Début de la deuxième partie : chapitre 11.
Chapitre 11 — Oruséa Prime Alors que les quatre millions de voix terminaient l'hymne impérial célébrant la gloire et les victoires des Six Provinces, quelque chose d'imprévu se produisit. Sur l'énorme écran qui dominait le colossal amphithéâtre, l'image de l'empereur Balshar sembla soudain se brouiller, perdre de sa substance, puis disparut complètement. Une lueur vive la remplaça, accompagnée d'un sifflement strident. Un frisson parcourut la foule, puis, crescendo, une rumeur de perplexité monta des gradins. Depuis son balcon en surplomb sur le haut bâtiment de l'Ordre Jedi, Spell fronça les sourcils. Un problème technique, une défaillance d'un des amplificateurs vidéo ? Peu probable, d'autant que, Spell l'ignorait encore, l'interférence se propageait à travers l'hyperespace, et tous les systèmes reliés à Oruséa Prime par hyperfaisceau recevaient aussi ce spectacle inattendu. Mais cela ne s'arrêta pas là. Sur l'écran, sous les regards incrédules de milliards d'individus, et sous celui, plus encore, de Arkon Spell, on vit apparaître un homme, un inconnu au visage dur et au teint de cendre, cheveux sombre, vêtu d'un uniforme gris acier. Il inspirait naturellement le respect, rien que par son regard sévère, et il semblait glacer la foule qui le regardait. Il était physiquement tout l’opposé de Balshar. Spell sortit rapidement de son ébahissement et saisit le communicateur qu'il portait à sa ceinture.— Grand Gilead, qu'est-ce qui se passe ?
Il ne reçut que des grésillements. Pas moyen de faire passer le plus petit ordre aux services de sécurité. Son regard revint vers l'écran, sur lequel l'inconnu demeurait silencieux. La foule en contrebas était comme hypnotisée par l'inquiétant personnage qui les dominait, haut de deux cents coudées. Dans tout l'Empire, la même image s'imposait partout, sur tous les récepteurs, dans toutes les maisons, dans tous les esprits. Enfin, après quelques dizaines de secondes, l'homme sur l'écran ouvrit la bouche:— Peuples de l'Empire des Six Provinces, dit-il d'une voix sépulcrale que répercutèrent des milliers de haut-parleurs, je suis Agelborn, le prophète, et je suis devant vous pour vous annoncer la fin de la paix.
Le silence se fit presque total dans l'assistance. Dans les cabines de surveillance vidéo, des techniciens au comble de l'affolement cherchaient d'où pouvait provenir cette émission, et pourquoi ils étaient incapables de la stopper. Mais ils s'arrêtèrent subitement dans leurs recherches et se tournèrent vers l'image de l'homme, sur les écrans de contrôle, irrésistiblement attirés. La voix grave et un rien détimbrée les fascinaient.— Depuis un millénaire, reprit Agelborn, vous pensez tous être parvenus à un nouvel âge d'or, à une nouvelle ère de paix universelle. C'est un leurre. Depuis un millénaire, vous êtes en réalité tous manipulés par une puissance supérieure qui vous domine, vous conditionne, qui instille dans vos esprits des pensées, des sentiments, des idées qui ne sont pas les vôtres grâce à des machines, des émetteurs mentaux qui vous privent de ce que vous avez de plus précieux : votre liberté.
Une rumeur s'enfla dans la foule. Pétrifié sur son balcon, incapable de faire le moindre mouvement, Spell croyait faire un cauchemar. Comme lui, les centaines de chevaliers Jedi disséminés parmi les foules furent soudain pris d'une étrange anxiété.— Peuples de L'Empire, poursuivit Agelborn, c'est Telmadus qui vous manipule. Vous n'êtes que des pantins entre les mains des chevaliers Jedi et des prétendus prêtres de Gilead. Même votre empereur n'a aucun pouvoir; il est choisi et façonné par les Jedi. Oui, sous couvert de religion et autres balivernes, Telmadus ne vise qu'une chose: le pouvoir suprême, total, sur tout ce qui vit dans la galaxie. Les Jedi sont l'ennemi, les Jedi vous trompent depuis des siècles et cherchent à vous asservir plus encore grâce au recensement génétique qu'ils imposent.
La rumeur prit un peu plus d'intensité encore. C'était comme si un fort courant électrique parcourait les sièges des gradins, tétanisant chacun, réveillant dans le cœur des individus des souvenirs oubliés, des sentiments qu'ils pensaient ne jamais ressentir un jour. Même les nombreux Jedi présents dans la foule pouvaient le discerner en dépit du contrôle mental.— Peuples de l'Empire, poursuivit Agelborn, sur un ton de plus en plus agressif, le dieu Gilead est un mythe, imposé par les Jedi, et la prétendue Mémoire n'est qu'une machine diabolique qui vous arrache vos pensées profondes et altère votre personnalité. Il est temps, aujourd'hui, que cesse cette imposture. Enfants de la galaxie, réveillez-vous !
La rumeur se changeait en clameur et la foule rassemblée dans l'amphithéâtre commençait à gronder comme une mer en furie, alors que le prophète poursuivait son discours, après une courte pause.— Peuple de l'Empire, je crie "
vengeance !" contre ceux qui nous manipulent depuis mille années, ôtant de vos cœurs, de vos esprits, de vos mémoires tout ce qui entrave leurs projets. Je crie "
vengeance !" contre Telmadus ! Peuples galactiques, mes frères, ne laissez plus ces hommes vous égarer ! Anéantissez-les, détruisez ce culte odieux, cet Ordre Jedi qui vous enferme dans cette paix forcée, dans ce bonheur insoutenable qu'aucun d'entre vous ne désire ! Car jamais les dieux, nos anciens dieux d'autrefois que les Jedi ont balayé, n'ont voulu cela. Détruisez les hommes qui se sont fait des dieux eux-mêmes, détruisez les menteurs !
Enfin, Agelborn se tut. Sur la large place, la foule était comme paralysée, alors que l'image du prophète disparaissait, noyée dans une lueur blanche. Un cri perçant monta, parcourut les millions de personnes massées, un cri terrifiant, qui se changea vite en hurlement généralisé, indistinct, le son le plus puissant qu'aucun humain n'ait jamais entendu. Et dans tous les territoires de l'Empire, le même cri se levait, chez tous ceux qui avaient pu entendre les paroles d'Agelborn le prophète. Tous, partout, dans toutes les langues de l'Empire, criaient "vengeance !" Sur son balcon, heureusement à l'abri de la foule, Spell était glacé d'horreur. Un millénaire de travail, d'efforts acharnés, de sacrifices, tous les efforts de sa vie venaient subitement de tomber en ruine. Le doute et la haine envahissaient la foule, Spell pouvait le sentir, et il s'ancrait de plus en plus profondément dans leur cœur. C'était pourtant impossible ! Les émetteurs mentaliques disséminés un peu partout dans l'amphithéâtre n'auraient jamais dû permettre une telle catastrophe. Les gens crédules, lorsqu'ils s'apercevaient qu'on les avait dupés, pouvaient se montrer dangereusement vindicatifs, et c'était le cas des quatre millions de personnes rassemblées sur la place d'apparat, dans le grand amphithéâtre de pierre. Un voile se levait sur leurs yeux et ils prenaient conscience qu'on les avait aveuglés, depuis leur naissance, et leurs parents, leurs ancêtres avant eux, que ces Jedi qui se prenaient pour des dieux les avaient réduits à l'état de foule bêlante et heureuse de l'être. Pourtant, songea Spell, quelques mots même bien préparés, même parfaitement exprimés ne pouvaient suffire à anéantir des siècles d'efforts. Quelque chose d'autre devait s'être produit durant le discours du prophète. Remerciant ses capacités psychiques, Spell retrouva bien vite son sang-froid et réagit rapidement. Saisissant Brewster par le bras, il l'entraîna dans le bâtiment principal. Le jeune journaliste, tout retourné par les paroles du prophète, semblait hébété, abruti, et suivait le Jedi, sans la moindre expression. De simples mots ne produisaient pas un tel effet, songea Spell. On avait certainement utilisé des armes mentales puissantes alors que l'attention de la foule était fixée sur le prophète, et les auteurs de ce coup d'éclat, qui qu'ils soient, désiraient créer un gigantesque mouvement de panique et de colère contre les Jedi. Chassant temporairement ces réflexions de son esprit, Spell se concentra sur ce qu'il convenait de faire à présent. Une seule chose: fuir, quitter Oruséa Prime le plus vite possible, car cette foule semblait bien décidée à faire passer au mauvais moment aux Jedi. Traînant toujours le journalise ahuri derrière lui, Spell traversa le bâtiment et emprunta un ascenseur privé, réservé aux dignitaires de l'Ordre, qui descendit à une vitesse vertigineuse dans les entrailles du bâtiment. Bientôt, il rejoignit un groupe de Jedi qui attendait dans une grande pièce puissamment éclairée.— Gilead soit loué, dit l'un des Jedi, vous êtes là. La foule vient de prendre ce bâtiment d'assaut.
— Je le craignais, dit Spell. Il ne faut pas moisir ici, messieurs.
La pièce où ils se trouvaient tous était fort large, mais basse de plafond. Le groupe se concentra au milieu, dans un cercle dessiné sur le sol. Contre un mur, l'un des Jedi manipulait les contrôles d'une console de commande. D'après son uniforme de grande cérémonie, c'était l'un des membres du Conseil Jedi. Après quelques réglages, il dit:— Allons-y, messieurs. La machine va nous conduire sur Telmadus, où nous serons en sécurité, puis les systèmes de commande s'autodétruiront. Personne ne sera en mesure de nous suivre.
— Parfait, dit Spell.
Le groupe, composé d'une dizaine de Jedi en uniformes d'apparat et du journaliste trigon, se trouva soudain entouré d'un champ d'impulsion hyperspatiale. Sur la console de contrôle, une série de voyants passa au vert, les atomes des onze personnes se retrouvèrent propulsés, sous forme de faisceau d'énergie, à travers l'hyperespace. La large pièce, au cœur du bâtiment, était un énorme téléporteur hyperspatial, pur produit de la Vieille Science, qui propulsa le petit groupe vers Telmadus, la planète mère des Jedi. Il était temps. Quelques minutes seulement après leur disparition, une foule en furie s'engouffra dans la salle, munie de barres de fer, d'épées et de divers autres instruments contondants, dans l'intention évidente de casser du Jedi. Heureusement pour Spell et ses compagnons, la populace n'eut pas cette chance, et se contenta de détruire systématiquement tout ce qui passait à sa portée. Tous ces gens qui, quelques minutes plus tôt criaient leur joie dans un hymne à la paix universelle, semblaient devenues des bêtes furieuses. La foule dévasta le bâtiment de l'Ordre Jedi, le temple de Gilead et les bureaux de l'administration telmadienne. Une fois leur tâche achevée et cette inextinguible soif de vengeance assouvie, la violence se retira brusquement des esprits, comme elle était venue, et ils laissèrent tomber leurs armes. Lentement, la foule sortit de son hébétude, comme l'on se réveille soudain d'un cauchemar. La force qui les avait dominés quelques heures durant se retirait, mais avait laissé des traces indélébiles dans leurs esprits. Maintenant, pour tous les citoyens de l'Empire des Six Provinces, dans tous les cerveaux, dans tous les cœurs, il n'y avait qu'un ennemi, qu'il fallait abattre avant qu'il ne sème le chaos. Cet ennemi, c'était les Jedi. La guerre éclatait.— — — — — — — —
Sur Telmadus, Spell et ses compagnons firent une arrivée remarquée. Voir ainsi surgir d'une salle de téléportation le plus haut personnage de l'ordre ainsi que plusieurs des membres du conseil ne manqua pas de stupéfier les gardes en faction. A peine arrivé, Spell se rendit au centre de communication afin de prendre des renseignements sur la suite des événements, et les autres se dispersèrent. Seuls restèrent dans l'antichambre de la salle de téléportation Brewster, encore hébété de ce qu'il venait de vivre, et un vieux Jedi, un ancien membre du Conseil nommé Freder, prodigieusement intéressé par la présence du jeune trigon.— Sans indiscrétion, jeune homme, dit le Jedi, puis-je vous demander la raison de votre présence ici ?
— Je ne suis pas sûr, dit Brewster. J'ai l'impression d'avoir rêvé. C'est comme si toute une armée défilait dans mon crâne. Mais où sommes-nous ?
Freder sourit. Il n'était plus un Jedi très actif, loin de là, et fuyait le contrôle mental comme la peste. Visiblement amusé du trouble extrême du jeune homme, il expliqua:— Vous êtes sur Telmadus.
— Pardon ? il y a un instant, j'étais sur…
— Vous avez été téléporté jusqu'ici par un dispositif secret que possèdent les Jedi. Un autre des miracles de la Vieille Science. Un de ces jours, ajouta-t-il en fronçant les sourcils et en grattant son crâne dégarni, il faudra qu'on découvre comment il fonctionne vraiment…
Brewster regarda autour de lui, stupéfait.— Vous voulez dire que nous avons voyagé dans l'espace sans vaisseau ?
— Bien sûr. Mais ce système n'est prévu que pour des cas d'extrême urgence, comme celui auquel vous avez été confronté sur Oruséa Prime. Votre départ n'a pas dû passer inaperçu, d'ailleurs. Cette téléportation a certainement pompé la moitié de l'énergie disponible sur le réseau d'alimentation de la cité impériale.
— Je ne comprends pas.
— Cette machine consomme tant d'énergie qu'on ne peut l'utiliser que pour des cas d'urgence. Elle fonctionne sur le principe des moteurs hyperspatiaux et transmet de la matière dans l'hyperespace, mais nous n'avons pas encore trouvé le moyen d'amplifier suffisamment les flux énergétiques pour que cela soit économique. Nos ingénieurs pensent que nous sommes passés à côté d'un élément de l'appareil, lorsque nous l'avons construit d'après les plans trouvés dans la Mémoire. Les bons vieux vaisseaux sont moins rapides mais reviennent infiniment moins cher.
Freder prit le jeune homme par le bras et le conduisit vers le centre médical du palais de l'Ordre, où ils se trouvaient. Spell avait eu une idée judicieuse de prendre cet humain avec lui, songea Freder. Son esprit porterait certainement les traces du procédé employé pour déchaîner les foules sur Oruséa. Lorsque Spell entra dans la salle principale du centre de communication, il y trouva plusieurs autres Jedi de sa connaissance: le conseiller Wallen, plusieurs chevaliers et le secrétaire Walt Smir, un homme grand, mince, au regard froid. Smir n'était plus un Jedi depuis longtemps. Il avait tâté pendant un temps de la philosophie hédoniste, autrefois, mais il était revenu à ses idées initiales. Il avait ensuite adopté les techniques mentalistes et était passé maître dans l'art du contrôle mental, ce qui faisait de lui une sorte de machine vivante, dénuée de toute sensibilité et d'une efficacité redoutable. Il n'était plus vraiment secrétaire du Conseil Jedi depuis bien longtemps, mais avait conservé le titre qui lui collait à la peau.— Monsieur Spell, dit-il, je suis satisfait de vous voir sain et sauf.
— La joie se lit sur votre visage, dit Spell. Où en est la situation ?
Sans relever ce qu'il considérait comme une insulte, Smir répondit:— Le conseiller Harlân est en train de faire le bilan. Il vous en dira plus dans un instant.
Ils traversèrent la large salle de communication, pleine de longues files de terminaux devant lesquels quelques techniciens s'affairaient, et se dirigèrent vers le centre nerveux, la console principale surmontée de son projecteur holo. Harlân, conseiller responsable de la coordination des chevaliers, examinait pensivement une liste qui s'affichait sur un écran. Il était décoiffé et portait un uniforme bleu qui, visiblement, n'était plus de la première fraîcheur.— Harlân, dit Spell, sans plus de présentations, donnez-moi tous les détails sur la situation.
Le conseiller se dressa et salua Spell d'un geste vague. Pour un Jedi, son contrôle mental était presque inexistant. Il avait l'air las et préoccupé, les traits tirés, comme si on venait de l'arracher d'une longue animation suspendue.— Hé bien, dit-il, la situation empire de minute en minute. Je suppose que vous arrivez d'Oruséa Prime ?
— Oui. J'ai assisté à tout.
— Les paroles de cet individu se faisant appeler Agelborn ont été entendues dans tout l'Empire, sans que nous puissions couper l'émission. Partout, ce message s'est accompagné de mouvements de violence dans les foules, visant spécifiquement les Jedi et les temples de Gilead. Nous sommes la cible, monsieur.
Spell eut une moue embarrassée, qui disparut aussitôt, balayée d'un revers de main psychique.— Avouons-le, c'était parfaitement préparé, dit Walt Smir. Le moment idéal pour une action de ce genre.
— Combien de blessés ? Des morts ? dit Spell.
Harlân considéra une liste, sur un écran. De nouveaux noms s'y ajoutaient presque à chaque seconde. Le conseiller sourit tristement et secoua la tête.— Nous sommes sans nouvelles de huit mille de nos hommes. Je ne parle pas des quantités d'autres qui ont été pris à partie sans même avoir pu se défendre. Plusieurs temples ont été mis à sac et une trentaine de nos vaisseaux sont détruits, soit au sol, soit par les patrouilles de protection en orbite.
Spell ne put retenir une sorte de gémissement, tant de douleur, tant de colère ! Même s'ils étaient robustes, les Jedi pouvaient souffrir atrocement. Le fait qu'ils soient solides physiquement les exposaient d'autant plus à des souffrances qui auraient tué sur le champ n'importe quel être humain, des souffrances terribles. Spell avait enduré lui-même de telles douleurs, autrefois, pendant la guerre.— Faites tout votre possible, Harlân, dit-il. Il nous faut un chiffre des pertes en hommes le plus exact possible. Utilisez tous les circuits d'urgence de la Mémoire s'il le faut.
Il se tourna vers Wallen.— A-t-on une idée précise de ce qui a pu provoquer cette folie ? Des armes mentales ?
Le conseiller secoua la tête.— Je l'ignore encore. Freder va tenter de sonder le cerveau du jeune trigon que vous avez ramené avec vous pour tenter d'y voir plus clair. Tout ce que je peux vous dire, c'est que pour manipuler tant de monde en même temps, sur presque tous les mondes de l'Empire, il faudrait un puissant lien avec la Force, bien au-delà de ce qu'un mentaliste, même le meilleur, est capable. Ou alors, des émetteurs d'une rare puissance.
Spell était parfaitement conscient de ce que tout cela signifiait. Les Jedi ne possédaient pas de dispositifs capables d'obtenir un tel résultat. En tant que chef de l'ordre, c'était à lui de prendre une décision. Il fit un geste et un technicien du centre fut près de lui aussitôt.— Je veux qu'on sorte des hangars de Coruscant les huit cents navires de la flotte et qu'on procède à leur remise en état le plus rapidement possible. Ordre de mobilisation générale sur les systèmes du district telmadien : que chacun se tienne prêt et attende une affectation ! Alerte maximum aux avant-postes frontaliers et dans tous les systèmes.
Une voix se fit entendre, derrière Spell. Une voix familière qui s'exprimait avec un fort accent trigon.— Monsieur Spell. Si je vous comprends bien, Telmadus possède une flotte de guerre, en dépit de la loi impériale ?
Brewster, flanqué d'un Freder souriant, arborait une étrange grimace. La colère se lisait en lui, et un rapide examen mental révéla à Spell qu'il n'était pas spécialement bien disposé envers les Jedi. Il gardait ses poings serrés, comme s'il était prêt à frapper le premier venu.— Votre place n'est pas ici, monsieur Brewster, dit Spell. Freder, emmenez-le et veillez à ce qu'il soit enfermé.
— Ce n'est pas une bonne idée, monsieur Spell, dit le journaliste. Quand mes lecteurs apprendront la manière dont vous m'avez traité, ils…
Freder fit taire le jeune homme d'un geste doux.— Répondez-lui, Arkon, il a le droit de savoir.
— C'est nous qui avons formulé la loi impériale, monsieur Brewster, dit Spell après un soupir. Nous n'avons plus de flotte à proprement parler, seulement des navires dans des hangars. Mais si on nous attaque, il est logique que nous soyons en position de riposter. D'ailleurs, je ne m'étonnerais pas si l'Empire possédait lui aussi une flotte de guerre secrète. Plus rien ne pourrait m'étonner à présent.
Brewster fronça les sourcils. Si les soupçons de Spell se confirmaient, alors la galaxie était sur le point d'entrer en guerre. De nouveau. Spell s'assit dans un siège, derrière le projecteur holographique et laissa libre cours à sa mauvaise humeur. Maintenir son contrôle mental lui demandait à présent trop d'énergie, et il se laissa donc envahir tout entier par ses sentiments négatifs. Le désespoir. Spell et lui étaient de vieux amis. Ce fut Walt Smir qui s'approcha de lui pour lui poser la question qui était sur toutes les lèvres, qui préoccupait déjà la plupart des Jedi :— Que va-t-il advenir du Plan, maintenant ?
Spell baissa la tête d'un air désabusé. La question qu'il craignait ! La question à laquelle il n'avait pas de réponse, du moins pas immédiatement. La question qu'il refusait de se poser, tant la réponse probable le remplissait de terreur.— Je n'en sais rien, secrétaire. Demain, nous en saurons plus…