacher son sarcasme. Voici le responsable.
Elle désigna du bras le corps de Sévigny comme si elle présentait une œuvre d’art.
- Normalement, on rassemble des preuves avant d’aller attaquer le loup dans sa tanière, fit remarquer l’inspecteur en se penchant sur le cadavre.
Zoé alla ouvrir une lourde porte qui donna sur une pièce où se trouvaient plusieurs femmes apeurées et en pleurs, certaines presque nues.
Parmi elles, je crus reconnaître Myriam Côté d’après la description que ma cliente m’en avait faite.
- Voilà 18 preuves, affirma Zoé. Je suis sûre que vous pourrez en tirer quelque chose de pertinent si vous faites du bon travail.
L’inspecteur appela les trois policiers qui attendaient à l’entrée du bâtiment, il leur ordonna de fournir des couvertures aux femmes et de prendre leurs déclarations. Je scrutai les alentours et m’étonna du manque d’effectifs du parrain de la ville.
- Je suis surpris qu’on n’ait pas eu affaire à plus d’hommes de main, ça m’a l’air trop simple comme sauvetage. On devrait s’en inquiéter?
- Je ne crois pas, répondit Quinn-Gagné en réfléchissant. Ça expliquerait pourquoi on n’a jamais pu lier Sévigny aux échanges d’armes ou aux enlèvements s’il se cachait ailleurs. Cet entrepôt avait été fermé pour insalubrité par la police et est sous notre responsabilité depuis. Si les dates concordent, je n’ai pas de doute qu’on va découvrir que c’est Sévigny qui a payé des policiers pour avoir le bâtiment à lui seul. Ça permettra de faire un beau ménage dans le district.
Zoé sourit fièrement, je ne pus m’empêcher d’être satisfait de notre travail. À l’arrivée de l’équipe de la criminelle qui venait prendre notre déposition, on dut expliquer le déroulement de notre enquête. Ma coéquipière expliqua qu’elle avait enquêté sur plusieurs des cas de disparitions, les femmes étant plus enclines à se confier à d’autres femmes, puis qu’en comparant les horaires des disparues, elle avait trouvé quelques endroits en ville où auraient pu se passer plusieurs des enlèvements. L’un d’eux était un bar réservé à la gent féminine ouvert pour faire concurrence à ceux réservés aux hommes. On planifia alors d’y aller à la tombée de la nuit, Zoé se faisant passer pour une visionnaire qui allait dire à qui voulait l’entendre que les femmes étaient plus intelligentes que les hommes et qu’elle allait le prouver aux prochaines élections municipales. Quant à moi, je devais attendre à l’extérieur en espérant qu’il se passe quelque chose de dangereux.
Le plan fit effet, je la vis ressortir après une demi-heure accompagnée d’une cliente blonde. Deux hommes sortirent d’une voiture à côté de laquelle elles passaient et mirent un sac sur la tête de la détective avant de l’assommer et de la faire entrer dans le coffre du véhicule. La blonde retourna à l’intérieur et les deux hommes se mirent à rouler. Je démarrai ma voiture et les suivis jusqu’à l’entrepôt. Quand ils sortirent pour prendre leur prisonnière, je les surpris et les assommai. Je réveillai Zoé et, après avoir appelé l’inspecteur Quinn-Gagné d’une cabine au coin de la rue pour lui donner rendez-vous, on se mit à la recherche des autres femmes. On dut se séparer après quelques minutes à cause du grand nombre de pièces et c’est un peu plus tard que je tombai nez à nez avec le garde du corps de Sévigny.
Quoi qu’il en soit, il y aurait encore de la paperasse à remplir, néanmoins, l’enquête avait été résolue, les femmes libérées et Annabelle Poisson pourrait retrouver sa meilleure amie.
***
Fi se réveilla et s’étira pour faire partir la douleur, se replaçant sur sa chaise.
Je me suis endormi? pensa-t-il.
C’était quoi, ce rêve-là? Il tourna la tête vers le lit de la pièce sur lequel Miri se trouvait, toujours endormie, dans l’attente du retour de Kira pour soigner ses blessures infligées par Narrac.