Merci à tous ! Vous aurez vos réponses dans quelques temps.

J'ai mis davantage de temps que prévu pour livrer ce chapitre, entre mon mémoire à finir, mes cours à rallonge et quelques difficultés pour écrire ce chapitre... Pourtant imaginé de longue date !
<<Chapitre précédant<< Sommaire >>Chapitre suivant>>Chapitre 106 L’homme avait le visage buriné, marqué par l’âge et présentant quelques traces de brûlures.
Mais son regard noir était toujours aussi intense ; il tranchait indéniablement avec son air impassible.
— Carte blanche ? répéta-t-il, comme pour vérifier qu’il avait bien entendu.
Confortablement installé dans son fauteuil, de l’autre côté du bureau, Carth acquiesça.
— Tant que les objectifs sont remplis, vous pourrez agir comme vous l’entendrez. Sous-traitez comme vous l’entendez. Vous connaissez ces choses-là mieux que moi…
L’homme acquiesça brièvement.
— J’accepte.
Poldrei faillit lâcher un soupir de soulagement.
— Comment voulez-vous être payé ?
— Des puces de crédits. Intraçables.
Le Moff fit une grimace.
— Pour transporter une somme d’un milliard de crédits, il vous faudra une sacrée valise…
— Vous trouverez bien un moyen.
Carth fit mine de réfléchir.
— Mygeeto est réputée pour offrir les plus belles gemmes de la galaxie. Si vous réussissez votre mission, je serai en mesure de vous payer avec une cargaison intraçable.
— Entendu.
Il se leva et lui tendit la main.
— Je vous conseille de ne pas tenter de me duper, annonça-t-il d’une voix menaçante.
— Nous avons déjà travaillé deux fois ensemble, rappela Poldrei lors de leur poignée. Et cela s’est toujours bien passé.
— Vador payait.
— Et je ferai de même. Vous n’avez rien à craindre de moi, je suis un homme de parole.
Ils échangèrent un long regard silencieux, chargé de tensions. C’était l’affrontement de deux forces de caractère, des hommes usés par la vie mais encore aussi durs que le fer, aussi solides que l’acier.
Finalement, Carth raccompagna son « invité » à la porte. Les panneaux s’écartèrent, laissant entrevoir Anthara Brenko qui attendait dans l’antichambre de l’autre côté.
— Je vous souhaite bonne chance, Fett, déclara Poldrei sur un ton solennel.
L’homme répondit par un signe de tête et s’éloigna. Il ne portait qu’un costume de ville, très classique, qui ne laissait pas entrevoir sa dangerosité intrinsèque. Ainsi vêtu, il ressemblait davantage à un comptable qu’à un chasseur de primes… Même si un œil plus aguerri remarquait vite en lui les signes d’une vie mouvementée.
Et ce visage, ce regard… Ils hantaient Carth depuis une semaine. C’étaient ceux d’Ace.
Il les voyait dans ses rêves tourmentés. Entrecoupant les visages de Dark Vador, Luke Skywalker et Leia Organa Solo…
Il savait qu’il lui fallait prendre une décision. Le moment du basculement était venu : il se trouvait au bord du gouffre et ne pouvait plus reculer.
Maintenant, la machine infernale est lancée, songea-t-il en regardant le chasseur de primes s’éloigner.
— Une fois encore, l’avenir de l’Empire dépend de vous… murmura-t-il pour lui-même.
— Monsieur ? fit alors la voix d’Anthara à ses oreilles.
Il se retourna pour faire face à sa jeune aide de camp.
— Vous avez assisté à un spectacle peu commun, lui dit-il avec gravité. Ce n’est pas tous les jours qu’on peut voir Boba Fett sans son casque !
Les propos semblèrent la dérouter.
— Boba Fett ? Ici ? Sans son casque ?
— Je lui ai demandé d’être particulièrement discret. Une armure mandalorienne ornée de scalps de wookiees passerait plutôt mal auprès de certains de nos convives !
Anthara tentait d’apercevoir la silhouette de Fett dans le couloir, mais il avait déjà disparu.
— Et que faisait-il ici ?
— Nous avons abordé le bon vieux temps, quand nous travaillions tous deux pour Vador.
Il soupira légèrement.
— Et pour le reste de notre discussion, ça ne vous concerne pas. Allons, ne faisons plus attendre plus longtemps nos invités.
Il quitta aussitôt son bureau, traversa l’antichambre et rejoignit le couloir qui reliait l’aile privée aux salons publics.
Tout en marchant, il laissa son regard vagabonder sur le décor des lieux.
C’est étrange, songea-t-il,
le style est typiquement polcaphréen. Pourtant, Hiertuj ne l’était pas… Surtout, il tranchait avec l’ancien palais, situé au cœur d’Heduris, qui lui était d’inspiration auréenne avec ses parements de marbre blanc. Ce qui ne déplaisait pas à Carth. Trop de mauvais souvenirs y étaient associés…
Il tenta de se focaliser sur ses vieux souvenirs, datant de l’époque où il n’était qu’un étudiant passionné par le passé. Généralement, la nostalgie et l’amertume parvenaient à le distraire…
Mais son dilemme lui revenait toujours à l’esprit.
Vador.
Il n’était que l’un des nombreux officiers ayant servi sous les ordres du Seigneur Noir. Mais, dans son cas personnel, tout s’était bien passé. Carth avait fait preuve de compétence plutôt que d’ambition personnelle, ce qui lui avait permis d’éviter de manquer de souffle.
Il y avait même gagné ses galons d’amiral, suite à la bataille de Kamino. Contacter Boba Fett pour organiser l’interception et la libération du Seigneur Noir avait indéniablement été une idée profitable…
Et il y avait eu ce lien qu’il ressentait au plus profond de son âme. Vador et lui n’étaient pas si différents. Il le sentait déjà, à l’époque, et à la lumière des dernières découvertes il se rendait compte de la pertinence de cette comparaison.
Oui, toutes ces pensées le préoccupaient. Il savait qu’il allait devoir agir, mais comment le faire… Là, c’était une autre histoire.
Pourrais-je vraiment trahir Vador ? La question le tourmentait davantage encore qu’il ne l’aurait imaginé.
Mais il n’était pas le seul à être troublé, visiblement. Il jeta un coup d’œil à Anthara ; elle avançait d’un pas régulier mais machinal, et ses yeux ne semblaient voir que le sol.
Voyant le malaise de sa subordonnée, Carth s’arrêta.
— Vous vouliez me dire quelque chose ? demanda-t-il d’une voix plus douce.
Elle acquiesça.
— Je… J’aimerais que vous me fassiez confiance, Monsieur. Mais je comprendrais que ce ne soit pas le cas, d’autant que je n’ai pas été tout à fait franche sur ma relation avec Ahris, avoua-t-elle, honteuse.
— C’est-à-dire ?
— Lui et moi avons été amants à l’Académie.
— Je vois… répondit Poldrei en haussant les sourcils. Et ?
Hésitante, elle déglutit.
— Eh bien, avec les circonstances de son départ… Son travail auprès du Grand Moff Kaine... J’imagine que cela peut être un frein à votre confiance à mon égard.
Il se fendit d’un mince sourire.
— Intéressant. Ahris pensait que vous mettriez plus longtemps à m’en parler. Peut-être ne vous connaît-il pas si bien que ça, finalement…
— Il vous en a parlé ? s’étonna-t-elle, choquée.
Carth se fit plus solennel.
— Je vous ai dit que j’avais parfaitement confiance en lui, répondit-il calmement. Et je ne vous ai pas menti. Il est comme le fils…
Il s’interrompit, la gorge serrée.
— Vous êtes à mon service depuis moins d’un mois. Et vous vous en sortez très bien, pour l’heure. Seulement, vous devez encore comprendre une chose… (Il approcha son index de son crâne.) Tout ce qui est important, je le stocke
là. C’est une vieille habitude qui m’a évité beaucoup d’ennuis, surtout à la Cour impériale.
— Entendu, monsieur.
— En l’occurrence, cette affaire est d’une telle importance que je ne m’en remets à personne… Si ce n’est à ceux qui sont concernés au premier chef. Et vous n’en faites pas partie.
Il lui fit un clin d’œil.
— Pas encore.
Elle sourit timidement.
— Je comprends.
— Bien ! Alors passons aux choses sérieuses.
Elle acquiesça et le suivit jusqu’au salon de réception.
De toutes les salles bâties par son prédécesseur, le Moff Hiertuj, c’était de loin la plus majestueuse de toutes. Les lambris de bois précieux sur les murs étaient soulignés par la pierre brute et le métal chromé aux formes élégantes. Le mobilier était très moderne et dessiné avec finesse ; tout n’était que courbes plus ou moins prononcées. Les couleurs étaient sobres mais élégantes. Les baies vitrées offraient une vue superbe sur Heduris, à quelques kilomètres de là. D’ordinaire, ses vastes volumes étaient mis en valeur par le dénuement des lieux, mais ce n’était pas le cas aujourd’hui.
Une foule d’humanoïdes – avec une majorité d’humains – s’affairait autour de terminaux portatifs reliés à des appareils compliqués que Carth ne reconnut pas. La seule zone qui échappait à cette agitation était un espace libre où avaient été installés deux fauteuils. L’un d’eux était déjà occupé.
Les activités s’interrompirent lorsque le Moff fit son entrée.
Il composa un visage d’apparence amicale et adressa quelqeus salutations pendant sa progression vers le plateau improvisé.
En théorie, ces gens sont mes ennemis, songea-t-il en gardant un sourire de circonstances.
Mais ils vont m’être plus utiles qu’une légion de stormtroopers… Enfin, il arriva au niveau des fauteuils ; l’homme qui l’y attendait était déjà levé.
— Monsieur Asdertov, dit-il en lui serrant la main. Je suis ravi de faire enfin votre connaissance.
— Le plaisir est réciproque, répondit le journaliste avec courtoisie.
Carth le connaissait de réputation depuis longtemps. Ils avaient le même âge, à quelques années près, et avaient traversé des épreuves similaires.
Surtout, Jaden Asdertov était un Rebelle de la première heure. Dès la fin de la Guerre des Clones, il était entré en résistance contre l’Empire en se joignant aux vestiges de la flotte séparatiste qui continuaient le combat malgré la désactivation de leurs droïdes.
— Asseyez-vous, je vous en prie, dit Poldrei en prenant lui-même place. Je suis désolé de vous avoir fait attendre, mais des affaires très urgentes nécessitaient mon attention.
— Bien sûr, acquiesça Asdertov en jetant un coup d’œil sur son datapad. Ne vous inquiétez pas, nous sommes dans les temps.
Un Duros s’approcha d’eux et tendit la main à Carth.
— Moff Poldrei, salua-t-il lors de leur poignée. C’est un honneur.
— Pour moi aussi, monsieur Doonker, répondit l’Impérial avec un signe de tête. Vous assurez la réalisation de l’émission ?
— Ma direction a pensé que ce serait un point de départ idéal pour ma carrière sur votre planète. Dès que nous aurons fini la retransmission, je deviendrai le premier responsable du bureau d’Holoinfos sur Polcaphran.
— J’en suis ravi.
— Nous serons à l’antenne dans deux minutes, dit-il avant de s’éloigner.
Carth le suivit un instant des yeux.
— À quel genre d’échange allons-nous avoir droit ? demanda alors Asdertov.
— Je vous demande pardon ? lança Poldrei en revenant vers lui.
Le journaliste dardait sur lui un regard inquisiteur, qui le faisait paraître plus âgé – et plus désabusé – qu’il ne l’était réellement.
— Vous connaissez mon parcours, dit-il. Vous savez quelles sont mes convictions. Je n’en changerai pas. Les questions que je vous poserai seront directes et appelleront des réponses franches. Y êtes-vous prêt ?
— Parfaitement.
Il observa quelques instants Asdertov.
— Vous savez, ce n’est pas la première fois que nous nous affrontons, dit-il alors posément. J’ai participé à la campagne contre Horn Ambigene, pour le compte de l’Empire. Vous étiez dans le camp opposé…
— Effectivement.
— J’étais lieutenant, à l’époque. Dans la Marine. Nous manquions encore de moyens, les foyers de résistance étaient nombreux… Et nous devions nous habituer à appeler « Empire » ce qui était jusque lors la « République ». C’était une époque étrange…
La plus heureuse et la plus horrible que j’aie traversé, songea Carth, le cœur serré.
J’ai commis tellement d’erreurs… Il se morigéna une fois encore.
Le moment est mal choisi pour ressasser le passé. Concentre-toi sur l’avenir. Le compte à rebours apparut flottant au-dessus d’eux. Les secondes s’égrenèrent… Lorsqu’il n’en resta plus que deux, il s’évanouit.
— Bonjour et bienvenue pour cette édition spéciale en direct de l’Empire, annonça le journaliste quand un indicateur lumineux s’alluma. Ici Jaden Asdertov, en direct de Polcaphran pour une émission exceptionnelle accompagnant le lancement d’HoloInfos sur les canaux de transmission de l’espace impérial. L’entretien qui va suivre fera date.
Vous n’imaginez même pas à quel point… pensa Carth, amusé.
— L’homme que vous allez entendre aujourd’hui est celui dont tout le monde parle. Inconnu il y a quelques mois, il est à présent le chef politique d’un Empire malmené…
Voilà qui fera bien plaisir au Conseil Intérimaire ! se dit-il avec une pointe d’ironie.
— …Mais encore capable de l’emporter, comme l’ont démontré les récents événements de Sluis Van. Mais qui est-il réellement ? Vétéran de la Guerre des Clones, fidèle de Vador ou dernier espoir d’un modèle impérial à bout de souffle ? C’est ce que nous tenterons de découvrir au cours de cette confrontation sans concession. Moff Poldrei, merci d’avoir accepté de répondre à nos questions.
— Tout le plaisir est pour moi, assura Carth d’une voix chaleureuse.
— Moff Poldrei, vous assumez aujourd’hui une place qui a été occupée avant vous par Sate Pestage et Ysanne Isard. Vous êtes le troisième, depuis la mort de l’Empereur, à émerger comme le chef politique de ce qui reste de l’Empire. Que représente ce poste à vos yeux ?
— C’est une responsabilité. Une lourde responsabilité. Mon rôle est d’assurer la cohésion entre des mondes singuliers afin de les amener à contribuer ensemble au futur de la Galaxie. C’est une tâche qui n’est pas tous les jours simple… Mais j’ai choisi de m’y consacrer, et je n’abandonnerai pas mon devoir dès que survient la première difficulté.
— Mais quelles méthodes comptez-vous employer ? Coruscant garde en mémoire l’expérience traumatisante de la fuite d’Ysanne Isard, qui après avoir répandu le virus Krytos a fui la planète en tuant plusieurs millions de personnes lors du décollage du
Lusankya…
— Ysanne Isard ne souhaitait que répandre la mort et la destruction. Ce n’est pas mon cas.
— Vraiment ?
— Elle ne faisait que détruire, alors que mon souhait est de construire.
— Pourtant, ce n’est pas le travail des officiers impériaux. Moff Poldrei, vous avez servi dans la Marine Impériale pendant plus de vingt ans. Vous avez grimpé les échelons un à un, jusqu’à votre position actuelle. Pensez-vous vraiment nous faire croire que vous avez passé toute votre vie à créer et pas à tuer ?
— SI je l’avais pu, je n’aurais jamais porté le moindre blaster de ma vie, répondit-il doucement. Je n’ai pas eu le choix. La Guerre des Clones s’est invitée ici, sur Polcaphran, avec une violence inouïe. Comme d’innombrables autres personnes dans la galaxie, j’ai perdu à ce moment-là des êtres chers – tous les miens. Le choix était simple : se coucher et mourir, ou se dresser, se battre et espérer l’emporter malgré tout. Et quand nous y sommes parvenus, oui, je me suis enrôlé dans la Marine de ce qui était encore la République Galactique. J’y suis resté, fidèle à mon engagement.
— Et cela malgré les exactions commises par l’Armée Impériale ?
Carth se mordit les joues.
— Oui.
Il se redressa légèrement.
— J’ai eu la chance de pouvoir toujours agir en mon âme et conscience. Lorsque j’ai affronté les vestiges de la Confédération des Systèmes Indépendants, en esprit, je poursuivais les objectifs que je m’étais fixés pendant la Guerre des Clones. Lorsqu’il s’agissait de lutter contre la contrebande et la piraterie, je contribuais à la protection des biens et des personnes en transit dans la galaxie. Que se serait-il passé si on m’avait ordonné de massacrer des civils… ? Je l’ignore. Je n’ai jamais été confronté à cette situation.
— Vous reconnaissez que l’Empire a massacré des civils ?
La question était sans appel, mais Carth ne prit même pas le temps d’hésiter.
— Oui.
Il croisa les bras tout en pesant les mots qu’il allait prononcer.
— Ce serait mentir que d’affirmer le contraire.
Asdertov semblait un peu désarçonné ; il ne s’attendait sans doute pas à ce que Poldrei vienne aussi facilement sur son terrain.
Personne ne s’y attendait, songea le Moff avec satisfaction.
— Et que qualifiez-vous de massacres de civils ? Des exactions commises en marge des affrontements ?
— En partie, mais pas seulement. L’Empire a – nous avons – participé à la destruction de millions d’êtres pensants par un usage disproportionné de la force. Jusqu’à détruire leurs planètes.
Le journaliste faillit bondir de son siège.
— Selon la version officielle impériale, Aldérande a été détruite par une réaction en chaîne provoquée par des armes expérimentales illégales. L’Alliance Rebelle puis la Nouvelle République ont toujours contesté cette théorie.
— Ils avaient raison.
Carth prit une courte inspiration.
— La destruction d’Aldérande restera une tâche indélébile sur l’histoire de l’Empire de Palpatine.
Asdertov mit quelques instants avant de répondre ; pendant ce cours laps de temps, les mots, fatidiques, semblaient toujours flotter dans les airs.
J’ai atteint le point de non-retour, songea Carth avec un sentiment étrange.
— Avez-vous conscience de la gravité de ce que vous venez d’admettre ?
— La destruction d’un monde et de ses habitants est un crime contre la civilisation galactique que nul ne peut balayer d’un revers de la main. L’Empire a trop longtemps été aveugle, et rien ne peut le pardonner. Il est temps pour ceux qui le servent d’ouvrir les yeux. Je l’ai fait.
— Vous ne pensez pas que ces remords viennent trop tard pour les Aldéraniens et tous ceux qui comme eux ont tant perdu à cause de la tyrannie ?
— Bien sûr…
— Vos mots ne les consoleront pas. Ils ne peuvent pas excuser près de trente ans de sauvagerie aveugle.
— Et ils ne pourront jamais le faire. Mais la responsabilité du régime ne signifie pas que tous ceux qui se sont battus pour lui sont coupables des mêmes fautes. Ce serait oublier un peu trop vite que nous avions pour chef Palpatine, l’homme qui a dupé les Jedi, le Sénat et même la République toute entière – à l’exception de certains esprits libres, comme vous.
Le compliment laissa Asdertov de marbre. Il enchaîna aussitôt sur la question suivante :
— Vous pensez que rejeter la faute sur un mort suffira pour donner à l’Empire une nouvelle virginité ?
— Pas totalement, reconnut Carth. Mais cela permettra peut-être d’éviter à quelques récits de comptoir de se propager. J’ai entendu, à plusieurs reprises, des officiers affirmer que l’Étoile Noire avait été accaparée par Tarkin et qu’il comptait s’en servir pour renverser l’Empereur. Que Palpatine n’avait même pas été informé de la décision du Grand Moff concernant Aldérande. Balivernes ! Quand on construit une arme aussi coûteuse et aussi puissante, c’est bien qu’on compte s’en servir. Et Palpatine est même allé plus loin : il en a construit une deuxième. Le crime est signé.
Il jouait avec sa gestuelle pour renforcer la force de ses mots. C’était une technique qu’il avait acquise à force de regarder des conférences scientifiques. Les meilleurs professeurs n’étaient pas les plus savants, mais ceux qui parvenaient le mieux à toucher le cœur de leurs élèves.
— Je pense que la plupart des Impériaux ont, comme moi, été dupés par les discours de celui qui était autrefois le Chancelier Suprême. Palpatine nous a promis une vie meilleure, mais en définitive il n’a construit l’Empire que dans un seul but : son pouvoir personnel. Nous lui avons fait confiance, et nous avons été trompés.
— Pendant plus de vingt ans.
— Bien sûr. Il s’est passé quelque chose, un phénomène presque impossible à comprendre. Pendant près de mille ans, la galaxie a été unie. L’Ancienne République ? Elle a tenu vingt-cinq mille ans. Mais l’Empire… L’Empire a été presque entièrement balayé en seulement cinq ans. Ce n’est pas naturel. À qui la faute ? J’ai vu la lente transformation d’officiers intègres en carriéristes sans scrupules, obnubilés par la promesse de récompenses futiles… C’est là le système bâti par Palpatine. Un système qui s’est effondré avec sa mort.
— Mais vous savez comme moi que Palpatine ne pouvait pas contrôler l’Empire à lui seul. Il avait à son service toute une administration, et même un second officieux, Dark Vador… Sous les ordres duquel vous avez servi. Est-ce exact ?
— Oui.
— Alors je vous le demande, Moff Poldrei : Dark Vador était-il un criminel en puissance ? Avez-vous obéi aux instructions d’un meurtrier de masse ?
Carth se raidit ; cette fois, les mots avaient du mal à sortir de sa bouche.
— Oui, lâcha-t-il finalement.
Il attendit quelques instants, puis, plus assuré, reprit :
— Vador a commis des actes atroces. Mais j’ai gardé – et je garderai toujours – un certain... respect… envers lui.
— Pourquoi ?
— Ce n’était pas un planqué. Il n’a jamais hésité à se salir les mains, et ne déléguait pas ses basses œuvres. Il méprisait les valeurs érigées en modèle par la Cour Impériale – l’ambition vaine et vénale doublée d’une incompétence crasse – et préférait l’efficacité et le sens du devoir. En cela, je me sens proche de lui. Vador était-il mauvais ? Oui, il l’est sans doute devenu. Rien ne pouvait excuser le massacre de l’Ordre Jedi, le bombardement de Falleen, la destruction d’Aldérande… Pourtant, j’ai le sentiment qu’il restait un fond d’honneur en lui, un trait qui ressortait lorsqu’il agissait aux côtés de ses hommes. Je pense que, comme moi, il a été façonné – brisé – par la Guerre des Clones.
Puis il asséna, pour appuyer son argumentation :
— Vador est ce que l’Empereur en a fait.
— Comme l’Empire, si je vous suis bien.
— Comme l’Empire. Je me souviens de mes premiers temps dans la Marine Impériale, juste après la Guerre des Clones ; je servais aux côtés d’hommes honorables voués à la protection des populations mises en danger par les vestiges séparatistes. J’étais fier du combat que je menais. Que s’est-il passé ensuite ? L’Empire a changé. Les officiers de la vieille école ont pris leur retraite ; certains des plus honorables, comme Jan Dodonna ou Adar Tallon sont passés à la Rébellion. Chez ceux qui sont restés, pour la plupart, les intérêts personnels ont pris le dessus. La cruauté est devenue monnaie courante. Pire encore, elle a été encouragée. Je veux mettre un terme à ces dérives. Je veux redonner aux citoyens de l’Empire une raison d’être fiers de leur régime.
Asdertov inclina légèrement la tête.
— Ce qui ne sera pas facile, vu la situation que vous venez de nous décrire.
— La bataille sera longue, mais elle a déjà commencé.
— Pourquoi ne pas rejoindre plutôt la Nouvelle République ? Pour l’heure, vous avez surtout critiqué votre propre camp…
— Afin de donner un aperçu du chemin que nous allons devoir parcourir. Mais nous pouvons encore avancer si nous retrouvons le sens de l’obéissance et de l’abnégation. L’Empire est une bonne idée mal exécutée : la galaxie a besoin d’un pouvoir central fort pour rester stable, d’un exemple à suivre. La Nouvelle République dispose de modèles, mais sa structure est trop relâchée pour durer. Pour construire son système politique, elle s’inspire de l’Ancienne République en aggravant les faiblesses qui ont plongé celle-ci dans la Guerre des Clones.
— Pour l’heure, c’est plutôt l’Empire qui a éclaté…
— Ça ne durera pas. La Nouvelle République s’est construite sur le rejet de notre modèle impérial. Si celui-ci évolue – ou s’il disparaît, dans l’éventualité où nous perdrions la guerre – elle perd sa raison d’être. Les conflits sectoriels qui empoisonnaient la vie des Jedi de l’Ancienne République reprendront de plus belle. Pas un jour ne passera sans qu’on ait écho des affrontements entre Ishoris et Diamalas, Sif’kries et Frezhlix, Nhoras et Clatears… Jadis, l’Ordre Jedi maintenait tant bien que mal la paix. Sans lui, que deviendra la Nouvelle République ?
— Des Jedi qui ont été massacrés par votre Empire…
— Le crime initial de Palpatine.
— Aujourd’hui, quelle est la position de l’Empire vis-à-vis des chevaliers ?
— La neutralité. Officiellement, il ne reste qu’un seul chevalier Jedi, Luke Skywalker… Héros de guerre de la Rébellion. Mais l’Empire n’entreprendra aucune action hostile contre lui s’il reste lui aussi en-dehors du conflit.
— Cette ligne de conduite ne risque-t-elle pas de diviser un peu plus vos partisans ?
— Ils devraient se souvenir que les Jedi se sont battus vaillamment pendant la Guerre des Clones. Ce monde sur lequel nous sommes, Polcaphran, n’aurait jamais été libéré sans l’intervention de maître Plo Koon. Et je ne serais pas là pour vous en parler… Nous avons besoin de l’Ordre Jedi, pour accompagner le retour à la paix et à la stabilité.
— Cela fait partie de vos projets ?
— Je ne suis pas Jedi ; c’est aux êtres sensibles à la Force qu’il reviendra d’agir. Mais je veux leur offrir un cadre où ils pourront s’épanouir, comme tous les autres citoyens de la galaxie. L’Empire doit être refondé. Aux trois piliers traditionnels que sont l’Ordre, la Paix et la Sécurité, je veux adjoindre trois autres principes essentiels : la Justice, la Loyauté et l’Unité. Concrètement, je pense qu’il faut repenser la structure même de notre régime. Les pouvoirs ne doivent pas reposer entre les mains d’un unique Empereur, mais entre les mains d’une poignée d’êtres éclairés choisis par leurs pairs pour leurs compétences et leur droiture. Palpatine voulait tout contrôler, jusqu’aux plus infimes pensées de ceux qui vivaient dans son ombre. Je pense au contraire qu’on peut laisser davantage de libertés à la population. Nous devons encourager l’enrichissement intellectuel, le dépassement de soi, et la participation à la vie politique. Nous devons recentrer la politique impériale sur les secteurs où l’intervention d’une structure centrale est essentielle, par exemple pour coordonner les forces de défense ou servir d’intermédiaire entre deux systèmes en désaccord. Voilà l’avenir que je veux pour l’Empire.
Asdertov attendit quelques instants, pour s’assurer que Carth avait fini.
— Voilà un exposé très intéressant, commenta-t-il avec un visage fermé parfaitement impassible. Vous êtes convaincu que l’Empire peut être encore réformé…
— Mais c’est déjà le cas ! Aujourd’hui, le chef des forces armées impériales, le Grand Amiral Thrawn, est un non-humain !
Il vit une lueur de surprise passer dans le regard du journaliste.
— Qui aurait imaginé une chose pareille sous Palpatine ? La vérité, monsieur Asdertov, c’est que l’Empire doit évoluer ou chuter. À titre personnel, je me battrai pour qu’il survive. Parce que je pense qu’il s’agit de la meilleure voie pour préparer le futur de notre galaxie. De nos peuples.
Et il ajouta, de façon presque instinctive, sans pouvoir se retenir :
— De nos enfants.