Bien, bien ! À présent, il est l'heure du saut final dans la déraison !

VII.
À leur grande surprise, Dyn et Ly entendirent à leur retour une longue salve d'applaudissements s'élever depuis le carré ; la porte étant fermée, les deux Jedi ne purent résister à l'envie d'approcher pour écouter. L'orateur reprit son discours ; c'était Lorsa, évidemment, mais sa voix était devenue méconnaissable, il hurlait et martelait son discours avec une agressivité contagieuse... Plus inquiétant encore, sa voix paraissait devenir étrangement rauque par moment d'une façon qui paraissait bien peu naturelle, comme si la haine déformait ses cordes vocales...
« Qui a causé cette guerre ? clamait-il. Les Jedi ! Les Jedi par leur incapacité à accepter qu'il existe un autre Ordre ayant une philosophie différente de la leur ! Et qui nous a conduit à la défaite et au Traité de Coruscant ? Les Jedi, encore et toujours, incapables de mener la guerre qu'ils ont eux-mêmes déclenchée ! Et qui abandonne la République après l'avoir conduite au bord du gouffre ? Les Jedi, bien sûr ! Les Jedi sont responsables de bien plus de morts dans cette Galaxie que Otan Tyers, jamais ceux qui sont ici ne doivent en repartir !
Il y eut une nouvelle salve d'applaudissements, étrangement bruyante sachant que les auditeurs étaient en tout et pour tout trois ! Cela aurait pu paraître ridicule à un observateur extérieur, mais pour les deux Jedi, voir leurs compagnons de voyage se livrer à cette mascarade grotesque sans s'en rendre compte ne pouvait être qu'effroyable... Mais déjà, Lorsa reprenait, paraissant encore plus hargneux que précédemment :
-Peut-être êtes-vous encore suffisamment intoxiqués par la propagande bien-pensante Jedi pour croire que malgré les désastres qu'ils ont provoqués, les Jedi ont fait tout cela pour nous... Si c'est le cas, vous vous trompez complètement ! Car enfin, qui détient le pouvoir, dans la République ? Il fut un temps où les Jedi avaient la franchise d'occuper eux-mêmes le poste de Chancelier ! Aujourd'hui, non, ils ont choisi la solution plus vicieuse de former un lobby puissant au Sénat et de manipuler les esprit de nos dirigeants au moyen de leurs pouvoirs surnaturels pour masquer leur domination ! De toute façon, les Jedi ne serviront jamais personne, ils ne servent que leurs principes mystiques ! Si un élu, un peuple ou même un des leurs agit contre ce qu'ils voudraient, ils le taxent de corruption, de despotisme ou de « passage du Côté Obscur » comme ils disent, et ils se croient tout permis pour le neutraliser ! Qui contrôle vraiment les Jedi ? Jamais nous ne serons libres tant que des gens auront le pouvoir de lire l'avenir et de manipuler nos esprits !
« Et c'est exactement la même chose qui se passe ici : les Jedi ont accusé Hessart de trahison sur la foi de leur seule parole, ils ont jusqu'au bout essayé de nous aveugler sur la malédiction qui s'est abattue sur ce vaisseau et ont refusé d'écouter nos appels à la raison ! Nous leur avons laissé leur chance !
Cette fois, la pluie d'applaudissements fut accompagnée de cris d'approbation. Dyn se retourna avec une lenteur mécanique vers Ly, son sang s'était changé en glace à l'intérieur de ses veines...
-C'est du délire, chuchota-t-il. Il raconte
n'importe quoi. Il les a lobotomisés !
-Dyn, tu ne vois pas ce qu'il se passe ? lui dit-elle, ses yeux ne paraissant plus qu'un puits sans fond d'épouvante. Ils sont
possédés. Possédés comme si Lorsa avait pris le contrôle de leurs esprits par la Force !
Ledit Lorsa avait recommencé à débiter ses sornettes sur le même ton apocalyptique que précédemment, mais Dyn ne l'écoutait pas ; cela n'avait pas d'intérêt, parce que Ly avait raison, on pouvait bien dire ce que l'on voulait des techniques de manipulation, mais ce qui se passait de l'autre côté de la porte n'avait à l'évidence rien de naturel. Les membres de l'équipage se comportaient avec leur nouveau leader comme s'il s'agissait d'un homme politique professionnel qu'ils suivaient avec enthousiasme depuis des années, alors que cela faisait à peine plus de deux jours que Lorsa prenait la parole ainsi...
-Tu as raison, reconnut Dyn. Mais est-ce que c'est Lorsa qui les possède, ou est-il lui-même possédé ?
-Je ne sais pas... C'est complètement... oh non...
Dyn comprenait que Ly se sente à ce point accablé ; ils avaient vu des pannes inexplicables, des fantômes, des créatures dont le comportement échappait à toute logique, voilà qu'ils découvraient une force capable de prendre ainsi contrôle des esprits... Que pouvaient-ils encore faire dans cet univers de dingues ? Qu'est-ce qui avait encore un sens ?
Soudain, le silence se fit de l'autre côté de la porte ; il n'y eut plus ni les vociférations de Lorsa, ni les acclamations de ses supporters. Dyn se demanda un instant ce qui se passait, mais la voix de Lorsa reprit de l'autre côté de la porte, étrangement traînante :
-À présent, je demande aux deux Jedi qui nous espionnent depuis un moment dans le couloir d'entrer, j'ai quelque chose à leur dire et à vous dire.
Dyn se retourna soudain vers Ly, stupéfait ; il était pourtant bien certain que leurs murmures étaient restés inaudibles entre les applaudissements et le discours... Celle-ci haussa les épaules, l'air résignée, et ouvrit la porte ; que risquaient-ils, après tout ?
-Nous sommes là, Lorsa, annonça-t-elle. Vous avez fini de dire des bêtises, qu'on puisse parler ?
Lorsa les attendait debout au fond du carré, le regard perçant ; ses auditeurs, assis en face de lui, se retournèrent vers les Jedi. Le gourou sourit.
-Il ne s'agit pas de discuter, vous avez amplement démontré que l'on ne pouvait pas discuter avec vous... Je voulais simplement vous annoncer à tous que j'ai une bonne nouvelle : il y a une autre épave à l'est de la nôtre, et elle contient suffisamment de pièces en bon état pour que nous puissions quitter cette planète. Mais elle ne sera pas là si vous venez avec nous.
Ly laissa échapper quelque chose à mi-chemin entre l'éclat de rire et la consternation.
-Ben voyons ! Et on peut savoir comment vous savez cela ? Vous êtes devenu Maître Jedi ?
-Tout le monde ici n'est pas encore devenu suffisamment bête pour vous croire, Lorsa, l'appuya Dyn.
-Étrangement, je m'attendais à cette réaction... Eh bien, nous verrons : moi et l'équipage, nous allons partir à l'est ; si nous ne trouvons rien, je suis un manipulateur, ou alors la malédiction pèse sur nous aussi... Sinon, en revanche, ce sera la preuve que je dis la vérité depuis le début !
-Et ? questionna Dyn en y mettant tout le mépris possible, pour se contraindre à ne pas prendre au sérieux Lorsa.
-Et si je dis la vérité, nous devrons nous assurer que vous ne quittiez
jamais cette planète, tous les deux.
Bien qu'il connaisse l'absurdité des propos de Lorsa, Dyn frissonna. Il n'arrivait pas à se faire à l'idée que Lorsa puisse dire ainsi qu'il y avait une épave à l'est sans avoir une bonne raison, quand bien même il l'avait entendu proférer un tissu de mensonges précédemment. En arriveraient-ils à devoir décimer tout l'équipage pour survivre ?
-Ah, et vous comptez vous y prendre comment, pour neutraliser deux Jedi à vous quatre ? railla Ly, s'efforçant de ne pas paraître impressionnée.
Lorsa sourit une nouvelle fois.
-Vous verrez bien. Mais nous y arriverons forcément, car vous savez pertinemment que nous sommes du bon côté, le destin est avec nous. À présent, allons-y, l'épave nous attend ! conclut-il en un cri à l'attention de ses troupes.
Simultanément, les trois membres de l'équipage se levèrent, et ils se mirent en marche sans un mot pour sortir de la salle ; aucun d'eux n'échangea le moindre regard avec les Jedi lorsqu'ils passèrent entre eux après avoir franchi la porte. Ly n'attendit même pas qu'ils soient loin pour dire à voix haute :
-Cette fois, plus de doute, il est devenu fou... »
Dyn l'espérait sincèrement.
Une fois Lorsa et ses adeptes partis, le vaisseau resta entièrement vide en-dehors des deux Jedi, un amas de métal tordu que la vie avait quitté... Dyn ne mit pas longtemps à se rendre compte qu'il ne le voyait plus de la même façon, ce vaisseau lui paraissait être devenu de plus en plus oppressant au fur et à mesure que ceux qui l'habitaient étaient partis, il ne se sentait plus en sécurité à bord de cette épave, comme s'il s'agissait d'une gigantesque bête métallique qui dévorait ses occupants un à un... Il ne voulait pas s'éloigner de Ly, il avait la sensation que s'ils se séparaient ne serait-ce qu'un instant, quelque chose d'horrible surviendrait.
Mais quelque chose d'horrible surviendrait de toute façon. Le seul suspense qui restait dans le funeste destin de ce vaisseau était de savoir comment lui et Ly mourraient... Le Jedi ne comprenait pas ce qui s'était abattu sur eux, s'il s'agissait d'une malédiction ou de tout autre chose, il y avait trop d'éléments à prendre en compte entre les créatures, les apparitions, les pannes inexpliquées et les déchirements successifs à bord du vaisseau, mais quoi qui ait causé tout cela, Dyn se l'imaginait comme quelque chose de trop immense pour que des mortels puissent le voir en entier, quelque chose qui les broyait froidement les uns après les autres... Il se l'imaginait un peu comme il voyait l'épave à présent, en fait, comme une bête d'acier biscornue et sans âme...
Lui et Ly ne savait pas quoi se dire, il lisait la gêne dans ses yeux en même temps que la terreur. Il fallait qu'ils parlent, pourtant, qu'ils fassent quelque chose, n'importe quoi plutôt que de rester figés par l'épouvante, c'était comme s'ils étaient déjà morts... peut-être même pire.
Dyn savait qu'en de telles circonstances, il y avait quelque chose qu'il pouvait enfin faire... Il lui fallut néanmoins plusieurs minutes pour se décider à bouger, comme si son corps ne lui répondait plus...
Il tendit la main et saisit celle de Ly.
La jeune femme sursauta, sortant de sa torpeur. Elle ne repoussa pas sa main, cependant elle ne paraissait pas savoir comment réagir... Finalement, elle écarta doucement la main de Dyn, qui sentit son cœur chavirer et l'incompréhension l'envahir, puis elle se leva ; elle vint se planter immédiatement devant lui, et s'installa délicatement sur ses genoux, les lèvres tremblantes...
Cela ne réchauffa pas Dyn.
Cela faisait des années qu'ils ne s'étaient plus rapprochés à ce point, et pourtant, il ne ressentait rien... Ils étaient tous les deux si tendus qu'ils ne parvenaient pas à se laisser aller l'un à l'autre, ils étaient tout entiers sous le joug de la peur, ne laissant aucune place à l'amour ou même au désir... Dyn regarda tristement celle qu'il aimait pourtant. Elle ne paraissait pas surprise de voir qu'ils restaient aussi froids que des droïdes, mais elle restait quand même sur ses genoux.
Elle tendit la tête vers lui, et Dyn eut peur qu'elle ne veuille l'embrasser... Peur, parce qu'il craignait la déception... Mais pourquoi pas, après tout ? Ils n'étaient plus rien, ils n'avaient plus rien à espérer. Tant pis si cela n'avait aucun sens, ils auraient essayé. Leurs lèvres se rencontrèrent, restant si dénuées de vie qu'ils avaient l'impression d'être deux cadavres caricaturant l'amour des vivants... Ce furent ensuite leurs langues qui se touchèrent, étrangement engourdies.
La tentative restait veine, Dyn se sentait toujours aussi glacé, et il savait que Ly aussi. On ne fuyait pas la réalité comme cela, et dans cette nouvelle réalité dans laquelle ils avaient basculé, il n'y avait plus de place pour leurs sentiments.
Ly retira ses lèvres. Ce baiser était probablement le moment le plus triste qu'ait jamais vécu Dyn, la preuve implacable que la peur lui avait ôté tout ce qui faisait de lui un être vivant.
Lorsque la nuit tomba, Lorsa et ses fidèles n'étaient toujours pas revenus. Peut-être ne reviendraient-ils pas, peut-être Lorsa ne cesserait-il jamais de marcher, ils se perdraient pour l'éternité dans le désert formé par les monstres. Dyn et Ly demeureraient seuls pour attendre la mort dans l'épave.
Complètement abattus, les deux Jedi se couchèrent chacun de leur côté. C'était affreux de partager ce même sentiment de solitude sans rien pouvoir y changer. Dyn se demandait tout ce qu'il y avait de plus sérieusement si Ly et lui ne feraient pas mieux de mourir dès demain ; si même l'amour, ou du moins l'affection, n'existait plus dans ce monde, pourquoi devraient-ils rester attachés à la vie ? La vie n'était que le contenant d'autres choses, on ne l'aimait pas pour elle-même mais pour ce dont elle était remplie.
Mais peut-être les créatures viendraient-elles les emporter dans la nuit, leur épargnant ce choix. Dyn avait toujours cette idée en tête lorsqu'il s'endormit, néanmoins le fait de ne pas savoir ce que leur feraient les créatures exactement n'était pas rassurant... et si elles les entraînaient dans un monde pire encore ? Peut-être les Jedi seraient-ils mieux inspirés de mourir de leurs propres mains... Cependant, Dyn pouvait-il être sûr que ce qui les attendait de l'autre côté de la mort ne serait plus terrifiant que tout ce qu'il pouvait rencontrer dans la vie ? Interrogation plusieurs centaines de fois millénaire sinon plus... Les Jedi professaient qu'après la mort, ils ne faisaient plus qu'un avec la Force ; néanmoins Dyn n'était plus sûr de rien, ni dans cette vie ni dans une autre.
Il lui sembla se réveiller plusieurs fois, des idées délirantes dues à la fatigue en tête, désespéré de voir que même le sommeil rechignait à lui offrir une échappatoire temporaire... Cependant, la dernière fois qu'il se réveilla, il était sûr d'être parfaitement lucide.
À ceci près que Maître Ekenhart était là.
L'aube devait approcher, mais la chambre restait entièrement plongée dans le noir... Cependant, Dyn était sûr d'entendre la respiration du Maître Jedi, pire, de l'avoir entendu bouger près de lui... Il alluma la minuscule lampe de chevet qui se trouvait au-dessus de sa couchette.
Non... Ça recommence...Ekenhart était bien là, assis juste à côté de la couchette de Dyn sans le regarder, le visage apparemment inexpressif... Dyn n'avait qu'une seule envie, c'était de fermer les yeux et de ne plus jamais les rouvrir, il devenait fou... Pourtant, il n'osait pas rabattre ses paupières, il y avait quelque chose de fascinant à observer ainsi le Maître Jedi défunt... Il resta longtemps sans bouger, le regard rivé sur Ekenhart, puis il se résigna à parler, persuadé que c'était la seule façon de se débarrasser de l'apparition...
« Maître Ekenhart ? appela-t-il dans un murmure.
Le vieux Jedi se retourna.
-J'ai une question, Dyn, déclara-t-il.
-Oui ? répondit le jeune homme en tremblant.
-Pourquoi n'en as-tu pas profité avant ?
-Pardon ? Je ne comprends pas... Profité de quoi ?
-
De qui, Dyn, de qui. Ly, pourquoi est-ce que tu n'as pas profité de Ly avant que cela ne devienne impossible ?
-Mais... parce que j'appartiens à l'Ordre Jedi, Maître ! Nous ne devons pas... nous attacher... c'est trop dangereux...
-Parce que tu trouves que tu n'as pas été attaché à Ly, peut-être ? On ne peut pas s'empêcher de s'attacher à quelqu'un ou quelque chose, seulement faire semblant. C'est ce qui donne un sens à la vie. Toi, tu as refusé de vivre ta vie jusqu'à ce qu'elle devienne impossible. Tu as tout gâché.
-Ce n'était pas à moi d'en décider, Maître... Trop de choses étaient en jeu...
Ekenhart ne regardait plus Dyn, à présent, bien qu'il continue à lui répondre.
-Ah bon ? Ça a changé quoi ? Qu'as-tu accompli que tu n'aurais fait si tu avais accepté de l'aimer ? Tu n'en sais rien. Ce que tu sais, en revanche, et ce que je sais, c'est que tu vas mourir et que tout cela sera resté vain. Et il ne se sera rien passé de bien réconfortant avant cela, ni même de glorieux. Tu as abandonné la vie, maintenant la vie t'abandonne. Ne sois pas surpris, puisque tu as l'air de trouver que ton existence ne valait pas la peine d'enfreindre les saints principes des Jedi... Tu ne devais pas y tenir beaucoup, et à ta capacité à aimer Ly non plus... Tu n'as que ce que tu as voulu.
-C'est complètement faux... J'ai voulu être un Jedi loyal, mais je n'ai jamais...
-C'est ce que tu as été, coupa Ekenhart.
-Pourquoi me dites-vous cela, Maître Ekenhart ? Vous, un Maître Jedi ?
L'apparition se retourna brusquement vers Dyn, l'air sincèrement surprise.
-Je ne suis pas Maître Ekenhart, Dyn, je pensais que tu l'avais compris. Je suis toi. »
Le cœur de Dyn s'arrêta un instant en se rappelant que le fantôme d'Hessart lui avait dit exactement la même chose... puis que Ly avait crié. Ly, avait-elle entendu l'échange ? Que se passait-il ?
Lorsque Dyn reporta ses yeux sur le fantôme de Maître Ekenhart, il n'était plus là, et la lumière s'était mystérieusement éteinte. Mais il y en avait une autre, qui s'engouffrait par la porte en venant du couloir...
Plusieurs silhouettes sombres la masquaient en partie.
Dyn cessa complètement de bouger, le cœur battant à tout rompre... Une diversion, l'apparition n'avait une fois de plus été qu'une diversion... Mais cette fois, ce n'était pas les créatures qui étaient montées à bord...
« N'ayez pas peur, elle dort comme un bébé... » murmura une voix traînante.
Les silhouettes se passaient un long objet mou... Ly ! Ils emmenaient Ly !
Ils ont trouvé quelque chose pour la droguer, réalisa-t-il.
Et moi aussi !C'était trop tard, il sentait que ses muscles ne répondaient plus à ses ordres, il allait sombrer à son tour... Si seulement il les avait entendu entrer, au lieu d'écouter l'hallucination...
Mais même s'il n'y avait plus d'espoir, il ne pouvait pas renoncer, Ly était menacée ! Et il existait des techniques Jedi pour lutter contre ces substances ! Malgré la fatigue et l'engourdissement de son corps, la peur fournit à Dyn le carburant nécessaire à se concentrer... Il s'efforça de ressentir au mieux ce qui se passait dans son corps et d'identifier l'agent étranger... de l'isoler, de bloquer son action...
C'était trop tard, Dyn sentait des mains se saisir de lui, on pensait manifestement qu'il dormait... Tant pis si le produit qu'on lui avait injecté n'était pas encore totalement neutralisé, il devait réagir.
« Non ! lâcha-t-il brusquement en se redressant.
Il peinait à se mouvoir, mais ce n'était pas grave, il avait la Force avec lui ; il l'invoqua pour repousser l'homme qui tentait de l'attraper puis se releva précipitamment.
-Il est réveillé ! lança une voix masculine.
Le constat était à peine fait que Dyn vit deux des silhouettes brandir ce qui ressemblait un peu trop à son goût à des blasters... Le Jedi calcula en une fraction de seconde qu'il n'aurait pas la place de renvoyer les tirs et encore moins de les esquiver dans l'étroite cabine, au milieu des couchettes, surtout alors que ses membres étaient encore ankylosés !
Il n'y avait qu'une seule solution, c'était de s'enfuir.
Le sabre-laser du Jedi dormait sagement près de son oreiller ; il l'attira instantanément à lui et fonça sans attendre vers ses ennemis, tête baissée... Ceux-ci ne s'y attendaient pas, mais Dyn vit néanmoins jaillir les lumières rouges de deux tirs blasters ! Il les vit passer en sifflant juste à côté de sa tête, alors qu'il courait vers ses ennemis, il écarta les deux qui se tenaient dans l'entrée, il en aperçut deux autres dans le couloir qui tenaient le corps endormi de Ly, ils n'eurent pas le temps de tenter quoi que ce soit pour l'arrêter, et Dyn savait qu'il ne pouvait pas non plus prendre le temps de sauver sa compagne, les autres allaient tirer... Alors il partit simplement en courant le long de la coursive.
-Rattrapez-le, ou il reviendra et brûlera ce vaisseau !
Il y eut d'autres tirs blasters qui vinrent carboniser la paroi à sa gauche, mais il était déjà trop loin pour que ses poursuivants puissent le viser si facilement... Il sentait ses muscles se réveiller peu à peu, comme si l'action leur permettait de lutter contre la substance, et il en profitait pour accélérer le rythme autant que possible... Il n'était pas en état d'affronter ses adversaires, il fallait fuir !
Alors, le jeune homme sortit purement et simplement du vaisseau et poursuivit sa folle course sur les dos des milliers de créatures immobiles au-dehors... Au loin, le soleil se levait, colorant le monde d'étranges couleurs orangées toujours enténébrées, à croire que cette lumière les éclairait depuis l'au-delà...
Dyn n'eut aucune idée du temps pendant lequel il courut ce matin-là, mais le soleil était déjà haut dans le ciel lorsqu'il s'arrêta, intégralement vidé de ses forces ; quoi qu'il en fut, il n'y avait manifestement plus personne à sa poursuite depuis longtemps, seulement l'infinité de la mer de créatures... À présent qu'il y pensait, le Jedi se rendait compte qu'il n'avait même pas souvenir d'avoir clairement vu ou entendu qui que ce soit derrière lui, mais il n'avait pas voulu s'arrêter, parce que s'arrêter, c'était se laisser le temps de penser, de penser que Ly était probablement morte à l'heure qu'il était...
Dyn s'effondra sur place, poignardé de l'intérieur par le chagrin et le désespoir... Elle avait été tout ce qui avait compté pour lui, et elle n'était plus. Il l'avait abandonnée à Lorsa !
Il n'aurait rien pu faire de toute façon, certes, il serait mort comme elle s'il avait essayé, mais son devoir était de mourir pour elle s'il l'aimait vraiment, c'était comme cela que les choses se passaient, du moins le croyait-il... En réalité, la question n'était même pas là, ce n'était pas une question de devoir, parce que Dyn voulait mourir. Un tir de blaster en plein cœur, cela ne valait-il pas mieux que de poursuivre cette longue agonie et surtout de savoir que Ly était morte ?
Que pouvait-il faire à présent ? Il était perdu au milieu du vide, sans vivres ni endroit où dormir...
Il songea amèrement que Lorsa et ses compagnons l'avaient été eux aussi, la veille, mais ils avaient de toute évidence retrouvé le chemin de l'épave, peut-être même avaient-ils vraiment trouvé un autre vaisseau qui leur permettrait de rentrer chez eux, puisque l'équipage était toujours loyal à Lorsa... C'était à n'y rien comprendre.
Le Jedi se remit à courir, comme s'il voulait se fuir lui-même... ou mourir d'épuisement... La chaleur le gagnait... Il courut longtemps, jusqu'à ce que se dresse à nouveau loin devant lui le profil de l'épave. Il ne comprenait pas comment il l'avait retrouvée... Il s'approcha, curieux... Il écarquilla les yeux lorsqu'il put mieux voir : il y avait effectivement un deuxième vaisseau de couleur brune à côté de l'épave ! Et sa coque ne paraissait pas trop endommagée... Était-ce les formes de Lorsa et ses compagnons s'affairant à transférer des pièces d'un vaisseau à l'autre qu'il apercevait ?
Que devait-il faire ? Essayer de voler le vaisseau, tenter de récupérer le corps de Ly en espérant que la surprise lui permette de venir à bout des quatre traîtres ?
Non... À son cœur qui tambourinait contre sa poitrine, à sa respiration suffocante, à la paralysie tremblante qui gagnait ses membres en regardant le vaisseau, il sut qu'il ne pouvait rien faire de tout cela... Il ne savait pas pourquoi, mais c'était ainsi, il ne pouvait pas se replonger dans ce cauchemar...
Il repartit en courant dans la direction inverse.
Sa course dura longtemps, il voulait mettre la plus grande distance possible entre lui et l'épave, quitte à demeurer seul au milieu des créatures jusqu'à sa mort... La compagnie des monstres lui était devenue plus agréable que celle de ses compagnons d'infortune... Il ne se remit à marcher qu'une fois à bout de souffle. C'est alors que se dressa à nouveau devant lui la vision du vaisseau maudit.
Il s'arrêta les yeux écarquillés... Comment était-ce possible, alors qu'il avait pris la direction opposée ? Comment avait-il pu dévier de sa trajectoire à ce point ? Peu importait... Il repartit à nouveau dans une autre direction, cette fois en marchant. Il arpenta ainsi la plaine vivante des heures durant... jusqu'à ce qu'une fois de plus, il trouva l'épave sur son chemin.
C'était impossible... mais il fallait croire que rien n'était impossible sur cette planète, il n'y avait aucune échappatoire, aucune certitude... Désespéré, le jeune homme tourna pour la troisième fois le dos au vaisseau avant de s'en aller. Mais il savait à présent que c'était sans espoir, il finirait bien par tomber à nouveau sur l'épave... Il ne savait pas ce qu'il allait faire, tout était perdu...
En réalité, ce qu'il rencontra cette fois-là fut bien pire.
Un homme marchait vers lui. Qui était-il ? Que faisait-il ici, au milieu du néant ? Dyn cessa de marcher et s'assit sur les créatures -il n'avait plus la force de poursuivre sa route, de toute façon. Les traits de l'inconnu se précisèrent à mesure qu'il s'avançait tranquillement vers Dyn : il portait un costume noir, c'était un humain plutôt petit, ses cheveux étaient gris... Dyn n'aurait pas dû être si surpris à ce stade, cependant il laissa échapper un cri de stupeur. C'était Otan Tyers ! Otan Tyers qui venait nonchalamment se camper devant lui ! Le Jedi se releva.
« Vous êtes mort, souffla-t-il.
Tyers sourit.
-En êtes-vous si sûr, Jedi ? M'avez-vous vu mourir ?
-Les créatures vous ont emporté ! Elles ont dévoré Maître Ekenhart et Durkan !
-Maître Ekenhart non plus, vous ne l'avez pas vu mourir. Quant à Durkan, vous n'avez pas senti sa mort dans la Force, les créatures l'ont simplement enseveli...
Dyn ne répondit rien, il n'avait plus le courage de chercher à comprendre. Tyers reprit la parole d'une voix douce :
-Dyn, je suis venu vous empêcher de faire une bêtise.
-C'est à dire ?
-Dyn, le problème avec vous, depuis le début, c'est que vous vous obstinez à croire que les gens méritent votre bravoure et vos sacrifices... C'est pour cela que vous n'avez pas enfreint les principes de l'Ordre Jedi, c'est pour cela que vous n'avez pas abattu Lorsa alors qu'il dressait l'équipage contre vous, et c'est pour cela que maintenant, vous n'osez pas approcher l'épave de peur de perdre la tête. Ly est morte parce que vous n'avez pas accepté de tuer ceux qui la mettaient en danger, Dyn. Lorsa, lui, a très bien compris ce qu'il devait faire, et voyez le résultat : lui et ses compagnons vont réussir à quitter cette planète si vous ne vous montrez pas plus fort qu'eux. Mais pour les en empêcher, il va falloir cesser de retenir vos coups.
-Non... Vous essayez de me faire basculer du Côté Obscur, mais vous n'y arriverez pas... J'ai déjà réfléchi à tout cela... Je resterai quelqu'un de bien quoi qu'il m'en coûte. Je ne suis pas un assassin,
je ne suis pas Lorsa !-Et pourquoi pas, Dyn ? insista le criminel de guerre. À quoi cela sert-il de vous conduire de façon noble avec des gens qui n'en valent pas la peine ? Vous avez vu comment ils se sont conduits avec vous et Ly ? Vous avez vu de quelle bêtise ils sont capables ? Vous voulez souffrir et mourir pour eux ? À quoi cela va-t-il servir, Dyn ? On ne peut pas se conduire de façon morale avec des Hommes immoraux...
-Ils ne sont pas si mauvais, plaida timidement le Jedi. C'est cette planète qui leur a fait perdre la tête...
-Pourquoi est-ce que eux l'ont perdue et vous non, Dyn ?
Le Jedi ne répondit pas ; comment pourrait-il défendre l'attitude de ses compagnons de voyage ? Il n'avait cessé de les mettre en garde, ils avaient eu mille occasions de s'en retourner... Lui n'avait jamais succombé à la tentation...
-Acceptez les règles du jeu, Jedi, l'incita Tyers d'un ton presque paternel. Les gens ne sont pas bons. Ils ne méritent pas votre bonté. Il faut sauver ce qui en vaut la peine, ça, c'est héroïque ; mais qui vous remerciera de ne pas avoir tué Lorsa, surtout si cela vous coûte la vie ?
-Mais si je fais ça, je deviens aussi mauvais que ceux que je combats, rappela Dyn.
-Oui, complètement. Et alors ? Qui pourra vous le reprocher, puisque les autres se révèlent tous corrompus et malfaisants dès qu'on les connait vraiment ? On ne peut pas être bon dans un monde mauvais, Dyn. On peut seulement se voiler la face.
-Peut-être, admit le jeune homme.
-Acceptez cette réalité, et le cauchemar cessera de lui-même. Vous pourrez vous venger, et venger Ly. Vous pourrez rentrer chez vous.
-Mais je le regretterai... même si personne n'apprend ce que j'ai fait...
-Parce que là, vous ne regrettez rien ? Cela ne vous fait rien que Ly soit morte parce que vous n'avez pas pu vous décider à tuer Lorsa avant ? Sortez-vous de la tête qu'il y a une bonne décision. Sortez-vous de la tête que vous pouvez être quelqu'un de bien. Le seul choix que vous avez, c'est de savoir si vous préférez regretter de faire du mal aux autres ou regretter de vous en faire à vous-même.
Le Jedi n'avait rien à répondre. Pourquoi pas, après tout ? Pourquoi ne se libérerait-il pas de la haine qu'il éprouvait ? Qu'est-ce qui valait la peine de s'infliger tant de souffrances ?
-Que voulez-vous que je fasse ? questionna Dyn, désespéré.
-Vous savez très bien ce que vous voulez faire... Attendez la nuit : Lorsa et ses compagnons auront probablement fini d'assembler leur nouveau vaisseau, et ils devront se reposer avant de partir. Massacrez-les. Tous sans exception, qu'ils payent pour ce qu'ils vous ont fait ! Votre récompense pour avoir épuré la Galaxie de ces pourritures sera de pouvoir quitter cette planète.
-D'accord, céda Dyn. Je vais le faire.
-Vous allez vous libérer de cette planète, Dyn. Mais plus important que tout, vous allez vous libérer de vous-même. »
Pourquoi pas, après tout ? Ce que proposait Tyers avait le mérite d'être simple : Dyn n'avait qu'un choix à faire, et les choses reviendraient à leur place. Ce cauchemar disparaîtrait de lui-même. C'était son seul espoir. Et même s'il était infondé, que pouvait-il faire d'autre ? Qui aurait quelque chose à y gagner s'il restait ici jusqu'à y mourir de soif ou se faire dévorer par les créatures qui ne tarderaient pas à se réveiller ? Peu importait qu'il se trompe, au final, rien n'avait plus d'importance sans Ly... Dyn savait enfin ce qu'il devait faire... Fort de cette certitude nouvelle, il ferma un instant les yeux ; lorsqu'il les rouvrit, Tyers n'était plus là.
Mais l'avait-il jamais été, ou n'y avait-il une fois de plus jamais eu que Dyn ?
Dyn attendit plusieurs heures que la nuit tombe, ce qui lui permit de se reposer en plus de surprendre ses adversaires ; il était sûr que les créatures ne bougeraient pas cette nuit, pas maintenant qu'il faisait enfin ce qu'il avait à faire, et en effet, il ne rencontra aucune résistance sur son chemin, bien qu'il entende les grondements menaçants de déplacements massifs quelque part au loin... Sans surprise, il retrouva facilement l'épave.
Le jeune homme ne réfléchissait plus, il avait son plan en tête, et il s'y tiendrait, c'était le seul moyen de ne pas devenir fou. Il commença par vérifier que le second vaisseau avait été mis en état de marche : c'était le cas, le Jedi ne parvint pas à l'identifier une fois qu'il se fut introduit à l'intérieur, mais Lorsa et ses compagnons paraissaient avoir fini le travail. Par conséquent, il devait passer à la phase suivante de son plan...
Il se glissa en-dessous du poste de commandement de l'épave, rampant contre les créatures pour ne pas être repéré... Il les sentait s'agiter, en-dessous de lui, il entendait leurs crissements, mais elles ne s'attaquaient pas à lui... Cela dégoûtait Dyn, cependant il n'eut heureusement pas à rester longtemps ainsi : il sentit vite dans la Force la présence d'une sentinelle à l'intérieur du poste de commandement, il crut reconnaître la femme blonde... Dyn tendit son esprit vers le sien et s'efforça de lui imprimer la suggestion que tout allait bien, qu'elle pouvait se détendre jusqu'à s'endormir... Elle n'opposa aucune résistance, son esprit était peu alerte comme s'y attendait Dyn.
Une fois qu'il sentit la conscience de la femme se diluer dans le sommeil, Dyn s'efforça de pénétrer par une large brèche dans la coque, celle-là même utilisée par les créatures pour passer... Il eut du mal à s'en extraire et sentit plusieurs pointes le griffer, mais il était trop tard pour que la douleur l'arrête...
Lorsqu'il se redressa, il était debout dans la faible lueur face à la femme blonde endormie ; il devrait la tuer dès à présent pour être sûr qu'elle ne se réveille pas, lui trancher la gorge d'un coup de sabre-laser... mais il ne l'osait pas. Il ne pouvait pas faire cela en la regardant en face, il fallait se rendre à l'évidence. Aussi se contenta-t-il de lui confisquer son blaster par mesure de précaution avant de se diriger vers les moteurs du vaisseau... Il les trouva sévèrement endommagés, comme prévu, et bien que n'étant pas un spécialiste, il lui sembla que plusieurs pièces avaient été enlevées.
Cependant, ce n'était pas les pièces qui l'intéressaient.
Il entreprit de remplir des réservoirs avec le carburant... Ce vaisseau brûlerait tout entier, et avec lui disparaîtrait tout ce qui restait de cette horrible histoire et du Jedi qu'avait été Dyn !
Il commençait à avoir peur de ce qu'il allait faire, il fallait vite qu'il termine avant que son cœur ne le trahisse... Les réservoirs en main, le jeune homme se dirigea vers les parties habitées du vaisseau et arrosa consciencieusement le couloir ; les portes ne pouvant être verrouillées, il put entrer dans chacune des chambres, le cœur battant à tout rompre de peur mais aussi d'excitation à l'idée de réveiller quelqu'un, et il y répandit également le liquide inflammable, même dans celles qui étaient inhabitées... Qu'il était drôle de voir les traîtres dormir ainsi sans se douter du cataclysme qui se préparait, Dyn n'aurait pu rêver meilleure revanche... Il termina par le poste de commandement , où il recouvrit impitoyablement la femme blonde, toujours endormie.
Il sortit du vaisseau et vida ce qui restait du carburant devant les sorties et l'énorme brèche du poste de commandement... C'était la fin. Prenant la précaution de s'éloigner du liquide, il tira plusieurs traits de blaster dedans ; alors, l'enfer se déchaîna.
La déflagration illumina la nuit, brûlant les ténèbres et aveuglant temporairement Dyn ; les flammes remontèrent à toute vitesse vers le vaisseau, Dyn vit l'explosion se produire dans le poste de commandement, et presque aussitôt, il entendit les cris de douleur de la femme blonde qui brûlait vive, ses hurlements déchiraient la nuit pour saluer le brillant travail de Dyn... Une seconde plus tard, c'était tout le vaisseau qui se réveillait en panique, Dyn entendait les cris de terreur de ceux qui se rendaient compte que la partie était finie pour eux... Il entendit les cris de terreur se muer en cris de douleur torturés, interminables... Suprême satisfaction, Dyn reconnaissait la voix de Lorsa qui hurlait au milieu de l'incendie, deux autres voix masculines l'accompagnaient, celles de l'autre humain et du Diamala, de toute évidence... Dyn avait l'impression de se nourrir de la souffrance de ses ennemis, il retrouvait enfin la vie qui l'avait quitté...
Mais soudain, une autre voix se fit entendre, un cri de terreur aigu qui ne pouvait appartenir qu'à une femme, une femme qui n'était pas la blonde !
Ly !Ly était toujours vivante, quelque part à bord du vaisseau ! Ly allait brûler dans l'incendie allumé par Dyn !
Dyn sentit soudain son cœur l'emporter dans une accélération inhumaine, il sentit une explosion d'effroi au plus profond de lui-même en tout point comparable à celle qui ravageait le vaisseau ! Il brûlait de l'intérieur, alors qu'il entendait toujours les cris de Ly !
Il ne pouvait pas rester là ! Le Jedi savait ce qu'il devait faire : il utilisa la Force pour priver d'air les flammes devant lui, et lorsqu'elle furent étouffées, il rejoignit le vaisseau, faisant subir le même sort à toutes celles qui se dressaient sur son passage...
« Ly ! » appela-t-il, fou de désespoir.
Il traversa en trombe le poste de commandement ravagé par les flammes, s'efforçant de ne pas respirer la fumée étourdissante, mais lorsqu'il vit le couloir, il sut qu'il était trop tard : il ne la voyait que trop bien, la silhouette de la jeune femme qui s'agitait en hurlant de douleur au milieu des flammes, et c'était Ly à n'en point douter... Elle agonisait, ses cris étaient une supplication pour qu'on la sauve, mais c'était trop tard, elle était bien trop brûlée, à présent...
Dyn ne pouvait supporter cette vision plus longtemps, d'autant qu'il finirait par s'intoxiquer s'il restait là ; il quitta le vaisseau en flammes le plus vite possible et s'en éloigna...
« C'est la fin, je vous l'avais prédit ! »
Dyn se retourna comme si on l'avait frappé : une autre silhouette émergeait du vaisseau, marchant lentement, mais celle-ci était noyée sous les flammes des pieds à la tête au point que l'on ne distinguait plus son visage, elle n'aurait pas dû tenir debout !
« C'est la fin, je vous l'avais prédit ! martela implacablement la voix de Lorsa. C'est la fin, je vous l'avais prédit ! C'est la fin, je vous l'avais prédit ! »
C'était vrai, il l'avait prédit. Le jeune homme perdit tout contrôle de lui-même sous le coup de la panique : il saisit le blaster et tira sur l'homme en flammes, qui s'effondra, mais Dyn continua à tirer dessus, encore et encore, jusqu'à ce qu'il soit sûr que plus jamais Lorsa ne se relèverait.
Toutefois, cela ne sauverait pas le jeune homme, il avait commis l'irréparable...
Qu'est-ce que j'ai fait ? Oh mince, mais mais qu'est-ce que j'ai fait ? J'ai tué Ly ! J'AI TUÉ LY !C'est moi qui l'ai tuée, pas Lorsa !
Arrête. C'est pas grave, on s'en tient au plan, tu arrêtes de réfléchir à cela. Tu montes dans l'autre vaisseau, tu t'en vas d'ici, et tout ce cauchemar disparaîtra !Dyn partit en courant vers le second vaisseau ! En courant ! Il se fuyait lui-même, il ne pouvait pas laisser la réalité le rattraper... Il devait s'échapper de cette planète... Il réfléchirait après, tout irait bien... De toute façon, ce n'était pas vraiment de sa faute s'il avait tué... oh, il n'avait tué personne, peu importait, il fallait juste qu'il s'en aille...
J'ai tué Ly , j'ai tué Ly, j'ai tué Ly...
Le désespéré atteignit péniblement l'issue du vaisseau... Il fallait qu'il s'échappe... qu'il s'échappe, et sans remords... Tout irait bien... Tout irait bien, tout disparaîtrait...
Ly l'attendait devant l'issue.
« Bonjour mon chéri. » dit-elle joyeusement avec un sourire qu'elle n'avait jamais eu.
Non !C'était trop tard. Il l'avait bel et bien tuée, rien d'étonnant à ce qu'elle revienne le hanter sur cette planète, comment avait-il pu oublier cela ? Alors que le jeune homme restait figé par une peur innommable et le dégoût de lui-même, Ly l'entoura de ses bras avec une chaleur qu'il ne lui avait plus connu depuis longtemps... Elle rapprocha brusquement sa tête, se jeta sur lui, l'embrassa. Lorsque les lèvres de la morte touchèrent les siennes, Dyn tomba à la renverse, ses jambes n'avaient plus la force de le porter, et Ly l'accompagna dans sa chute, son corps toujours pressé contre le sien, mais aucun rythme cardiaque ne s'y faisait sentir.
C'était la fin.
Dyn sentit les mille et une créatures sous son corps se réveiller soudain, avides de sang ; il avait froidement assassiné cinq personnes, aujourd'hui, et il allait en payer le prix. Il était tombé dans le piège, au même titre que Lorsa et ceux qui l'avaient suivi.
Il sentit les griffes des créatures l'assaillir de toutes parts, elles s'enfonçaient dans sa peau, l'ouvraient jusqu'au sang partout le long de son corps, elles commençaient à ramper sur lui pour l'ensevelir afin de le soustraire définitivement à l'air et au soleil... Elles le mordaient, arrachaient sa peau, déchaînaient toutes leurs forces pour le réduire à néant, il allait mourir et c'était loin de le soulager car la douleur serait immense avant cela...
Ly l'embrassait toujours, ses yeux étaient toujours plongés dans les siens.
Une armée de créatures griffues s'attaquèrent au torse de Dyn, puis elles plongèrent leurs griffes dans son cou, puis, elles recouvrirent sa tête. Ly disparut, toute lumière disparut. Il n'y eut plus que la douleur, une douleur dévastatrice qui venait de partout à la fois, la douleur et les ténèbres éternelles de ses yeux crevés.
La dernière pensée à laquelle s'accrocha Dyn lorsqu'il franchit les portes de la mort fut celle de l'ultime baiser de Ly.
Épilogue
Le Maître Jedi se retourna brusquement vers Lorsa, le regard affolé.
« Ça y est... balbutia Ekenhart. J'ai réussi... je suis entré en contact avec ces créatures, elles m'ont expliqué ! Il faut vite revenir au vaisseau !
-Qu'y-a-t-il ? l'interrogea Lorsa, ne comprenant pas ce qui pouvait agiter à ce point le Maître Jedi.
-Ces créatures, elles... elles ont la capacité d'influencer nos esprits par la Force ! Elles ont des pouvoirs fascinants, je ne me rends compte de rien !
-Et alors ? Est-ce qu'elles nous veulent du mal ?
-Oui et non... Lorsa, elles pénètrent jusqu'au plus profond de nos esprit pour y exacerber tout ce qu'elles y trouvent de négatif ! La peur, les regrets, la haine ! Je ne sais pas jusqu'où elles peuvent aller... C'est peut-être pour cela que Dyn...
-Mais pourquoi font-elles cela ? coupa Lorsa, épouvanté par l'idée de ces créatures en train de fouiller dans son esprit.
-Elles n'aiment pas les étrangers... Elles en ont peur... Alors elles les testent lorsqu'il s'en présente, elles essayent de voir jusqu'où ils peuvent résister à leurs impulsions... S'ils succombent, ou s'ils ont déjà fait trop de mal avant de venir ici, elles les tuent. Vous aviez raison, elles veulent Tyers ! Mais nous pouvons partir, si nous le voulons ! Elles ont été surprises que j'essaye simplement de communiquer avec elles plutôt que de les combattre, et elles savent que j'ai ordonné qu'on les laisse tranquilles hier soir, alors elles m'ont indiqué l'emplacement d'un autre vaisseau dont tous les occupants sont morts depuis longtemps, à l'est du nôtre... Il devrait être en suffisamment bon état pour que nous l'utilisions, du moins si nous empruntons des pièces à notre propre vaisseau...
-Mais c'est parfait ! s'exclama Lorsa. Pourquoi cette panique ? Allons-y !
-Oui, mais nous devons revenir à notre épave et rassembler tout le monde avant ! Et surtout, les mettre en garde, nous allons devenir fous si ça continue !
Lorsa sourit ; ainsi, c'était le moment. C'était maintenant qu'il devait choisir entre retrouver sa pitoyable existence d'avant et devenir quelqu'un qui soit au-dessus de ça.
-J'ai bien peur qu'il ne soit trop tard pour moi, mon pauvre ami... prévint-il sans se départir de son sourire.
Tout à ses créatures fascinantes, Maître Ekenhart n'avait rien remarqué du changement d'état d'esprit qui s'était produit chez Lorsa ; il eut à peine le temps de pâlir que Lorsa dégainait son blaster et lui tirait dessus. À bout portant. Un impact carbonisé dans sa poitrine, les traits glacés en une peur éternelle, Maître Ekenhart s'abattit sur le sol.
La dernière pensée du Maître Jedi lorsqu'il franchit les portes de la mort fut sa pitié pour Lorsa et pour tous ceux qui étaient restés dans le vaisseau sans savoir ce qui les attendait.