Bon, sans attendre l'ultime seconde pour poster, voici ma troisième - et dernière - contribution à ce recueil.

Un monde de héros… et moi
par Hiivsha
"Ne vouloir ni mourir ni tuer, ce n'est pas lâcheté, c'est bon naturel." Fernando de Rojas ; La Célestine, VII - XVIe s.
— Pourpre leader à escadrille, formation d'attaque, restez groupés derrière moi et attendez les ordres, ordonnai-je en me remémorant le plan de bataille fixé par l'amiral Ackbar lors du briefing sur le croiseur amiral MonCalamari
Home One quelques heures plus tôt.
— Ouais, serrez les fesses les mecs, railla une voix dans les écouteurs, et ne perdez pas de vue que le général Calrissian compte sur nous.
— Merci pour ce rappel Pourpre deux, repris-je. N'oubliez pas, chaque seconde où vous restez en vie est une seconde de gagnée contre le camp ennemi, alors, veillez les uns sur les autres et ne vous faites pas descendre.
Plusieurs "compris chef" ponctuèrent ma remarque. Je regardai avec anxiété l'énorme masse de l'Étoile de la Mort qui, bien qu'inachevée, paraissait d'ores et déjà indestructible. Comment penser qu'il suffirait de pénétrer jusqu'au générateur et de tirer quelques torpilles pour la détruire aussi facilement ? Bon d'accord, son système de défense principal reposait sur un bouclier d'énergie, généré depuis la lune d'Endor, qui la rendait invulnérable et inaccessible. Mais le général Solo devait faire en sorte qu'il soit désactivé au moment où nous attaquerions… c'est-à-dire maintenant.
L'espace autour de la station de combat n'avait pas tardé à se remplir de puissants vaisseaux de combat impériaux qui venaient de sortir de l'hyperespace ainsi que d'une myriade de chasseurs Tie. À l'évidence, nous étions attendus et cela ressemblait fort à une embuscade, l'Étoile de la Mort jouant le rôle d'une bouteille de sirop déposée au pied d'un nid de guêpes.
— Bandits partout autour de nous, s'écria mon chef d'escadrille adjoint, avec une excitation dans la voix, proche de la panique.
— Du calme les enfants, ripostai-je aussitôt de la voix la plus calme que j'étais en mesure d'utiliser à cet instant précis. Restez groupés, comme à l'exercice. On va engager ce groupe qui arrive dans nos dix heures. Laissez les autres aux copains, il n'y a pas de raison pour que nous nous amusions seuls.
Le regard rivé sur le groupe ainsi désigné, je donnais à mon manche à balai une impulsion sur la gauche et le tirai légèrement vers moi pour mettre mon nez sur l'ennemi. Je savais que nos X-Wings étaient supérieurs techniquement aux vieux Tie de l'Empire mais dans une présentation en face à face, c'est le premier qui touche qui gagne. Il faut ainsi une bonne dose de courage, ou d'inconscience diront certains, pour arriver sur l'adversaire en ligne droite, nez à nez. Je sentis dans mon dos un grand frisson me parcourir, le frisson de la mort comme on dit en riant dans un mess une fois la mission achevée alors qu'on se débriefe mutuellement à grands renforts de gestes des bras et des mains, devant une choppe de bière. Comme on dit en crânant, devrais-je dire. Mon poing se crispa sur la manette des commandes de vol tandis que mon pouce se retenait de ne pas appuyer trop tôt sur le bouton de tir, semblant peser une tonne à lui tout seul. Dans mon réticule de visée, les silhouettes sombres des Tie Fighters oscillaient lentement comme des danseurs de ballet au ralenti, puis un signal sonore retentit dans mon cockpit m'indiquant que l'ennemi était à portée de feu. Au terme d'un effort presqu'absurde, mon pouce raidi par l'attente, appuya sur le petit bouton rouge. Petit bouton, grande mort. Les traits lumineux de mes canons-lasers sillonnèrent le vide dans une course rectiligne qui convergea vers le Tie de tête pour l'intercepter en provoquant son explosion quasi instantanée. Aussitôt mes coéquipiers m'imitèrent et le ciel noir s'embrasa de rayons mortels. Je tirai sur le manche pour éviter les débris qui s'éparpillaient devant nous en m'assurant d'un bref coup d'œil que mon escadrille ressortait indemne de ce premier combat.
— Allez-y, engagez-les et couvrez-vous ! ordonnai-je en rompant la formation le premier pour fondre sur l'ennemi.
Mon X-Wing répondit sagement à ma sollicitation et le Tie Fighter se rapprocha de mon viseur, lentement trop lentement.
— Pourpre leader ici Pourpre six, vous avez un bandit dans vos sept heures.
— Vous pouvez vous en occuper, Pourpre six ? demandai-je avec un peu d'anxiété.
Soit je rompais l'engagement en cours pour essayer de me dégager moi-même, soit je poursuivais au risque de me faire tirer comme un lapin. Mais la réponse rassurante me parvint presqu'aussitôt.
— Continuez, leader, je m'occupe de lui.
Quelques secondes s'écoulèrent, interminables, puis alors que ma cible arrivait avec réticence au centre de mon viseur tout en oscillant de droite et de gauche comme un animal qui tente de s'extraire d'un piège mortel, je tirai plusieurs fois. Au moment où mon Tie Fighter explosait tel une fusée de feu d'artifice, j'entendis mon coéquipier qui criait dans la radio.
— Youhou, je lui ai réglé son compte leader… clair derrière vous.
— Bravo Pourpre six et… merci.
Le ballet mortel continua ainsi dans l'attente de l'ouverture du bouclier. Soudain, le
Liberty, un croiseur stellaire MC80 MonCalamari, explosa en illuminant violemment le théâtre de la bataille. En un instant sa carcasse fut la proie de flammes gigantesques avant que le vide spatial n'éteigne l'incendie, ne laissant flotter qu'un immense squelette calciné et des milliers de cadavres.
— Le tir venait de la station, entendis-je dans mon casque, à tous, l'Étoile de la Mort est opérationnelle, repliez-vous !
— Non, répliqua aussitôt la voix du général Calrissian, il faut gagner encore du temps… engagez le combat de près, l'Étoile ne pourra pas tirer si vous vous mêlez à la flotte ennemie.
C'est ainsi que nous nous sommes retrouvés entremêlés avec les bâtiments ennemis pour le meilleur et surtout pour le pire. Je ne savais plus où donner de la tête et le reste de la bataille m'échappa quelque peu. Je restai concentré sur mon escadrille en donnant les ordres pour maximiser les dégâts sur l'adversaire tout en essayant de ne perdre aucun de mes hommes.
— Nom de dieu, j'ai une torpille au cul, s'exclama une voix rauque que je reconnus aussitôt. Je ne dispose pas de ma puissance maximum pour la semer !
Le temps de trouver Mac, mon second, du regard, et je faisais faire un break violent à mon X-Wing qui gémit et trembla sous l'effort tandis que ma combinaison anti-G se gonflait pour m'éviter un voile noir. J'aimais cette sensation que d'autres détestaient. Dans mon cockpit j'étais comme chez moi, comme dans un cocon. Rien ne pouvait m'y arriver. La respiration un peu coupée sous l'effet de l'accélération, je vis la torpille qui se rapprochait de Mac. Sans plus réfléchir, j'enfonçais la manette des gaz pour lancer mon engin à pleine vitesse en criant dans mon masque.
— Mac, je vais m'en charger. Quand je te le dis, tu coupes tes propulseurs et tu plonges !
J'avais un créneau d'une demi-seconde pour faire ce que j'avais en tête, aussi évitai-je de trop réfléchir. Je m'insérai entre l'appareil de Mac et la torpille.
— Maintenant ! hurlai-je.
En même temps, je poussais mes propulseurs à fond pour que la torpille puisse refaire son acquisition et Mac coupait les siens en plongeant. Cette manœuvre insensée fonctionna à merveille. Les alarmes qui se mirent à clignoter dans mon cockpit à grand renfort de sons stridents m'apprirent que j'étais la nouvelle cible du projectile mortel. J'allumai alors mes boosters et fonçai vers un destroyer ennemi, évitant au mieux les tirs de ses batteries entre lesquelles je me faufilai. Ce que j'escomptais se produisit. La torpille heurta un élément de l'immense bâtiment et explosa.
— Bravo, Pourpre leader, entendis-je dans mon casque.
— Merci Kenny, tu m'as sauvé la vie… mais je t'interdis de me refaire un coup comme ça !
C'était la voix de Mac. Une voix blanche, chargée d'émotion, qui tremblotait un peu.
Au même instant, j'entendis quelqu'un annoncer que le bouclier de l'Étoile de la Mort avait été désactivé et l'ordre ultime d'attaque fut donné. Je regagnai mon escadrille qui continuait à faire merveille puis j'entendis la voix du général Calrissian.
— Mettez la flotte à l'abri, ça va sauter les gars !
Immédiatement j'ordonnai.
— Ici Pourpre leader, à toute l'escadrille, repliez-vous, éloignez-vous de la base spatiale !
Je donnai l'exemple en effectuant un cent quatre vingt serré qui mit de nouveau à mal ma combinaison et mon abdomen. Quelques instants plus tard, dans une explosion apocalyptique, l'Étoile de la Mort deuxième du nom, explosait dans le ciel d'Endor provoquant une liesse sans pareille, sur la lune comme dans l'espace...
*
* *
Les années ont passé depuis la bataille de la lune d'Endor et la Nouvelle République a enfin reconquis sa capitale, Coruscant. Partout sur la ville-planète, ce n'est que joie, fêtes, bals, feux d'artifice, qui masquent la douleur des innombrables pertes et des immenses dégâts que la guerre a laissés derrière elle comme autant de plaies béantes difficile à refermer. Les cicatrices seront longues à venir mais ce soir, l'heure est aux réjouissances.
Ils sont tous là, les héros de la bataille d'Endor, dans les salons et les terrasses du Millenium Plaza, le palace le plus ancien et le plus chic de Coruscant. Le Plaza a plusieurs milliers d'années d'existence derrière lui et n'a guère changé hormis le fait qu'il est encore plus haut qu'à l'époque du Traité de Coruscant. Dans cet immeuble miraculeusement laissé intact par les violents combats qui ont déchiré la ville, la soirée mondaine bat son plein. Les lumières rivalisent de couleur avec les somptueuses robes de soirée de ces dames, la musique entraine bon nombre de couples sur les pistes de danse, et un joyeux brouhaha ininterrompu célèbre, dans une joie évidente, la libération de la planète, la chute de l'Empire et la renaissance de la République, la Nouvelle République, sur la lancée de l'Alliance des Planètes Libres fondée par Mon Mothma présente elle aussi à la soirée.
Dans une robe éblouissante, bleue, une sorte de voile éthéré, elle s'avance vers moi presque en flottant dans l'air, droite, belle et fardée comme une femme en plâtre, ne me regardant pas mais contemplant l'ensemble des invités comme si d'un regard, elle voulait tous nous embrasser d'un seul tenant. Je m'arrête figé, intimidé devant une telle autorité. Il émane d'elle une aura que je ne pourrai décrire avec des mots. Elle est au-delà des mots dans sa stature d'immortalité. Je m'efface pour lui céder le passage. Au moment de passer devant moi, elle me regarde et me sourit, et ce sourire me transperce plus profondément que le sabre laser d'un de ces Jedi qui n'existent plus ou pratiquement plus dans la galaxie.
Encore tout abasourdi par cette apparition, je me retourne et me heurte avec un homme à l'allure décontractée qui tranche avec les costumes alambiqués et les uniformes clinquants de la plupart de ces messieurs.
— Hey, me lance-t-il, excusez-moi… je ne vous avais pas vu.
Je souris au général Solo. Qui d'autre pourrait paraître aussi décontracté dans cette foule de VIP. Que dis-je de VIP ? D'authentiques héros de la République !
— Ce n'est rien, balbutié-je.
Et j'ajoute aussitôt :
— Voulez-vous une coupe de champagne ?
Les yeux du général Solo ont brillé l'espace d'un instant. Il me sourit, d'un de ces sourires simples et sans arrière-pensée en posant une main sur mon épaule.
— Voilà une proposition bien sympathique à laquelle je ne peux pas dire non.
Mes joues s'empourprent en lui tendant une coupe pétillante et fraîche.
— Je vous admire général Solo, osé-je en balbutiant, votre épopée sur Endor était vraiment… vraiment…
Quel imbécile je fais, voilà que je cherche mes mots et que rien ne me vient à l'esprit. Pour me sortir de l'embarras, une superbe jeune femme arrive avec un sourire un peu renfrogné. Elle porte une merveilleuse robe décolleté jusqu'au nombril qui laisse à deviner deux magnifiques… enfin, vous voyez ce dont je veux parler. J'en reste bouche bée. Ses cheveux châtain foncé qu'on devine longs, sont coiffés en deux tresses enroulées en escargot de part et d'autre de sa tête. J'adore. C'est la sénatrice Leia Organa, héroïne de la Résistance, qui a tenu tête au Seigneur Vador et qui a assisté impuissante à la destruction de sa planète natale, Alderaan, par la première Étoile Noire. Elle est belle à en tomber raide mort.
Leia Organa s'empare du général Solo par la taille depuis son dos en un geste d'une câlinerie évidente en susurrant à son oreille :
— Je crois que tu devrais freiner sur le champagne, Han.
Solo se retourne, surpris tout d'abord puis le visage éclairé par un indéniable amour en la reconnaissant.
— Trésor, je t'assure… ce n'est que ma deuxième coupette, tente-t-il de protester sans grande conviction.
Les yeux de Leia Organa s'illuminent, remplis de tendresse compréhensive tandis qu'elle répond :
— Je ne t'ai pas quitté des yeux de la soirée de peur que l'une de ces si belles créatures ne te détourne de ton droit chemin et je sais que tu en es à ta cinquième coupe. Bois pas trop mon amour.
Elle l'embrasse affectueusement sur la bouche avant de repartir se noyer dans la foule si dense autour de nous, sans doute hélée d'un regard par l'un des si nombreux sénateurs que compte l'assemblée. Le général Solo me regarde d'un air gêné, esquisse un sourire en biais et soulève ses sourcils.
— Je me demande bien quelle créature pourrait me détourner du droit chemin ?
Là-dessus, il me tapote cordialement l'épaule et s'éclipse à son tour parmi les invités. Je suis aux anges. Un peu plus loin, j'entends l'amiral Ackbar qui raconte sa vision de la bataille d'Endor à un groupe d'admirateurs. Quel grand homme ! C'est grâce à lui et à son sens de la stratégie que nous sommes vainqueurs. Oserais-je aller lui serrer la main ?
Cependant que j'hésite, je me sens bousculé par quelque chose. Je me retourne, ne vois rien d'immédiat. Baissant les yeux, je tombe sur un petit droïde, astromécano de toute évidence, bleu et blanc qui m'envoie une série de bips à la figure. Hochant la tête négativement, je lui réponds :
— Je suis désolé mon p'tit bonhomme, mais je ne pige pas un broc à ce que tu me sers.
Là-dessus, un autre droïde, un grand et svelte robot tout doré, vient à la rescousse du petit astromécano en bougeant les bras de droite et de gauche.
— Veuillez excuser mon ami, mais il ne parle pas le basic comme moi. Je m'appelle Z-6PO et voici R2D2. Permettez-moi de vous servir d'interprète car, voyez-vous, je possède plus de six millions de formes de communication. Pauvre R2, que deviendrais-tu sans moi !
Le droïde doré lève ses bras au ciel en un geste théâtral pendant que son compagnon s'agite et multiplie les séries de bips sonores.
— Oui, je sais R2, que tu m'as sauvé la vie plus d'une fois. Quelqu'un de bien élevé, ne rabâche pas cela à longueur de journée, surtout dans une soirée mondaine comme celle-ci ! Et oui, je vais dire au monsieur qu'il a un très joli uniforme.
Le grand droïde se retourne vers moi et me dit :
— R2D2 dit que vous avez un bien joli uniforme !
Je souris grandement en m'inclinant.
— Merci, c'est très aimable à lui. Vous êtes vous-mêmes fort en couleur ce soir et vous faites honneur à cette réception.
Le petit droïde émet une série de bips en trépignant tandis que son grand compagnon fait mine de s'incliner.
— Merci Messire, que la Force soit avec vous.
Ils s'en vont pendant que je tente de comprendre ce qu'il vient de me dire. Une forte exclamation incompréhensible me tire de mes réflexions et me force à tourner la tête pour apercevoir une haute silhouette poilue qui semble s'exclamer aux dires d'un homme noir que j'identifie comme étant le général Lando Calrissian. La créature qui s'esclaffe est un Wookiee de grand taille que je reconnais aussitôt : c'est le célèbre Chewbacca, l'ami de Ian Solo. Toujours aussi discret celui-là !
Mes yeux errent autour de moi, sidérés de la proximité d'autant de héros galactiques. Je pousse un grand soupir et m'éloigne un peu vers la galerie des glaces dont les grandes baies vitrées donnent sur l'immensité de la ville-planète entièrement illuminée et pavoisée de couleurs de fête. Vers où que se porte mon regard, je peux apercevoir des feux d'artifice qui embrasent la nuit artificielle de Coruscant. J'expire longuement, oppressé par cette liesse ambiante en me demandant si la paix sera durable. D'un pas errant, je me permets d'admirer attentivement les plafonds de la galerie que pourtant je connais déjà. Ils sont ornés de fresques absolument splendides qui retracent les moments les plus importants que la Galaxie a pu connaître depuis l'aube des temps. La galerie est un immense couloir majestueux, bordé d'innombrables œuvres d'art narrant les millénaires d'histoire de la République. Un véritable musée. Au bout de la galerie, je distingue un jeune homme, pas très grand, vêtu plus sobrement que la plupart des invités, à la façon des Jedi d'autrefois. Dans l'embrasure des baies vitrés, se trouvent des hommes à carrure impressionnante dans des costumes sombres qui me tournent le dos, immobiles. Visiblement, des gardes du corps et des agents de la sécurité planétaire. Il y en a pléthore. Les FSC n'ont visiblement pas pris le moindre risque compte tenu de tous les héros de la guerre et des hommes politiques qui se trouvent concentrés dans le palace. Faisant quelques pas, je me retrouve à la hauteur du visiteur en admiration devant une statuette représentant une jeune fille faisant bouclier de son corps devant un homme âgé, barbu, en robe sombre. La statue est un véritable chef-d'œuvre. Le jeune homme se retourne calmement et me regarde en souriant. Son sourire est vraiment plaisant et apaisant. Son visage respire la franchise et la sérénité. Je le reconnais instantanément : il s'agit du Maître Jedi, Luke Skywalker, l'homme qui a abattu l'Empereur et vaincu Dark Vador, sans doute le plus grand héros de cette guerre. Il me dévisage un instant sans se départir de son sourire bienveillant puis se retourne vers l'œuvre d'art qu'il contemplait l'instant d'avant.
— Cette jeune fille est vraiment d'une beauté vertigineuse. Elle représente le sacrifice ultime… donner sa vie pour quelqu'un qu'on a charge de protéger.
— Vous la connaissez ? demandé-je.
Luke Skywalker se met à rire gentiment en désignant d'un doigt une petite plaque gravée aux pieds de la statuette.
— Je crois que j'étais trop jeune à cette époque… et même que je n'étais pas encore né.
Devant cette réponse facétieuse, je m'approche de la plaque et lis :
"La Padawan Isil Valdarra sauvant d'un attentat le Conseiller à la Sécurité Jaster Darillian - 10 ATC". (1)
Je m'exclamai :
— Dix ans après le Traité de Coruscant… mais cela fait…
Comme j'hésitais, le Maître Jedi reprit :
— Trois mille six cent quarante huit ans. C'est une antiquité et cela explique que je ne connais pas cette Padawan… Mais j'aurais bien aimé la connaître, conclut-il d'un ton rêveur.
J'hésite un instant, puis comme il se replonge dans ce qui m'apparaît être un moment de méditation, je rebrousse chemin pour m'en retourner parmi tous ces illustres invités qui peuplent ce soir, salons et jardins terrasses du Millenium Plaza.
*
* *
La soirée est terminée et je rentre chez moi par les avenues de Coruscant alors que les timides lueurs de l'aube naissent dans l'horizon des hautes tours de la ville. Les miroirs orbitaux amplifiant la lumière du lointain soleil de la planète pivotent lentement pour annoncer une nouvelle journée, irisant le ciel de pâles couleurs mauves et roses. J'ai la tête pleine des heures qui viennent de s'écouler et un goût amer dans la bouche. Tous ces si grands héros de guerre… et moi dans cette rue. Pourtant ne sont-ils pas tous des hommes comme moi ? Des hommes et des femmes avec leurs doutes, leurs craintes… leurs peurs ? Des héros ont-ils peur ? La question me taraude alors que je passe devant l'obscurité d'une étroite et profonde ruelle. Je m'arrête et tourne la tête vers cet œil noir qui semble m'observer. Mais la ruelle est déserte, il n'y a personne ni aucun bruit hormis les rumeurs de la ville. Et pourtant, cette ruelle me fait froid dans le dos.
C'est dans une ruelle semblable à celle-là que tout a commencé, que s'est jouée ma vie. C'est ce jour-là que le destin m'a fait un horrible et grotesque pied de nez. Ces images trop souvent vues et revues par ma mémoire rancunière me reviennent une nouvelle voix et dansent devant mes yeux.
J'ai vingt ans, l'âge où on ne doute de rien, où tout vous attend, où la vie vous tend les bras. Il est tard, la nuit est tombée et les avenues se sont désertifiées. Je marche dans une rue mal éclairée, dans un quartier inquiétant et je rentre chez moi, inconscient de l'obscurité qui va bientôt m'avaler. Je passe devant une impasse, froide, étroite et sombre comme celle que je suis en train de contempler et je les vois, tous les deux. Lui, une grosse brute de voyou, grand, épais et musclé, le front obtus et le visage fermé. On dit de lui que c'est un abruti fini et un méchant comme on en fait peu, mais personne n'ira le lui dire en face. Il a la lame facile et la susceptibilité à fleur de peau. On l'appelle Bill le Boucher et ce surnom résume à lui tout seul ce qu'il est. Il tient d'une main par les cheveux, la jeune Tracie, une adorable jeune fille de mon âge, belle, blonde et intelligente, toujours le cœur sur la main. Une fille qu'on aimerait avoir pour compagne. Elle m'aperçoit et crie.
— Kenny, au secours ! À l'aide !
Ce n'est pas une querelle d'amoureux comme on peut en voir de temps en temps. L'attitude de Bill le Boucher n'est pas équivoque et la gifle magistrale qu'il vient d'asséner à la pauvre Tracie en dit long sur ses intentions. Sa main libre se glisse dans son corsage et remue frénétiquement.
— Ta gueule, lui crie-t-il cependant qu'il tourne son visage de brute haineuse vers moi, découvrant des dents aiguisées qui me paraissent luire comme celles d'un veermok.
À mon adresse, il reprend alors que Tracie gémit en essayant de se dégager les cheveux de l'étreinte impitoyable imprimée par l'énorme main de la brute.
— C'est quoi que tu mates comme ça pignouf ?
Je regarde éperdu autour de moi. Il n'y a personne ! Pourquoi faut-il qu'il n'y ait jamais personne pour venir en aide dans ces moments-là ? Le destin est cruel et joue avec moi comme le chat avec la souris. Que vais-je faire ? Mes jambes se mettent à trembler. Je vais m'élancer sur lui et lui envoyer un grand coup de pied entre ses jambes puis un solide poing dans sa sale tronche devrait faire l'affaire. Au moins pour qu'il lâche Tracie et que nous puissions nous enfuir dans un secteur plus peuplé.
Oui mais, il me retrouvera, à condition bien sûr que je parvienne à lui asséner les coups auxquels je pense. Il me retrouvera seul ou avec sa bande de fous furieux qui se pavanent sur leurs motojets volées et là, ils me massacreront. Je ne suis même pas certain d'arriver à le cogner assez fort pour lui faire mal.
Tracie crie toujours. Bill la mord dans le cou puis se retourne de nouveau vers moi.
— T'es encore là p'tite tête ? Ok, mate alors le spectacle et quand j'en aurai fini avec elle, je viendrai m'amuser avec toi ! J'te préviens, si tu te barres pas dans trois secondes, ça va être ta fête !
Mes jambes tremblent de plus en plus et une sueur froide se met à couler abondamment dans mon dos. Si j'y vais, je me fais massacrer, mais au moins, Tracie pourra se sauver. Elle me regarde de ses beaux yeux bleus remplis de larmes qui m'implorent.
— Je t'en supplie Kenny, aide-moi, gémit-elle.
Il faut que je me sacrifie pour elle. C'est ça que font les héros et qui sait, en devenant son héros, peut-être voudra-t-elle sortir avec moi en guise de reconnaissance. Je n'ai jamais eu aucune chance de sortir avec une si jolie fille. Le destin me dit que c'est maintenant !
J'avale ma salive et esquisse un mouvement vers la ruelle sombre mais la voix de Bill claque comme un coup de fouet.
— Tu l'auras voulu sale enfoiré de mes deux !
Je vois sa main se porter à la poche de son pantalon et revenir avec un couteau qui claque alors que sa lame de déplie sèchement. Je me vois agonisant sur le permabéton rougi par le sang qui s'écoule de mon corps. Je sens mes os qui craquent sous le martèlement des énormes poings de la brute, mon nez qui éclate, mes dents qui se brisent. Mes côtes cèdent sous les coups de pieds furieux qu'il m'envoie dans le torse comme on shoote dans un ballon. Au mieux, je me retrouve à l'hôpital, mutilé, souffrant de façon atroce, des tuyaux dans le nez, la bouche, perfusé de partout. Au pire, il me plante son couteau dans le ventre et me laisse mourir là en convulsant dans d'horribles douleurs.
Un dernier regard sur ses yeux injectés de sang et je prends les jambes à mon cou en détalant le plus rapidement que ces dernières daignent me le permettre. La peur vous donne des ailes. Je n'ai jamais couru aussi vite de ma vie.
J'entends un dernier cri de Tracie qui m'appelle et puis le silence bruyant de la ville me rattrape et tout tremblant, je rentre chez moi.
Je n'ai même jamais appelé la police. J'ai eu trop peur des représailles de Bill le Boucher et sa bande. Pendant des mois, je n'ai pas pu me regarder dans une glace et je fuyais dans la rue le moindre regard qu'on me portait. J'ai fini par déménager pour éviter de croiser un jour la pauvre Tracie dont je n'ai plus jamais eu de nouvelles.
Un goût amer dans la bouche, je pénètre dans mon appartement, et j'enlève mon uniforme de serveur au Palace Millenium Plaza. Voilà tout ce que je suis : un serveur de palace qui porte un bel uniforme rouge et or avec de belles épaulettes et de jolis boutons. Je n'ai jamais été pilote que dans mes rêves et je n'ai jamais fait la guerre. Je me sens lâche. Je serai toujours lâche, je le sais. Le moindre Bill me fera fuir parce que j'aurai peur. Il y aura toujours un monde de héros… et moi. C'est comme ça, je n'y peux rien.
Il me reste mes rêves... mes rêves dans lesquels au moins, je suis un vrai héros. Je m'allonge sur mon lit et ferme les yeux en espérant retrouver rapidement mon rêve préféré.
— Pourpre leader à escadrille, formation d'attaque, restez groupés derrière moi et attendez les ordres.
— Ouais, serrez les fesses les mecs, et ne perdez pas de vue que le général Calrissian compte sur nous.
— Merci pour ce rappel Pourpre deux. N'oubliez pas, chaque seconde où vous restez en vie est une seconde de gagnée contre le camp ennemi, alors, veillez les uns sur les autres et ne vous faites pas descendre… ____________
(1) Lire "Les Aventures d'une jeune Jedi - Tome 1 : Le Cercle Sombre" par Hiivsha
