Retour au sommaireChapitre précédentChapitre suivantChapitre V :Anarion, Bordure Médiane, six jours plus tard.« Ils reviennent ! »
Skes se leva d'un bond en prenant son
beskad, et jeta un regard autour de lui. Jef se tenait debout au milieu de la petite clairière où ils avaient passé la nuit, son sabre à la main, scrutant les alentours d'un air nerveux. Skes regarda rapidement autour de lui et vit une demi-dizaine de paires d'yeux verts luisant dans la semi-obscurité, guettant patiemment que leurs proies sortent se jeter dans le piège. Tout en remuant fébrilement son sabre dans sa main, Skes réfléchissait au moyen de passer sans se faire tuer. Les gundarks chassaient en meute et laissaient rarement filer une proie, mais ceux-ci étaient pour le moins tenaces, car ils - elles en l’occurrence, car c'était les femelles gundark qui chassaient - les poursuivaient depuis maintenant quatre jours, à travers cette jungle hostile et sournoise. Pris d'une soudaine inspiration, Jef trancha l'un des arbres les plus gros, au prix de quelques efforts, et le précipita sur la meute. Skes n'hésita pas et profita de la diversion créée pour se frayer un passage entre les bêtes enragées, suivi de très près par Jef qui tailladait tout ce qui approchait de sa lame. Puis ils se mirent à courir à vive allure en direction du cœur de la jungle. Ils n'avaient pas le choix, c'était là-bas qu'ils avaient perdu Scaroc de vue deux jours auparavant. Ils devaient absolument le retrouver. Il n'avait aucune expérience du combat, pas d'un combat aussi sauvage que celui-ci. Mais toute espèce a son instinct de survie, et l'on disait que celui des Chiss était assez développé, alors Jef - et Skes partageait son avis - était certain qu'il avait trouvé un moyen de s'en sortir seul. Eux, ils devaient s'en sortir à deux, slalomant parmi les arbres, tentant de ralentir les gundarks car, malgré la surprise qu'ils leur avaient faite, ces derniers étaient toujours à leurs trousses !
Scaroc scruta la pénombre, essayant de distinguer quelque chose au travers de l'épais feuillage des arbres qui l'entouraient. Il avait réussi à semer le gundark qui le suivait, bien qu'il s'en étonnât toujours. Sa vélocité n'était cependant pas au fait de sa réussite. Il était persuadé que la créature se tapissait, là, dans l'ombre, attendant le moment opportun pour le lacérer et le dévorer. Mais la jungle était tellement dense qu'il ne parvenait pas à distinguer quoi que ce soit. Il aurait mieux fait de rester dans cette clairière où il avait passé la nuit. Les gundarks ne pouvaient y entrer, il n'aurait eu qu'à attendre que les deux autres viennent le chercher, mais il avait fallu qu'il sorte. En effet, si toute la jungle était un labyrinthe d'arbres et de racines, les espaces étaient assez larges pour que les gundarks puissent y passer facilement. Cependant, il existait quelques clairières comme celle où il se trouvait, un peu partout dans la forêt, et qui avaient une caractéristique bien particulière, très loin de la normale. Les arbres étaient bien absents dans ces zones, mais ils formaient également un cercle très serré qui ne laissait pas assez de place pour que les gundarks puissent y pénétrer. Cette anomalie était fort pratique. Il tenait toujours ce sabre que lui avait laissé Stell, et ne s'en séparait jamais, de peur de relâcher sa garde et de commettre une erreur. Il leva les yeux au ciel et n'aperçut que le faible éclat de l'aube au travers du feuillage. Se remettant en marche, il continua d'observer autour de lui, tous ses sens en éveil, guettant le moindre signe du gundark ou de ses compagnons.
Au bout de trois heures, il s'assit mollement sur une souche et contempla son arme. Il n'était pas habitué à ce genre de vie. Pourquoi donc Stell l'avait-il amené ici ? Les deux Mandos s'en sortaient sûrement mieux que lui, même s'il se doutait qu'ils devaient avoir les cinq autres gundarks de la meute aux trousses. Ils savaient se battre avec ces sabres, et même à mains nues, il les avait vus faire lorsqu'ils avaient subi la première attaque. À eux deux, ils avaient mis au tapis quatre bêtes, tandis qu'il restait spectateur, incapable d'esquisser le moindre mouvement. Mais les six autres n'avaient pas lâché l'affaire et s'étaient mis en chasse. Ce fut à ce moment qu'ils avaient été séparés. Il avait vu Skes et Jef courir à toute allure vers la falaise qui menait au vaisseau, mais Scaroc avait été coincé par les gundarks, et forcé de fuir en sens inverse, vers le cœur de la jungle. Il avait survécu tant bien que mal ces deux derniers jours, utilisant les provisions qu'il avait récupérées avant l'attaque, à l'abri dans une des clairières. Mais il était affamé désormais, car les maigres réserves qu'il possédait s'étaient réduites en très peu de temps. Il avait perdu le morceau de nerf en fuyant le gundark, ce qui avait dû aider à le semer, car le nerf était la gourmandise des gundarks dans cette jungle, il avait eu l'occasion de le voir au cours de ces derniers jours, et la créature avait momentanément interrompu sa chasse pour profiter de ce festin inattendu. Mais il était persuadé que l'animal le suivait de nouveau. Quant aux fruits, ils n'avaient pas été très nourrissants. Alors qu'il se relevait, se préparant à continuer, il entendit un grognement sourd derrière lui. Il eut à peine le temps de se retourner qu’il se sentit projeté contre un arbre proche ce qui le sonna momentanément.
Il reprit ses esprits juste à temps pour voir le gundark plonger sur lui, gueule ouverte, ses longues dents prêtes à se refermer sur lui. Scaroc n'hésita pas. Il plongea son
beskad dans cette gueule béante, tuant net la bête. Comme il se dégageait de sous la carcasse du fauve, il entendit les cris qu'il espérait tant. Relevant la tête, il aperçut Skes et Jef, qui couraient vers lui, un grand sourire aux lèvres. Scaroc eut également envie de sourire, mais cette fugace envie disparut aussi vite qu'elle était venue quand il remarqua les trois monstres qui les poursuivaient. Il écarquilla les yeux et se releva d'un bond, son sabre levé en position de défense. Les deux Mandaloriens passèrent à côté de lui en un éclair, et se jetèrent au sol, à l'unisson, tout en sortant leurs sabres. Ils se trouvaient dans la même position que Scaroc quelques secondes plus tôt, et regardaient fixement les gundarks qui chargeaient. Scaroc, lui, resta debout, cette fois-ci, et s'apprêta à participer activement au combat pour la première fois, mais sa prise sur le sabre restait maladroite. L'un des gundarks fonça sur lui, tandis que les deux autres continuaient vers les deux adolescents au sol. Chacun le sien. Ceux de Skes et Jef reçurent le sort attendu, mais lorsque le Chiss tenta de stopper le sien, le sabre mandalorien fut violemment arraché de ses mains, sa prise malhabile et la peur rendant son mouvement inefficace. Le monstre le percuta alors de face, son énorme gueule - fermée heureusement - s'écrasant sur son torse, toute sa masse renforçant la puissance de sa charge. Scaroc eut momentanément le souffle coupé, et fut de nouveau projeté contre l'arbre derrière lui, perdant connaissance.
« Eh bien, vieux, tu as encore fait dans l'originalité ! »
La voix le réveilla brusquement. Scaroc ouvrit les yeux et se redressa un peu. Skes et Jef étaient en train de faire rôtir le plus gros gundark au-dessus d'un feu de camp. Il reconnut aussitôt le sien, celui qui l'avait assommé. Il en comprenait maintenant la raison, ce dernier devait bien être deux fois plus gros que la normale !
« Skes, Jef ! Vous faites un feu ? Mais s'il y avait d'autres gundarks ?
-Hé là, doucement ! Ce n'est pas de cette façon qu'on remercie ses sauveurs, plaisanta Jef. Et puis, ne t'inquiète pas, il n'y en a aucun autre dans le coin.
-Ah ? Très bien... alors... désolé et merci beaucoup. Finalement, vous l'avez eu ?
-Bien sûr, tu nous prends pour qui ? Mais toi, tu devrais te montrer plus prudent. On ne peut pas dire que tu sois très doué avec un sabre, fit remarquer Skes.
- En effet... mais je ne suis pas Mandalorien, moi. »
Il y eu un grand silence, puis Jef éclata de rire. Skes fit un grand sourire et Scaroc esquissa un sourire timide.
«
Su cuy'gar,* Sca ! On t'a vraiment cru perdu seul parmi les gundark, s'exclama-t-il en lui donnant une bourrade virile sur l'épaule.
Su cuy'gar. Scaroc connaissait ce terme, c'était de cette manière que les Mandaloriens se saluaient. Littéralement, cela devait donner
Ainsi tu es toujours en vie, s'il avait bien retenu ce qu'il avait entendu sur Mandalore.
- Aïe, doucement ! On voit bien que ce n'est pas toi qui viens d'être percuté par un gundark !
-T'en fais pas, chuchota Skes en lui tendant la main, en fait, notre ami n'aime pas tellement les retrouvailles trop... formelles.
- C'est ce que je vois, en effet, répondit Scaroc en partageant une franche poignée de mains.
-
Fierfek *! marmonna Jef. Dis donc, tu es quand même salement amoché... Tu t'es vu ?
- Ah, non, non ! Ça, ce n'est pas dû à notre petite mésaventure... Je me suis fait cela dans le crash de mon vaisseau. »
Le Chiss était en effet torse nu, vêtu du simple pantalon que Jef lui avait prêté une semaine auparavant. La poursuite dans la jungle n'avait pas été de tout repos. Les cicatrices datant du crash étaient encore visibles sur son torse et ses bras, auxquelles venaient s'ajouter de multiples écorchures dues aux branches des arbres.
Elles devraient partir au bout de quelques semaines, lui avait dit Ruv, une semaine auparavant. Il devait aussi avoir récolté de belles ecchymoses dans le dos. Il s'étonnait d'être encore en vie après de tels chocs. Mais il était si heureux de revoir les autres que ses blessures lui importaient peu. Ils étaient dans un état déplorable, mais pas autant que lui. Leurs vêtements étaient déchirés par endroits et on pouvait apercevoir de légères coupures qui saignaient encore, mais ils semblaient plutôt en forme, au vu de la situation dans laquelle ils se trouvaient. Leurs sabres étaient posés contre un arbre, celui-là même sur lequel Scaroc s'était écrasé, et ses deux compagnons étaient là, à parler autour d'un gundark en train de cuire, en plein cœur d'une jungle sauvage qui avait failli les tuer durant toute la semaine passée. Il ramassa son
beskad et alla le mettre avec les autres, puis rejoignit les deux jeunes autour du feu. Il avait du mal à les comprendre, ils venaient de passer la semaine à fuir des gundarks, et au lieu de chercher un endroit sûr, ils étaient restés sur place, encerclés de carcasses des créatures, sans même s'abriter dans une clairière. C'était la première chose qu'il aurait faite. Et pourtant, ils ne semblaient pas s'inquiéter outre mesure, alors que Scaroc était toujours en alerte, s'attendant à tout moment à voir surgir une mâchoire de gundark à travers les arbres.
« Comment m'avez-vous retrouvé ? demanda-t-il alors. Vous étiez poursuivis aussi, vous n'aviez sûrement pas trop l'occasion de me rechercher.
-Eh bien, au risque de te surprendre, Jef t'avait vu t'enfoncer vers le cœur de la jungle, et, poursuivi par l'un des gundarks, tu devais trouver un abri dans cette zone. Il nous a suffi de suivre le sentier. »
Scaroc jeta un œil dans la direction indiquée par Skes, et remarqua pour la première fois un sentier qui passait près de leur position et continuait vers le cœur profond de la jungle d'un côté, et vers la falaise de l'autre. Il ne l'avait pas remarqué auparavant, ce qui était certainement dû au fait qu'il était poursuivi, mais son entraînement à l'Académie consistait à repérer tous les détails d'une situation périlleuse pour y remédier, combat spatial ou non. Et il avait manqué à cette règle, trop occupé à fuir. S'il l'avait appliquée, il aurait pu s'y retrouver plus facilement dans sa fuite face au gundark. Mais le danger était passé, désormais, d'après Jef, et il pouvait bien se détendre un peu après cette semaine difficile. Après qu'ils eurent mangé un morceau et repris des forces, Skes déclara :
« Et que fait-on maintenant ? Pour survivre, on a dû s'enfoncer profondément dans la jungle, et si on doit être au vaisseau une semaine après notre discussion avec Stell, on doit y être demain, mais on ne parviendra pas à faire le voyage du retour en une seule journée. »
La réflexion de Skes était on ne peut plus logique.
« Il faut bien commencer quelque part, on ne va pas rester là à regarder l'herbe pousser. Allez debout !
-
Pare sol ! Laisse donc Scaroc se remettre un peu, il a subi un sacré choc, s'exclama Jef.
-Non, ça ira, je peux tenir le coup encore un peu, marmonna ce dernier en se relevant.
-Tu es sûr ? Le retour ne sera pas de tout repos à mon avis, tu devrais te reposer un peu avant de partir.
-Je viens de faire une petite sieste là, je suis en pleine forme, plaisanta le Chiss.
-Si tu le dis, je n'ai pas le choix. On y va. Skes, n'oublie pas ton
beskad. »
Le Mandalorien ne se le fit pas répéter et récupéra son arme avant de se mettre en marche vers la falaise par le petit sentier.
Leur périple du retour fut plus rapide qu'à l'aller, cependant, certainement parce qu'ils ne couraient plus dans tous les sens. Peut-être même qu'ils avaient tourné en rond, la première fois, sans indice pour s'orienter. Ils ne s'arrêtaient pas non plus pendant des heures dans les clairières. En une journée, à leur plus grande surprise, ils avaient atteint l'orée de la jungle sans avoir fait de mauvaises rencontres en chemin.
«
Oya *! fit Skes, en contemplant la falaise qui les surplombait. On y est enfin arrivés, juste à temps pour retrouver Stell. Maintenant, il faut trouver le chemin qui nous avait permis de descendre. On ne va quand même pas escalader dans notre état.
-Je suggère qu'on fasse une petite pause, si cela ne vous dérange pas. On est sortis de la jungle, on peut se permettre un peu de détente, dit Scaroc d'une voix faible.
-Pourquoi pas, nous n'aurons qu'à commencer l'ascension demain. Stell nous attendra bien une journée de plus et puis, tout ceci est son œuvre, après tout. Il ne pourra pas se plaindre de nous.
-Je vais surveiller les alentours, proposa Jef, avant de saisir son sabre et de s'éloigner. »
Scaroc se laissa aller contre le tronc de l'arbre le plus proche. Il était exténué après tous ces événements, comme si le crash n'avait pas suffi, il avait fallu qu'il tombe sur les Mandaloriens. Il commençait à les apprécier, Ruv et les autres, mais c'était avant de venir ici. Depuis son arrivée sur Anarion, il avait souffert comme jamais auparavant, excepté après le crash. S'il restait auprès des Mandaloriens pour subir ce genre de traitement de choc sans arrêt, il n'était pas certain de le supporter bien longtemps. Mais la camaraderie et l'engagement de ses compagnons le rassuraient. Ils l'avaient sauvé, et il ne pourrait pas l'oublier, ni la dette qu'il avait envers eux.
Deux heures plus tard, Scaroc se releva légèrement pour jeter un œil autour de lui. Il venait de faire une courte sieste et était pleinement réveillé. Skes s'était assoupi et Jef n'était pas réapparu, tandis que le soleil se couchait lentement derrière la falaise. Il avait toujours apprécié regarder la lueur du crépuscule, il trouvait ça merveilleux. Mais ce calme après la semaine qu'ils avaient passée était trop beau pour durer. Il entendit le «
Osi'kyr ! » résonner au loin comme un coup de canon. Il avait bien reconnu la voix de Jef, et le bruit d'un déplacement massif qui se rapprochait de leur position.
« Skes, Skes, réveille-toi ! Vite ! »
L'intéressé se releva d'un bond : à l'évidence, il avait le sommeil léger. Il saisit son sabre, imité par Scaroc et ils se mirent à scruter les ténèbres grandissantes devant eux. C'est alors que la silhouette de Jef surgit de l'obscurité et se dirigea en courant vers eux, vite, trop vite ! Scaroc remarqua soudain la forme volumineuse qui le suivait. Lorsqu'il put enfin prendre conscience de quoi il s'agissait, ils en étaient trop proches.
Shab. Il retenait de plus en plus de mots en mandalorien, mais celui-ci était le plus approprié. Comme si les gundarks n'avaient pas suffi, maintenant qu'ils étaient enfin ressortis de la jungle, il fallait tomber sur une bestiole pareille. Scaroc resserra la prise sur son
beskad et sentit Skes se raidir à côté de lui. L'ennemi approchait, et ce qui poursuivait Jef n'allait pas se laisser faire si facilement par les trois amis. C'était la première fois que le Chiss rencontrait cette créature en vrai et il aurait bien aimé s'en passer. Comment allaient-ils battre ce mastodonte ? Le rugissement du fauve retentit alors, puissant, ne laissant aucun doute sur son désir.
Le rancor était en chasse. Et ils étaient les proies.
Lexique : *
Su cuy'gar : Salut (littéralement "ainsi tu es toujours en vie
)
Fierfek : pas besoin de trad ^^
Oya : expression de triomphe