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— Le plan s’est déroulé comme vous l’aviez promis, Monseigneur.
— Je suis content de vous, Vice-roi. Lorsque mon nouvel apprenti, Dark Vador, arrivera, soyez sûr qu’il s’occupera de vous.
Un moment plus tard.
Nute Gunray faisait les cent pas dans la petite pièce qui devait, à l’origine, être une remise de bonne taille et qui aujourd’hui, par la force des choses, était devenue sa chambre. La pièce était assez grande. Mais le mobilier hors de prix disposé à la hâte ne serait jamais parvenu à faire de l’endroit une chambre de luxe. Il y a trois ans, vivre autrement que dans la richesse et le fastueux aurait été impensable pour le neimoidien. Mais il y a trois ans, la Guerre des Clones avait débuté, et il avait dû faire quelques concessions. Depuis cette époque, il acceptait de vivre dans des lieux austères et étroits, à condition que ce soit de manière occasionnelle, et dans la mesure où cela lui permettait de rester en vie.
Feu le général Grievous, un cyborg impitoyable et colérique, mais aussi heureusement un incroyablement bon stratège, avait affirmé que lui comme les autres leaders de la CSI seraient en sécurité sur Mustafar. C'était difficile à croire : après un enchaînement de victoires sans précédent qui s’était poursuivi jusque dans le Noyau, la coalition séparatiste s’était vue repoussée sans interruption jusqu’aux confins des territoires civilisés, et avait même été privée de son membre le plus éminent, le comte Dooku. Tout cela n’inspirait guère confiance en l’avenir, et il n’avait pu croire de la bouche du demi-robot que Mustafar était un refuge sûr. À présent, Grievous lui-même était mort : Nute se serait-il lancé dans une telle entreprise s’il avait imaginé de tels risques dès le départ ? Sans doute pas. Être un grand chef, pourquoi pas ? Mais pas si cela implique d’être menacé de mort.
Pour l’heure la question ne se posait pas, il était a priori hors de portée des Jedi. Ou, en tout cas, il préférait imaginer qu’il en allait ainsi. Et puis, si la Confédération des Systèmes Indépendants avait connu un brusque revirement, pourquoi la République ne subirait-elle pas la même chose ? La guerre n’était pas encore finie, et, s'il n’était peut-être pas le plus grand politologue de la galaxie, il savait une chose : dans une guerre, seule la fin importe. Le reste, l’Histoire finit toujours par l’oublier.
Non, la CSI n’était pas finie. Il lui restait son arme secrète, un joujou valant une fortune mais qui serait un outil de terreur si grand que plus personne n’oserait s’opposer à la Confédération. En outre, même après la perte de Dooku et de Grievous, il leur restait leur véritable chef, caché mais toujours présent, le Seigneur Sith Dark Sidious.
Dark Sidious… Nute Gunray n’avait aucune confiance en lui. Il y a treize ans de cela, il était même convaincu que le bonhomme l’avait trahi et abandonné à son sort, quand le blocus de la pitoyable planète Naboo avait échoué. Mais lorsqu’il avait compris de qui émanait l’idée de cette alliance séparatiste et de tout ses avantages, il avait alors eu confirmation de ce qu’il n’avait que supposé jadis : Sidious était un être puissant et dangereux, ayant des stratégies à long terme parfaitement manigancées. Quelqu’un de très intelligent qu’il valait mieux compter parmi ses alliés.
Oui, Dark Sidious lui fichait une trouille bleue, ce qui, compte tenu des standards neimoidiens sur l’effroi, n’est pas peu dire. Mais il préférait se ranger du côté de celui qui aurait toujours le pouvoir quelle que soit l’issue des évènements. Pour parler en termes plus commerciaux, aller à l’encontre de Sidious aurait signifié la faillite. Et Gunray avait compris, là encore depuis très longtemps, qu’en politique, la faillite était encore moins envisageable qu’en affaires.
Et puis, après leur victoire, il pourrait facilement s’en mettre plein les poches sans trop d’efforts. Si le plan se déroulait comme prévu, la fin de la guerre signifierait un changement de politique globale pour toutes les planètes de la galaxie. Evidemment, la CSI ne conserverait de pouvoir officiel sur aucun des territoires conquis : bien qu’il ait eu à titre personnel certaines expériences politiciennes, comme en témoignait son passé sur Cato Neimoidia, il était avant tout un marchand. Ce qui les intéressait, lui comme les autres membres du Conseil Séparatiste – Ce qui avait été prévu dès le départ - était de transformer le quasi-monopole commercial de toutes leurs organisations en monopole absolu et indiscutable, ayant une emprise sur toute cette galaxie nouvellement remaniée. Dès lors qu’ils auraient l’assurance que la Fedcom, la Guilde ou le Technosyndicat avaient mainmise sur toutes les richesses possibles, lui et les autres laisseraient les questions politiques être gérées par ceux qui le voudraient bien. Ce ne serait plus leur affaire.
Encore que… De temps à autre, Nute Gunray prenait de plus en plus goût à ce pouvoir… Il n’en était pas encore à le préférer à l’argent, mais c’était quand même une chose plutôt grisante. Dooku avait toujours été chef du Conseil ; depuis qu'il était mort dans le ciel de Coruscant, quelques jours plus tôt, il n’y avait plus de chef. Pas officiellement en tout cas – Sidious étant évidemment toujours leader en secret. Et personne n’avait tenté de se prétendre remplaçant du comte, puisque Sidious n’en avait pas désigné. Ensuite, Grievous était devenu son porte-parole, ce qui avait maintenu quelques temps ce status égalitaire au sein du Conseil. Mais à présent que le guerrier de métal avait été expédié ad patres, le Seigneur Sith avait inexplicablement fait de lui son porte-parole. Soit dit en passant, Nute Gunray remisait cela plutôt sur le fait qu’il le connaissait depuis plus longtemps que les autres, que sur un quelconque traitement de faveur à son égard – il ne se faisait pas d’illusions. Quoi qu'il en soit, cela avait fait de lui un chef officieux du petit groupe. Autrement dit, Dark Sidious mis à part, il était devenu le chef tout-puissant de la coalition ayant le contrôle sur un tiers de la galaxie connue. Oui, vraiment, ce pouvoir avait quelque chose d’entêtant. Et le Vice-roi de la Fédération du Commerce doutait qu’un si grand pouvoir eut pu être acheté, quel que fut le prix, sans les intrigues politiques appropriées. Comme quoi, l’argent n’achetait pas tout. Pas seul en tout cas…
L’argent devait malgré tout rester sa première ambition – n’est-ce pas le but que tout être sensé recherche ?
Perdu dans ses réflexions, Nute Gunray ne remarqua que longtemps après avoir commencé qu’il s’était mis à tourner dans la petite pièce, très agité. D’usuel, il réfléchissait mieux assis et posé, mais plus aujourd’hui. Sans doute parce que malgré ses efforts pour l’oublier, il savait que la menace qui pesait au-dessus de sa tête était bien plus importante que ce qu’il voulait admettre. Et, inconsciemment peut-être, cela le rendait nerveux.
On frappa à la porte, il s’arrêta.
— Entrez !
La porte de métal noire coulissa vers le haut et disparut totalement dans le mur supérieur. Dans le couloir se tenait Wat Tambor, directeur du TechoSyndicat. Le skakoéen était en permanence enfermé dans une combinaison semi-mécanique, et sa voix était synthétisée par un appareil qui lui était intégré. En bien des points, il rappelait à Gunray l’ignoble général Grievous.
— Vice-roi, j’ai cru comprendre que votre disciple souhaitait vous parler, lui fit Tambor d’une voix grave.
— Et c’est vous qui venez me dire ça ?
Grave erreur de sa part. S’il voulait conserver son status de pseudo-leader du Conseil, Gunray ne devait à aucun prix se montrer trop ouvertement supérieur, sinon les autres viendraient lui rappeler son véritable rôle. Il espéra que le skakoéen ne prendrait pas sa remarque pour une insulte. Fort heureusement, ce ne fut pas le cas.
— À dire vrai, je n’ai pour le moment rien de particulier à faire...
Un sentiment que pouvait tout à fait comprendre le Vice-roi : la machine de guerre était si bien huilée qu’elle se passait en général de leur intervention. Et puisque cette fabrique de droïdes mustafarienne qui servait de base secrète ne présentait aucune distraction particulière, il s’était lui-même retrouvé une ou deux fois à ne pas savoir quoi faire.
— En outre, vous savez que nous sommes ici en manque de personnel.
— Hélas…
— Et il ne pouvait pas venir lui-même. Il vous expliquera tout cela mieux que moi.
— Parfait. Je vous suis, mon cher Wat.
Le neimoidien referma la porte derrière lui. Le skakoéen ne marchait pas : comme toujours, il roulait. L’effet était étrange, mais depuis le temps, il s’y était habitué. Le long des couloirs obscurs, il repensa à lui, et aussi à tous les autres chefs de la Confédération : San Hill, Poggle, Shu Mai et les autres. Il songea que s’il n’avait aucune confiance en Sidious, même au bout de trois ans, il n’avait aucune confiance en eux non plus. Il faut dire que la plupart étaient il n’y a pas si longtemps des concurrents et rivaux. Au fond, Dooku (Ou plutôt Sidious) avait réussi un coup de maître en fédérant des ennemis jurés. Mais il n’avait toujours pas confiance en eux. Ceci-dit, il demeurait bizarrement plus confiants en eux qu’en Sidious lui-même. Peut-être parce qu’il était certain qu’eux aussi avaient une trouille bleue du Seigneur Sith. Cela ne faisait pas d’eux des amis, mais ils partageaient au moins cette frayeur commune.
Des amis… Bien sûr que cela n’aurait pas pu faire d’eux des « amis ». Nute Gunray n’avait aucun ami. D’abord parce que culturellement, l’amitié n’était pas un sentiment très reconnu par sa race. Et aussi parce que pour réussir en ce monde, il était nécessaire d’être seul.
Finalement, se dit-il en entrant dans la salle de commandement, son second, Rune Haako, était ce qui se rapprochait le plus d’un ami pour lui. Autrement dit, s’il avait dû se retrouver avec quelqu’un sur une planète déserte sans nourriture pour survivre, Haako aurait été le seul avec lequel il aurait hésité une seconde avant de se jeter sur lui pour le manger.
Wat Tambor se dirigea vers un coin de la salle, Gunray rejoignit Haako qui faisait face à une table holographique.
— Vice-roi, salua ce dernier.
Pour toute réponse, Nute Gunray inclina la tête. La table projetait une image tridimensionnelle de la bataille de Tranaï, probablement en temps réel.
— Navré de ne pas être venu vous chercher moi-même, mais je devais continuer à analyser le déroulement des opérations. La situation ne se présente pas bien du tout.
— Je vois cela. Ceci-dit, je vous rappelle que nos troupes étaient déjà en sous-nombre avant même que cette bataille commence. C’était prévisible. Inutile de s’inquiéter à ce point, cette perte sera mineure. Et si elle ouvre comme prévu le chemin pour les troupes de Tambor, tout se sera déroulé selon le plan.
— Certes, mais n’oublions pas que…
Rune Haako fut interrompu par un bip qui retentit dans toute le salle de commandement. Poggle le Bref, qui était alors déjà penché au-dessus de la console qui venait de faire ce bruit, annonça de sa voix insectoïde :
— [Vaisseau en approche.]
Les autres approchèrent de la console, qui affichait l’hologramme du vaisseau. Vu la forme, on ne pouvait pas se tromper. C’était un intercepteur Jedi, un vaisseau républicain.
— Une attaque ? questionna Passel Argente.
— [Non. Apparemment, il est seul].
— La galaxie est trop grande pour que ce ne soit qu’un hasard.
— [On reçoit une transmission cryptée. C’est un de nos codes de cryptage, un de ceux utilisés par le Seigneur Sidious.]
À ces mots, le silence se fit. Seuls les émissaires directs du Seigneur Sith utilisaient ses codes privés. Il n’y avait donc plus beaucoup de mystères sur l’identité du visiteur. Et s’il en restait encore, la transcription du message apparut sous l’hologramme du vaisseau et mit fin à tous les doutes. Il était écrit : « Vaisseau du Seigneur Vador à commandement séparatiste. Demande autorisation de se poser sur le champ. »
Sans même se concerter avec ses collègues, l’archiduc géonosien mit en pause les satellites de défense d’une simple pression du doigt. Et le seigneur sith passa sans s’arrêter, pour arriver quelques minutes plus tard sur l’aire d’atterrissage de la base. Décidant qu’il n’y avait pas lieu de réserver un accueil particulier à un Seigneur Sith qui n’était finalement qu’un simple messager de Sidious, chacun retourna à son poste en attendant l’arrivée du nouveau venu. Gunray et Haako retournèrent à la table holographique.
Mais la bataille de Tranaï ne les intéressait plus du tout.
— Que croyez-vous qu’il vienne nous annoncer ?
— Je ne sais pas. Je ne prétends pas connaître toutes les volontés de Dark Sidious. Mais peut-être est-il venu nous récompenser ? Peut-être que la fin de la guerre est plus proche que nous ne le pensions, et que notre rétribution va nous être donnée prochainement.
— Et le Sith aurait traversé toute la galaxie juste pour nous le dire ?
— Je ne sais pas.
Nute Gunray regarda autour de lui, constatant que certains étaient devenus nerveux. Lui-même avait le pouls qui s’accélérait. Il jeta un œil sur l’écran vidéo que regardait Shu Mai. Il retransmettait l’image du Sith qui marchait à leur encontre. Sa figure était encapuchonnée, mais sa démarche, sa carrure… Pour une obscure raison, Nute Gunray avait l’impression d’avoir déjà vu cette homme quelque part. Aux informations peut-être ? Non, ça ne pouvait pas être cela.
L’inconnu arriva enfin sous l’arche de la salle de commandement, entouré par deux gardes neimoidiens. Il ôta son capuchon.
Le Vice-roi détourna son regard de la table holographique. Il regarda le Héros Sans Peur droit dans les yeux, tentant de masquer ses véritables émotions.
— Bienvenue, Seigneur Vador. Il y a un moment que nous vous attendions…
— Je suis content de vous, Vice-roi. Lorsque mon nouvel apprenti, Dark Vador, arrivera, soyez sûr qu’il s’occupera de vous.
Un moment plus tard.
Nute Gunray faisait les cent pas dans la petite pièce qui devait, à l’origine, être une remise de bonne taille et qui aujourd’hui, par la force des choses, était devenue sa chambre. La pièce était assez grande. Mais le mobilier hors de prix disposé à la hâte ne serait jamais parvenu à faire de l’endroit une chambre de luxe. Il y a trois ans, vivre autrement que dans la richesse et le fastueux aurait été impensable pour le neimoidien. Mais il y a trois ans, la Guerre des Clones avait débuté, et il avait dû faire quelques concessions. Depuis cette époque, il acceptait de vivre dans des lieux austères et étroits, à condition que ce soit de manière occasionnelle, et dans la mesure où cela lui permettait de rester en vie.
Feu le général Grievous, un cyborg impitoyable et colérique, mais aussi heureusement un incroyablement bon stratège, avait affirmé que lui comme les autres leaders de la CSI seraient en sécurité sur Mustafar. C'était difficile à croire : après un enchaînement de victoires sans précédent qui s’était poursuivi jusque dans le Noyau, la coalition séparatiste s’était vue repoussée sans interruption jusqu’aux confins des territoires civilisés, et avait même été privée de son membre le plus éminent, le comte Dooku. Tout cela n’inspirait guère confiance en l’avenir, et il n’avait pu croire de la bouche du demi-robot que Mustafar était un refuge sûr. À présent, Grievous lui-même était mort : Nute se serait-il lancé dans une telle entreprise s’il avait imaginé de tels risques dès le départ ? Sans doute pas. Être un grand chef, pourquoi pas ? Mais pas si cela implique d’être menacé de mort.
Pour l’heure la question ne se posait pas, il était a priori hors de portée des Jedi. Ou, en tout cas, il préférait imaginer qu’il en allait ainsi. Et puis, si la Confédération des Systèmes Indépendants avait connu un brusque revirement, pourquoi la République ne subirait-elle pas la même chose ? La guerre n’était pas encore finie, et, s'il n’était peut-être pas le plus grand politologue de la galaxie, il savait une chose : dans une guerre, seule la fin importe. Le reste, l’Histoire finit toujours par l’oublier.
Non, la CSI n’était pas finie. Il lui restait son arme secrète, un joujou valant une fortune mais qui serait un outil de terreur si grand que plus personne n’oserait s’opposer à la Confédération. En outre, même après la perte de Dooku et de Grievous, il leur restait leur véritable chef, caché mais toujours présent, le Seigneur Sith Dark Sidious.
Dark Sidious… Nute Gunray n’avait aucune confiance en lui. Il y a treize ans de cela, il était même convaincu que le bonhomme l’avait trahi et abandonné à son sort, quand le blocus de la pitoyable planète Naboo avait échoué. Mais lorsqu’il avait compris de qui émanait l’idée de cette alliance séparatiste et de tout ses avantages, il avait alors eu confirmation de ce qu’il n’avait que supposé jadis : Sidious était un être puissant et dangereux, ayant des stratégies à long terme parfaitement manigancées. Quelqu’un de très intelligent qu’il valait mieux compter parmi ses alliés.
Oui, Dark Sidious lui fichait une trouille bleue, ce qui, compte tenu des standards neimoidiens sur l’effroi, n’est pas peu dire. Mais il préférait se ranger du côté de celui qui aurait toujours le pouvoir quelle que soit l’issue des évènements. Pour parler en termes plus commerciaux, aller à l’encontre de Sidious aurait signifié la faillite. Et Gunray avait compris, là encore depuis très longtemps, qu’en politique, la faillite était encore moins envisageable qu’en affaires.
Et puis, après leur victoire, il pourrait facilement s’en mettre plein les poches sans trop d’efforts. Si le plan se déroulait comme prévu, la fin de la guerre signifierait un changement de politique globale pour toutes les planètes de la galaxie. Evidemment, la CSI ne conserverait de pouvoir officiel sur aucun des territoires conquis : bien qu’il ait eu à titre personnel certaines expériences politiciennes, comme en témoignait son passé sur Cato Neimoidia, il était avant tout un marchand. Ce qui les intéressait, lui comme les autres membres du Conseil Séparatiste – Ce qui avait été prévu dès le départ - était de transformer le quasi-monopole commercial de toutes leurs organisations en monopole absolu et indiscutable, ayant une emprise sur toute cette galaxie nouvellement remaniée. Dès lors qu’ils auraient l’assurance que la Fedcom, la Guilde ou le Technosyndicat avaient mainmise sur toutes les richesses possibles, lui et les autres laisseraient les questions politiques être gérées par ceux qui le voudraient bien. Ce ne serait plus leur affaire.
Encore que… De temps à autre, Nute Gunray prenait de plus en plus goût à ce pouvoir… Il n’en était pas encore à le préférer à l’argent, mais c’était quand même une chose plutôt grisante. Dooku avait toujours été chef du Conseil ; depuis qu'il était mort dans le ciel de Coruscant, quelques jours plus tôt, il n’y avait plus de chef. Pas officiellement en tout cas – Sidious étant évidemment toujours leader en secret. Et personne n’avait tenté de se prétendre remplaçant du comte, puisque Sidious n’en avait pas désigné. Ensuite, Grievous était devenu son porte-parole, ce qui avait maintenu quelques temps ce status égalitaire au sein du Conseil. Mais à présent que le guerrier de métal avait été expédié ad patres, le Seigneur Sith avait inexplicablement fait de lui son porte-parole. Soit dit en passant, Nute Gunray remisait cela plutôt sur le fait qu’il le connaissait depuis plus longtemps que les autres, que sur un quelconque traitement de faveur à son égard – il ne se faisait pas d’illusions. Quoi qu'il en soit, cela avait fait de lui un chef officieux du petit groupe. Autrement dit, Dark Sidious mis à part, il était devenu le chef tout-puissant de la coalition ayant le contrôle sur un tiers de la galaxie connue. Oui, vraiment, ce pouvoir avait quelque chose d’entêtant. Et le Vice-roi de la Fédération du Commerce doutait qu’un si grand pouvoir eut pu être acheté, quel que fut le prix, sans les intrigues politiques appropriées. Comme quoi, l’argent n’achetait pas tout. Pas seul en tout cas…
L’argent devait malgré tout rester sa première ambition – n’est-ce pas le but que tout être sensé recherche ?
Perdu dans ses réflexions, Nute Gunray ne remarqua que longtemps après avoir commencé qu’il s’était mis à tourner dans la petite pièce, très agité. D’usuel, il réfléchissait mieux assis et posé, mais plus aujourd’hui. Sans doute parce que malgré ses efforts pour l’oublier, il savait que la menace qui pesait au-dessus de sa tête était bien plus importante que ce qu’il voulait admettre. Et, inconsciemment peut-être, cela le rendait nerveux.
On frappa à la porte, il s’arrêta.
— Entrez !
La porte de métal noire coulissa vers le haut et disparut totalement dans le mur supérieur. Dans le couloir se tenait Wat Tambor, directeur du TechoSyndicat. Le skakoéen était en permanence enfermé dans une combinaison semi-mécanique, et sa voix était synthétisée par un appareil qui lui était intégré. En bien des points, il rappelait à Gunray l’ignoble général Grievous.
— Vice-roi, j’ai cru comprendre que votre disciple souhaitait vous parler, lui fit Tambor d’une voix grave.
— Et c’est vous qui venez me dire ça ?
Grave erreur de sa part. S’il voulait conserver son status de pseudo-leader du Conseil, Gunray ne devait à aucun prix se montrer trop ouvertement supérieur, sinon les autres viendraient lui rappeler son véritable rôle. Il espéra que le skakoéen ne prendrait pas sa remarque pour une insulte. Fort heureusement, ce ne fut pas le cas.
— À dire vrai, je n’ai pour le moment rien de particulier à faire...
Un sentiment que pouvait tout à fait comprendre le Vice-roi : la machine de guerre était si bien huilée qu’elle se passait en général de leur intervention. Et puisque cette fabrique de droïdes mustafarienne qui servait de base secrète ne présentait aucune distraction particulière, il s’était lui-même retrouvé une ou deux fois à ne pas savoir quoi faire.
— En outre, vous savez que nous sommes ici en manque de personnel.
— Hélas…
— Et il ne pouvait pas venir lui-même. Il vous expliquera tout cela mieux que moi.
— Parfait. Je vous suis, mon cher Wat.
Le neimoidien referma la porte derrière lui. Le skakoéen ne marchait pas : comme toujours, il roulait. L’effet était étrange, mais depuis le temps, il s’y était habitué. Le long des couloirs obscurs, il repensa à lui, et aussi à tous les autres chefs de la Confédération : San Hill, Poggle, Shu Mai et les autres. Il songea que s’il n’avait aucune confiance en Sidious, même au bout de trois ans, il n’avait aucune confiance en eux non plus. Il faut dire que la plupart étaient il n’y a pas si longtemps des concurrents et rivaux. Au fond, Dooku (Ou plutôt Sidious) avait réussi un coup de maître en fédérant des ennemis jurés. Mais il n’avait toujours pas confiance en eux. Ceci-dit, il demeurait bizarrement plus confiants en eux qu’en Sidious lui-même. Peut-être parce qu’il était certain qu’eux aussi avaient une trouille bleue du Seigneur Sith. Cela ne faisait pas d’eux des amis, mais ils partageaient au moins cette frayeur commune.
Des amis… Bien sûr que cela n’aurait pas pu faire d’eux des « amis ». Nute Gunray n’avait aucun ami. D’abord parce que culturellement, l’amitié n’était pas un sentiment très reconnu par sa race. Et aussi parce que pour réussir en ce monde, il était nécessaire d’être seul.
Finalement, se dit-il en entrant dans la salle de commandement, son second, Rune Haako, était ce qui se rapprochait le plus d’un ami pour lui. Autrement dit, s’il avait dû se retrouver avec quelqu’un sur une planète déserte sans nourriture pour survivre, Haako aurait été le seul avec lequel il aurait hésité une seconde avant de se jeter sur lui pour le manger.
Wat Tambor se dirigea vers un coin de la salle, Gunray rejoignit Haako qui faisait face à une table holographique.
— Vice-roi, salua ce dernier.
Pour toute réponse, Nute Gunray inclina la tête. La table projetait une image tridimensionnelle de la bataille de Tranaï, probablement en temps réel.
— Navré de ne pas être venu vous chercher moi-même, mais je devais continuer à analyser le déroulement des opérations. La situation ne se présente pas bien du tout.
— Je vois cela. Ceci-dit, je vous rappelle que nos troupes étaient déjà en sous-nombre avant même que cette bataille commence. C’était prévisible. Inutile de s’inquiéter à ce point, cette perte sera mineure. Et si elle ouvre comme prévu le chemin pour les troupes de Tambor, tout se sera déroulé selon le plan.
— Certes, mais n’oublions pas que…
Rune Haako fut interrompu par un bip qui retentit dans toute le salle de commandement. Poggle le Bref, qui était alors déjà penché au-dessus de la console qui venait de faire ce bruit, annonça de sa voix insectoïde :
— [Vaisseau en approche.]
Les autres approchèrent de la console, qui affichait l’hologramme du vaisseau. Vu la forme, on ne pouvait pas se tromper. C’était un intercepteur Jedi, un vaisseau républicain.
— Une attaque ? questionna Passel Argente.
— [Non. Apparemment, il est seul].
— La galaxie est trop grande pour que ce ne soit qu’un hasard.
— [On reçoit une transmission cryptée. C’est un de nos codes de cryptage, un de ceux utilisés par le Seigneur Sidious.]
À ces mots, le silence se fit. Seuls les émissaires directs du Seigneur Sith utilisaient ses codes privés. Il n’y avait donc plus beaucoup de mystères sur l’identité du visiteur. Et s’il en restait encore, la transcription du message apparut sous l’hologramme du vaisseau et mit fin à tous les doutes. Il était écrit : « Vaisseau du Seigneur Vador à commandement séparatiste. Demande autorisation de se poser sur le champ. »
Sans même se concerter avec ses collègues, l’archiduc géonosien mit en pause les satellites de défense d’une simple pression du doigt. Et le seigneur sith passa sans s’arrêter, pour arriver quelques minutes plus tard sur l’aire d’atterrissage de la base. Décidant qu’il n’y avait pas lieu de réserver un accueil particulier à un Seigneur Sith qui n’était finalement qu’un simple messager de Sidious, chacun retourna à son poste en attendant l’arrivée du nouveau venu. Gunray et Haako retournèrent à la table holographique.
Mais la bataille de Tranaï ne les intéressait plus du tout.
— Que croyez-vous qu’il vienne nous annoncer ?
— Je ne sais pas. Je ne prétends pas connaître toutes les volontés de Dark Sidious. Mais peut-être est-il venu nous récompenser ? Peut-être que la fin de la guerre est plus proche que nous ne le pensions, et que notre rétribution va nous être donnée prochainement.
— Et le Sith aurait traversé toute la galaxie juste pour nous le dire ?
— Je ne sais pas.
Nute Gunray regarda autour de lui, constatant que certains étaient devenus nerveux. Lui-même avait le pouls qui s’accélérait. Il jeta un œil sur l’écran vidéo que regardait Shu Mai. Il retransmettait l’image du Sith qui marchait à leur encontre. Sa figure était encapuchonnée, mais sa démarche, sa carrure… Pour une obscure raison, Nute Gunray avait l’impression d’avoir déjà vu cette homme quelque part. Aux informations peut-être ? Non, ça ne pouvait pas être cela.
L’inconnu arriva enfin sous l’arche de la salle de commandement, entouré par deux gardes neimoidiens. Il ôta son capuchon.
Le Vice-roi détourna son regard de la table holographique. Il regarda le Héros Sans Peur droit dans les yeux, tentant de masquer ses véritables émotions.
— Bienvenue, Seigneur Vador. Il y a un moment que nous vous attendions…