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Chapitre 12 : La goutte de sang qui fait déborder...
 
Gerimen Saggers boutonna son grand manteau vert sombre jusqu’à son menton et observa son reflet dans le grand miroir mural. Il rajusta ses manches afin de mettre en relief les petits boutons dorés qui brillaient discrètement, lissa un pli sur le revers foncé puis examina son visage. Il fronça les sourcils, essayant de retoucher son air sévère qu’il avait déjà énormément de mal à prendre. Le Grand Conseiller était la douceur et la bienveillance incarnées mais une austérité apparente était absolument essentielle pour parvenir à éloigner la dizaine de gardes du corps qui refusaient de le lâcher d’une semelle depuis trois jours. Où qu’il aille, à toute heure de la journée, ils le suivaient toujours à une distance maximum d’un mètre. La douche, où il se trouvait en ce moment, était le seul endroit où il pouvait aspirer à un peu d’intimité - après bien sûr une longue et minutieuse vérification préalable de la sûreté des lieux. Puisant autant de grogne qu’il put de la situation agaçante, il prit une inspiration en bombant le torse et la bloqua, donnant avec efficacité un air merveilleusement coincé et compassé à son visage. Satisfait de son apparence, il pivota sur ses talons, prenant soin de figer ses traits, et sortit de la salle de bain.
Il dut se retenir de lever les yeux au ciel en se retrouvant nez à nez avec trois gardes qui avaient attendu patiemment derrière la porte pendant tout ce temps. Quatre autres occupaient chacun un coin de la chambre, deux se trouvaient à l’extérieur devant les fenêtres, et un autre surveillait la pièce suivante.
-Veuillez vous écarter, gronda-t-il d’un ton agressif.
Les trois hommes obéirent, mais à peine Gerimen avança d’un pas dans la pièce qu’ils étaient déjà sur ses talons. Son visage se crispa et devint écarlate de colère. Il se retourna.
-Maintenant ça suffit ! J’aimerais aller me promener tranquillement ! explosa-t-il.
-Les instructions, votre Grandeur, répondit l’un des gardes. Nous recevons nos ordres uniquement de…
-Je me fiche de qui vous recevez vos ordres ! Je suis le Grand Conseiller Gerimen Saggers et je vous dis que je vais aller me promener seul ! Je serai de retour dans moins d’un quart d’heure. Est-ce clair ?
-M…
-Est-ce clair ?!
-C’est à dire que…, intervint un autre garde.
Gerimen se rappela soudain d’un holo qu’il avait vu un jour, représentant un animal aquatique mangeant un morceau de plancton et dont la tête lui avait alors paru royalement offusquée, bien qu’étant son expression habituelle. Il se concentra l’espace d’une seconde et s’appliqua à adopter la même mine en gonflant ses grosses bajoues, tout en fronçant les sourcils et louchant juste ce qu’il fallait.
Le garde recula et décida que finalement, un petit tour ne ferait sans doute aucun mal au petit monsieur presque chauve que leur présence permanente semblait quelque peu affecter. Mieux valait qu’il prenne l’air seul quelques minutes plutôt qu’il ne leur fasse une belle dépression au milieu de ses appartements. Il n’avait pas spécialement envie de répondre de la dégradation mentale du conseiller. Il hocha donc la tête et s’écarta de son chemin, faisant signe aux autres hommes de le laisser passer.
Enfin heureux, Gerimen Saggers se redressa sur toute sa hauteur, à savoir tout au plus un mètre soixante, prit un petit air hautain en se dirigeant vers la sortie, puis appuya résolument sur la commande de la porte de ses appartements au consulat et sortit. Il fut soulagé de ne trouver aucun autre pot de colle dans le grand hall où l’activité habituelle avait trouvé un rythme de croisière relativement calme, l’ensemble du personnel administratif ressentant encore les effets secondaires de l’attentat meurtrier. Le conseiller se déplaça furtivement le long du couloir avant de sortir par une porte latérale donnant sur un des jardins. Une fois à l’extérieur, le visage baigné par la douce chaleur du soleil, il abandonna volontiers son air rude et se permit de sourire de bon cœur. Il inspira une grosse bouffée d’air tiède, appréciant ses quelques minutes de liberté, puis avança dans la petite allée de gravier à l’ombre des arbres fruitiers, qui était déserte en ce début d’après-midi. Il écouta d’une oreille absente les petits cailloux rouler et crisser doucement sous ses chaussures, le sifflement mélodieux d’un jeune nivule à cou doré perché sur une des fines branches, la brise légère secouant délicatement quelques feuilles bien vertes, et se mit à fredonner un vieil air. Il s’arrêta de nouveau, gagné par un sentiment de plaisir intense, charmé par cet agréable environnement.
-On apprécie sa balade ? demanda une voix grave derrière lui.
Gerimen Saggers sursauta légèrement.
-Oh oui, fit-il tout en se retournant.
Il n’eut pas le temps de voir la personne qui l’avait suivi. Une main gantée lui agrippa douloureusement l’épaule, et en un vif éclair lumineux, une longue et brillante vibrolame fut sortie de son fourreau et s’enfonça avec une lenteur délibérée, se frayant un chemin dans le corps du conseiller comme dans du beurre. Incapable d’émettre un son, Gerimen sentit l’arme inciser sa peau et ses muscles, puis frotter contre deux de ses côtes avant d’être brutalement retirée. Seule la prise de l’assassin l’empêcha de s’écrouler au sol. Derrière la visière opaque, il put presque deviner un sourire morbide alors que l’humanoïde relevait sa vibro-lame entre eux, et sans le quitter des yeux la planta une deuxième fois, puis une troisième, une quatrième, et ainsi de suite jusqu’à ce que le conseiller ne commence à s’étouffer avec son propre sang. L’assassin le relâcha alors, observa le corps retomber lourdement au sol et la vie quitter les yeux exorbités de sa victime, puis se retourna et déguerpit tandis que des pas remuaient le gravier de plus en plus près.
“Juste à l’heure.”

~*~


-Blast…, murmura Yion Seelt, le visage crispé de dégoût tandis qu’il se relevait, les yeux toujours fixés sur le cadavre de Gerimen Saggers. On n’avait vraiment pas besoin de ça.
Il soupira et secoua la tête d’un air affligé, imaginant le genre de mort qu’avait dû connaître le Grand Conseiller.
-Des nouvelles de Rhene et Serdhi ? demanda-t-il à un de ses hommes.
-Non, il y a cinq minutes ils étaient encore sur la trace du tueur.
-Et quelqu’un a prévenu le Jedi ?
-Il est en route.
Un deuxième soldat se racla la gorge et intervint :
-Plus maintenant, fit-il en hochant la tête vers la sortie du bâtiment.
En effet, la longue silhouette capée du chevalier se démarquait de la grande porte et avançait silencieusement dans leur direction, prenant bien le temps d’observer tous les détails de la scène. Seelt se mordilla la lèvre inférieure. Le Jedi le rendait nerveux, et il avait horreur de ça ; sans parler de cette force et de ce talent intrinsèques qui lui donnaient l’impression de n’être en comparaison qu’un minable agent au bas de l’échelle bon à récurer les toilettes alors qu’il avait passé le concours d’inspecteur chef avec succès il y avait plus de trois ans. Le temps qu’il arrive à maîtriser une très légère jalousie néanmoins grandissante, le Jedi était arrivé devant lui et relevait la tête sous sa grande capuche foncée.
-Inspecteur, salua celui-ci.
Quelque chose dans les yeux vert d’eau du jeune homme étouffa ce qui restait de la rancune de Seelt, touché par la désolation qui semblait en avoir pris possession depuis leur dernière rencontre et tourbillonnait dans les clairs iris. Malgré cet apparent accablement dont il ne connaissait pas la raison, le regard du Jedi restait flegmatique et concentré.
-Chevalier Kenobi, répondit-il.
-Comment est-ce arrivé ? demanda Obi-Wan en examinant la dépouille.
-Gerimen Saggers. Le quatrième Grand Conseiller de Panescan. Il a, je ne sais comment, réussi à persuader ses dix gardes du corps de le laisser se promener sans surveillance dans le jardin pendant l’espace d’à peine cinq minutes.
-Cinq minutes qui ont suffi à l’assassin, commenta le chevalier.
Yion Seelt hocha la tête.
-Leur supérieur est en train de leur passer un savon. Ils répondront de leurs actes devant un tribunal.
Obi-Wan se releva, et son visage était encore plus sombre que l’inspecteur ne l’aurait cru possible.
-Doit-on redouter un manque de professionnalisme similaire de la part des gardes chargés de la protection de Lay Jooles ? s’enquit-il avec une pointe de sarcasme.
-Je veillerai moi-même à sa sécurité, déclara Seelt.
Le Jedi considéra l’inspecteur un instant puis s’éloigna un peu, étudiant la petite allée de gravier.
-Quand le périmètre a-t-il été bouclé ?
-Il y a quinze minutes, dès la découverte de monsieur Saggers par les gardes.
-Quelqu’un d’autre à part vous et moi s’est-il approché du corps ?
-Non. Une holocam a pris quelques clichés, mais le médecin légiste n’est pas encore arrivé.
Obi-Wan rabattit sa capuche sur ses épaules, révélant ses cheveux cuivrés, se pencha, et passa ses doigts sur les irrégularités du chemin sous les yeux perplexes de l’inspecteur.
-Vous trouvez quelque chose d’intéressant ? lança Seelt au bout d’une ou deux minutes.
-Rien qui me permette de m’avancer, répondit le jeune homme en se frottant les mains. Personne n’a vu le tueur ?
-Cette fois, si, fit Yion Seelt d’un air relativement fier. J’ai des hommes postés un peu partout dans le consulat, et quand les gardes de Saggers les ont alertés, ils ont réussi à apercevoir un homme en armure de chasseur de prime et se sont lancés à sa poursuite. Ils ne devraient plus tarder à me contacter.
-Un chasseur de prime, répéta Obi-Wan en fronçant les sourcils. Ce ne serait pas surprenant.
-Inspecteur ! appela un agent de sécurité qui courait dans leur direction.
-Jellico ? reconnut Seelt lorsque l’homme arriva à sa hauteur.
-Inspecteur…, commença Jellico en reprenant son souffle. Rhene a appelé. Ils ont eu l’assassin.

~*~


Obi-Wan se cala dans le siège du land speeder de Roen Istesna et poussa un profond soupir. C’était fini. L’assassin était mort, Lay ne risquait plus rien, et lui pouvait se consacrer pleinement à ses propres affaires. Il arriva à un croisement à la sortie du village qu’il venait de traverser et prit à gauche, en direction des bois de Seliph.
Une vingtaine de minutes plus tôt il avait suivi Yion Seelt et quelques-uns de ses hommes jusqu’à l’entrée sud de Vestenda où, à l’issue d’une course-poursuite, le chasseur de prime avait fini par être abattu. Il n’y avait aucun doute sur la culpabilité de l’homme dont le visage, une fois le masque retiré, s’était cependant avéré étranger au Jedi. La vibro-lame qui avait été utilisée pour massacrer Gerimen Saggers se trouvait toujours dans la gaine de son ceinturon. Le meurtrier était apparemment inconnu des forces de l’ordre panesciennes, mais une procédure d’identification était en cours.
Le jeune chevalier déplorait bien sûr la mort de cet individu, qui restait malgré tout un être vivant, mais un poids s’était soulevé de sa poitrine lorsqu’il avait réalisé que Lay Jooles était selon toute vraisemblance hors de danger. Il irait la voir dès qu’il rentrerait de sa petite exploration de la forêt et pourrait enfin apprécier sereinement sa compagnie, discuter avec elle de tout et de rien comme il en avait envie.
Mais avant toute chose, maintenant qu’il en était si près, il voulait se familiariser avec l’endroit où se terrait la créature qu’il aurait peut-être à affronter, faire un peu de repérage. Il tira légèrement sur les commandes du speeder alors qu’il arrivait en vue des premiers arbres. Il ralentit progressivement, puis s’arrêta.
Devant lui se trouvaient les bois clairs de Seliph aux arbres relativement petits et espacés, et qui s’étendaient sur plusieurs kilomètres. Là où la végétation devenait plus dense et plus sauvage commençait la forêt des Ruines, que peu de monde choisissait d’inclure dans les itinéraires de randonnée, la marche étant plus difficile en raison du nombre de buissons et de grosses racines. Cette forêt souffrait d’une mauvaise réputation qui remontait aux disparitions, mais elle n’était en elle-même pas particulièrement repoussante. Elle abritait une flore très variée et une faune rare, avec ses oiseaux colorés et ses petits mammifères.
Obi-Wan descendit du speeder et observa la lumière du soleil jouer sur les feuilles des arbres, perdant de vue son objectif l’espace d’un instant. Soudain un mouvement dans un fourré à quelques mètres de lui attira son attention. La main déjà sur son sabre laser, le Jedi s’avança, prêt à se défendre. C’est alors qu’il entendit des pleurs et un enfant se rua hors du bois, vers la route. Sans même réfléchir, Obi-Wan l’attrapa vivement et sut avant de le regarder qu’il s’agissait du petit garçon de la ruelle.
-Eh là, eh là, où cours-tu ?
Il s’accroupit et tint l’enfant par les épaules. Celui-ci n’essaya pas de s’enfuir comme la première fois, mais cherchait désespérément à dissimuler les grosses larmes que ses grands yeux noirs déversaient sur ses joues bien rondes. Incapable de maîtriser ses sanglots, il osa toutefois jeter un œil sur le visage du jeune chevalier, et se trouva légèrement encouragé par son regard doux mais inquiet.
-Vous…, tenta-t-il d’articuler. Vous êtes gentil ?
Attendri par la petite voix perdue, Obi-Wan leva une main et essuya une larme avec son pouce.
-Oui, sourit-il. Tu n’as rien à craindre de moi. Tu étais poursuivi ?
L’enfant se contenta de le regarder avec des yeux qui ne cessaient de se remplir de larmes.
-Qu’es-tu venu faire ici, aussi loin de la ville ?
-Il m-m’a a-appelé.
-Qui t’a appelé ? demanda Obi-Wan avec un froncement de sourcils.
Là encore, le petit garçon ne put que porter les mains à ses yeux, sans parvenir à retenir un autre sanglot.
-Tu l’as vu ?
Il hocha rapidement la tête.
-Il… il m’a fait mal ! révéla-t-il.
Le Jedi écarquilla les yeux, horrifié.
-Force, murmura-t-il en commençant à chercher des signes de violence.
Il trouva rapidement de gros et longs bleus sur le bras gauche du garçon. Des bleus en forme de doigts. Il sentit monter en lui une colère qu’il eut du mal à tempérer.
-C’est lui qui t’a fait ça ?
Les poings toujours pressés sur les yeux, comme pour empêcher ses larmes de couler, l’enfant secoua la tête.
-N-non. C’était Bomy…
Obi-Wan prit doucement les mains du petit garçon dans les siennes et lui releva la tête, l’obligeant à le regarder dans les yeux.
-Où t’a-t-il fait mal ? voulut-il savoir, tout en craignant la réponse.
-Dans ma tête, chuchota l’enfant.
Le jeune homme le relâcha, assimilant cette nouvelle information. En tant que Jedi, il savait qu’évidence ne rimait pas forcément avec vérité, mais vu les circonstances il ne pouvait que conclure que le Omyn avait repéré l’enfant et l’avait psychiquement attiré jusqu’à lui dans le but de…
Il ne s’autorisa pas à finir cette pensée, qui le répugnait au plus haut point. A présent il ne savait plus ce qui l’avait poussé à venir à la forêt, mais quelle qu’en fût la raison, il en était reconnaissant, car cet incident lui avait ouvert les yeux. Se nourrir d’animaux égarés, il pouvait parfaitement le comprendre. Choisir des proies parmi la population était nettement plus dérangeant et devait être puni, tout comme tuer des Jedi avec préméditation, dont Theran Kenobi, était inacceptable. Mais s’en prendre à un enfant d’à peine quatre ans lui paraissait tout simplement barbare. Une créature capable d’une telle bassesse lui apparut alors trop effroyable pour être autorisée à continuer d’agir impunément.
Pendant qu’Obi-Wan remettait de l’ordre dans ses pensées, le petit garçon, de son côté, ravalait courageusement de nouveaux sanglots.
-Je… peux venir avec vous ? supplia-t-il timidement. Je s-suis tout petit…
Le ton misérable de ce pauvre enfant ramena le chevalier à la réalité.
-Oh… Oui… oui bien sûr que tu viens avec moi…
Vidé par les émotions et sa longue course à travers bois, le garçon s’approcha lentement du Jedi et passa les bras autour de son cou, puis se blottit contre lui. Ne pouvant, ni ne voulant le repousser, Obi-Wan referma ses bras sur lui, lui envoya des vagues apaisantes de Force et se releva, pour sentir les petites jambes s’accrocher instinctivement autour de sa taille. Il n’avait pas fait deux pas que le petit garçon arrêta de pleurer et soupira de soulagement, enfin calme et détendu, confiant.
-Dis-moi, au fait…, commença Obi-Wan. Tu as un nom ?
La tête enfouie dans son épaule, sa petite charge lui répondit.
-Calen.

~*~