À l'instar des deux dernières, elle s'intègre dans l'univers de La Fédération Impériale et se penche sur le passé d'un des personnages. Elle n'a pas été conçue pour être longue, mais elle contient quelques éléments qui ne sont pas sans intérêt...

Bonne lecture !
Un regard tourné vers les étoiles
— Et celle-là, c’est Aeten.
Celric suivit du regard le doigt de sa mère et repéra la grosse étoile rouge qui brillait à l’emplacement désigné dans la nuit qui enveloppait Polcaphran. De là où il se trouvait, ce n’était qu’une lumière parmi tant d’autres, et pourtant…
— Tu y es déjà allé, maman ?
— Non, répondit Lysie Tavill avec une pointe de tristesse dans le regard. Mais j’ai connu des personnes qui ont voyagé jusqu’à ce système. Une de ses planètes, Aeten II, recèle des cristaux de stygium.
— Qu’est-ce que c’est ?
— Des objets aux propriétés incroyables, qui peuvent être utilisés pour en camoufler d’autres, si on sait les utiliser. Autrefois, les Jedi les employaient aussi pour leurs sabres laser, afin de renforcer leur connexion avec la Force.
La mention éveilla son intérêt. À seulement huit ans, il savait déjà beaucoup de choses sur ces personnages légendaires. Bien sûr, ses professeurs lui avaient répété la version soutenue par la doctrine impériale : les chevaliers Jedi, autrefois nobles, avaient été corrompus par l’attrait du pouvoir et s’étaient efforcés de renverser la République, tentant même d’assassiner le chancelier Palpatine. Leurs intrigues avaient déclenché la guerre des Clones, et toutes les planètes, y compris son monde natal, Polcaphran, en avaient souffert jusqu’à ce que l’Empire rétablisse finalement l’ordre. Depuis, les Jedi étaient un sujet tabou que les gens évitaient d’aborder.
Mais sa mère connaissait beaucoup d’histoires sur eux, surtout sur les exploits qu’ils avaient accomplis dans l’ancien temps. Officiellement, ces récits n’étaient que des légendes pour les tout-petits, mais même en sachant cela Celric aimait toujours les entendre.
— Tu peux me raconter une histoire sur eux, maman ? demanda-t-il de sa voix fluette.
Lysie prit quelques instants de réflexion, puis acquiesça. Elle ouvrit les bras pour l’étreindre et l’emmener du balcon jusqu’à sa chambre. À trente-et-un ans, elle était au sommet de sa forme et pouvait sans mal soulever son fils et le porter sur quelques mètres. Après qu’elle l’ait déposé sur son lit, elle s’éloigna de Celric pour aller fermer la fenêtre isolante, comme elle en avait l’habitude. C’était comme un rituel entre eux ; les histoires ne commençaient qu’une fois qu’ils étaient enfermés dans leur petit cocon protecteur.
Elle s’approcha et grimpa sur le matelas, puis s’installa en tailleur au pied de son lit.
Son récit allait commencer quand Edwin fit son apparition. Le père de Celric avait à peine trente-cinq ans, mais ses tempes étaient déjà grises et des rides soulignaient ses traits. Il répétait souvent que son air soucieux lui venait du temps de la guerre, quand il s’était enrôlé dans la Résistance Polcaphréenne aux côtés du grand Thalas Garind pour défendre leur planète contre l’envahisseur séparatiste. Depuis deux ans et la mort de son père, il avait repris l’affaire familiale, une société fabriquant des produits d’entretien, en compagnie de ses frères Haldon, Waldan et Juviun. C’était la suite logique de la décennie passée en tant que représentant sur une centaine de mondes, une période qui lui avait permis d’acquérir de nombreux contacts et de remporter des marchés juteux. Mais malgré cette fortune engrangée, il se plaisait à répéter que le gain le plus juteux récolté pendant cette période avait été l’amour de son épouse.
— Qu’est-ce que vous faites ? demanda-t-il en souriant.
— J’allais lui raconter une histoire sur l’Ordre, répondit Lysie en se tournant vers lui.
— Excellente idée ! dit Edwin en s’installant à côté d’elle.
— Ton rendez-vous s’est bien passé ?
— Oui.
Il n’avait pas l’intention d’en dire plus, mais le regard insistant de sa femme le fit changer d’avis.
— Le matériel sera expédié d’ici deux semaines. Nos partenaires nous enverront un cargo directement depuis Dantooine.
— En prenant toutes les précautions nécessaires pour le transport ?
— Évidemment.
— Parfait. Bon, et si on attaquait cette histoire ? dit-elle en revenant vers son fils.
— Oui ! s’exclama Celric.
Lysie, souriante, attendit qu’il se calme puis reprit :
— Ce soir, je vais te raconter le dernier combat du général Hoth. C’était un grand Jedi, et en des temps heureux il aurait sûrement eu une vie paisible.
Cette phrase revenait dans presque chacune des histoires que lui racontait sa mère : elle semblait considérer que les Jedi exemplaires n’auraient jamais fait parler d’eux sans la guerre.
— Malheureusement, il vint au monde dans une galaxie déchirée depuis des siècles par la lutte entre la lumière et l’obscurité. C’est un combat perpétuel entre le bien et le mal, qui a lieu à tout instant et à l’intérieur de chacun de nous, mais peut aussi parfois faire irruption et bouleverser les étoiles, comme à son époque Il était né sous le nom de Rohlan, dans une famille de chevaliers, sur le monde de Kaal. Très jeune, il se dressa contre l’obscurité qui menaçait d’envahir la République en prenant les armes. Il décida donc de libérer la Voie Commerciale Corellienne des Sith qui s’en étaient emparés.
Celric sentit son sang se glacer à l’évocation de ces figures emblématiques du mal.
— C’est donc un adolescent qui mena les troupes de la République à la bataille. Elle eut lieu sur un lointain monde glacé, Hoth, et vit la déroute totale des forces du mal. Rohlan devint le « Chevalier de Hoth », et bientôt on ne le désigna plus que sous le nom de la planète. C’était devenu un héros, un modèle.
Une lueur peinée apparut alors dans le regard de Lysie.
— Mais comme souvent, il eut un double dans l’ombre. Ce fut un ancien Jedi talentueux, maître Kaan, qui bascula dans le mal et fonda la Confrérie de l’Obscurité. Pendant longtemps, Skere Kaan avait été considéré comme le meilleur espoir de l’Ordre, adoubé par le Haut Conseil, au contraire de Hoth qui était un électron libre. Sa chute provoqua le déclin de l’Ordre, et de nombreux chevaliers perdirent foi en leurs dirigeants. La République elle-même sembla au bord de l’écroulement.
— Mais elle a été sauvée ? demanda Celric, le regard brillant.
— Oui. Hoth a fondé sa propre armée, peu nombreuse, mal équipée, mais déterminée. Il a rassemblé tous ceux qui étaient prêts à lutter pour que le mal ne l’emporte jamais. De toute l’histoire de l’Ordre Jedi, ce fut le conflit le plus dur, plus encore que ne l’aurait été la Guerre des Clones s’il n’y avait pas eu son acte final. Hoth et Kaan devinrent chacun la Némésis de l’autre, jusqu’à leur dernière confrontation.
— La bataille de Ruusan, devina Edwin.
— En fait, il y en eut plusieurs. Neuf, si je me souviens bien. Enfin, non, sept.
— Tu n’as pas appris tes leçons ? demanda son mari, taquin.
— Ce n’était pas mon cours préféré, répondit-elle avec un sourire entendu. Mais, aujourd’hui, c’est celui qui m’apporte le plus de réconfort…
Elle ferma les yeux comme pour chasser des souvenirs, puis les rouvrit et reprit le cours de son histoire comme si rien n’était.
— La confrontation dura des mois, et la situation était complètement bloquée. Kaan, durement éprouvé par les attaques de son rival, finit par perdre ce qui lui restait de raison et créa un objet de destruction terrifiant : une bombe mentale.
— Qu’est-ce que c’est ?
— Un artefact anéantissant les personnes sensibles à la Force dans un large rayon. Kaan pensait être suffisamment puissant pour y échapper, mais Hoth soupçonnait bien que ce n’était pas vrai. Il décida alors de faire ce qui lui semblait le plus juste. Il rassembla une centaine de compagnons et partit en direction des grottes où se terrait Kaan, tandis que les autres Jedi évacuaient. Lorsqu’ils furent face à face, le Sith libéra la bombe, détruisant Hoth, ses amis Jedi, mais aussi son propre camp. Le sacrifice de Hoth permit à la République de l’emporter et de lui survivre pendant près de mille ans.
Elle avait un air grave et posé qui dénotait par rapport à son habituelle joie de vivre, mais Celric savait que cette part mélancolique faisait partie de la personnalité de sa mère – tout comme les traumatismes des massacres commis par les Séparatistes sur Polcaphran pendant la Guerre des Clones hantaient son père.
— La morale de cette histoire, Celric, c’est qu’il existe des causes qui valent qu’on se batte pour elles – y compris jusqu’à la mort, si c’est nécessaire.
Il ne comprenait pas vraiment ce qu’elle voulait dire par là, mais cela lui semblait important, et il nota cette idée dans un coin de son esprit.
— Bonne nuit, dit-elle en l’embrassant sur le front.
Son père fit de même, et ils sortirent ensemble de la chambre désormais plongée dans le noir.
Ils avaient oublié d’occulter la lumière passant à travers les panneaux de transparacier.
Celric se leva de son grand lit et fit quelques pas sur le parquet jusqu’à l’interrupteur. Avant d’appuyer dessus, il jeta un dernier coup d’œil vers les constellations d’étoiles qui illuminaient le ciel au-dessus de la campagne polcaphréenne. Là-bas, dans l’immensité galactique, se trouvaient des mondes légendaires où avaient autrefois vécu des héros tels que Hoth… Des soleils par millions, des planètes exotiques aux environnements tellement différents de celui qu’il connaissait…
Il se promit qu’un jour, il irait les visiter.