Un an déjà que ma première FF est finie et il était plus que temps de retenter l'aventure, qui avait été fort plaisante
J'ai choisi une histoire plus sombre, cette fois, plus complexe aussi et une époque très différente (sans doute plus intéressante, aussi) : l'Empire.
Voiçi donc sans plus tarder un court épilogue, et le premier chapitre, qui j'espère vous plaira autant que j'ai aimé l'écrire
Bonne lecture !
PS : Si quelqu'un est adepte des fichiers words comme Lowie, c'est pas un problème j'ai tout ça en stock
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Survolant les Terres Noires de l’Univers, ses longues ailes s’enflammèrent dans le lointain horizon gris, et une tempête rouge embrasa le monde dans un tourment de flamme et de haine. Là où était le Grand, les cendres s’étalaient. Mais de ses mêmes poussières se ranima la plus fascinante créature de la Création : le Phoenix…
Prologue
Cette nuit-là, la pluie martelait l’asphalte de la rue plongée dans les ténèbres. Une brume laiteuse s’élevait du bitume, et pas une lumière n’éclairait son chemin. Tout le quartier dormait, tandis qu’au-delà, les rumeurs de la ville n’étaient plus qu’un vague murmure indistinct. L’écho de ses pas résonnait dans l’obscurité tranquille, chantante, et la tempête l’environnait, s’immisçant dans chacun de ses gestes et son uniforme impérial, négligé, troué et tâché d’un sang délavé par la pluie. Phoenix Natazeus approchait de son foyer, et, par réflexe, ses mains plongèrent dans ses poches et l’une d’elle devina le contact rassurant de son revolver Nata -l’impersonnalité et l’inconfort des blasters l’avaient toujours incommodé.
Le sempiternel saule corellien, sculpté dans la nuit, l’accueillait à l’entrée de sa demeure, les branches en éventail, esclave du vent et de la tempête. Une odeur confuse de sang s’échappait du logis, nourrissant l’air de terreur et d’angoisse. Il n’en était pas surpris, de la mort et de l’horreur qui régnaient sur cet endroit devenu sinistre, et, serrant les poings jusqu’à ce que ses ongles s’enterrent dans sa peau, il avança lentement, sentant la douleur et la fatalité se répandre dans ses veines comme le venin infâme que le sort lui injectait. Le lourd tribut à payer était pour cette nuit.
Son perron était maculé de sang, et sa porte entrouverte, que le vent dodelinait, laissait entrevoir la mise en scène macabre d’Ex Nox. Sa main tremblante et moite poussa l’entrée et, aussitôt, le choc l’ébranla. Il oscilla, retint un cri et tomba sur le sol.
Le corps de sa femme se balançait dans les airs, un nœud coulant noué à sa gorge. Derrière ses longs cheveux, son regard était éteint. Sous elle, deux enfants s’étreignaient, et la vie semblait avoir quitté leur chair depuis peu.
La colère l’étouffa alors, et son intensité le rongea tout entier. La respiration difficile, n’osant lever les yeux sur les trois cadavres, il resta un long moment allongé, larmoyant, figé dans la pâle lueur d’un feu de cheminée agonisant.
Ce qui lui restait de force s’éloigna alors, et la foudre défigura le ciel brumeux de Coruscant. Tout en lui devint électrique, sauvage et ardent : la haine brûla son corps d’un feu qui lui glaçait les os, et, le souffle perdu, le visage cicatrisé à jamais par la colère et la fatalité, il sortit de la maison. La pluie cinglait toujours la sombre ruelle d’Héliopolis, une longue silhouette se dessina dans la hâve nuit obscure, au milieu des tempêtes. Le visage livide de Phoenix Natazeus s’éclaira d’une macabre lueur de mort, et à nouveau le tonnerre gronda.
16 ans plus tard, An -1
Il y a bien longtemps, dans une galaxie lointaine, très lointaine…
L’Empire Galactique a semé la paix et la tyrannie dans les anciens mondes de la République. L’Empereur Palpatine guide la galaxie d’une main de fer, et son Ordre Nouveau règne en maître absolu pour des siècles et des siècles encore.
Si la Rébellion présente une gêne potentielle pour certains impériaux, un groupe terroriste, les « Légions De La Peur », menées par le terrifiant Ex Nox se manifeste comme une réelle menace pour l’autocratie. Après l’explosion du Sénat, et le meurtre de plusieurs amiraux, le chaos domine les plus hauts rangs militaires. La menace est invisible et semble imperturbable.
De retour des Régions Inconnues, le Capitaine Thrawn est envoyé sur Panoptika, la planète pénitentiaire secrète de l’Empire, afin d’y libérer leur pièce maîtresse : Phoenix Natazeus, le pire ennemi de Nox. L’aventure commence sous des auspices de vengeance et de haine, mais, dans l’ombre, l’intrigue est manœuvrée par un dangereux marionnettiste…
Chapitre I : Prélude Aux Ombres
Coruscant…
- Cette comédie a assez duré ! brama le major Zcel en brandissant sa seule main valide vers le moff Laugh. La paix ramènera le calme dans l’Empire !
- Rasseyez-vous ! Personne ne vous contredit sur ça, major, mais un traité de paix est hors de question (un vive confusion s’éleva de l’assemblée, un amalgame intraduisible d’acclamations et de dédain déchaîné). Nous avons les moyens de neutraliser notre ennemi, une commission étudie en ce moment même notre force d‘arme contre ces « Légions De La Peur« ... Votre paix, amiral, ne serait au mieux qu’un cessez-le-feu angoissant.
C’était un étroit entrepôt bombardé salle de réunion éphémère. Chaque jour, l’heure et l’endroit des débats étaient choisis au dernier moment, pour contrarier tout attentat. La chaude après-midi touchait à sa fin, et ses lueurs pugnaces traversaient le long rideau blindant les vasistas, animant les polémiques prolixes d’une belle lumière feutrée .
Depuis l’explosion du Sénat Impérial et du croiseur Furieux, et de l’assassinat d‘une dizaine d‘amiraux, la tension montait d’un cran chaque jour, dans le chaos et la peur qui se répandaient dans l’Empire à une vitesse inquiétante.
- Je suis d’accord, approuva le général Bast d‘entre le tumulte, nous ne pouvons pas nous abaisser à un tel niveau, des terroristes ne feront pas la loi dans l‘Empire ! Ils ont des bombes et de la bravoure, soit, nous avons des croiseurs, des chars, des cuirassés, et la plus grande armée de la galaxie, ainsi que de la volonté à revendre ! Une tentative de paix ? Pas question ! Cette affaire sera classée dans une semaine !
- Vous disiez pareil le mois dernier, Général, rappela la voix sifflante du moff Abraham Kils. Et le mois d’avant ! Vous sous-estimez l’ennemi ! Ce penchant nombriliste va courir à notre perte ! Vous avez fait croire au peuple que ces terroristes étaient de mèche avec la Rébellion, mais ils sont bien plus puissants que ces chamailleurs grotesques ! Nous ne parlons plus de terrorisme, c’est une révolution.
- N’exagérez pas ! Ils ont bafoué l’Empire ! rugit le moff Disra. Et ont eu de la chance jusqu’à présent de passer entre les mailles du filet… mais la chance est éphémère ! Tandis que notre destinée et notre force, elles, sont éternelles. L’Empire est invincible - nous écraserons cette insecte non pas par la paix, mais par la victoire et leur destruction totale !
A nouveau, des voix approuvèrent et réfutèrent l’intervenant dans une grossière clameur indistincte. Le fringuant capitaine Dorja se leva de l’assemblée et cria à qui voulait l’écouter qu’un traité était la seule solution. Un mois plus tôt, l’idée que l’Empire ait besoin d’une entente avec l’ennemi pour faire régner la paix dans ses terres aurait paru grotesque aux yeux de tous, mais l’arrogance impériale s’était atténue depuis.
- Et à qui l’adresser ? tempêta le Grand Amiral Declann, et toute la salle se tût. Vous avez un nom ? Une adresse ?
-
Ex Nox ! fit une voix lointaine mais qui installa un silence plus profond encore.
Le Grand Moff Tarkin était entré dans la salle sans que personne ne s’en aperçoive. Debout, droit comme un i, tapis dans l’ombre, il épiait chaque membre de la réunion de ses deux petits yeux fins, le regard plus aiguisé qu’une lame. Toujours sous le mutisme de l’assemblée, il avança vers Declann et lui adressa un sourire poli.
- Nox a été tué par les Troupes de Choc il y a plus vingt ans !
-
A priori, précisa Tarkin avec un sourire en coin. Nous avons trouvé sa trace sur Corulag - il l’a quitté depuis, hélas. D‘après nos renseignements, il est même venu sur Coruscant.
- Vos renseignements ? Vous ne jouez pas franc jeu, Tarkin… siffla l’amiral Gabbles. Les renseignements et le Bureau des Opérations ont eux-même confirmé sa mort !
- C’est un fantôme qui a toujours réussi à nous biaiser, et vingt ans après sa soi-disant mort, il revient et sème le chaos dans l’Empire ! renchérit quelqu’un d’autre. Nox est indomptable !
-
A priori, répéta Tarkin. Le Capitaine Thrawn a eu… une idée.
Un vent de suspicion balaya la salle, et une voix s’éleva :
- Il n’est pas dans les Régions Inconnues ?
Les projets cartographiques de Thrawn étaient restés très secrets, mais quelques éléments avaient percé la confidence. Des regards intéressés fixèrent Tarkin, qui resta évasif :
- Ses missions là-bas sont suspendus pour le moment. Il reviendra dans l’Empire dans quelques jours, et ce qu’il amènera devrait être… décisif.
Tandis que des murmures discrets et intrigués conspiraient dans l’assemblée, comme un vent qui balayait l’entrepôt, Declann toussa derrière lui et se pencha sur son épaule :
- Décisif ? Le projet de Lemelisk est terminé ?
- Non, pas encore, fit Tarkin (Declann perçut une note de regret dans son murmure). Natazeus. Phoenix Natazeus. Il pourrait faire pencher la balance en notre faveur, très certainement…
Un frisson parcourut Declann.
- Natazeus ? De retour dans l’Empire ? Est-ce une idée de l’Empereur ?
- Thrawn s’est désigné volontaire pour la mission, mais l’Empereur semble cacher quelque chose… il me tiendra sûrement au courant.
- Je ne pense pas que ce soit très…
prudent.
- Il faut battre la glace par le feu, mon cher ami. Nous allons jouer selon
nos règles du jeu. Nox devra suivre (il leva les mains et demanda le silence). Messieurs, la séance est levée. L’horaire et le site de notre prochaine réunion vous sera annoncée plus tard.
Il quitta la salle et la réunion se termina dans un brouhaha confus. Chacun y alla de son hypothèse, et la pièce se vida lentement, les discussions et l’agitation persistant alors dans les couloirs…
* * *
Pendant ce temps, quelque part dans l’hyperespace, sur le Vengeance…
Elle passa ses doigts dans ses longs cheveux blonds, et les rejeta en arrière. Ses mains douces caressèrent le blaster ceinturé à ses hanches. Sous une vieille cicatrice cachée par sa crinière fauve, ses deux yeux bleus fixaient l’hologramme d’une planète enfouie dans un profond brouillard, aux allures de nébuleuse. Au-delà des blancheurs du frimas, des ombres et des silhouettes imprécises s’étendaient dans les ténèbres. De fragiles lumières ponctuaient le paysage, traçant à peine les tours et les édifices, mais Shana Dix s’assura qu’elle n’avait jamais vu un endroit plus morbide.
L’hologramme s’éteignit, et la pièce s’éclaira aussitôt, tandis qu’elle sortait sur le pont.
Elle n’avait que vingt-et-un ans, et à peine six semaines passées sous l’uniforme de Sergent, mais elle avait l’assurance et l’élégance des meilleurs amiraux, l’expérience en moins, le charme en plus. Sur le pont, les regards amusés et sournois des lieutenants s’étaient doucement convertis en échanges courtois et déférents, et les fantasmes misogynes de ses homologues masculins en rêve inaccessible : le Sergent Dix n’était pas une femme facile.
Parcourant l’infrastructure du Vengeance, elle se sentait étouffée par ses mûrs gris, sa chaleur malsaine, ses odeurs de neuf et de parfait trop insistées, par les hommes, tous les mêmes, atones et silencieux, presque des fantômes sans âme mais au corps malingre palpable. Pourtant, elle s’y sentait bien, dans cet Empire, car il lui correspondait, du moins de l’extérieur : se rénovant sans cesse dans l’horreur et l’orgueil, avec ce désir vicieux d’effacer toute trace du temps, comme si sa vie n’était qu’une éternelle renaissance, sans passé.
Ce qui restait de la jeune fillette éperdue dans la campagne peu après l’assassinat de ses parents était une cicatrice, et un nom : lourd et amer, il le suivait partout, un boulet dont elle aurait pu se défaire, mais elle n’en avait pas la force. Tout ce qui restait de son père, de son enfance, de son innocence dont elle avait vite oublié le goût et le parfum, était ce nom. Dix. Comme un cri, une souffrance, mais qu’elle s’infligeait elle-même -
ne pas oublier qu’elle a un passé, une origine. Elle n’a pas cet odeur de neuf fétide et apocryphe que se donnait l’Empire.
Elle enfouissait chaque fois son passé dans un coin de sa mémoire, imperméable et docile. Son patrimoine de fillette, présent mais effacé, n’avait aucune valeur. S’en détacher signifiait lui donner de l’importance, or elle ne lui en prêtait pas. Ce qu’elle était aujourd’hui, et à jamais, était la ténébreuse, l’ambiguë, l’efficace Sergent Dix.
Les bras croisés derrière son dos, elle marchait d’un pas assuré devant la longue verrière du pont principal. Ses belles formes féminines semblaient enveloppées dans les lueurs bleutées de l’hyperespace, jetant sa longue ombre noire sur le sol, alors que sa voix puissante et féline résonnait au-dessus des vrombissement des moteurs infraluminiques.
- Officier Larhss, rapport sur les éclaireurs.
Un jeune binoclard craintif au regard inexpressif se pointa devant elle, tout soudain et interdit. Les mots dévalèrent de sa bouche avec empressement, impatient d’en sortir, et lorsqu’il eut fini, il déglutit avec peine et lorgna sa supérieure comme s’il en attendait le Jugement Dernier.
- Bien, alors préparez la navette du Capitaine Thrawn, et déconnectez les moteurs subsidiaires à la sortie de l’hyperespace. Rien d’autre ?
- Heu, et bien si, Sergent. Un message du secteur six : les commandes auxiliaires ont bien été changées, la maintenance teste en ce moment, et prendra sa pause à 14h. Et heu… le Capitaine Thrawn vous demande dans sa cabine.
D’un geste aussi bref que précis, Shana renvoya l’officier de service qui ne se fit pas prier, et balaya du regard le pont du Vengeance: calme, silencieux, arrogé par les reflets bleutés des couloirs de l’hyperespace, il lui rappelait son sauvetage, vingt ans plus tôt, de sa planète envahie par le feu, laissant derrière elle ses deux parents mourrant. Ce jour-là, elle s’était assise, au milieu des ordinateurs et des officiers en alerte, et elle sentait ses larmes couler en abondance sur ses joues, et, à bout de souffle, lasse de ses pleurs mais incapable de les réprimer, elle s’était promise d’être bien plus qu’une fillette sanglotante et grotesque, perdue au milieu d’un superdestroyer de l‘Empire. Peu à peu, elle devint ambitieuse, d’un orgueil vicieux et malsain, qui se révélait tout juste en elle, mais en même temps elle devint une femme, une belle femme téméraire qui fit de l’Empire sa nouvelle maison, sa nouvelle famille. Une maison qui ne pouvait pas brûler comme celle de ses parents, une famille qui ne pouvait ni souffrir ni mourir, car elle n’existait pas réellement -pratique. L’Empire était la réponse. Restait pour elle, si elle le voulait, d’en trouver la question…
Se hâtant sans courir dans les couloirs du Vengeance, elle savait qu’une nouvelle page se tournait dans sa vie. D’abord, un étrange pressentiment, une aventure, une quête qui se divulguait au loin, se dévoilant à peine dans l‘horizon. Puis ce face-à-face avec Thrawn qui s’annonçait…
* * *
Des visages, des corps, du sang, un cri gisant d’entre la mort et la destruction. Les ombres s’étendaient au-dessus de la foule, une main plongée dans les ténèbres caressant les tortueuses illusions des hommes. Tout dans l’abstrait, tout dans le charme fragile de quelques couleurs, sans fioritures, nuancées dans une belle immortalité. Juste la beauté, simple et discrète, qui éveillait toujours en Thrawn d’étranges émotions. L’Œuvre se nommait « La Chimère », et la seule trace qui en subsistait était un hologramme volant dans le bureau du Capitaine. Le peintre et tout son peuple avait été décimés quelques années plus tôt par l’Empire.
La pièce était plongée dans la pénombre, une belle intimité d’où émanaient tranquillement les lueurs bleutées jetées par les hologrammes.
- Capitaine ? Fit une voix grésillante à travers le cordon de communication. Le Sergent Dix est là.
Thrawn laissa glisser ses doigts le long de son bureau, et appuya sur un bouton caché entre deux livres. A l’autre bout de sa cabine, un sas s’ouvrit avec fracas, et un pâle éclat s’installa dans la pièce, enveloppant une fine silhouette, immobile et silencieuse, comme figée dans le rayon des spots.
- Entrez, Sergent, entrez. Aucun problème sur le pont ?
Shana, l’air un peu moins sûr et assuré que devant ses semblables, rectifia les plis de son uniforme et entra dans la danse lumière du bureau. Les hologrammes artistiques volaient toujours librement entre elle et Thrawn, qui n‘était qu‘une silhouette baignée dans la pénombre, et son regard parcourut rapidement les bibliothèques, savant pertinemment que le chiss l’étudiait avec attention. Elle devina son regard scellé sur elle, et ce qu’elle ressentit était un curieux mélange de satisfaction et de gène.
- Non, Capitaine, tout se porte bien. J’ai fait préparer votre navette, nous arriverons sur Panoptika dans dix minutes.
Thrawn hocha la tête, mais Shana discerna avec certitude qu’il était surpris de son assurance. Elle croisa brièvement son regard : ses deux yeux rouges la fixaient, dans la pâle obscurité bleutée. Elle détourna aussitôt la tête, avança vers le cercle de projection, et cloua ses prunelles sur la longue bibliothèque qui tapissait la cabine. Si c’était de l’assurance, elle était bien dissimulée… mais elle se sentit le courage d’affronter le regard poignant et attentif de son supérieur. Dans la continuité et la fluidité de son regard, elle fit face au chiss, droite et sûre, et quelques secondes passèrent. L’impérial, ses doigts caressant son menton, semblait en proie à une longue réflexion, comme plongé lui-même dans son esprit. Il demeura dans son silence, comme une statue de pierre, avant de faire, d’une voix lente et étudiée, désignant une peinture accrochée à l’autre bout de la cabine :
- Connaissez-vous l’art, Sergent Dix ? -et Shana observa la toile, l’étudiant minutieusement dans la pâle lumière bleue qui l’éclairait.
C’était une esquisse de toute beauté, au pinceau précis, libre, une fresque ni trop détaillée ni trop grossière, où se confondaient les formes et les couleurs avec un naturel rare. La paysage était une mer impavide, d‘un bleu azur olympien, silencieuse au milieu d’une vive tempête qui ne troublait en rien son calme plat. Shana crût distinguer dans un coin du tableau un superdestroyer impérial s’engouffrant dans la tourmente.
- Je connais un peu l‘art, oui. Et je l’apprécie, Capitaine. C’est une belle œuvre…
- C’est la seule vraie que je possède dans cette cabine, fit-il d’une voix emplie de déception. Les autres sont des hologrammes, les seuls échos qu’il reste de génies déchus. Les peintres et les sculpteurs sont morts, certes, mais ils laissent derrière eux toute la trace de leur talent. C’est ce qui les rapproche des grands militaires, une empreinte plus ou moins délébile. Ce qui les différencie, c’est la manière, la forme, le fond reste le même : la gloire. Qu’on la trouve dans l’argent, le pouvoir ou la conquête, dans les lauriers ou l’éclat, la gloire reste la gloire : elle perd les hommes. Mais pas tous (un léger sourire se dessina sur son visage, qui effaça son regard grave). Cette peinture est de Lionel Dix, ajouta-t-il.
Et Shana sentit nettement le regard du chiss éplucher sa réaction, l’analyser avec minutie. Elle déglutit avec peine… Lionel Dix. Son père.
Bien sûr, Thrawn était au courant, ce n’était pas un hasard (sa voix calculée et son ton explicite le prouvaient). Son défunt père était un impérial, mais un pacifiste convaincu, loin des idéaux racistes de l’Empire mais contigu dans son désir de rupture avec la corruption de la République (mais il n‘accepta jamais le fait d‘avoir soutenu une dictature …)
- Un bon peintre, n’est-ce pas, fit le Capitaine de la même voix silencieuse, très basse, mais Shana en distingua chaque syllabe avec une aisance surprenante. Savez-vous où nous allons, Sergent ?
Thrawn avait changé de sujet si vite et sans changer de ton que Shana en sursauta.
- Heu, et bien à vrai dire non, s‘empressa-t-elle de répondre. Et je ne suis pas la seule : mis à part le nom et les coordonnées de la planète, je ne suis au courant de rien. Et la databank n‘a pas été très loquace. C’est une planète impériale ?
- Pas tout à fait. Elle est autonome, mais pas indépendante. Une décharge de criminels, d’assassins, de rebelles… la mort n’est pas la pire des sentences pour un bandit. La pire se nomme Panoptika. Asseyez-vous. Un verre ?
Shana déclina l’offre en s’installant sur un fauteuil en face du Capitaine. Seul le bureau, et un épais amas de feuille les séparaient, et Thrawn convenu que c’était une intimité suffisante pour dévoiler son visage dans le pâle éclat du cercle de projection. Ses deux yeux brillaient toujours d’un grenat éclatant.
- Vous avez sans doute vu l’hologramme, je vous l’ai envoyé. Une planète qui baigne dans un éther brumeux, l’œil ne peut à peine discerner les formes de son infrastructure. C’est Panoptika. Une prison. Un pénitencier qui recouvre l’entière surface du globe, et qui depuis des millénaires a été gardé dans le secret par la République, et maintenant, l’Empire. Et sa population n’a cessé de croître depuis vingt ans. La sentence suprême, mais je ne sais au juste quelles horreurs endurent les prisonniers, et je me garde bien de le savoir.
En parlant, le visage de Thrawn était revenu dans la pénombre, et ses deux yeux rouges balayaient la bibliothèque du regard .
Shana se crispa sur son siège -pourquoi toutes ces confidences ? Il n’était en rien obligé de lui divulguer toutes ces informations, personne ne se serait posé de question sur la planète -il n’est pas du ressort des Sergents de se poser des questions, ni de réfléchir, lui avait-on enseigné. Mais c’était une règle dont elle se passait volontiers.
- Depuis deux milles ans, personne n’en ai sorti. Pas même un microbe. C’est un peuple très
spécial (Thrawn insista bien sur le mot), qui sert de geôlier. Un peuple détestable, mais très pratique. Vous jugerez par vous-même, le jugement est la meilleure arme des forts, et l’allégeance est celle des faibles, souvenez-vous. Vous savez qu’une organisation terroriste, la « Légion De La Peur », sème le chaos dans l’Empire…
Thrawn attendit que Shana acquiesce avant de continuer sur le même ton :
- Ils ont peut-être un rapport avec la Rébellion, au moins indirectement. Leur chef est un terroriste soi-disant revenu d‘entre les morts - Ex Nox (sans qu’elle ne sache pourquoi, Thrawn attendit une réaction de sa part -mais le nom de Nox ne lui disait absolument rien.) Il a fait parler de lui il y a une vingtaine d’années… L’objectif prioritaire de l’Empereur est de l’isoler et de le neutraliser. Mais rien n’y fait. C’est là que nous entrons en scène, là le pourquoi de notre voyage.
- Excusez-moi, Capitaine, mais quel est le rapport entre ces… Légions De La Peur et Panoptika ?
- Le rapport s’appelle Phoenix Natazeus. Un ancien membre des services secrets impériaux, mais qui s’est… rebellé, fit Thrawn sombrement. Exilé sur Panoptika, il y pourri depuis seize ans exactement. Il est accessoirement, et c’est là tout son intérêt, le grand ennemi d’Ex Nox. La solution. Il sera libéré en échange de son aide. Il ne reculera devant rien pour le tuer.
Une légère secousse cahota la cabine. Le bourdonnement lointain des propulseur indiquèrent que les moteurs subsidiaires se déconnectaient -le voyage en hyperespace cessa alors et, au-dessus d’une planète noyée dans le frimas, le Vengeance se matérialisa dans l‘espace.