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Chapitre 9 : Macabre et confessions
 
Lorsque Obi-Wan Kenobi arriva au consulat, la nuit était presque tombée et le calme dans les rues environnantes n’était qu’une illusion dissimulant l’agitation qui secouait les murs du bâtiment. Le Jedi se présenta aux portes à présent hautement gardées par une vingtaine de soldats armés jusqu’aux dents. Il rabattit sa capuche par-dessus sa tête et entra sans même attendre l’autorisation qu’on lui aurait forcément donnée, puis se laissa guider par la foule d’agents de sécurité qui s’épaississait au fur et à mesure qu’il se rapprochait de la grande salle de réunion.
Un homme grand et fin aux traits coupés au couteau se tenait au milieu du chaos, les mains fourrées dans les poches, et hochait la tête à un officier qui semblait lui faire un rapport de la situation. Déduisant qu’il devait s’agir du responsable des investigations, Obi-Wan croisa les bras dans ses manches et attendit patiemment de se faire remarquer, ce qui ne tarda pas.
L’homme tourna la tête vers lui un instant, remercia l’officier, puis alla rejoindre le Jedi.
-Vous devez être le chevalier Kenobi, lança-t-il en guise de salutation. Inspecteur chef Yion Seelt.
Obi-Wan hocha la tête silencieusement, ne manquant pas de noter le fait que son interlocuteur affichait le même air intrigué que tous ceux qu’il avait rencontrés depuis son arrivée. Les Jedi n’étaient pas monnaie courante, et peu de Panesciens avaient déjà eu l’occasion d’en croiser.
-C’est bien que vous soyez là, continua Seelt en invitant Obi-Wan à le suivre. Monsieur Kir voulait vous mettre au courant de cette affaire de toute façon.
-Qui est la victime ? s’enquit le jeune homme.
Le commandant des autorités locales le guida vers l’autre bout de la salle où était rassemblé le plus gros des gardes, et à en juger par leur teint pâle et leur mine pitoyable, la scène qu’ils étaient chargés de surveiller avait l’air particulièrement pénible à regarder. Seelt observa attentivement le visage calme mais sévère du jeune Jedi, dont les yeux se déplaçaient subrepticement à travers la pièce et semblaient analyser avec une précision implacable les moindres détails, avec une technique et une efficacité effrayantes.
-Il y a trois victimes, corrigea-t-il enfin en arrivant à hauteur de ses hommes.
Obi-Wan ne sembla pas atteint par cette révélation et décida de s’accroupir afin d’examiner les corps qui n’avaient pas encore été recouverts. Son masque de stoïcisme ne céda à aucun moment, mais il fut intérieurement dévasté par le spectacle répugnant. Les longues et visqueuses traces d’hémoglobine sur le mur du fond n’étaient rien en comparaison de l’apparence des trois Grands Conseillers gisant côte à côte sur le sol de marbre froid, leurs membres désarticulés encore dans la même position que lorsqu’ils étaient tombés de leurs sièges, tels de macabres poupées en chiffon. D’énormes plaies béantes et sanglantes avaient déchiqueté le torse des hommes, ne laissant qu’un amas de chair écœurant mêlé à des restes d’étoffe encore hors de prix quelques heures auparavant. Le regard du Jedi, plus concentré qu’à l’accoutumée, remonta lentement vers la partie de leur corps qu’il avait pris soin d’éviter, enregistra cette image sinistre dans un coin de son esprit en l’espace de quelques secondes interminables, sachant qu’il lui serait désormais impossible de l’oublier, puis ferma ses yeux clairs un instant en prenant une profonde inspiration apaisante.
Il finit par se relever afin de refaire face à Yion Seelt, sentant un début de migraine s’installer progressivement dans son crâne.
-Avez-vous une idée du calibre de l’arme ? demanda-t-il.
Seelt secoua la tête.
-Non, mais de toute évidence ce n’était pas un simple blaster. Les blessures sont tout sauf propres et nettes. Et les témoins n’ont pas été en mesure de nous éclairer. Vous pensez, une bande d’aristocrates comme eux seraient plus capables de différencier une petite cuillère en argent massif d’une autre en plaqué plutôt qu’un canon à ions d’un droïde de protocole…
-Peut-être aussi qu’être forcés de voir trois de leurs collègues se faire exploser le crâne les a suffisamment distraits pour détourner leur attention de l’arme employée, ne put s’empêcher de remarquer Obi-Wan d’un ton acide.
Rappelé à l’ordre par la rude correction du chevalier, Seelt se racla la gorge.
-Hum… Enfin on sait que l’assassin était seul. Il a tiré depuis la fenêtre, là-bas, reprit-il en pointant un doigt vers un carreau brisé à quelques mètres d’eux. Il a tiré douze coups, puis a pris la fuite quand l’alerte a été donnée.
-Des indices ? demanda le Jedi en se dirigeant vers la fenêtre qui donnait sur une cour intérieure.
-Aucun. Il n’a laissé aucune trace, aucune signature particulière et personne ne l’a vu partir.
-Les caméras de surveillance ?
-Il n’y en a pas. Ni autour, ni dans cette salle de réunion. Le Grand Conseil exige une discrétion absolue sur ses rassemblements et les décisions qui y sont prises.
-Ce n’est pas très prudent.
-Oui mais que voulez-vous…, commença Seelt, pour finalement s’arrêter avant de renouveler une quelconque critique.
Obi-Wan fronça les sourcils tandis que sa migraine prenait plus d’ampleur et que des coups sourds commençaient à battre en rythme sous ses tempes. Il balaya consciencieusement du regard les alentours, examina la salle une dernière fois, puis se tourna vers l’inspecteur.
-Aurez-vous l’amabilité de me faire part de votre rapport ?
-Bien sûr, accepta Yion Seelt.
Il savait que le Jedi pouvait facilement obtenir ce qu’il voulait, et le caractère mystérieux et autoritaire du personnage ne donnait pas envie à Seelt de le contrarier suffisamment pour l’obliger à faire usage de cette fameuse ¨Force¨, quoi que ce fût.
Obi-Wan inclina brièvement la tête en signe de remerciement et commença à s’éloigner quand Seelt l’arrêta.
-Une dernière chose. Après son court interrogatoire, Lay Jooles a demandé une entrevue avec vous dès votre arrivée, quelle que soit l’heure.
Le jeune homme parvint tout juste à dissimuler sa surprise. Lay avait demandé à le voir ? Lui reprochait-elle aussi cet attentat ? Il retint un soupir face à sa propre sottise.
-Très bien, je vais la retrouver, dit-il enfin. Merci pour votre aide.

~*~


Le jardin qui séparait le bâtiment principal des quartiers résidentiels était empreint d’une quiétude alourdie par une atmosphère pesante chargée d’électricité qui semblait dissuader les oiseaux nocturnes de s’adonner à leurs chants habituels. Seul le léger crissement de timides insectes accompagna le chevalier à travers les dalles qui parsemaient la sombre pelouse teintée de bleu-gris par la lune bien ronde et brillante.
L’entrée de l’aile ouest était elle-aussi gardée, mais les uniformes vert foncé se fondaient dans l’obscurité et disparaissaient presque aux yeux des quelques habitants qui jetaient des regards inquiets par leurs fenêtres aux différents étages du consulat. La présence quasi-invisible des vigiles apportait à la fois un vague soulagement et un semblant de normalité aux membres du gouvernement encore trop secoués pour trouver le sommeil. Toutefois, peu de pièces étaient éclairées et étalaient leur lumière délavée sur les murs gris.
Obi-Wan se présenta à la porte, s’entretint un court instant avec un des gardes, puis finit par entrer. Il traversa le petit hall, grimpa rapidement les escaliers de pierre jusqu’au deuxième étage comme on le lui avait indiqué, et trouva la large porte où figurait en lettres de bronze le nom de la Grande Conseillère. Il appuya brièvement sur la sonnette, ne désirant pas la réveiller au cas où elle se serait finalement endormie.
Une servante au visage flétri vint ouvrir la porte et fit entrer le Jedi avant de le conduire jusqu’à un petit salon richement meublé et éclairé par un feu de cheminée. Calée dans un épais fauteuil se trouvait la conseillère, ses yeux pâles fixant les flammes dansantes et sa main blanche et fine serrant un verre où brillait un liquide ambré.
-Madame, chuchota la vieille servante afin d’attirer son attention.
Lay Jooles tourna lentement la tête dans leur direction, ne détachant son regard du feu qu’au dernier moment avant de le poser sur le visage du Jedi presque entièrement dissimulé par la lourde capuche.
-Merci, Zilenia, dit-elle d’une voix lasse et monocorde. Vous pouvez nous laisser. Allez donc vous reposer un peu.
La femme hocha la tête et quitta silencieusement la pièce. Lay fit rouler sa boisson entre ses mains d’un air absent tandis qu’Obi-Wan retirait sa capuche et esquissait une révérence.
-Votre Grandeur, salua-t-il poliment sans jamais traverser la distance respectueuse qu’il avait instaurée entre elle et lui.
-Chevalier Kenobi, répondit-elle vaguement, son regard détaché.
Les deux jeunes gens passèrent une bonne minute dans un silence total, sans bouger, sans même penser. Puis la conseillère cligna lentement des yeux et reposa son verre.
-Asseyez-vous, je vous en prie.
Obi-Wan s’exécuta.
-Je suis désolé, formula-t-il enfin.
La jeune femme comprit aisément qu’il ne parlait pas uniquement de la tragédie qui venait d’avoir lieu, et elle se pencha en avant, se prenant la tête entre les mains. Ses longs cheveux dorés, qu’elle portait détachés devant lui pour la première fois, accompagnèrent son geste, glissant doucement sur ses épaules. Elle inspira soudain et se leva brusquement de son siège, attrapant son verre au passage.
-Vous n’y pouvez rien. Personne n’y peut rien, fit-elle en avalant une gorgée.
-Vous voulez me dire ce qui s’est passé ? essaya le chevalier.
Elle se retourna vers le feu et murmura :
-J’ai eu peur. Comme jamais auparavant. Nous venions de commencer la réunion où nous allions aborder la question des échanges agricoles avec les prochaines portes ouvertes des Agri-Corps. Nous devions parler budget, matériel, création d’emplois.
Elle se rassit.
-Je n’ai rien vu venir. Il y a eu une puissante détonation et un bruit de verre brisé, j’ai cru à un accident quelque part mais une seconde plus tard il y a eu deux autres détonations, puis plusieurs se sont enchaînées à une vitesse incroyable, comme s’il n’y avait eu qu’une seule grosse explosion assourdissante. Puis tout s’est arrêté quand l’alarme s’est mise à sonner. J’ai appris par la suite que c’était Gerimen Saggers qui avait pressé le bouton d’urgence. Ensuite… tout est flou dans mon esprit. Je me suis relevée sur mon siège et j’ai vu…
Elle porta le verre à ses lèvres et le vida d’un trait puis le reposa avec une grimace. Obi-Wan hocha la tête d’un air compréhensif et elle sut qu’elle n’avait pas à aller jusqu’au bout.
-Vous avez des soupçons ? demanda-t-il doucement.
Elle en avait eu, mais ils ne tenaient désormais plus la route. Elle savait très bien qu’Obi-Wan avait déjà fait le lien entre ces meurtres et l’attaque dont ils avaient souffert lors de leur voyage depuis Coruscant, tout comme elle, et le réflexe de la conseillère avait été de penser au Chancelier Suprême Palpatine. Personne n’aurait pu avoir de meilleure raison de la supprimer que lui. Mais pourquoi s’en prendre à l’ensemble du Grand Conseil ? Elle était le seul membre impliqué dans le mouvement de protestation. Et Palpatine la connaissait depuis toujours… il trempait peut-être dans des magouilles, mais elle ne pensait pas qu’il serait allé jusqu’à massacrer une partie du gouvernement Panescien pour arriver à ses fins. De plus, tout ce qu’elle avait fait jusqu’à présent était émettre des doutes sur son honnêteté en petit comité. L’accuser publiquement d’assassinat était une toute autre chose.
-Non, aucun, décida-t-elle de répondre.
-Y a-t-il un détail qui vous ait frappée ?
-Non.
Obi-Wan fronça les sourcils un instant et réfléchit.
-Combien y a-t-il de Grands Conseillers en tout ?
Lay joignit les mains et soupira.
-Cinq, répondit-elle.
Obi-Wan ouvrit de grands yeux. Il ne fallait pas longtemps pour effectuer la soustraction.
-Je reviens m’installer au consulat, décida-t-il en se relevant subitement.
-Ce n’est pas la peine, commença-t-elle à protester.
-Votre Grandeur, cet assassin, qui que ce soit, reviendra pour finir son travail, et je ne peux pas vous protéger si j’habite à l’autre bout de la ville.
-Mais qui vous dit que je veux de votre protection ? lança Lay Jooles.
Cette remarque réussit à faire taire le chevalier avec une efficacité inégalée. Mais lorsqu’elle tourna son regard vers lui, elle ne put supporter que sa froideur aille voiler ces yeux bleu-vert si clairs et si purs, et elle se corrigea rapidement.
-Je veux dire que nous sommes désormais suffisamment surveillés, le nombre de gardes a été triplé, des caméras sont installées en ce moment même… Ne vous détournez pas de votre objectif à cause de tout cela.
Ce changement subit de comportement troubla le Jedi.
-J’ai du mal à comprendre, avoua-t-il.
Elle se leva à son tour et lui fit face.
-Je suppose que ce que j’ai tant de mal à vous dire est que c’est à moi de vous faire des excuses, commença-t-elle péniblement, forçant les mots à sortir.
Le chevalier était si abasourdi qu’il ne sut immédiatement quoi répondre.
-Je me suis comportée comme une enfant. J’ai préféré rejeter la faute sur vous, ça rendait les choses tellement plus faciles…
Elle leva les yeux au ciel et eut un rire jaune.
-Quand je pense que je ne me suis même pas enquise de votre état de santé après cet incident !
Obi-Wan secoua la tête et s’apprêta à intervenir mais elle se hâta de poursuivre.
-Mon comportement est impardonnable, vous n’allez pas le nier. Et par la suite… j’ai refusé de vous voir parce que j’étais effrayée.
-Je comprends parfaitement, je vous assure, voulut l’apaiser le Jedi. Etre confronté à des émissions psychiques peut être très dur à assumer, votre réaction est parfaitement logique.
-Non je ne parlais pas de ça.
Elle soupira et prit la main droite du jeune homme dans les siennes, ignorant son extrême froideur, la serra, puis le guida jusqu’au canapé où ils retournèrent s’asseoir.
-Lorsque je suis revenue à moi à l’hôpital, vous savez quelle a été ma première pensée ?
-Non, répondit Obi-Wan avec un froncement de sourcils inquiet.
-Que vu mon mal de tête, la fête où j’étais sûrement allée avait dû être bien arrosée, rit Lay Jooles.
Le Jedi la gratifia d’un sourire lumineux.
-Ma deuxième pensée a été que ces sensations avaient disparu, continua-t-elle d’un ton plus sobre. Ce que j’ai éprouvé en vous rencontrant s’est brusquement volatilisé et j’ai compris à quel point tout cela m’avait été étranger et n’avait pas eu sa place en moi.
-Oh…, comprit Obi-Wan, son regard trahissant la déception qu’il avait presque parfaitement dissimulée.
-Ce qui m’a davantage surprise était que j’avais apparemment assimilé certains de ces sentiments, et au départ j’ai paniqué, je ne savais pas si je les éprouvais contre mon gré ou s’ils venaient réellement de moi. J’ai voulu prendre le temps d’analyser tout cela, sans penser qu’alors je vous refusais un soutien dont vous auriez pu bénéficier.
-Et avez-vous réussi à surmonter cette confusion ?
Elle inclina la tête sur le côté en l’observant d’un air pensif.
-C’est maintenant que je trouve la réponse que je cherchais. Et je sais que peu importe leur origine, tant qu’ils viennent de façon si naturelle ils sont les bienvenus.
-Bonne philosophie, approuva-t-il.
-Vous est-il arrivé la même chose ? demanda-t-elle par curiosité.
Obi-Wan baissa les yeux. La migraine qui pulsait dans son crâne reprit en vigueur et commençait à le distraire, sans parler des frissons que le feu de cheminée n’arrivait pas à chasser.
-Non, pas exactement. Je ne saurais vous dire pourquoi. Mais j’ai une petite idée quant à l’origine de tout cela. Rien de précis ni certain, mais c’est déjà une piste.
Un douloureux pincement au niveau des tempes le fit grimacer malgré lui. Lay Jooles ne parut pas le remarquer car elle reprit la parole.
-Je préfèrerais que vous vous concentriez là-dessus plutôt que de vous embarrasser avec cet attentat. Je connais Yion Seelt, le chef des investigations, et c’est un homme très compétant. Tôt ou tard il finira par appréhender le coupable.
Les élancements continuaient impitoyablement et Obi-Wan se leva, pour fermer les yeux un instant face à une vague de vertiges, puis rabattit étroitement les revers de son lourd manteau afin de se réchauffer.
-Très bien, répondit-il lorsqu’il se fut débarrassé de son court malaise. Mais au moindre ennui ou si vous avez besoin de quoi que ce soit, je suis toujours disponible.
-Merci, sourit-elle en se levant à son tour.
Il allait prendre congé auprès d’elle lorsqu’une sorte d’onde brûlante lui traversa l’esprit, le paralysant l’espace de quelques secondes, ses yeux écarquillés de surprise et de douleur, son souffle coupé. Sa vue s’obscurcit subitement et il ne fut plus conscient de rien d’autre que les élancements atroces.
Il tomba à genoux sous les yeux stupéfaits de la conseillère, tendant instinctivement un bras pour se rattraper à quelque chose. Lay se précipita en avant afin de le soutenir, décontenancée par la pâleur soudaine du Jedi dont les paupières étaient fermement serrées.
-Obi-Wan ! appela-t-elle.
Mais la seule réponse qu’elle obtint fut un hoquet alors que le jeune homme affrontait un nouvel élancement. Son visage se crispa, reflétant le mal qui faisait trembler tout son corps.
-Par tous les Sith ! s’écria Lay Jooles. Zilenia !!
Alertée par le cri strident de sa maîtresse, la vieille femme ne tarda pas à arriver et comprit la cause de cette agitation.
-Appelez de l’aide ! Un guérisseur ! Vite !!
Alors que Zilenia se précipitait dans la pièce voisine où se trouvait l’holocom, Lay sentit le Jedi se raidir davantage.
-Obi-Wan, restez avec moi ! dit-elle fermement.
Il sembla reprendre ses esprits car il rouvrit péniblement ses yeux clairs brillant de larmes qu’il s’efforçait de retenir. Il leva un bras et essaya de repousser la Grande Conseillère.
-Non… ne m’approchez pas, supplia-t-il entre ses dents serrées. Vous… vous pourriez être touchée…
Secouant résolument la tête, la jeune femme l’enlaça et le serra contre elle le temps qu’il parvienne à surmonter un autre spasme de douleur.
-Ce n’était pas votre faute, chuchota-t-elle dans son oreille. J’ai mis du temps à le réaliser mais ça ne vient ni de vous ni de moi.
Obi-Wan inspira alors, comprenant ce que cela impliquait. Son réflexe avait été de s’ouvrir à la Force pour essayer d’y puiser ce dont il avait besoin pour supporter la souffrance, mais celle-ci n’avait fait qu’augmenter. N’ayant rien à perdre, il fit appel à ses dernières forces, se coupa du mieux qu’il put de l’énergie d’habitude protectrice et attendit. Au bout de quelques instants, la douleur diminua effectivement, pour enfin cesser.
La Grande Conseillère le tint dans ses bras jusqu’à ce qu’il se détende enfin totalement, mais même à ce moment-là elle eut du mal à se convaincre de le relâcher.
-Je suis désolé, s’excusa-t-il, embarrassé d’avoir imposé cette scène à un membre influent du gouvernement.
Elle soupira et lui sourit, constatant que ses manières de Jedi persistaient en toute circonstance. La porte de la pièce s’ouvrit et trois guérisseurs firent irruption, cherchant déjà du regard la victime qu’ils venaient secourir. Obi-Wan voulut se relever, mais ses jambes refusèrent de lui obéir.
La Grande Conseillère lui serra la main une dernière fois avant de laisser les guérisseurs l’emmener avec eux.

~*~


Saern Meltrenerelas releva lentement la tête et ne put empêcher un sourire - ou plutôt une grimace - de plaisir de s’étendre en travers de son visage pâle et sec, craquelé par endroits. Oh oui il s’amusait. Il n’avait pas éprouvé cette sensation étrange qui allait le titiller dans le bas du dos depuis bien des années. Ses yeux presque translucides s’ouvrirent et vagabondèrent sur la muraille parsemée de mousse qui l’entourait, observant sa prison de pierre. Une grande prison de la taille d’un petit village, certes, mais néanmoins une prison.
A son arrivée en ces lieux, le château était encore majestueux, ses trois tours gothiques se dressant fièrement haut dans le ciel, mais les intempéries, les longues décennies et le manque d’entretien avaient eu raison de l’édifice dont seules les fondations et quelques pièces étaient toujours intactes. Ce n’était pas le cas de celle où il se trouvait à ce moment-là. La plus grosse partie du plafond s’était écroulée il y avait bien cinquante ans de cela, ne laissant que cinq voûtes apparentes sur les vingt qui avaient été construites. De larges morceaux de pierre brisée parsemaient toujours le sol dallé endommagé par leur chute et les hautes fenêtres avaient depuis longtemps perdu leurs vitraux. Une brise fraîche siffla en s’introduisant par l’énorme cavité qui révélait le ciel étoilé mais Saern ne frissonna pas. Le froid faisait partie de lui depuis suffisamment longtemps pour qu’il n’y prête plus la moindre attention. Le bruissement de feuilles qui suivit parvint cependant à le faire grimacer, lui rappelant avec cruauté la raison de sa captivité. Mais il n’allait pas y penser. Pas maintenant. Il avait envie de se souvenir d’autre chose. Il continua d’observer les alentours, laissant les images venir lentement à lui afin de profiter de chacune d’elles. Malgré l’austérité de l’endroit, sa froideur et sa décrépitude, c’était sa pièce préférée dans toute la structure.
Il passa avidement un long doigt sinueux sur une dalle, comme à la recherche d’un reliquat de ce qui s’y était trouvé un jour, d’un reste de l’essence si puissante et délicieusement parfaite dont il n’avait pu prendre totalement possession. Jamais il n’oublierait qu’il avait été à deux doigts de détenir la plus sublime de toutes les créatures. L’élégance de sa démarche, la finesse de son corps, le feu qui avait brûlé dans son sang ce jour-là, ses gestes incroyablement coordonnés. Mais aussi sa noblesse presque douloureuse à contempler car si inébranlable, son courage invariable malgré sa lucidité face à l’issue fatale…
Un pincement aigu s’empara de Saern qui ressentit plus que jamais ce manque intolérable impossible à combler depuis déjà plus de vingt-cinq ans. Il avait approché l’apogée de si près que tout ce dont il avait fait l’expérience depuis lui semblait péniblement plat, fade et dépourvu de toute âme. Mais tout allait changer. Cette fois il irait jusqu’au bout, il prendrait tout ce dont il désirait et plus encore, il assouvirait sa soif et peut-être même, avec de la chance, gagnerait-il enfin la force de s’échapper… L’heure était venue pour lui de retrouver cette liberté qui lui avait été refusée presque un siècle plus tôt.
Il avait retrouvé celui qui serait sa délivrance, et désormais rien ne l’arrêterait. La nouvelle expérience qu’il venait tout juste de terminer lui avait permis de sonder l’étendue des pouvoirs du chevalier, et ce qu’il avait toujours pensé avait été confirmé. Il renfermait encore plus de promesses qu’il n’avait cru possible, il était destiné à devenir l’un des plus puissants et des plus braves, et il allait lui appartenir, corps et âme. Il prendrait un plaisir tout particulier à démonter ses barrières l’une après l’autre, à révéler au grand jour ses moindres pensées, ses frayeurs, ses aspirations et ses désirs, pour ensuite se les approprier. Maintenant qu’il avait goûté à cet esprit immaculé et irréprochable, il lui tardait de pouvoir l’exploiter à sa guise.
Réprimant un frisson euphorique, Saern se releva lentement.
~Bientôt, Jedi. Bientôt. Quand tu seras prêt…~

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