- Chapitre 3 : Dans la ceinture d'Orion -- Qu'est-ce que c'est? demanda le colonel.
- Il y a une source de chaleur qui s'approche lentement.
- Ça ne peut pas être un chasseur, ils ne peu... Un missile téléguidé! Ils ont lancé un missile, s'exclama-t-il en se levant. Éteignez tout, s'ils ne détectent pas notre activité thermique, ils ne nous verront pas.
Les deux Résistants s’exécutèrent pendant qu'Algernon, debout, appuyé sur le tableau de bord, cherchait le missile par les fenêtres. Le vaisseau devint soudain silencieux et se mit à piquer du nez en direction de l'astéroïde géant.
- Colonel, on va s'écraser, prévint l'agent qui surveillait la coque.
- On est assez près pour ne pas exploser, le rassura Algernon. Tiens bon, Moutarde.
- La coque inférieure ne tiendra pas, non. Si on atterrit à cette vitesse, le vaisseau se fera écorcher de part en part.
- Vous préférez qu'on se fasse toucher par un missile explosif déflagrant en plus des cailloux? Non? Alors accrochez-vous et espérez que le destin vous ait prévu une mort plus noble, dit le colonel aux deux hommes.
Le vaisseau se rapprochait à vive allure du point d'atterrissage forcé. Le colonel déglutit, puis il vit le missile impérial passer loin devant la grande fenêtre et exploser sur un astéroïde qui se sépara en plusieurs petits morceaux. Les débris furent projetés par la déflagration dans toutes les directions et heurtèrent au passage d'autres rochers qui dévièrent de leur trajectoire.
- D'accord, dit le colonel en reprenant place dans son siège. Rallumez les moteurs. Concentrez toute la puissance sur les stabilisateurs.
Moutarde se redressa légèrement, mais le choc était inévitable. Le vaisseau s'écrasa contre le rocher géant, les agents furent violemment secoués. Les dommages de la coque passèrent au rouge et la lumière d'alerte du tableau de bord se mit à clignoter.
- La coque inférieure a été totalement écrasée. Moteurs HS, boucliers HS, stabilisateurs HS, communicateurs longue portée HS et le radar?
- HS, dit l'autre agent en tapotant l'écran.
- Qu'est-ce qui fonctionne encore? demanda Algernon.
- Les caméras de surveillances intérieures sont fonctionnelles, le système de communication autonome n'est pas trop endommagé et il reste quatre tourelles en état de marche.
- Les Impériaux doivent surveiller les communications. C'est trop risqué d'essayer de contacter la base directement et le système autonome n'émettra pas jusque-là.
- Colonel, Orion est habitée, mais elle possède très peu de formes de vie intelligentes, dit le deuxième agent.
- Je sais. Le problème est qu'elle ne possède aucun système de communication par satellite.
Pendant que les trois Résistants réfléchissaient à une solution pour se sortir de leur situation sans se faire détecter, un laser rouge passa rapidement devant le vaisseau et fit éclater un petit astéroïde.
- Il est passé proche, celui-là, dit le premier agent, surpris.
- Les chasseurs doivent tirer au hasard pour tenter de nous localiser, ajouta le deuxième.
- Pourquoi ils n'envoient pas un autre missile?
- Ils pensent sûrement que le vaisseau est toujours éteint. S'ils en envoient un, on n'aura qu'à le faire une fois de plus.
Le colonel se passa la main dans le visage et poussa un soupir.
- Évacuez le vaisseau, dit-il à voix basse.
- Pardon, Colonel? demanda le premier agent.
- Évacuez le vaisseau, répéta-t-il plus fort.
- Évacuer? Et vous?
- Je n'abandonnerai pas Moutarde. Je vais enregistrer un message de détresse et essayer de le diffuser sur le plus grand rayon possible.
- Mais pourquoi voulez-vous qu'on évacue? demanda le deuxième agent.
- On ne peut plus bouger et on ne sait même pas si quelqu'un va nous trouver un jour. Au pire, les Impériaux vont nous découvrir, puis nous capturer ou nous abattre et au mieux... on va tous mourir par manque d'oxygène d'ici quelques jours. J'ai des réserves d'air, mais pas assez pour six hommes et si on y passe, je veux qu'il y ait le moins de morts possible.
Les deux agents se lancèrent un regard perplexe. Ils ne voulaient pas abandonner leur supérieur, mais celui-ci reprit ses explications.
- Prenez les capsules de sauvetage et apportez vos rations. Contournez Orion par dessous, il n'y a rien d'utile sur la planète. Rendez-vous à la station désaffectée, à quelques minutes d'ici. Des Résistants ont établi un débarras pour aider au ravitaillement, vous serez en sécurité avec eux.
- Pourquoi ils n'ont pas aidé Néra eux-mêmes? demanda le premier Résistant.
- Ils veulent se cacher et, par le fait même, ils n'ont pas de vaisseaux. Les étrangers les voient comme de simples ferrailleurs qui vivent avec ce qu'ils ont, mais la Résistance du Secteur 226 s'approvisionne régulièrement chez eux. S'ils veulent garder leur couverture, ils ne doivent pas aller sur Néra.
- Colonel, on ne vous laissera pas ici, dit le deuxième agent.
- J'ai dit évacuez le vaisseau! cria Algernon. C'est un ordre! Je n'abandonnerai pas Moutarde!
Les agents baissèrent la tête et allèrent prévenir les autres. Après un dernier regard triste d'un des tireurs vers leur supérieur, les capsules s'éjectèrent une par une dans l'espace. Les cinq agents de la Résistance prirent la route pour la station désaffectée.
Le colonel les regardait s'éloigner en serrant les poings. Il se leva brusquement de son siège et maintint un bouton vert appuyé.
- Mayday, mayday! Ici le Colonel Wilson, agent de la Résistance du Secteur 226 sur Karto III! Si quelqu'un entend ce message, je suis présentement dans la ceinture d'Orion. Je suis recherché par les Impériaux et je ne peux plus me déplacer.
Il relâcha le bouton et appuya sur un autre, ce qui envoya le message le plus loin que le système de communication autonome du vaisseau le pouvait.
Pendant plusieurs heures sans réponse, Algernon tentait de réparer les moteurs au mieux de ses connaissances, mais il n'était pas le meilleur dans ce domaine. En s'orientant grâce aux étoiles, il savait combien de temps s'était écoulé depuis son message de détresse.
Après une journée, le colonel n'avait toujours pas de nouvelles de qui que ce soit. La deuxième journée, il arriva enfin à réparer le radar. Il surveilla donc constamment l'écran vert à la recherche de tout changement.
La troisième journée, il s'était assis sur le sol, son espoir de s'en sortir vivant diminuait à chaque minute. Il avait déjà dû vider toute une bonbonne d'oxygène pour ne pas s'évanouir. C'est alors que le radar émit un faible son qu'il peinait à faire durer.
- Un signal! s'ébahit-il.
Il se leva et scruta l'horizon par la fenêtre pour localiser la source du signal. Après de longues secondes interminables, il aperçut un vaisseau, assez grand pour contenir cinq ou six membres d'équipage, qui s'arrêta à une distance méfiante de Moutarde. Il ne reconnaissait pas le modèle, mais ce n'était définitivement pas un vaisseau de l'Empire.
- De l'aide, enfin! cria Algernon. Peu importe c'est qui, tant qu'il me sorte de là.
Le communicateur autonome se mit soudain à sonner, le colonel répondit à l'appel. Algernon Wilson n'allait pas mourir aujourd'hui.