par yoyo2 » Mar 24 Avr 2007 - 23:30 Sujet:
Chapitre 17 : la chambre des éternels
Marka Ragnos, fièrement, marchait dans l’allée des Seigneurs Noirs. Cette vaste pièce, oblongue, était cependant très basse : reposant sur de colossaux piliers flanqués de contreforts, les pesants arcs en plein cintre donnaient un aspect primitif mais massif à l’ensemble, comme si ce couloir avait été creusé à même le roc. Une lumière bleutée, épaissie de poussière, semblait s’écouler des murs, car Ragnos pouvait distinguer les démons sculptés des chapiteaux… Mais il observait de bien plus nobles figures. Il regardait les statues qui l’encadraient : il scrutait tous les Seigneurs Noirs de l’Empire des Sith, figés dans une pose majestueuse de guerrier. Il sentait une puissance, démesurée, envahir son esprit… C’était la puissance de tous ces maîtres du côté obscur, qui nourrissait ses ténèbres d’une constance telle, qu’il avait l’impression de pouvoir la palper. Et plus il s’enfonçait parmi eux, plus en lui croissait cette énergie mystique, qu’il devait canaliser avec fermeté pour ne pas qu’elle le dépasse. Plus il s’avançait aussi, plus il reculait dans l’histoire, et il pouvait ainsi observer, avec un grand intérêt, l’évolution inverse des allures, des armes et des armures. Au fil de sa progression, elles étaient de plus en plus imposantes, et force lui fut de constater qu’elles étaient aussi plus impressionnantes. Il était arrivé suffisamment loin dans le passé, pour voir les traditionnelles épées qu’avaient brandi fièrement, jusqu’à la guerre avec la République, les Seigneurs sombres. A sa grande satisfaction, il ne vit plus de sabres lasers accrochés à leur ceinture. Il avait toujours vu d’un mauvais œil ces lames d’énergie chétives, dont certains prototypes avaient commencé à apparaître à la fin de son règne. Il leur avait toujours préféré les colossales épées Sith, à même de canaliser l’énergie du côté obscur…
Ragnos continuait ainsi à progresser, confrontant les époques, sans manquer de remarquer les plus grands de ses semblables. Soudain, une statue au visage qu’il connaissait bien attira son attention. A sa coiffe caractéristique de son époque, et surtout à son expression intelligente et ambitieuse – que le sculpteur avait reproduite à merveille, il reconnut immédiatement celui qu’il haïssait le plus, pour avoir causer la ruine de l’Empire.
Marka s’avança vers son successeur direct à la tête des Sith, et le dévisagea longuement. Il se rappela, il y a cinq mille ans, comment, à sa mort, ce Sith avait obtenu le pouvoir par ses ingénieuses tromperies. Il se rappela que lui-même l’avait mis en garde contre les luttes internes et sa soif de pouvoir, en vain…
« Naga Sadow, déclara Ragnos avec dédain. Si seulement tu m’avais écouté… »
L’attention de Ragnos fut attirée par un autre Seigneur, juste après Sadow. Bien plus grand que celui-ci, et plus impressionnant encore, le Sith figé dans sa gloire se démarquait des autres, de par son aura de suffisance confiante et de puissance inébranlable. Ragnos s’approcha de lui avec respect et, exactement de la même taille, il respira les ténèbres ô combien familières qu’il émanait.
Pendant de longues minutes, Ragnos s’admira ainsi, à travers ce roc qui immortalisait son siècle de règne. Il se plongea dans son propre regard, que la magie Sith avait rendu quasiment véritable. Il vit toute sa vie défiler, son duel contre Simus pour gagner le pouvoir, puis ses actions et ses manœuvres plus ou moins politiques pour le conserver.
Il posa ensuite ses yeux sur l’énorme épée sur laquelle, avec aisance, les deux larges mains de pierre semblaient s’appuyer, et dont la lame parfaitement perpendiculaire au sol venait effleurer le socle de granit. Les yeux de Ragnos s’allumèrent : la règle voulait que, à sa mort, l’arme la plus puissante du Seigneur Noir soit intégrée à la statue qui le représenterait, dans l’allée des Seigneurs Noirs. C’était d’ailleurs en partie de cette tradition, qui avait transcendé les siècles, que cette voie légendaire tirait sa puissance, dont Ragnos avait senti l’essence couler dans ses veines, dès qu’il y avait pénétré.
Marka décrocha de son dos l’épée Sith standard qu’il avait retrouvée dans la salle du trône, et la jeta par terre avec indifférence. Ses yeux fixaient intensément sa propre épée, bien plus puissante. Avec une certaine émotion, il l’attrapa avec poigne et, comme elle s’était solidement attachée à la pierre de la statue au fil des siècles, il dû l’arracher d’un geste ferme. Enfin, il la retrouvait… Il la saisit à deux mains et, comme il l’avait fait jadis avant chacun de ses combats, il la saisit au dessus de sa tête, son immense lame pointée comme pour un appel. Aussitôt une décharge extrêmement douloureuse lui parcourut le corps, et lui arracha un cri de rage. Il avait oublié à quel point la faculté de canalisation de son arme était développée et, dans cette allée résonnante de puissances, le côté obscur était tel qu’il semblait pulser dans ses veines. L’épée récoltait toute cette haine, des éclairs d’énergie furieuse la parcouraient. Ragnos resta ainsi quelques secondes puis, rassasié de ténèbres, il mit fin au rite. Ravi d’avoir constater que son épée était toujours opérationnelle, il l’accrocha derrière son épaule et, d’une confiance débordante, il reprit son avancée.
Les visages qu’il voyait était de plus en plus étranges, et leur expression de plus en plus brute. Marka Ragnos se rappelait les légendes et des exploits de ceux qu’ils connaissaient quand, émergeant de ses pensées, il s’arrêta soudainement. Devant lui, de part et d’autre d’une porte qu’il n’avait encore jamais franchie, se trouvaient les deux être considérés comme les fondateurs de l’Ordre Sith. A droite, Xendor, qui avait vécu il y a vingt-cinq mille ans, avait une expression complètement effacée par le temps. Les matériaux de la construction de sa statue étaient en effet différents et, n’ayant aucune représentation de lui, les artisans n’avaient pu les rénover.
Ragnos le considéra un instant. Il ne s’agissait pas vraiment d’un Sith, mais il avait été ni plus ni moins que le premier Jedi sombre de toute l’histoire de la galaxie. Marka Ragnos inclina légèrement la tête en signe de respect. C’était cet homme qui était à l’origine du grand schisme des Jedi, qui avait éclaté en une guerre civile d’un siècle, et qui avait conduit à l’exil des renégats. Mais Xendor n’était pas allé jusque là, il avait été tué dans les batailles, et c’était Ajunta Pall qui l’avait remplacé à la tête des Jedi déchus. Ragnos se tourna vers l’autre statue, qui représentait un homme enveloppé d’une cape et d’une capuche. Pall et ses fidèles s’étaient réfugiés sur Korriban, pour échapper à la République, et là ils y avaient découvert une espèce primitive, mais pratiquant une magie tirée du côté obscur : les Sith. Les autochtones considérèrent les renégats comme des dieux, et ceux-ci les asservirent pour débuter la construction d’un Empire, qui ferait trembler toute la galaxie. Ragnos s’inclina à nouveau. Ajunta Pall s’était autoproclamé Seigneur Sombre suite à l’asservissement de Korriban, devenant ainsi le premier Seigneur Noir des Sith. Et ces deux statues, dans une gloire éternelle, faisaient face à toutes les autres et, au bout de l’allée, il semblait qu’elles allaient s’engager, côte à côte, parmi la haie d’honneur des Seigneurs Noirs.
Ragnos observa longtemps les deux piliers de son Ordre, et médita sur leurs actions. Etaient-ils plus grands que lui ? Ils avaient défié les Jedi, certes, et avaient su utiliser le sang des Sith pour fonder leur Empire : et cela méritait toute son estime. Il s’approcha de la statue de Xendor, et constata d’un grattement que le matériau s’effritait. Il secoua légèrement la tête. Ils avaient bâti l’Empire des Sith, mais ce n’était certainement pas eux qui le relèveraient. Une exclamation de suffisance lui échappa. C’était lui qui avait réussi à revenir d’entre les morts, lui seul, parmi tous ces monarques. L’avenir des Sith reposait entièrement sur ses épaules, et face à cette constatation les exploits du passé importaient peu. Marka eut un geste vague à cette pensée. C’était bien vrai : aussi puissant qu’ils aient été, Xendor et Ajunta Pall étaient des hommes du passé ; lui seul incarnait l’avenir… Fort de sa vérité immuable, Ragnos s’approcha de la porte, encadrée par les deux doyens. Cela faisait longtemps qu’elle n’avait pas été ouverte, une épaisse couche de poussière la recouvrait. Ragnos la balaya de ses mains, et observa des ornements qui, bien qu’oblitérés, étaient encore visibles. Ils représentaient des scènes de bataille, sans doute issues du Grand Schisme.
Marka n’en apprit pas plus, et de sa paume il épousseta la partie supérieure centrale de la porte. Un large sourire apparut sur ses lèvres. Il effleura doucement les symboles usés gravés sur la porte, puis il recula d’un pas. Dans l’excavation où se trouvait l’entrée, il chercha du regard la commande d’ouverture. La retrouvant sous un voile de particules déposées au fil des ans, il plaqua sa main contre une espèce de dalle hérissée de très courtes épines de métal. Il appuya ses doigts effilés contre les extrémités -encore pointues malgré le temps , qui s’enfoncèrent dans sa peau basanée. Le mécanisme était en fait imprégné du côté obscur, et savait reconnaître un Seigneur Noir s’il goûtait son sang… «s’il est toujours en état de marche », grogna Ragnos. Tandis qu’il sentait son sang être aspiré, il lut les inscriptions gravées : Il n’y a pas de douleur, il y a la Force.
Il s’agissait d’un extrait du Code Sith, l’un des seuls en commun avec celui des Jedi. Marka sourit à cette pensée : de toute façon, la douleur qu’il ressentait en ce moment était bien trop insignifiante pour qu’il recoure à la Force. Seul cet horrible bruit de succion le révulsait.
Au bout de moins d’une minute, le son caractéristique d’une sécurité qui se déverrouille résonna dans la pierre. Ragnos retira brusquement sa main ensanglantée, et observa la porte. Très lentement, les deux lourds battants s’ouvrirent vers l’extérieur, faisait chuter dans leur roulement sourd un amas de poussières.
Ragnos inspira très profondément, en devinant dans la pénombre la pièce circulaire. Se forçant à rendre sa marche moins arrogante, il pénétra cependant sans hésiter dans le lieu le plus sacré de l’Ordre Sith : la Chambre des Eternels…
Marka Ragnos avança dans l’obscurité complète, sans détourner la tête de l’endroit qu’il devinait être le centre. Tout autour de lui, il sentit à travers la Force des présences très vagues, comme éloignées, endormies. Il s’arrêta après avoir atteint le milieu de la pièce, essayant de distinguer quelque chose. Ayant déjà vécu l’expérience qui l’attendait, il calma son esprit avant de déclarer fermement, d’une vois amplifiée par la résonance :
« Me voici, Marka Ragnos »
Il ferma ensuite les yeux, et laissa la Force qui imprégna subitement cette endroit couler en lui. Il se sentit alors traverser par un courant, qui circula dans son sang, jusqu’au bout de ses membres… Partout en son être, il perçut des puissances incroyables, qui s’agitaient furieusement, répandant la souffrance dans toutes ses artères. Son esprit même fut atteint par une vague de douleur atroce, comme si ils cherchaient à l’éprouver. Il se força à rester droit quand le fluide guérit sa main meurtrie… en la cautérisant avec la douceur d’un sabre laser. Le Sith savait qu’il subissait une analyse, pour sa crédibilité il se devait de ne montrer aucune faiblesse. Il ne broncha pas, même lorsque l’intensité des forces, devenue tellement puissante, l’empêcha de soulever sa cage thoracique. Alors qu’il commençait à manquer d’air, et qu’il sentait ses autres muscles s’affaiblir à chaque seconde, Ragnos se sentit brusquement libéré. Le fluide disparut dans la Force aussi subitement qu’il était apparu, se dispersant en une multitude d’éclats partout dans la salle.
Il avait réussi, il le savait, et un message psychique le lui confirma. Ragnos redressa le menton, et lança avec assurance :
« Ajunta Pall, Dark Bane, Dark Andeddu, Naga Sadow, Ludo Kressh, Freedon Nadd et Exar Kun, j’en appelle à vous ! »
Au fur et à mesure qu’il prononça les noms, des spectres transparents apparurent, d’une clarté bleutée qui lui révéla le lieu où il se trouvait. C’était une pièce en forme de demi-sphère, quoiqu’un peu plus haute que large. Contrastant avec l’Allée des Seigneurs Noirs, elle était bien plus spacieuse et moins étouffante ; et si la lumière avait été un peu plus vive, Ragnos aurait pu admirer la splendide fresque qui ornait la magnifique voûte octopartite. Il aurait ainsi remarqué que nombre d’événements marquants de l’Histoire Sith y figuraient, notamment son duel avec Simus. En outre, il aurait vu la signature (un « D » entrecroisé d’un « L ») qui se taillait la part belle de l’ogive massive, et en aurait déduit (car lui aussi était intrigué par la différence flagrante entre cette architecture et celle de l’allée) que la Chambre des Eternels avait été reconstruite -ou du moins totalement rénovée- par Dark Lefpi, le Sith le plus artiste de l’histoire. Mais la faible lueur des centaines d’holocrons n’étaient pas suffisantes pour lui révéler ces merveilles architecturales ; elle lui permettait tout juste de se savoir au milieu de la salle, entouré de gradins qui s’élevaient au fur et à mesure qu’ils s’éloignaient du cercle centrale. Lévitant au-dessus, à des degrés différents mais tous face à Ragnos, six revenants se matérialisaient, d’une clarté plus ou moins nette.
Marka inclina la tête, et commença d’une voix -faussement- chargée de nostalgie.
« Merci d’être venu. Cela fait si longtemps…
_Nous avons répondu à ton appel », répondit un esprit enveloppé d’une simple cape. Il était le seul à ne pas porter d’armure, et son expression était la plus calme, la plus impassible. Ses mains, croisées dans ses longues manches pendantes, ajoutaient à son allure léthargique. Sa voix également était nonchalante, mais d’une nonchalance en réalité étudiée, plus solennelle qu’indolente :
« Nous espérons que la venue d’un authentique Seigneur Noir tel que toi lèvera le voile nébuleux, sous lequel dorment depuis trop longtemps les Sith.
_ Je vous remercie de cet accueil. »
Un Sith au visage sournois et au sourire vicieux, au crâne nu où ressortait le relief de larges veines, grogna. La colère brillait sans ses yeux, et son état de fantôme atténuait à peine son expression hypocrite. C’était bien sûr Naga Sadow, dans une magnifique et lourde armure de guerre (la même qu’il avait porté, cinq mille ans avant, lors de sa guerre contre la République). Son spectre était certainement le plus lumineux de tous, témoin de sa présence encore importante dans la Force. Malgré cela, ses contours vaporeux et l’uniformité monotone de la couleur –un bleu pâle et livide- empêchaient de distinguer les détails de son équipement. Néanmoins, l’énorme pierre précieuse, incrustée dans un large motif sur le devant de sa cuirasse, rappelait l’opulence dans laquelle vivaient les Sith à l’époque de Sadow ; il avait d’ailleurs allégué cette décadence à sa volonté belliqueuse, affirmant que l’Empire végétait et mollissait de ne plus conquérir de nouvelles terres. Il avait été l’un des prétendants à la succession de Ragnos, et avait souhaité assujettir de nouveaux mondes – ce qu’il ne savait pas encore être la République.
Quoiqu’il en soit, il vit d’un mauvais œil le retour de son prédécesseur à la tête de l’Empire. Crainte, peur que ces plans machiavéliques –car Naga Sadow manigançait toujours des plans machiavéliques, même après sa mort-, peur donc que ses plans soient compromis, ou simple rancune ? Ragnos s’interrogeait, lorsque Sadow maugréa :
« de quel droit viens-tu troubler notre repos ? »
Marka s’attendait à une pareille réaction.
« Mais du droit que me confère le titre de Seigneur Noir, Sadow. L’heure est grave, et la survie de notre ordre est menacée.
_Marka Ragnos, déclara Naga Sadow sur un ton hostile, le corps où ton esprit réside n’est pas le tien. Comment as-tu fait pour réussir un rite que personne d’autre n’a…
_La magie Sith a toujours été la spécialité de Seigneur Ragnos, coupa Ludo Kressh avec une pointe d’admiration dans la voix. Maître, cela fait si longtemps que j’attends votre retour…
Ragnos accueillit avec un hochement de tête le soutien de Kressh. Ce Sith aussi avait été un des aspirants au trône, laissé vacant lors de la mort de Ragnos… Portant également une armure, il revêtait par-dessus une longue robe de cérémonie, celle qu’il avait entre autre portée lors des rites funéraires de Marka Ragnos. Il était en outre coiffé d’un haut casque, et de la face avant inférieur, au niveau du front, trois hautes cornes s’élançaient, deux de chaque côté arrondies à la base, et une autre au centre, plus courte, cerclant une gemme. (Elle avait sans doute dû être magnifique par le passé, mais désormais elle n’échappait pas au bleu livide et homogène de tous les fantômes Sith).
Fervent admirateur de Marka, Kressh était très conservateur, et s’était opposé dès le début aux projets guerriers et ambitieux de Sadow.
Ragnos considéra ces deux Sith qui, à sa propre mort il y a cinq mille ans, s’étaient déchirés pour l’héritage de son pouvoir. L’un était traditionaliste, l’autre progressiste, et Kressh et Sadow n’avait jamais partagé qu’une haine viscérale et réciproque…
Lors de leur duel, Ragnos était revenu sous forme spectrale, pour les mettre en garde contre leurs stériles querelles, et pour leur conseiller l’union face aux menaces extérieures à l’Empire de Korriban. Marka grinça des dents…Sadow ne l’avait pas écouté. Suite à de nombreuses manipulations politiques, il avait réussi à s’emparer du titre de Seigneur Noir, et avait provoqué le plus grand affrontement qui ait jamais eu lieu dans la galaxie : la Grande Guerre de l’Hyperespace, menée par les Sith contre la République. Mais Sadow avait fini par être défait, et ses quelques fidèles survivants avaient péri lors de son retour dans l’espace Sith, où Kressh lui avait tendu une embuscade. Tout l’Empire Sith s’écroula à ce moment, et tandis que Ludo Kressh périssait dans une dernière fourberie de son ennemi juré, Sadow s’enfuyait sur Yavin IV…
Tandis que Ragnos retenait ses regards noirs à Sadow, le grand Ajunta Pall reprit la parole :
« nous aimerions beaucoup entendre le récit de votre retour… »
Marka narra alors le hasard par lequel Sidious avait retrouvé son holocron, dans lequel son esprit était alors endormi. Il évoqua le combat des quatre Jedi face à l’Empereur, la perturbation dans la Force qui l’avait réveillé, puis raconta comment il avait pris possession du corps d’Agen.
« …C’est ainsi que je suis revenu. »
Un silence se fit suite à son histoire, puis Sadow demanda d’une voix soupçonneuse :
« Si tu maîtrisais déjà de telles pratiques de réincarnation pendant ton règne, pourquoi ne pas nous les avoir enseignées ?
_Parce qu’il perdait déjà assez de temps à déjouer tes mesquineries politiques, répliqua Dark Andeddu. »
Ragnos se tourna vers celui qui, juste avant lui, avait porté la couronne du Seigneur Noir. Son armure était tout aussi imposante que celle des autres, mais comportait très peu de fioritures décoratives. Andeddu était grand, et avait toute les caractéristiques physiques du guerrier Sith. Même s’il était réduit à cette situation spectrale, on devinait toujours le puisant et musclé combattant, au regard sévère et dur. Il n’avait jamais été son maître, mais c’était lui qui avait véritablement découvert le potentiel de Ragnos, en lui apprenant les rouages du pouvoir. Andeddu l’avait senti prédestiné à le succéder sur le trône, se rendant bien vite compte d’ailleurs qu’il était encore meilleur que lui. Ragnos sourit intérieurement. Il n’avait même pas eu le temps de tuer Andeddu, que lors de son accident mortel sa nomination à la tête de l’Empire s’était imposée. Mais même si Ragnos s’estimait supérieur, la sagesse que lui avait enseignée Maître Andeddu lui avait été précieuse, et c’était pour cela qu’il l’avait appelé aujourd’hui.
Il reprit, impassible :
« Le plan que j’ai élaboré commence à se mettre en place : il a pour but de ressusciter littéralement notre glorieux Empire.
_Ressusciter ? » s’indigna Dark Bane, un homme robuste, avec de larges cernes noirs sous les yeux soulignant son expression de brutalité.
Dark Bane avait vécu quatre mille ans après Ragnos, et sa conception des Sith était légèrement différente. Son allure aussi. Sa mâchoire carrée et ses traits brutaux dissimulaient bien une intelligence vive et une grande perspicacité. Néanmoins, il était le seul dans cette salle à ne pas avoir connu la grande époque des Sith, avant la Grande Guerre de l’Hyperespace, et de ce fait il avait beaucoup de mal à juger un Sith issu de cet âge d’o.
Sidious et Vador étant ses héritiers sur de longues générations, il s’indigna :
« Il n’y a nul besoin de le ressusciter !
_Que voulez-vous dire, s’étonna Ragnos.
_N’avez-vous pas senti les perturbations dans la Force ? L’ordre des Jedi s’est éteint, et l’intensité de leur essence même s’affaiblit chaque jour davantage. Le Côté Obscur n’a jamais été plus puissant que maintenant… »
Les autres Sith paraissaient moins convaincus. Ragnos, lui, ne comprit pas tout de suite de quoi parlait Bane. Lorsque la réponse évidente le frappa, il ne put retenir une exclamation de mépris :
« Vous n’êtes pas sérieux, j’espère ?
_Au contraire, et les faits sont de mon côté. Là où votre Empire a toujours échoué, ma règle a porté ses fruits : et aujourd’hui, alors que toutes les armées de Sadow n’y sont pas parvenues, Dark Sidious et Dark Vador se sont emparés de la République. C’est notre victoire… »
Ragnos sentit monter la colère. Il la connaissait, cette « règle » que Dark Bane avait instauré, alors qu’il y a mille ans l’ordre Sith avait été de nouveau proche de l’anéantissement complet. « Un maître, un apprenti », stipulait-elle, afin d’éviter les lutes internes de pouvoir, qui avait toujours causé la ruine de l’Empire. Marka Ragnos avait appris l’existence de Bane seulement ces derniers jours, en étudiant les artefacts des tombeaux. Il avait accompli de grandes choses, mais l’édification de cette loi n’en faisait selon lui pas partie. Il contint la révulsion que lui inspirait ce dogme ridicule, et resta stoïque :
« Vous appelez ça une victoire… Deux Jedi déchus prennent le contrôle, et vous appelez ça une victoire…
_Je ne vois que ça comme conclusion objective, renchérit Bane avec un éclair de défi dans l’œil.
_vraiment… Ainsi donc, vous considérez que ces deux hommes, qui n’ont jamais mis les pieds sur Korriban, qui n’ont jamais respecté nos traditions et qui seront effacés de l’histoire d’ici quelques décennies, sont préférables à l’instigation d’un nouvel Empire, fort et puissant, qui clamera lui haut et fort le nom de Sith ?
_Nous pourrons…
_ Vous ne pourrez rien du tout, coupa Ragnos, car Sidious est terrorisé par nos véritables valeurs. Nos règles, nos coutumes et notre Code l’indiffèrent : seule son propre pouvoir l’intéresse.
_Parce que vous êtes motivé par autre chose ? »
Ragnos savait qu’Ajunta Pall lui poserait cette question…. Il lui avait aussi préparé une réponse :
« Le véritable problème n’est pas là : par le pouvoir de Sidious, vous n’obtiendrez rien, si ce n’est sombrer davantage encore dans l’oubli ; tandis qu’à travers le mien, vous retrouverez le vôtre, et ensemble nous rebâtirons l’avenir ! »
Freedon Nadd, qui s’était tu jusque là, poussa un rictus ironique, gardant toujours la tête baissée, masquant ainsi son visage. Ragnos savait pourquoi ; il savait pourquoi son fantôme était plus faible que les autres, pourquoi ses contours étaient très indistinct, et pourquoi son rire sonnait creux…. Il savait pourquoi l’esprit de Freedon Nadd était proche du néant. Pourtant le fantôme gardait, du moins pour l’instant, une certaine prestance dans son armure, qui tranchait singulièrement avec celle des autres. Elle était celle des souverains d’Ondéron, dont Nadd avait été le Roi il y a bien longtemps.
D’une voix très sèche et à peine audible, comme s’il eût été sur le point de s’éteindre, il parla avec difficulté :
« Regagner ma force à travers le pouvoir d’un mortel… J’ai déjà monté un plan semblable… Qui provoqua la Grande Guerre des Sith, et… »
Nadd se redressa pour dévoiler son visage, où plutôt son crâne, car plus un seul lambeau de chair n’y était attaché. Ragnos fronça les sourcils ; même s’il ne s’agissait que d’une vision, le spectre d’un Sith reflétait sa puissance dans la Force. Celui de Freedon était vacillant, et dans ses orbites vides régnaient seul un néant absolu. Quand le fantôme reprit la parole, Marka put y lire la peur, terrible et dévorante, de ce gouffre de ténèbres au bord duquel l’esprit de Nadd chancelait.
«.. et me valut presque l’anéantissement complet. J’ai mené Exar Kun sur les voies du côté obscur, dans le but de me réincarner au travers de ses pouvoirs. Et vous savez ce qu’il m’en a coûté ».
Ragnos s’en souvenait bien, en effet, puisqu’il avait par la suite lui-même sacrer Seigneur Noir Exar, sous forme spectrale (grâce au pouvoir d’une amulette). Ce Jedi déchu avait détruit l’esprit de Nadd, pour régner seul sur les Sith et les guerriers massassis de Yavin IV. Marka avait toujours une profonde estime pour Kun, qui avait été l’un des plus violents et puissants guerriers parmi tous les Seigneurs Noirs. Mais il avait fini par échouer face aux Jedi… Ragnos leva soudain la main en direction de Nadd :
« Attendez… Pourquoi Kun n’est pas ici ?
_Parce qu’il n’est pas mort, ricana Nadd ».
Marka fut frappé de stupeur, mais face au stoïcisme de ses interlocuteurs il devina une nuance :
« Voulez-vous dire qu’il est vivant ?
_Le terme est un peu… fort, railla Freedon.
_A vrai dire, poursuivit Ajunta Pall, il a réussi à utiliser les secrets laissés par Sadow sur Yavin IV, pour enfermer son âme dans les pyramides canalisant le côté obscur. Il a ainsi survécu, laissé pour mort par les Jedi il y a plus de quatre mille ans…
_Quatre mille ans, répéta Ragnos en réfléchissant. Et quel stratagème a-t-il en tête ?
_Nous l’ignorons, répondit Dark Andeddu. Il est resté muet à tous nos appels.
_Nous devrons donc compter sans lui, conclut Marka, d’un geste d’impatience.
_Marka Ragnos, dit Sadow, et si vous nous exposiez tout de suite votre plan, plutôt qu de rester à ressasser le passé ?
Car c’est bien pour là que vous êtes là, n’est-ce pas ?
_En effet… »
Ragnos prit une profonde inspiration : un des moments clefs de son plan était arrivé. S’il n’arrivait pas à être convaincant, tout était perdu.
« Contrairement à ce qu’on pourrait penser, commença-t-il, le contrôle de la galaxie n’a jamais été aussi facile à obtenir que maintenant. Et ce pour une raison bien simple : au plus fort de notre règne, la République était protégée par des milliers de Jedi. Aujourd’hui, il n’en reste plus assez pour remplir cette salle.
_Venez-en au fait, s’impatienta Sadow.
_Coruscant n’a donc jamais été aussi vulnérable que maintenant.
_Je rappelle à Maître Ragnos, rétorqua Dark Bane, que l’époque où nous pouvions nous lancer en guerre contre la Capitale est révolue.
_Evidemment, répondit Ragnos avec un geste de mépris. Je parle d’une attaque insidieuse.
_Insidieuse, répéta Bane en croisant les bras.
_Parfaitement. Nous n’avons jamais tenté, par le passé, de forcer une ascendance sur le Chancelier suprême –aujourd’hui Empereur. Et pour cause, nous émanions bien trop d’énergie pour que les Consulaires Jedi ne nous démasquent pas. Mais aujourd’hui, ils ne sont plus là pour nous barrer la route.
_Vous semblez oubliez, remarqua Bane, Sidious et Vador…
_Exact, coupa Ragnos. Sidious et Vador, voilà les deux seules figures capables de repousser nos tentatives de contrôle psychique.
_Ce qui nous conduit à une impasse, railla Bane, qui était fermement décidé à discréditer Ragnos auprès des autres Sith. Les « deux seules figures capables de repousser nos tentatives de contrôle psychique » sont justement les deux qui détiennent la galaxie au creux de leurs mains…
_ Il est vrai que Sidious serait difficile à « convaincre », et comme je suis devenu l’ennemi numéro un de l’Empire j’aurais encore plus de mal à l’approcher… Et c’est précisément dans ce but que Vador servira. J’ai senti de la confusion lors de mon combat avec lui, et je ne doute pas de pouvoir le persuader de m’emmener jusqu’à Sidious. »
« Un moment, objecta Ajunta Pall, qui s’était contenté d’écouter attentivement jusqu’à maintenant. » Il n’avait pas bougé, son visage toujours caché par sa capuche. Ragnos détestait de pas pouvoir considérer le visage d’un interlocuteur, car il était très habile pour y déceler les moindres tiques dénotant un quelconque sentiment.
« Seigneur Pall ? »
Ragnos masqua son inquiétude. Ajunta Pall était, avec Sadow, celui qu’il jugeait le plus perspicace et le plus vif d’esprit. Or, parce qu’il avait sans doute lui-même quelque plan étrange en tête, Sadow s’était d’emblée opposé à lui. En revanche, Ragnos avait compté sur le soutien d’Ajunta, et il craignait que celui-ci ait découvert la faille…
Pourtant, il se contenta pour l’instant d’une simple remarque :
« Seigneur Ragnos, d’après vos paroles, vous seriez capables de réaliser sans aide extérieure tous vos dessins. En quoi intervenons-nous dans vos plans ?
_A vrai dire, répondit Ragnos soulagé, vous ne m’auriez été d’aucun secours, si j’avais encore à ma disposition mon sceptre d’Akuma. Avec lui, j’aurais sans nul doute pu décupler suffisamment mon pouvoir de persuasion, afin de m’assurer les services de Vador. Malheureusement, vous savez comme moi où il se trouve…
_… Dans le labyrinthe aux reliques, conclut Ajunta, qui comprit soudain où Ragnos voulait en venir. »
Le Labyrinthe était un lieu plus secret encore que sacré, où étaient entreposés les plus puissantes armes, les plus mortels artefacts, et les plus sombres parchemins ayant appartenus à chaque Seigneur Noir. A la mort du Sith suprême, jusqu’à deux objets du défunt pouvaient être apportés dans le Labyrinthe. Afin de garder secret l’emplacement de cet endroit, les massassis qui transportaient les reliques étaient les mêmes qui, le jour suivant, étaient sacrifiés lors de l’inhumation. Quant à tous les autres qui, par intention ou par hasard, découvraient les plans cachés du Labyrinthe dans le Palais de la capitale Ziost, ils étaient immédiatement condamnés à mort. C’est ainsi qu’était gardé secret l’emplacement de ce lieu mystique, et le sang qu’il répandit lui valut bientôt le nom de Labyrinthe des Morts. Certaines légendes Sith racontent que ce surnom est dû aux malheureux qui, n’ayant pas eu la chance d’être exécutés par leurs semblables suite à leurs découvertes, se sont aventurés dans le Labyrinthe : corrompus par l’énergie mystique de ce lieu, ils en seraient restés prisonniers pour l’éternité. Maintenus entre la vie et la mort par une puissante magie, ils erreraient dans les couloirs du labyrinthe, condamnés à protéger les trésors qu’ils ont tentés de piller.
«C’est cela même, reprit Ragnos, le Labyrinthe aux reliques. Je souhaite que vous m’en révéliez l’emplacement. En outre, vous savez tout comme moi que pour y accédez, un Seigneur Noir a besoin de l’approbation d’au moins trois autres Sith de la Chambre des Eternels. Et c’est pour ça que je suis là. »
Il s’arrêta une seconde, mais préféra tout demander d’une seule traite :
« de plus, j’aurais besoin du Collier D’illusions de Sadow, ainsi que de sa bague de Contrôle »
Sadow ouvrit de grands yeux. Il retroussa ses lèvres en une moue de dédain, et son visage anguleux se roidit :
« Vous pensez vraiment que nous allons accepter ? »
Il secoua la tête.
«… que je vais accepter ?
_A vrai dire, trois voix me suffiront pour passer l’entrée, ainsi que pour déverrouiller le coffre qui détient tes artefacts.
_Seigneur Ragnos, demanda Andeddu, j’ai bien compris à quoi vous servirait le Collier d’Illusions. Mais la bague ?
_Il est évident qu’il cherche à renforcer son pouvoir, gronda Bane.
_Pas exactement. Elle me servira à lire avec aisance dans les pensées de Sidious, ce qui nous permettra de prévenir un éventuel soulèvement de sa volonté, une fois que nous le posséderons. »
Sadow poussa un rictus arrogant.
« Ainsi, le grand Marka Ragnos s’abaisse à demander l’aide de Naga Sadow ?
_Je ne remets pas en cause tes dons de magiciens », répondit Ragnos. Il ajouta avec froideur :
« simplement, ils ne t’ont pas empêché de détruire notre civilisation. »
Sadow ravala sa hauteur.
« Les ténèbres t’emportent ».
Puis, comme rassuré, il retrouva son ardeur. Avec un sourire mesquin, il plaqua sa main contre son front :
« que m’arrive-t-il, s’écria-t-il d’une voix volontairement mièvre. Je sens que ma mémoire défaille, car la formule qui permet l’accès à la bague de contrôle m’échappe soudain… »
Ragnos saisit l’occasion. Il étendit le bras devant lui, et d’un geste fort éloquent il exécuta un mouvement latérale majestueux, comme pour balayer la remarque puérile de son détracteur.
« Ce n’était qu’un atout, pas une nécessité. Et le coffre dans lequel se trouve le Collier des Illusions peut, lui, être ouvert avec l’autorisation de n’importe quel Seigneur Noir. »
Tandis que Sadow affichait un étrange sourire, Ragnos se tourna vers les autres fantômes :
« si ces esprits ont conservé un tant soit peu de clairvoyance, je ne doute pas qu’ils acceptent, après ce que j’ai à leur dire, de m’aider dans mon entreprise.
_Expliquez-vous, s’enhardit Freedon Nadd, que la crainte de l’anéantissement rendait favorable à n’importe quelle proposition.
_La chose est fort simple, répondit Ragnos. Vous ne pourrez pas espérer de réincarnation sans mon aide, et je ne peux accéder à mon sceptre sans la vôtre. Vous avez besoin de moi et moi de vous. »
Le zabrak baissa le bras :
« Révélez-moi l’accès au Labyrinthe, et en contrepartie je m’engage, une fois ma puissance retrouvée, à vous trouver à chacun un hôte réceptif à la Force.
_Quand bien même vous nous procureriez des corps susceptibles de nous accueillir, s’enquit Freedon Nadd, il faudrait également que vous vous chargiez d’une partie du rite. »
Ragnos approuva :
« bien entendu… Le pouvoir d’Akuma me permettra de vous donner à chacun la source d’une nouvelle vie, et…
_…Il y a deux détails cependant qu’il vous reste à expliquer, coupa Bane, sceptique. Premièrement, où comptez-vous trouver ces êtres à même de supporter notre ascendance ? Vous semblez oublier que les Jedi sont morts, et le corps de Sidious ne supporte déjà que trop mal son propre pouvoir…
_…Ce qui nous laisse une option, conclut Marka : partir à la recherche d’adeptes sensibles à la Force, et à celle des Jedi survivants.
_Le plan de Seigneur Ragnos n’est pas sans risque, mais il reste réalisable, soutint Ludo Kressh. »
Ragnos se tourna vers ce soutien auquel il s’attendait. Aujourd’hui encore, Kressh semblait encore capable de lui obéir presque aveuglément.
« Il reste un problème. »
Ragnos regarda Naga Sadow. Ses yeux brillaient de rancœur. Le relief de ses veines quasiment saillantes vibrait de fureur sous sa peau diaphane, et une grimace de rage impuissante accentuait son expression vengeresse. Malgré tout, force fut de reconnaître à Ragnos que, parmi tous les autres Sith, c’était celui qui avait la plus grande émanation dans la Force.
« En effet, poursuivit l’instigateur de la Grande Guerre de l’Hyperespace, comment pouvons-nous être sûrs que vous reviendrez, après avoir pénétré dans le Labyrinthe ? »
Le moment qui pouvait être fatidique venait d’arriver. Ragnos vit que tous les autres regards lui posaient la même question. Feintant d’être touché dans sa dignité, il en profita pour rappeler à tous qui il était…
« Qui es-tu, commença-t-il sur on ton tranchant, pour mettre en doute ma parole ? J’ai passé ma vie à diriger mon Empire, en étendant ses frontières jusqu’aux limites de la République ! »
Marka gonfla sa poitrine musclée, tandis que sa cuirasse, lentement et majestueusement, se soulevait et s’abaissait au rythme de son souffle puissant.
«Les Sith ne furent jamais plus puissants qu’au terme de mon siècle de règne, poursuivit-il en étendant le bras, je les ai menés jusqu’aux sommets de la Gloire et du Pouvoir. Ziost était plus riche que jamais, et ma domination n’avait pas d’obstacle… »
Il leva le poing en l’air, écartant sa cape d’un revers persuasif :
« aujourd’hui, je me réveille pour prendre à nouveau la tête de l’Empire, et je le conduirai jusqu’à un nouvel âge d’or ! »
Bafouant toutes les traditions Sith ancestrales, Ragnos franchit le cercle où il se trouvait, et entreprit de monter les gradins où reposaient les holocrons. D’un pas vif et assuré, il s’approcha de Sadow incrédule, et vint se planter devant lui. Il le toisa de toute sa hauteur, et le pointa d’un index menaçant :
« quant à toi, tu n’es rien d’autre qu’un fourbe opportuniste, tu as récupéré par tes sournoiseries le trône que j’avais conquis par l’Honneur. A toi seul, tu as causé la ruine de tout ce que j’avais bâti. »
Ragnos se tut quelques instants, restant dressé face à Sadow. Il croisa les mains derrière son dos, et se pencha avec un sourire méprisant :
« tu es le maillon faible de la chaîne. »
D’un geste, Ragnos balaya la figure immatérielle de Sadow, pire affront qui puisse être fait à un Sith. Puis il tourna les talons, et tandis que l’image de Sadow sidéré se reformait il déclara :
«Tu n’es pas digne de porter le titre de Seigneur Noir. »
Fort de l’étonnement général, Ragnos descendit les marches, et se plaça à nouveau dans le cercle, face au concile de fantômes. Les Sith semblaient avoir plutôt été impressionnés par son courage, mais Sadow ne l’entendait pas de cette oreille :
« sacrilège, vociféra-t-il, blasphème ! Comment oses-tu enfreindre nos lois les plus sacrées ! »
Ragnos leva la tête impérieusement :
« Silence, vermine ! Etre de cher et de sang, je n’en conserve pas moins mes privilèges que me valent mon ancien et présent titre de Seigneur Noir ! Tu n’as pas plus d’autorité sur moi que lorsque je t’avais sous ma coupe. »
Marka plissa ses yeux noirs. Décuplant son éloquence, sa colossale et magnifique stature contrastait avec l’état flou des fantômes. Que ce soit par sa splendide armure noire, sa souple cape écarlate, son ténébreux casque ciselé de mille et uns symboles inquiétants, ou plus particulièrement encore son insigne rouge sang témoignant du titre suprême de Seigneur Noir des Sith, la fierté grandiose de Ragnos, débordante de vie, jurait singulièrement avec le mort et morne orgueil des fantômes, translucide d’oubli.
« L’autorité des morts ne prévaut pas sur celle des vivants ».
A cette phrase impudente, un virulent débat s’engagea parmi les spectres.
« Ils mériteraient d’être enfermé dans la Pierre des Ames, criait Bane sans pourtant oser regarder Ragnos.
_Il ne nous aidera pas s’ils nous estime inférieurs, renchérissait Nadd.
_Pourtant, rétorquait Kressh, sa témérité pourrait accomplir à nouveau de grandes choses…
_Marka Ragnos est orgueilleux, approuvait Ajunta Pall, pas fou. Il sait que l’aide de Seigneurs Noirs serait précieuse…
_…Il la méprise pourtant, maugréait Bane… »
Pendant plusieurs minutes, les monarques débattirent ainsi, et ils semblaient avoir complètement oublié la présence de Ragnos. L’un d’entre eux ne le quittait pas des yeux cependant, et restait silencieux. C’était Naga Sadow. Il maintenait son regard sur Ragnos, frémissant de rage et d’indignation. Marka soutint sans vaciller sa colère muette, et la lui rendait bien. Mais alors qu’ils s’observaient avec défiance, une lueur d’étonnement traversa l’espace d’un instant le visage de Naga Sadow. Ragnos n’en comprit pas la raison, mais aussitôt la figure du spectre s’assombrit d’une jouissance étrange, ce qui ne présageait rien de bon.
« Ragnos n’a toujours pas répondu à ma question, s’exclama finalement Sadow, masquant sa rancœur. Comment pouvons-nous être sûr qu’il reviendra du Labyrinthe ?
_Tenez-vous vraiment à remettre ma parole en cause , répondit Ragnos, surprit que Sadow prenne le risque d’être ridiculisé à nouveau.
_Non pas, s’enquit le spectre en inclinant la tête avec une condescendance malveillante. Je voulais simplement vous donner le moyen de vous assurer ma voix et, à n’en pas douter, celle des autres.
_Je vous ai déjà donné mon point de vue là-dessus, riposta Ragnos.
_Cependant, ajouta Bane, vous mettriez ainsi un terme aux derniers doutes qui planent sur votre volonté réelle. »
Ragnos commençait à s’impatienter de ce jeu ridicule, et cette fois-ci son irritation n’était pas feinte :
« Je suis las de tout ceci, et je languis de votre réponse. Concertez-vous, et sachez que je n’ai pas d’autre garantie que ma parole.
_Je vois, déclara Sadow qui semblait satisfait. »
Le fantôme se tourna vers ses semblables.
« Seigneurs, si vous le voulez bien, je demande que ceux qui le souhaitent se retirent quelques instants pour délibérer.
_Su vous le souhaitez, répondit Pall… Seigneur Ragnos ?
_A votre guise.
_Bien. Nous reviendrons dans un instant. »
A ces mots, Ajunta Pall disparut, imité l’instant d’après par Dark Andeddu, Dark Bane et Naga Sadow. Restèrent Ludo Kressh et Freedon Nadd. Le premier déclara aussitôt, en inclinant la tête :
« Seigneur, je vous suis.
_Bien, se contenta de dire Ragnos. Et vous, Seigneur Nadd, que comptez-vous faire ? »
L’esprit Sith, qui ressemblait plus à un cadavre fantasmagorique qu’à un Seigneur Noir, respirait la crainte et le désespoir. Nadd redoutait de sombrer dans les ténèbres, au-dessus desquelles son âme vacillait depuis trop longtemps déjà. Il tourna vers Ragnos son visage squelettique et ses deux orbites vides, et répondit d’une voix stridente et haletante, qui semblait se dissoudre dans l’air, et dont la décomposition donnait des échos de plus en plus aigus.
« Lorsque le néant vous agrippe à la jambe, pour vous entraîner vers une nuit éternelle plus sombre que la mort, rien n’a plus d’importance. »
Ragnos fut surpris des paroles de ce Sith, qu’il ne connaissait du reste que de réputation. Il le fut encore plus, lorsque le revenant s’approcha de lui, et qu’il put sentir le froid glacial qu’il exhalait :
« Oui, reprit-t-il de son timbre multidimensionnel, je suis prêt à vous suivre »
Il se rapprocha davantage encore, et Ragnos interdit crut voir l’âme de Freedon Nadd, titubante, au fond des abysses de ses deux cavités béantes, où les ténèbres avaient depuis longtemps remplacé les yeux.
« Mais je vous promets que si vous me trahissez, je vous verrai mourir avant de m’éteindre ».
Stupéfait, Ragnos n’eut pas le loisir de répondre, que déjà l’esprit de Nadd se dématérialisa. Le Sith se remit bien vite ce cette étrange conversation, et attendit le retour des autres seigneurs, en silence en compagnie de Kressh.
Avant que la dernière volute de fumée bleu de Nadd ne se soit dissipée, un esprit réapparut juste à côté de Ludo. Avant même que Ragnos ait pu regarder le nouvel arrivant, celui-ci déclara d’une voix claire et triomphante :
« je vous apporte la troisième voix… »
Quand Marka vit le sourire amer qu’affectait Naga Sadow, il ne saisit pas tout de suite le sens de ses paroles. Lorsqu’il comprit que son opposant lui apportait son soutien, il n’y crut d’abord pas.
« Plaît-il, demanda-t-il, dubitatif. »
Le sourire de Sadow s’élargit.
« En outre, je vous donne la permission d’emporter avec vous le Collier d’Illusions et la bague de contrôle. »
Ragnos pressentit le piège instantanément.
« Quel mesquinerie prépares-tu encore ? »
Sadow posa une main ployée sur son hausse-col, et répéta avec un sourire en coin :
« comment oses-tu mettre ma parole en doute ? Mais après tout, si tu ne veux pas de mon aide…
_Je l’accepte… Mais si jamais tu me trompes, même la mort ne pourra te sauver de ma vengeance. »
Et Ragnos, ayant obtenu ses trois voix, partit vers le mur du fond de la Chambre des Eternels. Sur la surface usée de la paroi, son ombre se découpait sans netteté, vacillante comme la lueur des spectres blafards. Arrivé devant ce qui semblait être une impasse, il tendit la main. Il la passa sur un pilastre à deux mètres du sol, et l’arrêta sur une sorte de gargouille à la gueule ouverte. Il effleura le monstre vétuste, puis appuya un index sur une de ses canines, restées étrangement pointues malgré les siècles. Il murmura quelques paroles rituelles, et aussitôt les deux orbites de la créature de pierre s’allumèrent, avec le bruit d’une torche qui s’embrase. La subite lueur fit fermer ses yeux un instant à Ragnos, qui recommença à prononcer d’antiques incantations. Lorsqu’il reporta son regard sur la bête, il la vit non sans stupeur serrer sa mâchoire, qui lui perça le doigt avec un craquement sonore. Ragnos passa outre la douleur, et continua ses formules. Il savait le rite durer plusieurs minutes.
Soudain, il sentit réapparaître derrière lui Ajunta Pall, Dark Bane et Dark Andeddu. Il ne se retourna pas, mais sentit le regard pénétrant d’Ajunta sur son dos. L’éclair d’intelligence et l’inhabituelle agitation de Pall le lui aurait confirmé s’il lui avait jeté un coup d’œil : le plus ancien des Seigneurs Sith avait comprit. Ragnos se hâta alors dans ses paroles.
Les revenants virent que la décision avait été prise sans eux, et Ajunta, sortant de sa tranquille placidité, aurait foudroyé Sadow et Kressh du regard s’il avait eu des yeux. Chose qu’il n’avait pas faite depuis le début, il décroisa ses bras, et pointa vers eux un index ganté réprobateur. Son capuchon empêchait cependant toujours de voir son expression.
« Vous lui avez donné votre permission, demanda t-il d’une voix froide et amère qu’on ne lui connaissait pas.
_Oui, je n’estimais pas nécessaire une délibération, avoua fièrement Ludo. »
_ pas nécessaire, répéta Pall, de plus en plus glacial. »
Sadow serra les dents.
« Lui avez-vous dit où était le Labyrinthe, demanda Pall.
_Pourquoi, répondit Ludo hébété, pourquoi me…
_Répondez ! »
Sadow déglutit.
« Il ne reviendra pas. »
Kressh comprit soudain, et en se tournant vers Ragnos il conclut dans un souffle :
« S’il savait déjà où était l’entrée du Labyrinthe…
_…c’est qu’il en connaît la sortie », acheva Sadow .
Pall éclata en une colère monstrueuse, qu’il ne chercha même pas à contrôler, car il savait que sa dernière chance de retrouver le pouvoir était en train de s’échapper. Il ne se contint plus, et ses mains tremblaient de rage :
« Espèces de crétins, cria-t-il, à quoi vous servent ces millénaires s’ils ne vous ont pas apporté plus de sagesse qu’un nourrisson massassi ! Vous n’avez donc pas saisi l’erreur de Ragnos ? Elle était pourtant évidente ! »
Des éclairs de haine commencèrent à se former autour de ce Sith surpuissant.
« Oui, comment aurait-il pu savoir que le Collier d’Illusions se trouvaient dans un coffre, et que nous tous pouvions l’ouvrir ? »
Dans sa rage, il fit exploser une arabesque du plafond.
« Plus d’une fois, ces yeux ont dérivé vers l’entrée du Labyrinthe ! »
Ajunta Pall leva les deux mains au ciel, et crispa ses poings de rage impuissante :
« Il ne fallait pourtant pas tant de clairvoyance pour comprendre qu’il avait découvert les plans du Labyrinthe avant de venir ici ! »
Ludo Kressh, impressionné devant Ajunta qu’il n’avait jamais vu comme ça, ne perdit pas son calme pour autant.
« Il nous a donc menti, et s’il connaît la sortie du Labyrinthe il ne repassera pas par ici… Il avait juste besoin de nous pour lui autoriser l’accès…
_Bien vu, imbécile… »
Tous ici avaient beau avoir été Seigneur Noir, il y avait encore une certaine hiérarchie entre eux, non officielle mais palpable. Ajunta Pall était incontestablement au sommet, en tant que premier Seigneur Sombre de l’Histoire, et Kressh n’osait répondre, baissant la tête. Une rage folle s’emparait d’Ajunta, ces siècles de rancœur et de haine canalisés jaillissaient enfin ; et la trahison déclencha chez lui un phénomène assez inexplicable chez un Sith aussi sage, mais qui était sans doute la conséquence de plus de vingt-quatre mille ans de ténèbres dans ce tombeau. Toute son arrogance et a fierté se réveillèrent, décuplant sa colère, et il entra dans une frénésie plus grande qu’il ne l’aurait voulue. Son spectre devenait de plus en plus lumineux, bien davantage encore que celui de Sadow, et tandis qu’il sentait le côté obscur le traverser de toute part il en invoqua la puissance. L’énergie qui véhiculait autour de lui était telle qu’elle se matérialisait, de puissant éclairs s’échappaient de ces mains. Tous les autres restaient médusés de voir leur doyen s’abandonner encore à la haine, la laissant le dominer au lieu de la contrôler. Son expression était toujours masquée par sa capuche, et Sadow se dit que cela valait mieux…
Kressh cependant risqua une parole :
« Maître, vous ne devriez pas… »
Bien mal lui en prit. Pall se retourna brusquement vers lui, et au milieu de son visage plongé dans les ténèbres, ses deux yeux s’allumèrent d’une lueur rouge terrifiante, qui fit reculer d’un pas Ludo Kressh. Un tourbillon de Force commença à l’entourer, parcouru de décharges d’énergie croissante. Alors que Ragnos regardait par-dessus son épaule, sans cesser son rite qui touchait à sa fin, il vit les deux yeux écarlates se fixer sur lui. Cette fois, il n’avait pas besoin des traits de son visage pour savoir qu’Ajunta Pall était vraiment, vraiment furieux… Marka le vit alors exploser littéralement de rage. Dans un cri de fièvre destructrice, il étendit ses deux bras vers Kressh, et déclara d’une voix métamorphosée, au timbre surnaturel, et à la puissance démesurée qui fit trembler les murs tout entier :
« Ajunta Pall sait exactement ce qu’il doit faire… »
A cette phrase, il déchaîna sur l’esprit de Kressh toute sa puissance ancestrale, sous forme d’une tempête d’éclairs qui submergea le Sith. Ludo tenta bien de lui opposer sa propre puissance, mais il fut dépassé par cet ouragan de Force. Dans un hurlement de terreur mêlé d’incompréhension, il regarda une dernière fois les yeux étincelants d’Ajunta Pall. Puis, l’énergie obscur le pénétra, et il la perçut avec effroi le dévorer de l’intérieur. L’instant d’après, Ludo Kressh n’était plus.
Loin de se calmer, haletant, Ajunta Pall se tourna ensuite vers Naga Sadow… ou du moins vers l’endroit que son spectre occupait la seconde d’avant. Sans demander leur reste, tous les fantômes Sith s’étaient retirés, préférant laisser Ragnos face à face avec Ajunta. Celui-ci, au summum de sa furie, était entouré et pénétré par un flux obscur grondant, crépitant d’éclairs. Sous ces bourrasques violentes, sa longue cape volait furieusement, si bien qu’on ne savait plus où était son corps, ses bras ou ses jambes ; seule sa tête restait stationnaire dans ce véritable tourbillon d’éclairs et de tissus, et lorsqu’un long pan de sa cape claquante la masquait furtivement, elle réapparaissait toujours aussi effrayante et immobile, comme l’épicentre de toute cette tourmente cyclonique ; et l’obscurité dans laquelle elle était plongée ne faisait qu’étinceler davantage ses yeux effroyables, qui auraient pétrifié n’importe qui d’autre que Ragnos. Sa voix phénoménale retentit à nouveau, couvrant le tumulte de la tempête qu’il déchaînait.
« Quel dommage, Marka Ragnos, tu aurais pu réaliser de si grandes choses. »
Celui-ci savait qu’il avait encore besoin juste de quelques secondes pour cela, car maintenant qu’il avait fini ses incantations, il fallait encore que le mécanisme réagisse. Il savait aussi que, dans son état de concentration et de contact avec la Force, il n’était pas prêt à repousser le tout puissant Ajunta Pall. Mais il savait aussi que son interlocuteur était dans une telle transe de violence, qu’il avait une chance de gagner le temps nécessaire…
« Ajunta Pall, je respecte votre sagesse, mais elle est dépassée. Le temps est à l’action, pas aux règlements de compte.
_Je vous laisserais la vie sauve, répondit Pall qui s’approchait dangereusement, volant parmi les éclairs, si je vous croyais capable de redresser l’Empire. Mais vous êtes comme tous ceux qui ont causé sa ruine : un opportuniste incapable »
Ces mots, venant de celui qu’il respectait le plus, touchèrent Ragnos dans son orgueil, car il les sentait sincères.
Il ne réprima pas un rictus de dédain :
« moi, lança t-il sur un ton de défi, je n’ai pas été vaincu par les Jedi, et ne me suis pas abaissé à m’exiler pour leur échapper. »
C’était précisément ce qu’il ne fallait pas faire. Au moment même où la porte basse s’ouvrait, et que Ragnos s’y engouffrait à moitié avec une exclamation triomphante, Ajunta lui envoya une volée d’énergie. Marka fit volte-face, et au dernier moment tendit ses deux mains en avant, invoquant le côté obscur pour repousser les mortelles décharges. Il parvint à bloquer l’attaque, et la fulguration vint exploser contre un pilastre. Avant qu’il ait pu faire quoi que ce soit, Ajunta lui envoya une deuxième vague, cette fois-ci continue. Ragnos para à nouveau, mais il était assailli avec une telle véhémence, que sa défense accaparait toute son énergie et toute son attention. Pourtant, il le savait –et Ajunta le savait aussi-, il serait hors d’atteinte une fois qu’il serait dans le Labyrinthe.
« Ajunta, cria-t-il pour couvrir le grondement des éclairs, je dois t’annoncer à regret ma sortie. »
Pall poussa un cri de rage, et redoubla de vigueur :
« Tu n’iras nul part, vermine ! »
La brusque augmentation de l’intensité de l’assaut fit grimacer Ragnos, et elle ne lui laissait pas le temps de refermer la porte qui le séparait maintenant de son ennemi. Même derrière son casque, Pall devinait la peine qu’il avait à le combattre. Son spectre devenait de plus en plus distinct, et Ragnos eut l’impression que ses vêtements eux-mêmes se coloraient, témoin du comble de la puissance d’Ajunta. Le légendaire Sith se redressa de toute sa hauteur, et accentua encore son pouvoir.
« Croyais-tu pouvoir tromper le plus grand des Seigneurs Noirs ? »
Ragnos ne répondit pas tout de suite, la barrière de Force qu’il entretenait requérait toute sa concentration.
Soudain, à la grande surprise d’Ajunta, il cessa d’alimenter sa protection psychique. La redoutable énergie l’aurait alors tué, s’il n’avait effectué un vigoureux bond dans le couloir qu’il avait ouvert, se servant juste du début du choc des éclairs avec son armure pour se projeter à une dizaine de mètre. Pendant sa chute, il saisit vivement son épée, l’empoignant fermement de sa main droite. Il entendit une nouvelle décharge approcher, plaqua l’épaisse lame sur son dos, et atterrit dos à Ajunta, qui se tenait juste derrière la porte du Labyrinthe. A l’instant même où son genou toucha le sol, la décharge vint percuter son épée d’une violence telle, qu’il fut obligé de s’appuyer de son bras gauche par terre, pour ne pas céder. Mais une fois la première secousse passée, il retrouva son aplomb, et leva son même bras à hauteur de sa tête, continuant de repousser les éclairs de sa puissante lame.
A son cri de fureur, il imagina assez bien l’expression d’Ajunta Pall en ce moment...
Avec un signe de l’index, il utilisa finalement la Force pour refermer la porte sur un Seigneur Sith écumant de rage impuissante.
Succédant au grésillement des derniers éclairs, un silence absolu emplit l’endroit étrange où se trouvait Ragnos. Il se redressa, rajusta sa cape. Ce lieu n’a pas suffisamment d’énergie pour permettre à un spectre d’y survivre. Il raccrocha son arme sur son dos, et éclata d’un rire méprisant. Non, Pall est prisonnier de la Chambre des Eternels.
Sans se retourner, le zabrak répondit à la dernière réplique d’Ajunta :
« les chaînes du tombeau ne sauraient retenir "le plus grand des Seigneurs Noirs"… »
yoyo
Modifié en dernier par
yoyo2 le Sam 28 Avr 2007 - 12:36, modifié 2 fois.
Une journée sans éclat de rire est une journée perdue ! (c'est y pas vrai, ça ?

)