Bon... Ça fait deux mois que je n'ai plus rien publié ni écrit, mais c'est aujourd'hui mon cinquième anniversaire sur SWU ; pour fêter ça, je vous offre un nouveau passage

Ça a été écrit avant ma rupture, c'est déjà finalisé.
L'Amiral Vorgan se redressa sur son fauteuil et inspira bien profondément. Il jeta un rapide regard aux deux commodores Kryshzlas désignés pour l'assister, qui l'observaient tous deux dans un mutisme respectueux.
Alors, il alluma l'holoprojecteur.
Ça va commencer. Ils vont voir.Son rythme cardiaque était encore de s'élever délicatement lorsque apparut l'image de sa nièce, entièrement bleue.
« Alors ? demanda simplement Vorgan, en cheunh.
Les deux commodores ne pourraient comprendre les paroles, en revanche ils comprendraient que Vorgan s'adressait à Sev'rance comme un commandant à sa subordonnée.
-Si c'est ta façon de demander « Est-ce que mon génial plan diabolique marche comme prévu ? », alors la réponse est oui, répondit laconiquement Sev'rance.
Vorgan ne fut pas surpris de la réplique, en revanche il fut intrigué de ne lire aucune trace d'amusement sur le visage de Sev'rance, ni aucun de ses masques habituels... Elle semblait seulement extrêmement lasse, comme si tout cela ne l'intéressait plus. Commençait-elle à accepter l'idée que suivre Vorgan était la seule chose à faire ?
-Et plus précisément ? Que prépare l'Ascendance Chiss ?
-Après concertation avec l'Amiral Veg'Darnat et le directeur Sargan, les familles régnantes ont accepté d'envoyer l'Amirale Ar'Alani à la tête d'une flotte conséquente pour vous écraser... Ils attendront que vous soyez bien engagés dans l'attaque, de façon à empêcher une fuite et à perturber l'organisation de vos forces ; ne me demande pas la constitution de la flotte, en revanche, je n'en ai aucune idée. Ça te va ?
-Bien, bien... Tout se passe effectivement suivant mon plan, alors ; des regrets ?
-Tu sais bien que oui, trancha véhément Sev'rance. Tu es un traître et tu vas provoquer la mort de milliers de Chiss comme toi et moi ! Je regrette que tu nous échappe, je regrette de devoir t'aider ; cependant, je devais accepter pour être enfin débarrassée du directeur Sargan... Mais ne vas pas t'imaginer un instant que je n'ai pas honte d'être ta nièce, moi.
La dernière phrase fit mouche, Vorgan savait bien que Sev'rance était meilleure que lui ; s'il y avait une personne dont il respectait encore le jugement, c'était elle... Il n'en aurait rien laissé transparaître même s'il n'avait pas porté son casque, naturellement, mais Sev'rance l'aurait su quand même.
-Allons, je croyais que tu parviendrais à de meilleurs sentiments... Je t'ai expliqué comment j'en suis arrivé là, je n'ai pas eu le choix.
-Bien sûr que si ! s'esclaffa violemment Sev'rance. Rien ne t'aurait empêché de te racheter en conduisant la guerre des Kryshzlas droit dans le mur ! Rien ne t'obligeait à accepter de prendre la tête de leur flotte ! Rien ne t'obligeait, pour commencer, à accepter d'entrer dans les manipulations de ton père ! Il y a des gens à travers la Galaxie qui n'ont pas le choix, qui se retrouvent incorporés à une armée ou une autre avant d'avoir pu comprendre ce qu'il se passait ; toi, tu es né Chiss, tu avais le choix, et tu as choisi en toute liberté de trahir ton devoir envers l'Ascendance Chiss !
-
Mon devoir envers l'Ascendance Chiss ? Mais de quoi parles-tu ? Tant mieux pour toi si tu l'aimes, ton Ascendance, ta
patrie, mais pour moi, elle a d'abord été le système incapable d'empêcher mon père et ses sbires d'accaparer le pouvoir pour leurs jeux criminels, pourquoi aurais-je dû respecter ses règles si elle étaient incapables de m'assurer une justice vis-à-vis de ces gens-là ? Eh bien quoi, être honnête, c'est être une victime ? C'est pour arriver à cela qu'on l'a bâtie, cette Ascendance ? Et ensuite ? Et ensuite, personne n'a essayé de comprendre, ça a été la prison à vie sur ordre d'un homme bien plus coupable que je ne l'ai jamais été, la fuite pour seul espoir de vie ! Et comment survit-on, seul dans les Régions Inconnues, puisque nos compatriotes se moquent de ce qu'il se passe au-delà de leurs frontières ? Eh bien on s'allie avec ceux qui se présentent, voilà, et on ne refuse pas une opportunité. Dis-moi, dans tout cela, ce que l'Ascendance Chiss a fait pour moi ? Dis-moi quelle autre possibilité elle m'a laissé ?
Vorgan se sentait sincèrement énervé, à présent ; il n'était pas sûr que tout cela soit vrai, en revanche il était convaincu de ne rien devoir à personne, il y avait souvent pensé.
-Oh, ricana Sev'rance, c'est vrai que tu n'avais pas le choix, ta vie était en jeu et l'Ascendance Chiss t'a trahi, mon pauvre oncle Vorgan, comment font les gens qui ne deviennent pas des amiraux Kryshzlas ? Et les vies de tous ceux que tu menaces et de tous ceux que tu as tué par le passé, tu y as pensé ? J'ai été du lot, sur Tehirahs ! Eh bien quoi, tu te plains que l'Ascendance Chiss n'a jamais rien fait pour toi, alors tu fais pareil avec tout le monde ? Et arrête avec ton Ascendance Chiss, ce sont des Hommes qui t'ont trahi et d'autres Hommes que tu vas tuer, ça n'a aucun rapport ! Quand je te parle de l'Ascendance Chiss, ce n'est pas un concept flou que tu peux remplir avec ce que tu veux, ce sont les gens avec qui tu as vécu, qui partagent des choses avec toi ! Tu leur dois quelque chose, au même titre que Sargan et ses alliés te devaient quelque chose ! Tu ne peux pas te plaindre de leur conduite et adopter la même !
-Et pourquoi donc ? Pourquoi en auraient-ils le droit et moi non ?
-Alors tu deviens semblable à eux ; pourquoi mériterais-tu d'être sauvé et eux non ?
-Cette conversation est une perte de temps, grinça Vorgan.
-Effectivement, quand on sait que tu te moques du camp pour lequel tu travailles tant qu'il te laisse jouer au génie de la stratégie, lança Sev'rance avec une décontraction sournoise.
Vorgan se glaça.
Non, ce n'est pas vrai ! Évidemment que ça ne l'était pas ; sa personne toute entière ne pouvait entrer dans ce jugement à l'emporte-pièce, et Sev'rance le savait. Et pourtant, la répartie rencontrait un écho sinistre dans le cœur de Vorgan...
-Tu racontes n'importe quoi... Et puis, pense ce que tu veux, après tout c'est la consolation des perdants. Nous allons lancer notre offensive, ce sera bientôt fini. »
Il coupa la communication sans attendre de réponse de Tann. Brusquement, il se rappela qu'il était sous le regard des commodores depuis le début ; qu'avaient-ils compris ? Dans tous les cas, c'était mauvais, ils ne pouvaient pas ne pas avoir remarqué que Sev'rance le défiait ouvertement et que lui en était affecté... Bon, peu importait, la bataille du siècle approchait, tout cela n'aurait bientôt plus aucune importance.
Il se laissa aller à nouveau contre le dossier de son fauteuil ; une grande défaite pour l'Ascendance Chiss approchait, et c'était lui qui allait la leur infliger... C'était tout ce qu'ils avaient mérité, et les Chiss sauraient au plus profond d'eux-mêmes que c'était leur faute si l'un des leurs en était arrivé à de telles extrémités. Il aurait sa revanche sur Hess'arga'nuruodo, il allait lui faire payer ce qu'il était devenu par sa faute...
C'était tout ce qui comptait ; le reste, ce n'était que des fumisteries élaborées par des régimes corrompus à un degré ou un autre, il n'y avait pas de patrie, pas d'idéaux, pas d'attachement durable, contrairement à ce qu'il martelait nuit et jour à ses hommes.
Il darda un long regard sur ses deux seconds.
« Les Chiss sont prêts à être vaincus, dit-il simplement, donnez l'ordre de passer en hyperespace. »
Plusieurs géantes gazeuses tirant sur le bleu ou le violet emplissaient de leur lumière irréelle mais réconfortante l'obscurité éternelle du cosmos, veillant sur les civilisations qui se succédaient ; derrière, les constellations paraissaient des milliers de spectateurs de la danse intemporelle des astres. Cependant, si l'on approchait davantage des planètes, on voyait les formes sombres d'une demi-douzaine de lunes s'interposer entre la plus grande des géantes et le soleil, déchirant sa lumière ; si l'on approchait encore, on s'apercevait que l'une de ces lunes avait une atmosphère, une petite planète montagneuse verte et bleue, la colonie Chiss de Xelva qui abritait en son ciel les énormes masses métalliques des chantiers de construction navale, produisant des appareils civils mais surtout militaires ; quant aux autres lunes... Elles n'auraient dû être que des rochers sans vie, mais le haut commandement Chiss avait choisi d'y installer de puissantes bases militaires, à même de piéger tout ennemi qui voudrait s'emparer des chantiers navals.
C'était un bel endroit onirique qu'on avait transformé en piège mortel ; c'était le système qui avait vu naître Sev'rance Tann vingt-quatre ans plus tôt.
Une nuée de nouvelles silhouettes sombres jaillirent soudain pour venir se découper à leur tour sur la douce lumière bleutée des étoiles, des silhouettes bien plus petites que les planètes mais incroyablement nombreuses, des silhouettes de lignes droites et d'angles agressifs ; ce n'était pas un quelconque champ d'astéroïdes envoûté par la gravité du système mais une armada Lanshrul... C'était même
l'armada Lanshrul, le Seigneur Heckara avait envoyé la quasi-totalité des vaisseaux de guerre disponibles pour cet assaut désespéré. Il y avait là de grands porte-chasseurs en forme de losanges ouverts et bossus comme le
Fléau, il y avait là surtout des appareils plus petits et tout en longueur avec quatre plate-formes rectangulaires sur leurs côtés, de couleur jaune pâle, les Lanshruls les appelaient simplement « croiseurs » mais les Chiss les avaient surnommés des Teneurs de Têtes pour leur rôle traditionnel de faire face aux vaisseaux lourds en attendant l'intervention des chasseurs ; enfin, les plus petits appareils étaient des canonnières laidement taillées comme des empilements de cylindres successifs, hérissées d'armes destinées à détruire les chasseurs ou aux bombardements de précision.
Les navettes d'assaut et les chasseurs n'étaient pas encore là, mais ils se passeraient d'eux...
« À l'attaque, mettez toute la puissance disponible sur les boucliers, nous devons atteindre ces chantiers navals ! cria l'Amiral Vorgan sur le pont du
Fléau, tous les hommes d'équipage s'agitant autour de lui.
Au son d'une nuée de messages indiquant la réception de l'ordre par les autres éléments de la flotte, la titanesque force d'assaut se mit en marche à travers les étoiles pour aller semer la destruction près des lunes... Les Teneurs de Tête restaient à l'extérieur de la formation longiligne adoptée par les navires Lanshruls pour servir de protection. Vorgan ne se rappelait pas s'être jamais senti aussi ivre de vengeance ; l'emprisonnement, l'exil, trois ans de défaites humiliantes dues à la malchance alors qu'il avait tout fait pour défaire l'Ascendance Chiss, il allait faire payer tout cela à ce symbole de l'arrogance Chiss qu'étaient les chantiers navals de Xelva... C'était ici qu'il avait grandi, ici que son père lui avait appris le cynisme le plus immoral au milieu de ce peuple aux coutumes rigides...
Cette bataille serait la plus grande de la guerre, de toute évidence, jamais Vorgan n'avait engagé autant de forces à la fois, et jamais il n'avait réservé une telle surprise aux Chiss... Tant pis si la guerre était perdue, il réussirait sa sortie avec cette bataille, les Chiss s'en souviendraient. C'était tout ce qui lui importait.
« Amiral, premiers contacts ennemis, signala le Capitaine du
Fléau, au moins une douzaine de batteries turbolasers sur les stations spatiales, plus quelques lance-missiles sur les lunes !
-Oui, je sais... Mais suivez le plan, nous ne devons pas en tenir compte.
-À vos ordres !
Ainsi, le
Fléau et les autres vaisseaux, tous de couleur beige ou jaune, s'engagèrent entre les lunes, se dirigeant droit vers Xelva et ses immenses chantiers navals au mépris des armes pointées sur eux ; avec un peu de chance, les Chiss croiraient simplement que les Lanshruls espéraient pouvoir concentrer leurs forces sur la destruction des chantiers et repartir aussitôt... Ils étaient assez méprisants pour cela, sans aucun doute. Vorgan ne voyait quasiment plus dans la verrière que la géante gazeuse bleu clair, Xelva et les complexes assemblages métalliques en orbite lorsque l'attaque Chiss commença ; sur les côtés de la flotte ou droit devant, partout jaillirent des éclairs rouges par dizaines qui vinrent s'écraser jusque sur les verrières du
Fléau, protégées par des boucliers grésillant sous l'impact, toute la flotte était ainsi arrosée...
-Plusieurs croiseurs signalent des avaries mineures, Amiral ! prévint un officier des communications
Pourtant, nul sur le pont ne souleva d'objection et ils continuèrent à se rapprocher des chantiers navals sous les tirs nourris... Des hommes avaient été emportés par la mort, leurs compatriotes, mais ils s'en moquaient ; quelle importance avait une courte vie Lanshrul comparée à la gloire éternelle de l'Empire ? Vorgan vit des éclats aveuglants engloutir un instant des vaisseaux sur le côté bâbord de la flotte.
-... Dommages sévères, Amiral ! prévint le Capitaine. Les chasseurs et les navettes approchent, et nous serons bientôt à portée de tirs des chantiers !
-Ils lancent leurs propres chasseurs, des Orenaye-II ! ajouta un officier chargé des détecteurs.
-Parfait, commencez par des tirs turbolasers sur les chantiers !
-À vos ordres !
Mais déjà, les chasseurs Lanshruls arrivaient, et ils ne surgissaient pas des hangars du
Fléau ou d'un autre des porte-chasseurs ; ils venaient des profondeurs de l'espace en contournant Xelva, ils venaient de derrière toutes les batteries turbolasers qui pilonnaient la flotte Lanshrul ! Derrière encore venaient les navettes d'assaut, à peine plus grosses, qui présentaient une menace bien différente pour les Chiss, celle de soldats parés à l'abordage...
Dès qu'ils furent à portée de tirs, les escadrons ouvrirent le feu sur les lourdes batteries avant qu'elles n'aient pu réagir, les inondant d'aiguilles rouges ; Vorgan sourit largement sous son casque... La ruse était simple mais très efficace, la flotte Lanshrul n'avait eu qu'à larguer les chasseurs et les navettes juste avant de parvenir dans le système de Xelva avant de repasser en hyperespace, les laissant continuer en subluminique pour prendre l'ennemi à revers... La flotte Lanshrul souffrait réellement du feu ennemi, mais cette fois, les batteries seraient obligées de se retourner pour combattre les chasseurs, Vorgan voyait des explosions poindre en plusieurs emplacements des stations orbitales... Des canons plus petits prévus à cette fin réagirent, mais cela ne suffirait pas à contrer la menace de chasseurs aussi nombreux, de toute évidence...
Cependant, les vaisseaux lourds, eux, étaient parvenus à portée des chantiers, et leurs puissantes batteries s'activaient pour détruire autant que possible des chantiers navals, Vorgan les vit commencer à disparaître en nuages de shrapnels au milieu de l'espace ; c'était magnifique de voir mourir ainsi ses ennemis... Mais pourquoi toujours autant de tirs turbolasers et de missiles ravageaient-ils sa propre flotte ?
-Nous venons de perdre deux croiseurs, Amiral, annonça le Capitaine en s'efforçant de rester détaché, mais Vorgan sentait l'amertume et le doute percer dans sa voix... La majeure partie de l'équipage a survécu dans les deux cas.
-Mais ? Que se passe-t-il, pourquoi nous attaquent-ils encore ?
-Nos escadrons de chasseurs signalent une attaque massive des Orenaye-II, Amiral ! avertit l'officier des communications.
-Ah... On dirait bien qu'ils avaient prévu le coup, en fin de compte. Redirigez le feu sur les batteries, on s'occupera des chantiers plus tard ! Et que nos chasseurs reviennent dans les hangars ! Les navettes d'assaut aussi, tous nous serons plus utiles plus tard !
Vorgan regrettait de cesser cette jouissive destruction gratuite, mais ce n'était pas le moment d'être idiot, il pourrait reprendre à sa guise une fois la flotte ennemie qui arrivait et les défenses spatiales détruites... Et puis, il était somme toute plutôt enthousiasmant de voir que les défenseurs du chantier étaient à sa hauteur. Ils l'étaient peut-être même un peu trop, les Teneurs de Tête et les porte-chasseurs tiraient maintenant à pleine puissance sur les batteries et avec succès, deux d'entre elles avaient déjà explosées, mais ils avaient accumulé beaucoup de retard, Vorgan voyait ses vaisseaux continuer à s'effondrer par sections entières, précipitant des hommes dans le froid de l'espace quand ils ne brûlaient pas vifs à l'intérieur... Il se moquait de la vie de ses hommes comme il se moquait de la gloire de l'Empire Kryshzla, mais c'était mauvais pour son amour-propre de commandant...
Ah, et puis il y avait les canonnières... Elles étaient si petites qu'elles allaient se faire désintégrer en quelques minutes si elles quittaient l'intérieur de la formation, mais c'étaient elles qui avaient la vitesse et les dimensions idéales pour neutraliser les batteries.
-Changement de plan, prévint Vorgan, rassemblez tous les vaisseaux sur une ligne de chaque côté, nous devons faire barrage pour que les canonnières puissent contourner les batteries à leur aise, elles ont un angle de tir limité vers le bas, il faut que nos canonnières puissent passer par en-dessous ! Augmentez la puissance des boucliers avant !
-À vos ordres !
Suivant les directives de l'Amiral, le
Fléau s'avança pour se positionner sur la ligne bâbord de la flotte, offrant un mur dense au feu ennemi... Il y avait quelque chose de dérangeant à s'exposer si délibérément aux tirs... Le
Fléau et ses gigantesques comparses tiraient toujours, quoique avec moins d'énergie pour préserver les boucliers, mais l'essentiel n'était pas là : les canonnières fonçaient en-dessous les stations spatiales, où celles-ci étaient peu pourvues en défense, pour aller éliminer les batteries de bien plus près...
Une explosion secoua soudain le
Fléau, et cette fois, Vorgan dit admettre que son cœur avait bondi.
-Que se passe-t-il ? hurla-t-il brusquement.
-Un hangar détruit, Amiral, les lances-missiles de la surface !
Vorgan réprima un juron.
-On s'en occupe juste après les batteries, de ceux-là... grinça-t-il.
Dehors, pendant ce temps, les batteries turbolasers commençaient enfin à céder, Vorgan voyait les stations spatiales s'embraser de toute part... Ce n'était pas malheureux, après tout ce temps...
-Amiral, communication de la navette T-170 ! appela l'officier des communications.
-Ah, j'arrive ! Capitaine, prenez les commandes !
La navette T-170 n'était pas dans le système de Xelva, c'était celle du Lieutenant Bregar, que Vorgan avait laissée le long de la voie hyperspatiale menant de Csilla à Xelva -il en avait d'ailleurs laissé une pour le prévenir en cas de danger sur toutes les voies hyperspatiales menant à Xelva.
-Qu'y a-t-il ? demanda Vorgan devant la console, la communication n'étant qu'auditive.
-C'est bon, Amiral, vous avez vu juste, la flotte de l'Amirale Ar'Alani vient juste de partir !
-Ah, très bien ! Je vais appeler nos propres renforts !
Vorgan savait que les hommes de l'équipage étaient incrédules ; de quels renforts parlait Vorgan, puisque toute la flotte était là ou presque ?
-Compris, Amiral.
-Continuez à ouvrir l’œil, Bregar, des fois qu'ils nous tendent un piège à tiroirs... On ne sait jamais, avec ces tordus de Chiss. »
Je suis bien placé pour le savoir, ajouta mentalement l'Amiral.
Sev'rance devait reconnaître qu'elle trouvait quelque chose de vraiment grisant à se trouver sur la flotte de l'Amirale Ar'Alani... Actuellement dans l'hyperespace, elle n'en voyait rien au travers de l'immense verrière ; mais elle ne s'en trouvait pas moins sur le pont du vaisseau-amiral, l'
Aigle Paisible, c'était un vaste espace aux parois bleu clair, elle voyait travailler l'équipage légèrement en contrebas, l'Amirale Ar'Alani en personne allait et venait parmi eux. C'était là qu'elle avait toujours voulu être, et elle ne pouvait s'empêcher d'ouvrir de grands yeux d'enfant émerveillée d'être ici, à l'aventure entre les mondes...
Sans oublier la vision de la flotte dans son ensemble, qui avait si bien subjugué Sev'rance qu'elle avait l'impression de l'avoir toujours sous les yeux... Le vaisseau-amiral lui-même était bien plus grand que le modeste croiseur de patrouille de Thrawn, c'était un formidable croiseur de combat
Ja'Lad, destiné à détruire des vaisseaux aussi grands que lui ; il paraissait fait de deux grandes ailes noires repliées comme celles d'un rapace fondant sur sa proie, l'essentiel de l'artillerie se trouvant au bout des ailes et le pont de commandement dans la partie médiane qui rassemblait les deux. La force d'intervention comprenait de nombreux vaisseaux de la même classe, mais aussi des Frégates d'Escorte, des véhicules plus petits et élancés de couleur bleu sombre, leurs proues pointues détachées des hangars qui formaient le bas des appareils leur donnant l'air de requins.
Sev'rance avait éprouvé un véritable sentiment de puissance et de majesté à l'idée d'embarquer sur cette flotte toute de noir et de bleu, de force et de paix, plus belle encore que ce dont elle rêvait adolescente... Néanmoins, cela la mettait aussi mal à l'aise lorsqu'elle pensait que des milliers d'hommes étaient embarqués à bord de ces vaisseaux, des milliers d'hommes qui seraient tués dans la bataille vers laquelle ils se dirigeaient ; c'était épouvantable de penser qu'on pouvait tuer des gens par centaines sans rien voir de plus que le feu et l'acier dans l'espace...
C'était deux aspects contradictoires de sa présence ici, et ce qui en résultait, c'était qu'elle se sentait troublée d'aimer être ici, comme si admirer ce vaisseau revenait à valider les horreurs de la guerre spatiale...
Sev'rance se demandait s'ils existaient encore ou s'ils n'étaient plus que des pièces du vaisseau au même titre que ses réacteurs... Elle savait que Safera préférait de loin les batailles spatiales pour ressentir moins violemment la douleur de tuer et de perdre ; mais souffrir lors des batailles rassurait Sev'rance, cela lui donnait le sentiment d'être encore une Chiss avec ses émotions...
Ici, la guerre paraissait un jeu, or elle s'interdisait de ne pas détester chaque seconde qu'elle passait à combattre...
Oh, bien, joli tour de passe-passe ; alors maintenant, c'est l'idée de la guerre dans l'espace qui me met mal à l'aise, hein ?Non, bien sûr, ce n'était pas cela qui faisait paraître la bataille qui s'annonçait bien plus étrange et compliquée que tout ce qu'elle avait enduré en trois ans sur Tehirahs ; elle avait pu combattre alors qu'elle souffrait à vouloir s'en arracher le cœur après la mort de celle qu'elle aimait, mais c'était autre chose, cela n'avait pas remis en cause sa vision de l'univers... À présent, tout lui échappait complètement, aussi bien ce jeu de manipulations auquel elle ne comprenait rien mais dans lequel elle risquait la vie de milliers de ses semblables que sa propre vie bouleversée par la possibilité d'un enfant... Elle devait être forte, mais elle était surtout vide.
« Nous allons sortir de l'hyperespace... Tout va bien, Mademoiselle Tann ? demanda Ar'Alani en la rejoignant après l'avoir totalement ignorée pendant une heure.
-Oui, très bien, Amirale, répondit Sev'rance, s'efforçant de paraître assurée. Je... Peux rester sur le pont ? En attendant notre reddition ?
Ar'Alani haussa les épaules.
-Si ça peut vous faire plaisir, vous n'avez pas de tâche déterminée à ce stade, de toute façon... Mais faites-vous discrète, nous n'avons pas besoin de vous avoir dans les pattes.
-Oui, très bien, merci, Amirale.
-Sortie de l'hyperspace, annonça un membre de l'équipage, dans cinq, quatre, trois, deux, un... On y est ! »
Toute la flotte aux couleurs sombres et aux formes élancées creva la surface bleutée de l'hyperespace pour jaillir au milieu du système Xelva ; étrangement, la rassurante couleur bleue était toujours dominante à travers les géantes gazeuses à l'ombre desquelles avait surgi la flotte Chiss...
Hélas, le système Xelva n'était plus vraiment le havre de sécurité et de prospérité qu'il avait été pour les Chiss ; Sev'rance en eut le souffle coupé, le feu avait pris partout sur les installations spatiales des Chiss ! Des plate-formes de défense, il ne restait que de gigantesques carcasses noircies, certaines encore rongées par les flammes, toutes se taisant à jamais ; les chantiers navals eux-mêmes paraissaient avoir subi de lourds dommages... Sev'rance avait grandi là jusqu'à douze ans, à l'ombre des chantiers navals qui assuraient la puissance de sa famille, et c'est pourquoi elle fut encore plus choquée des ravages causés par son oncle.
La flotte Kryshzla était toujours là, plus nombreuse que la flotte Chiss quoiqu'il n'y ait que les trois porte-chasseurs qui soient vraiment aussi imposants que les
Ja'Lad, une armée de vaisseaux aux formes carrées, de couleur jaune ou beige. Elle sentit son rythme cardiaque s'élever à présent qu'elle voyait chacune des deux flottes, à présent qu'elle pouvait se représenter précisément la confrontation... Un dragon jaune et un dragon noir, le feu à la gueule et des hommes par milliers pour toute cuirasse...
Et Sev'rance ne pourrait rien pour sa survie dans le déchaînement qui allait suivre, seulement se fier à l'Amirale Ar'Alani et à ses hommes...
À son grand soulagement, la bataille ne commença pas immédiatement ; Ar'Alani demanda à ce qu'on la mette en relation avec Vorgan pour le raisonner, Sev'rance supposa qu'elle faisait cela pour agir comme elle l'aurait fait si elle n'avait pas su qu'elle se jetait droit dans un piège... L'hologramme de Vorgan se dressa alors sur le pont, devant l'Amirale, sans casque, probablement pour perturber les Chiss ; Sev'rance prit garde à se mettre hors du champ de l'holoprojecteur et observa bien le visage de Vorgan, cherchant à comprendre ce qui se passait dans la tête de son oncle en un tel moment... Mais tout ce qu'elle lut sur ses traits fut une sorte de joie désespérée. Il pensait avoir déjà gagné et il aimait cela, de toute évidence, mais il aurait aussi aimé avoir une autre échappatoire avant d'en arriver là...
« Amirale Ar'Alani, ce serait un honneur de me faire tuer par vous si ce n'était pas moi qui allait gagner cette bataille ! s'exclama-t-il en guise d'entrée en matière.
-Ne racontez pas à raconter n'importe quoi et rendez-vous, Vorgan, vous ne faites rire personne... Votre flotte n'est pas en état de faire face à la mienne, vous ne faites pas le poids face à moi en tant que commandant non plus et vous le savez ; d'innombrables gens sont déjà morts parce que vous êtes mauvais perdant, qu'ils soient Chiss ou Kryshzlas, alors arrêtez de vous rendre ridicule et rendez-vous !
Le connaissant, Sev'rance se serait presque attendue à ce que Vorgan prenne la mouche, mais il se contenta d'un petit sourire en coin.
-C'est amusant, cela fait trois ans que vous nous dites cela et trois ans que nous tenons malgré tout ; je crois que vous autres Chiss avez tendance à vous surestimer un peu, Amiral... Le dernier bastion de la civilisation dans les Régions Inconnues, tout ça...
Ar'Alani ne réagit pas à la provocation.
-Trois ans que nous
vous disons cela, Vorgan ? Mais il n'y a pas de
vous, il n'y a que les Kryshzlas d'un côté, et un Chiss paumé qui sert leurs intérêts de l'autre... Dîtes-moi, vous êtes sûr de vouloir mourir pour les Kryshzlas ? Parce que étrangement, je ne suis pas du tout sûre que la réciproque soit vraie...
-Oh, c'est petit, ça. Vous seriez prête à risquer votre vie pour moi, Ar'Alani ?
-Avant que vous ne trahissiez, oui, je l'aurai été.
-Ah, nous y voilà... J'ai trahi, je suis différent de vous, je ne mérite plus d'être sauvé... Je ne suis suis plus un Chiss, c'est ça ? Mais puisque je n'ai plus le droit d'être des vôtres, que voulez-vous que je fasse d'autre qu'aller combattre pour quelqu'un qui m'accepte ?
-Faire face aux conséquences de vos actes, peut-être ? suggéra Ar'Alani, glaciale. Puisque vous teniez assez à votre vie pour rejoindre les Kryshzlas, vous y tenez sûrement aussi assez pour revenir à la maison, maintenant ?
-Comme prisonnier, pour servir d'exemple à tous ceux qui seraient tentés d'enfreindre vos règles ? Mais ce n'est pas la vie, ça, Ar'Alani ; si ça l'était, je serai resté en prison. Au lieu de ça, je me suis libéré de toutes les règles que votre Ascendance invente pour nous contrôler et je n'y retournerai plus, je me suis trop épris de liberté, voyez-vous.
-Je ne suis pas venue vous ramener à la raison à coups d'ironie mais de canons... Je me moque de tout ce que vous pouvez inventer pour justifier vos traîtrises, Vorgan ; vous avez deux choix, vous rendre ou mourir, et c'est déjà plus que vous n'avez laissé à vos compatriotes et aux miens. Choisissez, ou je le ferai pour vous.
-C'est là que vous vous trompez, Amirale... Pour me mettre en face d'un tel choix, il faudrait que vous puissiez me tuer ; or, je doute que vous puissiez y parvenir... À vrai dire, je vous mets au défi de le faire. Je sais que vous êtes une excellente amirale, Ar'Alani, mais là, vous n'êtes pas à la hauteur... Si je ne savais pas que vous êtes têtue comme une Chiss, je vous conseillerais honnêtement de battre en retraite.
-C'est ça, oui, l'arrogance, ne remplace pas un bouclier, vous savez... Terminé. »