Avec un jour de retard -
siou plait, pas taper ! - voici venir le sixième chapitre des aventures de Mandoad
Chapitre 6
L’Encyclopédie
Le souterrain prenait la forme d’une grande cave soutenue par de larges piliers en pierre. Mandoad braqua la lumière de son casque dessus, faisant apparaître une série de bas-reliefs taillés à même la pierre, et représentant des créatures glauques qui se tordaient, comme en proie à une transe.
Uttini menait la marche dans les ténèbres, ses yeux lumineux lui rendant toute lampe-torche inutile. Erythram le suivait de près, tâtant de sa cane les alentours et jetant des coups d’oeil suspicieux autour de lui. Non sans raison d’ailleurs : Mandoad avait parfois surpris des points lumineux, semblables à des yeux, qui semblaient les guetter dans l’obscurité. Mais à peine les croisait-il qu’ils disparaissaient dans les ténèbres.
Une odeur nauséabonde flottait dans l’air lorsqu’ils étaient entrées, reflux rappelant une carcasse pourrissante auquel se mêlaient des effluves de moisissures et d’humidité. Toutefois, elle avait peu à peu disparue à mesure qu’ils s’enfonçaient dans le souterrain.
La végétation avait réussi à se frayer un chemin jusque dans ce cloaque. Dans les fissures des murs avaient poussé des champignons, des herbes folles émergeaient d’entre les dalles, rampant sur le sol à la manière de serpents. Elles ne tardèrent pas à se faire de plus en plus grande à mesure qu’ils avançaient, jusqu’à leur arrivée aux genoux. Uttini y avait déjà disparu, ne laissant apercevoir que le bout de sa capuche. Juste à ses pieds, Mandoad vit un raz womp débouler des fourrés, suivit quelques secondes plus tard d’un loth-cath manifestement affamé.
Espérons qu’il n’y ait rien de plus redoutable caché dans l’herbe, songea le chasseur de primes. Il pensa un instant à brûler ce tapis vert à coup de lance-flamme, mais le risque de déclencher un incendie de grand ampleur était trop grand.
Un cri à réveiller les morts fit soudain trembler le souterrain. Mandoad se retourna vivement tandis qu’Erythram faisait un bond de cinq mètres sur le côté.
– Par les grandes oreilles bleues de James Cameron, qu’est-ce que c’était que ça ? s’exclama le vieux sith.
– Au cri, je dirai que c’est un gundark, répondit Uttini.
– UN GUNDARK ?! Il y a des gundarks ici ?
– Oh, pas que. Il y a aussi des banthas, des nexus, des rathtar, des anooba, des acklay, des carbo-canins, des cochons-globes, l’un des derniers léviathans, la progéniture de la bête de Zillo... Y avait aussi un sarlac avant, mais comme il m’embêtait, je l’ai mangé.
– Tu... Tu l’as mangé ?
– Avec un peu d’ail et des oignons, c’est délicieux.
Ils firent dès lors encore plus attention. Des cris et hurlements perçaient le silence à intervalle irrégulière, provenant à chaque fois d’un endroit différent. Elles semblaient être assez loin de lors position - sans quoi elles se seraient jetées sur eux depuis bien longtemps. Mandoad avait activé sa vision thermique, jetant un coup d’oeil de tous les côtés. Il s’imaginait déjà poursuivis par une foule grouillante regroupant toutes les créatures les plus mortelles du site.
Je n’avais pas prévu de finir ma carrière dans l’estomac d’un reek.– On devrait bientôt arriver au bout de la section biologie, lâcha soudainement Uttini d’un ton joyeux. Juste après, c’est la section Personnages où se trouve le bureau du Suisse.
Le jawa était le seul que cette escapade ne rendait pas nerveux. Sans doute avait-il déjà fait le chemin de nombreuses fois. Et puis, pour quelqu’un capable de manger un sarlac, un gundark déchaîné ne devait pas être plus effrayant qu’un mioche en colère.
– Quel idée a eu ce Suisse de s’enterrer dans cette Encyclopédie, grommela le nautolan. J’espère qu’il va réussir à nous faire monter, sinon...
– Ne dîtes pas de mal des suisses, le rabroua Mandoad qui, par l’arrière grand-mère de sa grande tante, descendait de ce peuple fier amateur de fromages et de chocolat. Et «
monter » ?
– Les îles du topic littérature sont des îles flottantes, lui précisa Erythram. On raconte qu’elles étaient auparavant bien vissées sur la terre ferme, mais que la colère de Lain fut tellement grande lorsqu’il découvrit le premier tome de « Join the Resistance » qu’elles furent catapulter dans le ciel.
– Je l’ignorai, avoua Mandoad.
Il était plutôt du genre à garder les pieds sur terre.
– Il n’y a pas de mal à ça, répondit le vieux sith. C’est un monde à part, vous savez...
Comme leur avait annoncé Uttini, ils ne tardèrent pas à arriver à l’extrémité de la section biologie. Une porte en duracier en marquait la fin, jurant de manière frappante avec l’architecture ancienne du lieu. Le jawa s’approcha du boîtier à petit pas, et se mit à taper sur les chiffres. Une sonnerie stridente en sortit, suivit d’une lumière rouge, sans que la porte en daigne bouger.
– Zut, j’étais sûr que c’était ça ! se plaignit le jawa. C’est quoi alors, déjà ? La date d’anniversaire de Chadax ?
Il tapa de nouveau, sans plus de succès.
– Mandoad, lui glissa Erythram d’une voix pressante en lui tirant le bras. Je crois qu’on a un problème.
Le chasseur de primes se retourna et sentir tous ses poils se dresser. A plusieurs mètres de là, émergeant à demi de l’obscurité, les pattes dans l’herbe, une créature les épiait. Un corps malingre, d’un vert maladif, d’où partaient des membres anguleux. Sa paire de pattes avant étaient garnies de piques et se terminaient en fauciles. Une tête triangulaire jaillissait directement du sommet de son corps, frôlant le plafond. Des mandibules s’agitaient autour de sa bouche alors qu’elle les observaient.
– Qu’est-ce qu’on fait ? demanda le nautolan en déglutissant.
– Ne bougeons pas. Avec un peu de chance, cette bestiole a une vision basée sur le mouvement.
De la chance, ils n’en avaient manifestement pas aujourd’hui. Comme si elle avait entendue ses paroles, la créature s’élança à toute allure vers eux, ses mandibules ouvertes sur un cri. Toute apparence de tranquillité abandonna Erythram :
– Uttini, dépêche-toi !
– Silence, je réfléchis... La fête nationale suisse ? Non plus...
– Uttini, ouvre cette satané porte ! hurla le sith
Il se jeta carrément contre elle, griffant le duracier pour essayer de l’entamer. Mandoad étouffa un juron et dégaina son blaster. Le rayon d’énergie toucha la créature à la patte et explosa en particules, sans qu’elle semble même le remarquer. Elle était déjà sur eux, les pattes en avant comme pour les saisir, ses mandibules claquant sa faim et...
– Oh, salut Vess ! lâcha Uttini en tournant brièvement la tête derrière lui
– Salutations, mon très cher ami, le salua la créature d’une voix aristocratique.
Mandoad ne put qu’écarquiller les yeux alors que la mante religieuse effectuait une révérence des plus distinguées à leur intention.
– Il me semblait bien t’avoir reconnu. Et qui sont tes
délicieux amis ? demanda-t-elle en faisant claquer ses mandibules.
– Le rouge tout tremblant, c’est Ery. Et l’armure mandalorienne, c’est mon vieux copain Mandoad !
– Enchanté, mes
croquants. Je me présente : Ve'ssshhh - avec trois « s » et trois « h » ! - biologiste reconnu.
– En...Enchanté, bégaya Erythram.
Il continuait de contempler la créature avec des yeux écarquillées, et sa mâchoire était tellement béante qu’elle semblait sur le point de tomber.
– Quelle
délectable affaire vous amène jusque dans l’Encyclopédie ?
– Oh, on doit aller avoir le Seigneur des Suisses ! expliqua Uttini. Tu connaîtrais pas le code d’accès, d’ailleurs ?
– C’est 0-0-0-0. Je parlerai volontiers plus longtemps avec vous, mais une affaire des plus importantes m’attend.
Au moment où il disait cela, un cri strident se fit entendre au loin.
– Ah non, arrête ça tout de suite ! Je t’ai déjà dit que les cochons-globes ne pouvaient pas se reproduire avec les nexus ! s’exclama la mante religieuse en se précipitant à toute allure vers la source du cri.
Elle disparut rapidement dans le noir d’où elle avait surgie. La port en duracier s’ouvrit dans un doux sifflement. Ils en franchirent rapidement le seuil : le passage se referma derrière eux.
La différence entre les deux sections crevait les yeux. Le souterrain prenait la forme d’un couloir étriqué où seul deux personnes pouvaient avancer de front. D’énormes tuyaux parcouraient le plafond et les murs présentaient des signes de détérioration évident. A certains endroits, ils semblaient fait d’un patchwork sans cohérence de bois, de ferrailles et de pierre. Des couloirs adjacents s’ouvraient sur les côtés, mais ils étaient aussi exigus que celui qu’ils parcouraient. Tout cela évoquait à Mandoad une vieille cave.
Quelques mètres devant eux, une grande silhouette se tenait appuyée contre un mur, un journal dans les mains.
– Est-ce que ce serait... commença Erythram d’un ton émerveillé.
Une respiration sifflante sifflante et profonde se fit entendre, qui enfla, enfla, jusqu’à remplir tout le couloir comme un avertissement. Erythram se précipita, dépassant Uttini, avant de se jeter un genou à terre.
– Seigneur, c’est un honneur de rencontrer un seigneur sith de votre...
– N’cha Ani ! lança le jawa d’un ton joyeux en levant la main.
Le seigneur sith leva les yeux de son journal et son masque sinistre dévisagea le jawa d’un air que Mandoad jugea bougon.
– Ah, c’est toi...
Son regard se posa un instant sur Erythram avant de fixer le chasseur de primes. Mandoad sentit un frisson lui courir le long du dos, mais le sith était déjà retourné à son journal.
– Comment sont les nouvelles ? demanda Uttini d’un ton guilleret.
– Ça vas pas fort. Talon s’est fait quittée par son dernier mec. Depuis, elle ne cesse pas de boire. Elle nous a déjà vidé tous les stocks datant de Shess. C’est pas Padmé qui me ferait ça...
– C’est sûr... commenta le jawa.
– SALOOOOooooooooooop !
Le cri fit sursauter Erythram, qui se releva si soudainement qu’il faillit s’aplatir au sol. Mandoad posa une main sur son blaster.
– Qu’est-ce que vous disait... dit le sith en secouant la tête. C’est comme ça tout le temps, le jour comme la nuit. Aphra l’avait ballonné pour la faire taire, mais elle a réussi à bouffer la corde.
Le seigneur sith replia son journal et le glissa sous son bras.
– Bref. Si tu leur fais emprunter le Passage, pense à fermer derrière toi. Il y a eu des courants d’air, la dernière fois.
– Pas de problème, Ani !
Uttini salua une dernière fois le plus célèbre des seigneurs sith avant de poursuivre son chemin. Mandoad dû agripper Erythram par le bras pour le traîner à sa suite, sans quoi il serait resté planté devant son idole.
Le jawa les mena le long du couloir, jusqu’à une pièce à l’allure misérable. Le sol disparaissait presque sous des piles de dossiers aussi hautes qu’un homme. Les étagères croulaient sous le poids de parchemins : on ne devait pas les avoir consulté depuis longtemps, car ils étaient recouverts de poussières et de toiles d’araignées. Un bureau occupait le centre de la pièce : une bonne moitié à elle seule était occupée par un ordinateur. A son aspect semblable à celui d’un énorme bloc doté d’un écran, on devinait sans peine qu’il n’était plus de première jeunesse.
Un petit cri attira l’attention de Mandoad alors qu’une souris, cachée sous une pile de feuilles, montrait le bout de son nez. Lui et ses compagnons ne devaient pas avoir l’air bien effrayant, car elle retourna se coucher presque aussitôt.
Le mandalorien baissa les yeux sur le jawa.
– C’est là qu’il est, ton Seigneur des Suisses ?
Le jawa hocha la tête et se dirigea vers le bureau, disparaissant derrière. Mandoad se pencha au-dessus et écarquilla les yeux de surprise. A côté de la chaise, une masse informe, enroulée dans une chaude couverture , dormait à même le sol. Mandoad pouvait la voir s’affaisser à chaque respiration. Uttini s’en approcha et se mit à la flanquer de coups de pied.
– Oh, réveille-toi Ashlack ! Oh oh ! Ashlack !
Un gémissement vaguement ennuyé lui répondit. La couverture se mit à remuer puis à tourner sur le côté, révélant un visage sans âge. Une paire de lunettes carrée était posée sur son nez. Mandoad le vit entrouvrir un œil.
– Hmmm... Qu’est-ce que tu veux Uttini ? demanda-t-il d’une voix traînarde.
– J’ai des copains qui voudraient aller voir Lain.
– Encore ? se plaignit-il. Tu m’as déjà demandé la même chose pour Aphra il y a cinq minutes, juste avant que je m’endorme.
– C’était il y a trois mois, Ash...
– Quoi ? Tu ne me laisses même pas me reposer trois mois ?
Il se retourna de nouveau, cette fois pour lui présenter son dos.
– Reviens plus tard...
– Non ! s’exclama Uttini en plaquant ses poings sur ses hanches. C’est maintenant qu’il faut nous ouvrir ! Maintenant !
Il se remit à lui donner des coups de pied, ajoutant à chacun d’entre eux un « maintenant ! » retentissant. Ashlack finit par s’avouer vaincu.
– D’accord, d’accord...
Lentement, très lentement, il ramena ses genoux vers lui. Puis, tout aussi lentement, il se remit debout et, toujours emmitouflé dans sa couverture, prit place à son bureau.
– Alors... Commença-t-il en tapant sur son clavier. Commençons par donner à ses messieurs des autorisations pour leur permettre d’accéder au point d’élévation. En vertu du formulaire A-32 tel que formulé par la Charte de l’Encyclopédie édictée par Dark Stratis, et de l’autorisation B-344 issu du projet de loi « Aztèque » n° 1635-2017 relatif aux déplacements des particuliers entre les différents sections du forum et les moyens de transports attenants...
Il s’écoula encore dix minutes de monologue interminable débité d’un ton lent et traînant qui firent regretter à Mandoad l’existence de la Suisse, avant qu’Ashlack ne leur tende à chacun un ticket bleu.
– Gardez-les précieusement, ils ne seront ni repris ni échangés.
Il appuya sur une touche de son clavier et toute une étagère derrière lui se déplaça sur le côté - provoquant la panique du couple de rat womp qui y avait élu domicile. Au delà s’étendait un large passage qui s'enfonçait dans l’obscurité.
– Maintenant, reprit le suisse, si ça ne vous dérange pas, je vais retourner dormir.
Il bascula quasiment aussitôt au sol et se mit rapidement à ronfler. Uttini l’enjamba sans peine et, d’un signe, les invita à le suivre par le passage nouvellement révélé. Creusé à même la roche, il menait jusqu’à une grotte circulaire. Une mosaïque en lapis-lazuli recouvrait son toit en dôme, dans lequel était ménagé un cercle d’où un mince rayon de jour jaillissait. Mandoad leva les yeux pour l’observer : au sein de cet ouverture, la source de la lumière n’était rien de plus qu’un petit point lointain.
Nous devons être à des dizaines de mètres sous la surface, songea-t-il. N’y avait-il pas des légendes sur un monde souterrain se trouvant à des kilomètres sous la surface du site, gardé par une guerrière féroce aux dents aiguisées ?
Toutes les légendes sont magnifiées. La lumière venait directement tomber sur un grand promontoire en pierre à six côtés. Uttini gravit les marches à grande enjambée - chose assez surprenante au regard de ses petites jambes. Erythram boitilla à sa suite, Mandoad sur les talons. Une capsule en verre dont la structure était soutenue par un toit et un sol en acier reposait au sommet.
– Tadam ! s’exclama Uttini. Voilà votre moyen pour voir Lain.
– Ingénieux, admit Erythram en pénétrant à l’intérieur.
Mandoad dû admettre que l’objet était de bel factur. L’intérieur était assez grand pour le contenir sans problème, lui et Erythram, mais un troisième aurait été à l’étroit. Il n’y avait pas de bouton, uniquement un mince interstice pratiquée dans la partie métallique de l’habitacle. Mandoad y inséra les deux billets d’Ashlack : une sonnerie se fit aussitôt entendre.
– Cet ascenseur descend jusqu’à un moyen de transport ? demanda-t-il en se tournant vers Uttini.
Peut-être un vaisseau, ou un speeder.
– Oh non ! fit le jawa en secouant la tête. Il monte directement jusqu’à Holordus.
– Il monte ? Comment ça il monte ?
Mais déjà, la porte de la cabine se refermait. De l’autre côté, Uttini leur faisait signe d’un air joyeux de la main, sans que leurs paroles ne semblent passer le verre.
– Oh, j’ai un mauvais pressentiment, lâcha Erythram d’une voix sourde.
Le chasseur de primes baissa les yeux. Sous ses pieds, le sol tremblotait, ronronnait même. Il n’eut pas le temps de s’interroger plus. Il y eut un grand choc et il se retrouva bientôt plaqué au sol à côté d’Erythram, comme si une montagne lui était tombée sur le corps. Par la vitre, il vit la cabine s’envoler vers le plafond, passer par l’ouverture du toit, et monter, monter...
Erythram hurlait.
Il fallut un moment à Mandoad pour se rendre compte qu’il hurlait aussi.