Merci, j'assume aussi le fait que Dame Claria m'a beaucoup inspirée.
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Callixta Pradeux était une femme d'un certain âge, elle paraissait vingt ans de plus que son mari, un visage en lame de couteau que n'éclairait aucun sourire. Seule excentricité, un fard à lèvre violine qui accentuait l'aspect cadavérique de son teint. Contrairement à son époux, elle affichait une tenue stricte. Elle vivait dans un immense duplex de l'avenue Galactica, meublé avec goût, selon les standards du COMPORN.
- J'ai très peu de temps à vous consacrer. J'ai rendez-vous dans quelques minutes avec la Ligue.
Analina avait épluché rapidement son dossier en maugréant contre le colonel qui s'était réservé leur meilleure piste, l'envoyant sur une piste à première vue bouchée. Or, la lecture lui démontra que Wassid n'avait pas perdu de son flair légendaire.
Callixta Pradeux était une suspecte intéressante. Elle faisait partie des ligues de vertu coruscanties, un groupe plus ou moins élitiste, œuvrant pour la moralisation de la société impériale, et pointant régulièrement les excès du ministre. Ce qui en disait long sur l'équilibre du mariage. Elle et sa bande interpellaient régulièrement l'Empereur sur les déviances de la Cour, ne craignaient pas de le mettre en cause dans de virulents pamphlets, tout en restant à la limite du lèse-Majesté. Toute cette clique de fanatiques avait donc un motif solide de déclencher un scandale, et les moyens. Nombre de hauts dignitaires et de membres de la vieille noblesse du monde-capitale, écœurés par les dérives de Pradeux, les soutenaient plus ou moins publiquement.
- Je souhaite vous poser quelques questions à propos de votre mari, madame.
- Hum, ricana-t-elle. Qu'est-ce que cet immonde débauché a encore fait ?
- Je crois comprendre que vous n'avez que peu de contact ?
- Alec a sa garçonnière au Palais, avec ses putains aliens. Il n'a pas mis les pieds ici depuis quinze ans. La famille est un vain mot pour lui, il n'est même pas venu au baptême de sa dernière petite-fille.
- Quand l'avez-vous vu la dernière fois ?
- Pour le Nouvel An, il y a des devoirs auxquels les époux ne peuvent se soustraire.
Callixta était l'héritière de la Rokugan, une importante corporation du Noyau. C'était à sa fortune que le ministre devait son ascension, il avait plus besoin d'elle que le contraire. Billy avait réussi à fourrer son nez dans leur contrat de mariage, elle avait tout, il n'avait rien. Elle n'avait aucun intérêt à rester mariée.
- Pourquoi vous ne divorcez pas ?
La femme prit un air pincé.
- La vertu paraît plus éclatante lorsqu'elle côtoie le vice.
- Comme Sa Majesté… lorsqu'il côtoie la Cour. Ce qui est valable pour vous l'est pour lui, non ?
- L'Empereur est une figure symbolique, qui doit incarner dans sa chair nos valeurs de pureté et de sobriété. Il est impensable qu'il puisse frayer avec des catins et des dévoyés et se laisser entacher par tous ces scandales.
- Et que comptez-vous faire ? Mettre l'Empereur dans une cage ?
Les yeux délavés semblèrent la fusiller.
- Nous avons déposé un moratoire sur la moralisation de la Cour, qui proposent des règles strictes concernant la vie privée et publique de nos dirigeants, mais vous vous égarez, vous ne deviez pas parler de mon mari ?
- En effet, madame. Rien de grave, c'est une enquête de routine. Lui connaissez-vous des ennemis ?
- Alec est l'ennemi de la Vertu.
- L'ennemi de votre ligue ?
- Alec cristallise tout ce qui pourrit cette galaxie. Le crime, la décadence, l’obscénité. Il corrompt tous ceux qu'il approche.
- L'Empereur ?
- Palpatine représentait ce que nous vénérons : la sobriété, la probité, un homme irréprochable, dépourvu de vices. Son couronnement a été notre victoire.
- Vous en parlez au passé, que dois-je en conclure ?
- Alec est allé jusqu'à souiller ce que nous avions de plus beau… en introduisant cette putain Jedi dans le Cercle. Il a fait de notre emblème le pantin de cette catin décadente.
Analina n'en perdait pas une miette devant ce déluge indécent de lèse-Majesté. Cette vieille carne devait avoir de sacrés appuis pour oser traiter l'Empereur de marionnette gâteuse devant un agent du BSI assermenté. Elle usa de toute sa volonté pour rester impassible et cacher son indignation. Le souverain avait toujours eu un comportement exemplaire, qu'aucun scandale sur sa prétendue vie privée n'avait pu ébranler. Il avait traversé les dernières tempêtes médiatiques avec une dignité et une maîtrise de soi indiscutable.
- Elle est de retour, avec son bâtard qu'elle veut légitimer... éructait la dame. Mon ignoble mari tente de réintroduire la catin d'Alderaan dans ce foutoir qu'on ose appeler une Cour. Mais nous allons l'en empêcher. Cette fois-ci, nous ne faillirons pas. Nous protégerons l'Empereur du vice !
- Heu… d'accord… Et comment ? Vous allez décrédibiliser votre mari ? Le faire chasser de la Cour ?
- Alec sera puni un jour par là où il a péché, la Force y pourvoira. Non, nous allons exiger d'Organa qu'elle expulse cette engeance de la Cité Impériale. Nous allons déposer un ultimatum de deux jours, au-delà duquel, nous boycotterons Alderaan.
- Je vois, fit Analina.