J'ai écrit cette fan-fic y'a près de deux ans, elle est en deux parties, la deuxième partie est quasiment terminée.
Soyez indulgents, c'était la seule et unique fois de ma vie que je me suis lancé dans l'exercice. Néanmoins, n'hésitez pas à faire des remarques d'ordre général...
So...
La Grande Rivière
Dramatis Personae
Kyp Durron, mâle humain, Maître Jedi
Ganner Rhysode, mâle humain, Chevalier Jedi
Tyria Sarkin, femelle humaine, Chevalier Jedi
Alema Rar, femelle Twi'lek, Chevalier Jedi
Numa Rar, femelle Twi'lek, Chevalier Jedi
Ailyn Vel, femelle kiffar, Chasseuse de Prime
Kol A'ha, mâle humain, Ranger Antarien, Commandant
Eve Lane, femelle humaine, Ranger Antarien, Lieutenant
Nazyth Kej, mâle humain, Ranger Antarien, Opérateur com
Malori, femelle nosaurienne, Sénatrice
Gheorg Drathus, mâle humain, Chef des Douanes de Naboo
Liana, femelle humaine, archiviste des Douanes de Naboo
Szrabik Korlo, mâle humain, chef de la Résistance de Talfaglio
Elinea Semila, femelle humaine, agent immobilier
Sara Semilia, femelle humaine, Résistance de Brentaal
Tri'kor Vorrik, mâle Yuuzhan Vong, Exécuteur
Kral Qalu, mâle Yuuzhan Vong, Pisteur
Mujmai Iinan, mâle Yuuzhan Vong, Lieutenant
CHRONOLOGIE
An 24
Chapitre 1
An 26
Chapitre 2 & 3 - Pendant les événements de Point d'Equilibre
Chapitre 4 - Peu après l'eBook Recovery/Convalescence (environ 1 mois après Point d'Equilibre)
Chapitres 5, 6, 7 et 8 - Entre Renaissance et Etoile après Etoile
An 27
Epilogue de la partie I - Juste après Etoile après Etoile
Prologue de la partie II - Juste après Etoile après Etoile
Chapitre 9 à 13 - Pendant les événements de la duologie "Derrière les Lignes Ennemies"
An 28
Epilogue de la partie II - Pendant les événements de La voie du destin
Partie I - Mort sur Brentaal
CHAPITRE PREMIER
De la place pour l'imprévu
Kyp Durron — Journal personnel
Le soleil disparaît lentement à l’horizon. C’est ainsi chaque soir. Quelquefois je suis là pour l’observer, d’autres non. Chaque jour qui passe peut être mon dernier. La vie est faite de cette manière : on se bat pour vivre, on essaie de savourer les quelques moments de paix qui nous sont offerts, mais on garde la certitude qu’un jour ou l’autre, ce sera fini. Et les jours se succèdent de cette façon. Parfois, certaines vies voient leur dernier jour arriver plus tôt. J’ai vu les visages de ceux qui sont affligés par la perte d’un être cher. Moi-même, j’ai dû passer à travers ce deuil lorsque mon frère est mort. Pire encore, j’ai dû vivre en me sachant responsable de sa mort, ainsi que de celle de millions de personnes. Tel est mon fardeau, que je porte à chaque jour sur mes épaules. Vivre en sachant qu’on vous hait, qu’on vous tient responsable de la mort d’innocents, c’est ce que j’endure depuis des années. Le rejet, la colère, la frustration. Ces sentiments, je les perçois aussi nettement que s’ils étaient les miens. Maintenant, je me bats pour cette même galaxie qui m’a mis de côté aussi longtemps. Je me bats pour des milliards de vies, et j’essaie de me racheter ainsi. Mes actions sont désapprouvées par plusieurs, mais je fais ce que je crois être mon devoir. Je ne peux rester inactif en regardant des innocents mourir. Je ne peux me résoudre à cela. L’action et l’attaque sont mes meilleures armes. En me battant comme un forcené pour repousser les envahisseurs, peut-être réussirai-je à me racheter aux yeux de tous.
Une voix me fait sortir de ma réflexion. C’est Miko Reglia, mon apprenti. « Kyp, il faut y aller. Les contrebandiers de la Frange s'agitent encore ». Une nouvelle bataille s’annonce. Une nouvelle bataille que mes Apôtres remporteront facilement. Les Apôtres de la Vengeance. Ma vengeance. Contre ce que la galaxie fait subir à ceux qui souffrent. Et contre ceux qui en tirent les ficelles... ou le bénéfice. Luke Skywalker désapprouve mes actions. Mais elles, au moins, ont le mérite d'exister.
Toprawa — Une année standard avant l'invasion Yuuzhan Vong
Les étendues vertes et boisées de Toprawa auraient offert un cadre de vie plus qu’agréable si ses habitants ne se concentraient pas uniquement sur l’amélioration de ses infrastructures depuis que l’Empire avait réduit la planète à un stade préindustriel. Malheureusement, les lacs scintillants sous le soleil et les étangs ombragés des campagnes étaient largement délaissés par les jouisseurs et les touristes et servaient exclusivement à la reconstruction de l’économie planétaire. La plupart des habitants pensaient avoir mieux à faire, y compris trainer dans des bars plus ou moins classes, ou tout juste acceptables, comme le Milenkazz — un bar qui présentait l’avantage de proposer quelque divertissement en faisant appel à des groupes de milenkazz locaux.
Vorr l'attendait au comptoir, comme prévu. A l'heure, comme prévu.
Parfait. Il n'y a pas de place pour l'imprévu dans ma vie. L'ironie de sa pensée lui arracha un sourire. C'était un de ces traits de caractère qu'elle avait emprunté au peuple Mandalorien. Les Mandaloriens. Malgré son mariage avec l’un d’entre eux, elle ne s'était jamais vraiment sentie l'une des leurs et elle doutait que cela change depuis que son père avait accepté de les gouverner quelques semaines auparavant.
Vorr était particulièrement agacé de voir le chasseur de prime se déplacer lentement entre les tables de bois crasseuses du tripot. Le chasseur de prime était à mi-chemin entre lui et l'entrée et c'est à ce moment que Brema choisit d'agir. Il renversa sa table de sabaac en faisant de grands gestes et en hurlant et pestiférant contre tel ou tel joueur qu'il accusait de tricherie. Peut-être même que l'heureux élu avait réellement triché. Mais le vacarme assourdissant et l'effet boule de neige des bagarres au milieu de lascars suant l'argent et l'alcool faisait amplement l'affaire de Vorr. Il laissait la justice des comptoirs à d'autres et son acolyte Barabel semblait parfaitement s'en accommoder.
Le chasseur de prime s'assit devant lui. Lors de leur communication préalable il s'était présenté comme Lev Nylia.
— On dirait que votre lézard s'éclate... Que me voulez-vous ?
Elle.
— Demain le nouveau gouvernement de Toprawa défile dans la capitale, le sommet de leur petite campagne électorale victorieuse... (Un verre siffla et vint s'écraser sur la cloison derrière lui, répandant un liquide bleu gluant sur l'écran holovidéo.) Je veux que vous les éliminiez. Dix mille par tête. Paiement à terme échu.
— Combien y-en-a-t-il ?
— Le président, le vice-président et les sept ministres qui défileront. Cela devrait suffire.
— Suffire à quoi ?
— Votre réponse, dit-il en ignorant la question.
Visiblement, elle n'en saurait pas plus. Mais elle avait une bouche à nourrir. Les affaires se faisaient rares dans la Bordure Extérieure, surtout depuis que cet idiot de Kyp Durron avait décidé de se prendre pour un agent zélé de la Corsec : la moitié de ses employeurs récents dormaient dans les prisons de Coruscant. Bientôt il faudrait qu'elle travaille pour les Hutts.
— Je veux une avance, dit-elle calmement. La moitié des quatre vingt dix milles.
— Vos semblables ont-ils toujours cette même facilité arrogante ? ironisa-t-il.
— Par définition, les êtres exceptionnels n'ont pas de pareil. Donc pas de semblables.
— Votre égo me paraît aussi doué dans l'art du camouflage que votre grande gueule, cracha-t-il. Trente mille crédits, c'est ma dernière offre.
Autour, l'agitation était retombée depuis l'arrivée de la police de la capitale et la tranquillité relative dont ils jouissaient s'essoufflait. Elle était à court de temps et Vorr le savait. Malgré l'insulte, elle décida d'accepter. Au moment où elle ouvrait la bouche pour répondre, Vorr sortait déjà une datapuce de sa ceinture utilitaire.
— J'accepte, dit-elle en se saisissant de la carte. Mais surveillez votre langage.
Le sourire aux lèvres, Vorr se laissa tomber dans le fond de son siège et se remit à siroter son breuvage, en regardant Lev se lever et partir. La seule chose que les infidèles semblent avoir réussi est cette boisson, pensa l'Exécuteur Tri'kor Vorrik, se rappelant que la gastronomie antique des Yuuzhan Vong avait fini par souffrir du manque de denrées entre les galaxies. Décidemment, ces missions de sabotage lui plaisaient beaucoup. Yun-Harla aimait la mesquinerie et les peuples de cette galaxie ne méritaient guère mieux. Mais malgré tout le mépris qu'ils lui inspiraient, Tri'kor avait dû se résoudre à effectuer des tâches contre-nature pour un Yuuzhan Vong. Ce soir, il faudrait qu'il trouve un peu de repos dans un vaisseau, l'une de ces machines utilisant la combustion artificielle. Comment s'appelait-il déjà ? Le Brema I. Brema n'était pas un lézard très inventif — pas même pour le nom de son vaisseau — mais il ferait un très bon esclave. Comme tous les autres.
Eve Lane avait toujours attiré l'attention des hommes et dans certaines circonstances elle s'en serait bien passée. Il faut dire que son visage fin souligné par ses cheveux noirs mi-longs était d'une beauté rare et même après trois ans d’entrainement intensif, il n'avait rien perdu de son éclat. Son sourire désarmant et ses yeux curieux faisaient converger les regards mais elle doutait que les hommes ne le regardent plus pour ses jolis yeux que pour sa chute de reins. D'ailleurs l'homme qui lui avait donné rendez-vous dans ce bar — Kol A'ha, son meilleur ami — ne lui trouvait aucun défaut. Et c'était bien là l'ennui. Kol A'ha faisait partie de la masse des hommes que l'on aurait pu qualifier de quelconque, et Eve désespérait de lui ouvrir les yeux sur ses intentions lorsque Kol aurait accepté que les jolies filles n'étaient pas destinées à sortir uniquement avec les canons de la beauté masculine intergalactique, canons souvent bien trop cyniques et bien peu préoccupés par ce qui pouvait rendre une femme heureuse.
Depuis l'élection d'Ortel Juka à la Présidence de la planète, la capitale semblait endormie. Le gouvernement encore en place pour quelques heures avait émis un série de décrets d’ordre publique afin d’éviter tout débordement de violence. D'ailleurs Eve risquait elle aussi de s'endormir si Kol ne se montrait pas dans les dix minutes. Elle se maudit d'être amoureuse d'un homme incapable de prendre une décision sentimentale et qui se permettait d'arriver en retard alors que l'invitation de ce soir était le pas le plus encourageant qu'il avait pu faire depuis leur adolescence. Le verre de li'at'kok qu'elle avait commandé pour patienter s'était vidé et réchauffé, et le sucre commençait à cristalliser dans le fond du verre. Perdue dans ses pensées, elle ne vit pas que la table de sabaac la plus proche explosait en même temps que la colère feinte d'un Barabel, ni que l'un des joueurs, basculant sur son siège, renversait sa propre table... jusqu'à ce qu'elle la prenne dans le menton.
La tête d'Eve Lane se mit à tournoyer, une douleur lancinante lui arracha un cri de douleur tandis que le chahut alentour saturait son ouïe. Puis elle sentit le sol. Une dizaine de secondes plus tard, alors qu'elle lutait encore contre la douleur, elle parvint à ouvrir les yeux. Le bar s'était transformé en champ de bataille et à mesure qu'elle scrutait la salle pour en découvrir la raison, une scène attira son attention. En plein milieu de ce maelström de bris de verre, de hurlements et de nez cassés, deux personnes échangeaient quelques mots. Elle s'approcha en titubant et en se tenant la tête et lorsqu'elle fut suffisamment près, elle déclencha l'enregistrement sur son databloc. Et quelqu'un déclencha un direct du droit... sur sa tempe.
Si Eve avait déjà eu autant mal à la tête elle ne s'en souvenait pas. A vrai dire sa mémoire lui semblait particulièrement défaillante à ce moment précis. Il lui fallu se concentrer sur les muscles de son visage afin d'esquisser un mouvement de paupière. La lumière ambiante lui brûla les yeux et lui arracha un gémissement.
— Bonjour Eve.
Kol.
— Où étais-tu ? cria-t-elle.
— Hé ! Tu es toujours aussi aimable au réveil ?
Peut-être que tu aurais la réponse à cette question si tu le voulais.
— Mais tu ne veux pas... finit-elle par penser tout bas.
— Je ne veux pas quoi ? demanda-t-il avec suspicion, un sourcil levé.
— Laisse tomber. Où est mon databloc ?
— Je l'ai récupéré mais vu ce qu'il a subit il faudra sûrement songer à t'en trouver un autre. Boro a essayé de le réparer pendant deux heures. Tes données sont dans un sale état.
— Il faut écouter le dernier enregistrement. Maintenant ! s'écria-t-elle en se levant.
— Tout doux ! Qu'est-ce qui se passe ? (Il tendit la main vers elle pour l'arrêter et effleura ses côtes.) C'est quoi cet enregistrement ? Le groupe de milenkazz était sympa ?
Il avait ce sourire radieux qu'il arborait chaque fois qu'il la taquinait. Et elle détestait ça. Il semblait plus naïf que jamais et il ne lui avait toujours pas donné la raison de ce rendez-vous improvisé. De toute façon, le moment était mal choisi pour une conversation. Elle n'avait pas le temps, pas l'envie et pas l'intimité nécessaire à une réconciliation... définitive.
— On en reparlera, abrégea-t-elle. C'est urgent. S'il te plait.
Kol la regarda droit dans les yeux. Un regard dur et froid. Il semblait confus et déçu. Eve était inconsciente lorsque Kol l'avait retrouvée dans ce bar et elle l'était restée pendant près d'une demi-journée. Leurs retrouvailles auraient gagné à être un peu plus chaleureuses. Son urgence avait intérêt à être urgente.
— Et appelle moi tout le monde, j'ai un mauvais pressentiment.
Kol roula des yeux.
Et sortit.
« … grande gueule ?
— J’accepte. »
Eve leva les yeux vers les quatorze hommes, femmes et aliens qui l'entouraient.
— L'enregistrement est équivoque. Nous avons tous entendu l'essentiel. Alors maintenant qu'allons nous faire ? Kol ?
— Le défilé commence dans trente minutes, dit Kol en consultant sa montre.
Un sentiment d'urgence envahit Eve.
— Ok, je change donc ma question : que fait-on ?
Un silence pesant s'abattit dans la pièce. Ils se doutaient que l'assassinat des leaders politiques de Toprawa allait provoquer un chaos sans nom dans les rues des plus grandes villes de la planète. L'équilibre fragile des alliances politiques se romprait, chacun revendiquant sa part du gâteau tout en sachant que tout le monde avait craché dedans. Ce problème concernait les citoyens de Toprawa, pas leur unité.
La pensée saturait la pièce et à mesure que le silence se prolongeait en refroidissant l'atmosphère, celle-ci se condensa et se cristallisa dans la bouche de Boro :
— Ce n'est pas notre rôle.
— C'est l'occasion rêvée Boro, asséna Eve sans broncher. Cela fait combien de temps que nous nous entrainons ? Que nous nous cachons ?
— Nous devrions d'abord en parler à Tyria, renchérit Kol. Elle a promis d'activer notre unité prochainement. Nous sommes en phase terminale…
— C'est impossible, le temps de la contacter et de se préparer il sera trop tard.
Ses yeux firent un tour de table.
— Sans parler du temps qu'il faudrait pour convaincre Tyria, ajouta-t-elle. Nous sommes les seuls à pouvoir éviter ce désastre. Je ne vous le demande pas en tant que supérieure mais en tant que citoyenne de Toprawa. La moitié d'entre vous ont passé dix ou quinze années ici. Vous savez ce qui attend la planète si son équilibre politique précaire est rompu. Et comme moi, vous n'avez pas envie de vous enfuir dans un vaisseau en laissant le sang couler dans les rues. Alors allons-y !
Personne ne bougea. Visiblement peu convaincus par la tirade d'Eve, l'unité restait silencieuse, chaque membre se torturant intérieurement pour savoir quelle décision prendre. Eve le fit donc pour eux.
— C'est un ordre, dit-elle sèchement.
— Nous n’avons plus le temps de l’arrêter, argumenta un Gotal du nom de Klo’qi. Ce chasseur de prime a une longueur d’avance sur nous. A l’heure qu’il est il est déjà posté quelque part sur le trajet du défilé, et un professionnel n’aura aucun mal pour échapper la police vérolée de la capitale. Tous les agents ne sont pas aussi disciplinés que ceux de la Nouvelle Garde Républicaine. Leur allégeance est incertaine et leur corruption sans limite.
— Alors nous n’avons plus le choix. Il faut arrêter le défilé.
— Oh oui ! Oh oui ! dit Nazyth. On pourrait faire une grande chaîne humaine de la fraternité contre les attentats. Car les attentats c’est pas bien. Ou une opération escargot dans les bouchons au dessus de la capitale.
— Nazyth…
— Ou Kol pourrait courir nu en hurlant des chants impériaux…
— La ferme ! fulmina Eve.
Nazyth avait le don exaspérant d’être particulièrement cynique. L’opérateur télécommunication de l’escouade était d’une compétence et d’une efficacité à toute épreuve et faisait des miracles : un comlink et un vieux cargo YT lui suffisait pour construire une Etoile Noire. Mais sa contribution aux briefings d’Eve se résumait à un silence prolongé entrecoupé de ces éclats de cynisme dont lui seul avait le secret. La plupart du temps, elles détendaient l’atmosphère. Mais ici et maintenant, le paroxysme de l’énervement d’Eve atteint, il décida de ne pas poursuivre son sarcasme. Le jeune homme avait une réputation sulfureuse et ne parlait pas vraiment de lui, ou en de rares occasions, et à quelques personnes. Son succès avec les femmes n’avait d’égal que sa solitude car si son physique n’était pas le plus avantageux de la galaxie, son charme naturel opérait une aura envoûtante sur la gente féminine.
Nazyth se rassit en marmonnant.
— Je maintiens que l’opération escargot…
Eve l’observa quelques instants, sondant son visage impassible seulement traversé de son éternel sourire en coin. Aussi loin qu’elle se souvienne, elle avait toujours pensé que quelque chose en lui s’était déchiré. Il y a bien longtemps. Mais Nazyth restait seul. Toujours seul.
Elle laissa quelques secondes flotter et inspira profondément.
— Ecoutez-moi bien. Je sais que nous ne devrions pas nous mêler à la politique planétaire. Je sais que Tyria sera furieuse. Je sais que la moitié d’entre vous désapprouve mon ordre. Mais je suis d’accord avec Ko’qli. Nous n’avons plus le temps. Et je suis d’accord avec Nazyth. (Elle le regarda d’un air entendu tandis qu’il relevait sa tête d’étonnement.) Nous n’avons aucun moyen d’arrêter le défilé.
Kol et les autres la regardaient fixement, attendant la suite.
— Sauf un. Vous savez comme moi que si l’assassinat réussit, le chaos sera total, les morts innombrables. Et parmi les victimes combien seront innocentes ? Combien seront des femmes, des enfants ? Combien seront des membres de votre propre famille ?
Une bonne partie de l’escouade baissait maintenant les yeux. Eve avait raison et ils le savaient. Toprawa n’était qu’une plaie ouverte par laquelle suintait les maux de la population et l’horreur dissimulée dans l’inconscient collectif.
— Par un heureux hasard cette information est tombée entre nos mains. Peut-être même la Force elle-même nous l’a apportée. Nous seuls pouvons empêcher ce massacre.
— Et comment comptes-tu faire ? demanda Kol.
— Il est probable que nous ayons à fuir de la planète et que nous ne puissions plus jamais y retourner. (Elle s’arrêta et sourit à l’assemblée.) On va tout faire péter.
— Du génie ! Simplement du génie ! Ton intelligence tactique n’a d’égale que ta finesse. (Une nouvelle fois, Nazyth ne s’était pas fait prier.) Bon, on y va ?
— Oui, répondit Eve en tournant les talons.
Puis elle jeta un coup d’œil par-dessus son épaule et lança :
— Et préparez vos bagages.
Les rues bariolées de rouge et d’orange grouillaient de monde, des cris s’élevaient des esplanades, des chants montaient des terrasses, les speeders des Forces de Défense de Toprawa passaient à toute vitesse au dessus des longues enfilades d’engins divers bloqués dans le trafic congestionné de la capitale. Près du Sénat, la densité de spectateurs atteignait des proportions inouïes, tous réunis dans l’exaltation de voir le nouveau gouvernement d’union sacré à l’œuvre de la reconstruction tant attendue de leur planète. La grande barge accueillant la série de dignitaires s’éleva en silence dans les airs, suivie de près par les motospeeders de la Nouvelle Garde Républicaine, formée le matin même sur les bases de la Division Spéciale Policière du Sénat. Parés de leur habits de parade, défilants et accompagnateurs entamèrent leur long bain de foule qui les mèneraient jusqu’au mémorial érigé en souvenir des exactions commises par l’Empire deux dizaines d’années plus tôt.
Et c’est à ce moment là que je rapporte quatre-vingt dix mille crédits à la maison.
Le chasseur de prime consulta sa montre : la procession avait déjà vingt minutes de retard, mais les cris ne faiblissaient pas. La ville semblait toujours plongée dans une frénésie quasiment fanatique, une effervescence communicative qui se propageait dans la moindre petite ruelle, dans le moindre recoin de chaque bâtiment. Même au plus haut étage du bâtiment de la Nouvelle Garde Républicaine qu’elle occupait actuellement. L’endroit que le dispositif surveillerait le moins.
Elle tendit l’oreille. Le brouhaha incessant avait légèrement changé de tonalité. Il semblait plus proche, plus aigu, plus rapide, plus… sauvage. D’un geste, elle saisit ses macrobinoculaires et zooma sur le coude qu’effectuaient les bâtiments en amont de la rue. Les gens couraient. De manière désordonnée, erratique.
Non, ils ne sont pas désordonnés, pensa-t-elle. Ils sont paniqués.
Elle jura en ramassant son armement de tireur d’élite et se lança dans les escaliers. Une ambiance tendue régnait dans le commissariat, les Gardes Républicains s’affairaient, les stations de contrôles clignotaient sans arrêt, des ordres étaient hurlés par-dessus l’entêtant concert de sirènes d’alarme stridentes. Un mini chaos au milieu du chaos qui lui permit de sortir sans encombre et sans se faire remarquer, dans son uniforme de la Garde qu’elle avait emprunté à un homme qui se trouvait — du moins elle espérait qu’il s’y trouvait encore — dans un placard du quatrième étage.
Arrivée sur le parvis du bâtiment, elle attrapa au vol l’un des citoyens paniqué.
— Que se passe-t-il ?
— Un groupe armé a attaqué le défilé à son point de départ au Sénat. La Garde Républicaine fait reculer tout le monde. Ils utilisent des gaz. C’est la bousculade plus haut ! Lâchez-moi !
Elle le lâcha et cria de frustration. Elle avait un besoin vital d’argent après qu’elle eut accouché et materné quelques temps. Ses économies lui avait permis d’envisager sa grossesse et sa maternité sereinement mais aujourd’hui elle avait cruellement besoin d’argent. Les femmes semblaient destinées à absorber toute la douleur, la souffrance, la pitié et la compassion de la galaxie cela même lorsqu’elles exerçaient le métier le plus masculin qui soit. Le désir d’être mère puis l’instinct maternel de protection qu’elles développaient par la suite finissaient par tout emporter sur leur passage, faisant passer l’intégrité de leur fœtus puis de leurs enfants bien avant la leur. Même ses grands principes n’y avaient pas résistés. Comme celui d’honorer un contrat coûte que coûte.
Au diable Vorr ! Je m’assurerai plus tard qu’ils sont bien morts.
Ailyn Vel se rua vers le speeder le plus proche, délogea son occupant et fila vers la campagne avoisinante où l’attendait son vaisseau. Il fallait qu’elle retourne auprès de Mirta.
Yun-Harla s’était jouée de lui. Il avait échoué. Mais personne ne lui en tiendrait rigueur. Il avait son propre agenda et toute liberté dans le choix et l’exécution de ses missions de sabotage. Où était passée Lev ? Son contact lui avait assuré qu’elle était la meilleure. Il mourrait pour s’être trompé. Et elle mourrait aussi. Tri’kor Vorrik avait autre chose à faire que de rester sur cette planète maudite et se dirigea vers le spatioport où l’attendait Brema, son fidèle infidèle.
Note pour moi même a écrit:Ce qui est bien, c'est que je le re-découvre en même temps que vous. J'aime mon caméo d'Ailyn Vel par contre, ce scénar est assez téléphoné.