Le Comte Dooku envoie en secret deux de ses meilleurs ingénieurs, les frères Ben et Nut, sur la planète Chris’n thaime tester un nouveau type d'arme lors d'un conflit opposant la République et un ennemi mystérieux.
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Dans les vastes plaines de la planète Chris’n thaime, rien ne bougeait. Seuls le chant des coqs Likös dans le lointain et la mastication des notuoms dans le moins-lointain brisaient la monotonie de cette prairie apparemment sans fin.
C’est alors que Bibine-Wan Kenobivre se réveilla avec l’impression que son sabre laser avait pris un malin plaisir à venir lui transpercer le crâne dans son sommeil... à moins que son mal de tête ne soit dû au mélange de treize alcools qu’il avait testé la veille. Le grand chevalier Jedi qu’il était (un mètre quatre-vingt douze, tout de même) ouvrit alors les yeux... et fut surpris d’apercevoir un ciel d’un bleu pur au dessus de lui.
— Pietrisycamollaviadelrechiotemexity, assura-t-il d’un ton qui l’était pourtant peu – ce qui, s’il n’avait pas été torché tel un Corellien un lendemain de Jour de Vie, aurait davantage ressemblé à « J’étais pourtant sûr de m’être endormi sous une tente. »
Un peu plus loin, un soldat clone répondant au doux nom de Crevette sortit à son tour de son sommeil... pour constater qu’il avait été oublié par ses camarades. Encore.
En effet, Crevette souffrait d’une terrible maladie, la figurantite aigüe, qui le rendait tellement insignifiant et sans importance que nul ne prêtait jamais attention à lui. Cela ne l’empêchait pas de se manifester lorsqu’il le souhaitait, bien sûr, mais il était le plus souvent relégué dans le coin d’une phrase comme « Deux soldats disputaient une partie de pazaak endiablée » ou même « L’armée se mit en marche d’un pas uniforme ».
Aussi, lorsque le bataillon auquel Crevette et Kenobivre appartenaient avait décidé de lever le camp au milieu de la nuit dans l’espoir de semer le poivrot Jedi censé les diriger, ils avaient tout simplement oublié de réveiller le pauvre clone pour l’emmener avec eux.
Crevette se retrouvait donc perdu dans un environnement hostile avec pour seule compagnie Bibine-Wan, qui venait de réaliser un difficile passage à l’état debout.
— Ouzysonpassé ? marmonna ce dernier en titubant, alors qu’il venait de réaliser que son bataillon et son camp avaient disparu en même temps que sa tente.
Le clone, pour une fois heureux de pouvoir échapper à l’attention de son supérieur aviné, le regarda errer là où s’était tenu leur bivouac la veille au soir tout en baragouinant des choses telles que « Sodlaaats ? » ou encore « Yakékun ? ».
Crevette songea que le bataillon devait être arrivé à la garnison de Jâr-dilande, la capitale de la planète. Alors qu’il imaginait ses camarades se biturer dans la joie, enfin débarrassé de leur général (ce soiffard qui gardait toute la boisson pour lui), il décida de se mettre en route pour les rejoindre. Cependant, une hésitation le retint : devait-il emmener Kenobivre avec lui, ou le laisser ici ?
Le choix était difficile... Après tout, si le bataillon l’avait abandonné, c’était dans l’espoir de s’en débarrasser définitivement – et Crevette ne pouvait qu’approuver cette décision. Alors autant le laisser, non ? D’un autre côté, la compagnie d’un Jedi, même d’un ivrogne invétéré comme celui-ci, était tranquillisante ; et le trajet jusqu’à la capitale serait long et périlleux : les Tull-Ypps (tel était le nom des autochtones) étaient en guerre contre un ennemi encore mystérieux...
Crevette soupira. Il inventa rapidement une histoire simple qu’un idiot pinté pourrait à la fois comprendre et croire (le premier étant bien plus dur que le deuxième), et se dirigea vers son supérieur.
***
Après une longue marche dans les campagnes de Chris’n thaime, le Jedi et le clone aperçurent devant eux une étrange construction. De deux mètres de côté, il s’agissait d’un cube auquel il manquait une face, permettant d’y entrer. Étrangement, l’intérieur semblait moins profond que l’extérieur, suggérant un double fond.
— Keskecéksetruc ? demanda Bibine-Wan qui arrivait enfin à marcher droit devant lui sur quelques mètres.
— Je ne sais pas, monsieur, répondit Crevette. Mais cela me dit quelque chose...
— Ohé ? coupa le Jedi en rentrant dans la boîte.
Le clone suivit son supérieur en bougonnant et commença à s’intéresser à la paroi du fond, tentant de comprendre pourquoi elle était plus épaisse que les autres.
Soudain, Crevette entendit un grand bruit et se retrouva plongé dans le noir : la paroi manquante avait surgi du sol, les enfermant dans la boîte.
— C’est un piège ! s’écria-t-il.
Dans le peu de lumière qui filtrait dans leur nouvelle prison, Crevette distingua le double fond qui coulissait. Plissant des yeux pour voir ce qui en sortait, il discerna deux grandes silhouettes blanches ressemblant... à des ballons gonflables géants ?
— Veuillez ne pas vous débattre lors de l’administration du câlin, déclara l’une des choses.
Crevette s’exclama alors dans un éclair de compréhension horrifiée :
— Il s’agit... d’une cage au leurre !
Ces pièges redoutables renfermaient des unités B-max, célèbres pour câliner leurs pauvres victimes jusqu’à ce que mort s’ensuive.
Et mort s’ensuivit, après les affres d’un câlin sans fin.
Le piège s’était refermé. Le Jedi, ainsi que le truc qui l’accompagnait, était maintenant officiellement et définitivement hors d’état de nuire et tout cela grâce à lui. Humble ingénieur de la Confédération des systèmes indépendants, il avait créé l’unité de combat ultime capable de venir à bout des puissants prétendus gardiens de la paix sans difficulté. Personne ne pourrait s’y opposer désormais.
— L’administration du câlin ? T’es sérieux là, Ben ?
Il leva les yeux à l’entente de la voix de son frère et collaborateur. Il s’était toujours cru aussi bon que lui mais, aujourd’hui, c’était lui qui obtiendrait les lauriers. Il était jaloux, c’était tout.
— C’est ce que le Comte voulait, Nut, répliqua-t-il d’une voix indifférente.
— Il voulait que tu t’inspires d’un ancien artefact appelé l’Étreinte de la Douleur ! protesta son frère.
Pour toute réponse, Ben haussa les épaules.
— Étreinte, câlin, c’est du pareil au même pour moi.
— Tu réalises que tu considères sérieusement de lui présenter des droïdes câlineurs. Je ne suis pas sûr qu’il le prenne bien.
Ben sourit en pointant la cage au leurre, un nom de son invention, de son doigt.
— Ils sont morts, non ? Alors le Comte sera content, se borna-t-il à répondre.
Son frère ne répondit pas. Oui, Dooku serait content de sa nouvelle invention. Il ne lui restait maintenant plus qu’à tester les autres sur ce qu’il restait de l’armée républicaine. Sans son chef, elle serait maintenant complètement désemparée.
À quelques kilomètres de là, ce que Ben et Nut ignoraient était que les troupes en armure blanche marchaient d’un pas presque détendu pour la première fois depuis le début du conflit. Après tout, laisser l’alcoolique qui leur servait de général était une chose qu’ils attendaient depuis bien longtemps. D’autant que cette stratégie avait permis à son ancien apprenti de prendre immédiatement le commandement. Courageux, bon meneur d’homme et puissant dans la Force, il avait le respect absolu de ses hommes. Menant l’armée, il s’arrêta et tourna sa tête, faisant flotter ses longs cheveux bruns dans la brise matinale. Il fallait avouer que pour ne rien cacher, il était plutôt beau gosse et en était conscient. Aussi, Shozen-Wan Cloudrunner garda-t-il un instant la pose pendant que ses troupes se mettaient à l’arrêt.
— Nous sommes proches de la ville principale que les autochtones nous ont indiquée, maître, déclara une petite voix à ses côtés.
Il baissa la tête et ses iris brillante comme des saphirs se posèrent sur une petite Twi’lek à peau rouge tatouée de blanc. Elle lui arrivait à peine au torse, mais le compensait aisément par un entrain hors-norme. Il n’avait jamais voulu prendre de Padawan, mais le Conseil avait cru bon de lui attribuer Ashla Snips. Sans doute pensait-il que cela calmerait ce caractère trop intrépide que lui avait souvent reproché Maître Windu. Le Jedi à la peau sombre n’avait pas confiance en lui, mais il n’en avait que faire. Il était là pour gagner une guerre et il y parviendrait coûte que coûte.
— Tu as des nouvelles du capitaine Medor ? demanda-t-il en fixant la ville lointaine au travers d’une paire de macro-jumelles.
Medor était le capitaine clone en charge de la 105e, la légion qu’il commandait maintenant que son ancien mentor dormait paisiblement seul au campement. Il l’avait envoyé avec deux de ses meilleurs hommes Fours et Reflet, les deux derniers membres de la célèbre Escouade Mikado. Néanmoins, ils avaient une quinzaine de minutes de retard sur leur rapport et cela n’était pas dans leurs habitudes.
— Non, Maître. Pensez-vous qu’il leur soit arrivé quelque chose ? l’interrogea-t-elle d’une voix qui témoignait de son envie de partir les rejoindre.
— Medor est le meilleur soldat de ce bataillon. Si ces mystérieux ennemis ont réussi à le capturer, c’est qu’ils sont bien plus malins que les Séparatistes, sourit-il en regardant sa Padawan. Tu me répondras que ce n'est pas difficile, je le conçois.
Ashla éclata de rire suite à ces paroles, mais fut interrompue par un son provenant d’un petit holoprojecteur sur son côté. Elle le décrocha de sa ceinture et l’image d’un officier clone vêtu d’une armure blanche et orange, ainsi que d’un kama noir apparut.
— Quand on parle du Loth-wolf, s’amusa Shozen-Wan. Comment se passe la reconnaissance, capitaine ?
— Général, je vous conseille de stopper l’armée et d’annuler l’attaque à grande échelle immédiatement. On a découvert quelque chose de pas joli.
Le casque que portait le clone l’empêchait de voir son expression. Pourtant, le ton qu’il venait d’employer suffit à mettre le Jedi mal à l’aise.
— J’ai un mauvais pressentiment, marmonna-t-il.
— Maître, on nous attend, s’impatienta Ashla.
Shozen-Wan Cloudrunner se détourna à regret de son reflet. Parfait, juste parfait, constata-t-il en caressant ses boucles soigneusement formées qui retombaient sur ses épaules sans s’emmêler malgré le vent. Il était ravi de ce produit que Soulié, la coiffeuse de sa petite amie, lui avait fait essayer.
— Maître !
Il soupira avant de partager son selfie à l’ensemble de ses fans. #surleterrainunjourseleveavantlabataille fut aussitôt aimé par des milliers d’adoratrices. Mais une seule accaparait le cœur de Shozen-Wan. Panié Angelina. Elle ne répondait plus à son actualité depuis trois jours, et Shozen-Wan redoutait le pire : un enlèvement, un attentat, un accident... ou pire... un autre.
Il repoussa l’idée de planter sa compagnie pour filer voir ce qu’il en était. Il était un Jedi, et un Jedi ne fuyait pas ses devoirs... sauf Bibine-Wan... Ce vieux pochetron devait être encore à cuver quelque part. Il devait d’abord assumer le commandement jusqu’à ce que son maître finisse par émerger du coma éthylique. Panié pouvait attendre un jour ou deux. Ou pas.
— Dis-moi, gamine, dit-il au padawan. Qu’est-ce que tu ferais si je disparaissais ? Genre là, maintenant.
— Aucune chance, maître. Le périmètre est sécurisé. Ha pardon, c’est un test ? Bah, je suppose que je prendrais le commandement, jusqu’à ce que Bibine-Wan décuve.
La pierre de l’angoisse quitta un instant la poitrine de Shozen-Wan. Il avait une solution de secours au cas où ce silence se prolongeait.
Le devoir d’abord. Panié ensuite.
Il s’avança vers le cordon de sécurité fait par sa garde rapprochée. Médor l’attendait sur le pas d’une petite ferme dans les alentours de la ville.
— Fours et Reflet sont portés disparus, général. On a retrouvé leurs armures... vides. Quant aux civils... j’espère que vous avez fini de digérer votre petit déjeuner.
À l’intérieur, toute une petite famille était attablée. Tous morts, jusqu’au nourrisson qui avait chuté des bras de la mère, les corps tordus, le visage atrocement déformé par ce qui semblait être une crise de rire mortelle.
— Morts de rire, commenta Ashla.
— La ferme d’à côté, c’est pareil, ajouta Médor. Est-ce que je prends le risque de pousser les investigations jusqu’en ville ?
Le général grimaça.
— Inutile... Ils sont tous morts.
Il ignora les murmures à la fois épouvantés et admiratifs devant sa capacité à sentir les troubles dans la Force. Bibine-Wan. La veille, son poivrot de maître s’était brusquement levé pour brailler ce qu’il avait cru être une ineptie.
— J’ai senti une perturbation dans la Force... c’est comme si des milliers de voix avaient éclaté de rire d’un coup, puis s’étaient tues à jamais...
Bibine-Wan le savait et Shozen-Wan, persuadé qu’il était trop saoul pour capter quoi que ce soit, avait refusé de l’entendre. Il s’était trompé et cette erreur avait coûté des vies.
Il avait failli... comme général, comme ami, et comme élève...
Il regarda furtivement son profil. Panié ne l’avait toujours pas liké. La pierre, lourde, pesante, revint écraser son cœur déjà abîmé.
— Je fais un avec la Force et la Force est avec moi...
— Tu fais surtout un avec le rhum, dit une voix enfantine moqueuse.
— Hin ? Qwakidissa ?
— Bin... je suis la Force et j’ai pas super envie de faire un avec toi, là...
— Keu keuôha ?
— Je ne veux pas de toi ici, dit la Force.
— Pourquoi? dit Bibine-Wan.
— Tu es trop ivre.
— Maisjesuismort. KestceKejevaisdevenir?
— Une personne qui va sauver le monde.
— Keouha? répondit Bibine-Wan, surpris.
— Ton armée a besoin de toi pour finir cette guerre.
— JaimêmepasétéKapabledesurvivretousseule. KommentveutuKejaidemonarmée?
— Je veux que tu utilises la Force comme tu ne l’as jamais utilisée. Il est temps pour toi de partir.
— Kommentfaitonpoursortirdici?
— Utilise la Force.
— Jenyarriverapas.
— Tu peux y arriver. Rien n’est impossible.
— Daccord, jevaislefaire, dit Bibine-Wan, convaincu.
Ce fut à ce moment qu’il essaya, mais rien ne se passa.
***
Pendant ce temps, les deux terribles scientifiques regardaient les messages que reçut Panié.
— Voici un nouveau message, dit Ben.
— Que c’est touchant, répondit Nut.
— Ton amoureux t’aime bien, ça ne va pas durer, dit Ben à leur prisonnière.
— Il va vous trouver et il va vous détruire, dit Panié.
— S’il survit, dit Nut.
— Nous avons un plan pour détruire cette armée, dit Ben.
Panié fut enfermée dans la noirceur avec d’autres personnes qu’elle ne pouvait pas distinguer. Les deux scientifiques continuèrent leurs tests sur les prisonniers.
— Je dois dire que j’aime beaucoup votre gaz hilarant, déclara l’hologramme du Comte Dooku, mais les résultats sont-ils à la hauteur de nos espérances ?
— Mais tout à fait, Monseigneur ! fit Ben avec un sourire obséquieux. Nous l’avons testé sur plusieurs villages aux alentours de Jâr-dilande, et les habitants ont tous beaucoup ri. On pourrait même dire... qu’ils sont morts de rire, ajouta le scientifique avant d’éclater lui-même d’un rire sardonique.
Nut donna un coup de coude à son frère :
— Dis donc, c’était quand même mon idée, ce gaz ! lui murmura-t-il, énervé de ne même pas être mentionné.
— Que dit votre frère, monsieur Pepsico ? demanda le Comte.
— Rien, Votre Grandeur, rien du tout, lui assura Ben en poussant Nut hors du champ de l’holoconférence. Vous avez des questions ?
— Oui, je me demandais si vous aviez d’autres projets en travail ?
— Eh bien pour ne rien vous cacher, je travaille actuellement sur un coussin boumeur. C’est un peu le même principe qu’un coussin péteur, sauf que lorsqu’on s’assoit dessus, le bruit est si fort qu’il provoque un arrêt cardiaque.
Ben vit le visage du Comte prendre un air indéchiffrable. De l’admiration devant mon génie, se dit-il.
— Ma foi, vous semblez avoir la situation bien en main, reprit Dooku avant de mettre fin à la conférence.
Mais comment ce type peut-il avoir des idées aussi géniale que ce gaz mortel, se demanda le Seigneur Sith à l’autre bout de la galaxie, tout en mettant au point des armes aussi inutiles qu’un robot câlineur ou ce... coussin boumeur ? Un vrai mystère... À croire qu’ils sont deux dans sa tête...
— Pas contents ! Pas contents ! Pas contents !
Une dizaine de clones scandaient ce slogan en levant le poing lorsque Shozen-Wan prit la pose devant eux, ses cheveux flottant dans le sens inverse du vent, parce qu’il le valait bien.
— Ooooooooh ! firent les clones, avant de reprendre : Pas contents ! Pas contents.
— Soldats clones, je vous ai compris, fit le général.
— Aaaaah !
— Donc nous allons chercher notre compagnon Crevette, général ?
— Heu... oui, c’est ça.
— Vous êtes d’accord pour former un détachement à sa recherche ?
— Hem, tout à fait.
— Maître...
Ashla semblait lui faire des signes.
— Chers FDP, je vous ai compris. Je prends le commandement de votre détachement pour aller chercher Crevette. Qu’il soit dit qu’il y aura aucune perte sous mon commandement.
Il redescendit du promontoire pour rejoindre son apprentie qui était en plein facepalm.
— C’est bon, tu as filmé, Ashla ? On voit bien mes cheveux?
— Oui, maître. Mais non, maître. Vous pouvez pas partir en plein milieu d’une enquête, ces gens sont morts!
— En effet, Ashla, tu superviseras tout ça en mon absence.
— Mais maître...
— Y a pas de mais, padawan.
Il posta l’holo, en espérant que Panié allait enfin réagir. Et si dans une minute, elle n’avait pas liké, il utiliserait les FDP pour partir à sa recherche.
— On va à droite, maintenant ?
— Non.
— Alors à gauche ?
— Non plus.
— Tout droit ?
— Qu’est-ce que tu veux que j’en sache ? On n’y voit rien dans ces fichus égouts, Fours !
— Alors on tâtonne ? tenta Fours à l’attention de l’autre clone.
— On tâtonne, confirma Reflet.
Les mains dirigées vers l’avant, ils avancèrent ensemble dans les souterrains boueux et visqueux situés sous Jâr-dilande. Il ne fallut pas longtemps à Fours pour se stopper net.
— Il y a quelque chose devant moi ! s’exclama-t-il. C’est mou et dur en même temps.
— C’est mon dos que tu malaxes, soupira Reflet, dépité.
— On aurait peut-être dû garder nos armures. Les lampes auraient été utiles, marmonna Fours.
Il y eut un nouveau soupir de la part de son équipier :
— On ne serait jamais passé dans le conduit avec. Combien de fois je dois te le répéter ?
— Oui, mais imagine que le capitaine Médor les trouve et qu’on n’est pas dedans ? Il va s’inquiéter, le capitaine, tu ne crois pas ?
Reflet serra les dents. Il faisait de son mieux pour supporter son frère. Après tout, ils étaient les deux seuls rescapés de l’escouade Mikado et cela n’était pas un mince exploit lorsque l’on connaissait la gaucherie de ses ex-membres. Il opta pour une réponse simple.
— Tu t’inquiètes trop. Il sait qu’on est les meilleurs et à aucun moment qui que ce soit ne pensera que nous sommes morts.
— Même si on est portés disparus et qu’on a retrouvé que nos armures… vides ?
— Même si on est portés disparus et qu’on a retrouvé que nos armures… vides.
Ne sachant pas quoi répondre à cela, Fours décida de continuer sa route, jusqu’à ce qu’il s’arrête à nouveau.
— Reflet ?
— Si tu me dis que tu touches encore quelque chose de mou et de dur, c’est toujours mon dos.
— Non, ça pue.
— Tu m’étonnes, le railla l’autre. Tu attendais que les égouts sentent le jus de juma ?
— Non, je parlais de ça, expliqua-t-il en montrant son holo.
L’image d’une jeune femme particulièrement attirante, mais au regard illustrant particulièrement bien le néant qui séparait ses deux oreilles apparut. Malgré la beauté du crush de son partenaire, son sens des priorités l’agaçait.
— Panié d’Osié ? Tu crois que c’est le moment ?
— Mais non, c’est la copine du général ! annonça Fours presque surpris qu’il doive l’expliquer.
— L’autre pochtron est capable de choper une fille pareille ? Elle doit être encore plus bête qu’elle en a l’air.
— Tu ne suis vraiment pas Snapchien ?
Reflet hésita entre frapper sa tête ou celle de son partenaire contre un mur, mais se décida finalement pour la bonne vieille respiration relaxante. Cela l’aidait en général.
— Non, je ne suis vraiment pas Snapchien.
— Je vois ça. Sinon tu aurais compris qu’il s’agit de Panié Angelina. La copine de Cloudrunner !
Cela ne collait pas. Fours n’avait sûrement pas remarqué le détail le plus important.
— C’est écrit Panié d’Osié, pas Panié Angelina.
— C’est un pseudo.
— Un quoi ?
— Un faux nom.
Reflet le regarda, interloqué. Non, il ne comprenait pas un traître mot de ce que son équipier lui expliquait.
— Pourquoi elle utiliserait un faux nom ?
Fours soupira. Décidément son équipier n’était pas particulièrement brillant.
— Toutes les influenceuses font ça.
— Une influenceuse ? C’est une Jedi ?
L’expression étrange sur le visage obscurci de l’autre lui indiqua que le sentiment de supériorité intellectuelle venait de changer de bord et il préféra s’arrêter.
— Je le dis, ça pue. Elle vient de se mettre célibataire, constata Fours. Tu pense que le général va le gérer comment ?
— Comme un chef, répondit Reflet confiant, alors qu’une odeur d’alcool fermenté arrivait à ses narines.
— Nooooooon !
Shozen-Wan Cloudrunner s’effondra à genoux sur le sol rocailleux et se mit à le frapper de manière régulière et gracieuse sous le regard des FDPs qu’il avait embarqués avec lui.
— Pourquoi ?! Pourquoi, monde cruel et injuste, m’infliger telles douleurs et souffrances au sein de mon âme déjà meurtrie ?!
Mal à l’aise, Médor se rapprocha un peu et s’éclaircit la gorge. Mal lui en prit, car il était maintenant à portée du Jedi qui l’agrippa par l’armure.
— Pourquoi Médor ?! Dis-le-moi ! Pourquoi ferait-elle cela ?! Qu’ai-je fait ? Ô par toutes les voies impénétrables de la Force, qu’ai-je fait ?
— Vous dramatisez, Monsieur, tenta le clone alors que Shozen-Wan le lâchait.
Celui-ci se retourna vivement, faisant voler ses cheveux dans le vent ce qui lui valut un « oh » d’appréciation de l’assemblée. Pourtant, pour la première fois depuis longtemps, il ne s’en préoccupa pas. Seule comptait sa dulcinée.
— Je dramatise ? Moi ?! s’emporta-t-il en levant le poing. Moi, qui me sacrifie pour retrouver votre Croquette ?
— Crevette, Monsieur, le corrigea vainement Médor.
— Moi, qui m’efforce de tous vous considérer comme une partie de mon être et marche à vos côtés comme si j’étais aussi né dans une éprouvette ? Moi, je dramatise ?
— Je confirme, général. Vous dramatisez.
Un éclair passa dans les magnifiques yeux gris bleuté du Jedi et le clone comprit qu’il lui fallait une explication et vite, mais il avait besoin de trop de mots.
Ashla regardait avec impatience le groupe de responsables venus tout droit de Jâr-dilande et qui s'attelaient à l'inspection des cadavres depuis près d'une heure. Ils étaient menés par un petit homme nommé LittleCarott, originaire d'elle-ne-savait-qu'elle-planète-paumée-de-la-Bordure, peuplée de cyclistes mangeurs de carottes. Il ne portait comme vêtement qu'un simple pagne en feuille de choux.
— Par la Grande Déesse Feuillue ! se lamentait-t-il à grands cris. Quel genre de monstre a pu se livrer à un acte aussi barbare ?
— Sûrement un coup des séparatistes, commenta l'apprentie Jedi d'un ton calme. Ce genre d'idées morbides, c'est signé.
À son grand soulagement, le médecin légiste chaloupa vers eux en retirant ses gants en Rause. Voilà qui allait peut-être mettre fin à cette épreuve...
— Je suis formel : ils sont bien morts de rire, annonça-t-il d'un ton pompeux que venait gâcher sa feuille de Ly-La qui semblait sur le point de tomber.
La Twi'lek réfréna juste à temps une envie de lui frapper le crâne du manche de son sabre.
— Qu'avez-vous appris d'autre ? l'interrogea LittleCarott d'un ton suave.
— J'ai fait quelques analyses de sang. Étant donné les symptômes, il doit s'agir d'un produit à base de Tui-Hia. La bonne nouvelle, c'est que ce produit ne semble atteindre que les individus dotés de capacités intellectuelles réduites.
— Ouuuf ! Nous sommes hors de danger alors ! Remballez vos Liaires, on s'en va.
— Enfin, vous ne pouvez pas partir comme ça ! Des gens sont quand même morts ! s'insurgea la jeune Twi'lek qui songeait à ce poivrot de Bibine-Wan Kenobivre et à son doux imbécile de maître.
— Et tout cela est fort malheureux, et nous en informerons les autorités.
— Donc, vous allez nous aider à enquêter ?
— Il nous faudra déjà fournir trois exemplaires de notre rapport avec la signature du Palme Yer. Puis, le conseil Jâr-Dinage et l'Assemblée des Seurisiers se réuniront avec l'aval du Grand Ô Live pour parvenir à une conclusion. Ensuite, on sacrifiera un coq Likös en présence des trois Mare Geux Rites et...
La sonnerie de son comlick la dispensa de subir la suite. L'hologramme d'un clone - ou plutôt de son casque - apparut à son poignet.
— Commandante Ashla ! Il faut que vous reveniez immédiatemment !
La voix du clone tremblait de peur, comme un miroir de la sienne. La Force semblait soudain lui indiquer un danger, et elle crû qu'un malheur était arrivé.
— Que se passe-t-il, soldat ? s'enquit la Padawan d'un ton pressé. Ce sont les séparatistes ?
— Pire ! C'est le général Cloudrunner ! Il est devenu complêtement fou !
L'angoisse qui se refermait sur elle laissa aussitôt place à l'exaspération.
— Dites-lui que son après-shampoing est dans sa sacoche, la deuxième poche à g...
— Non non non, c'est pas ça ! C'est à cause de Panié : elle est passé célibataire.
— Et vous me dérangez pour ça ? flamba Ashla.
Cette pauvre cruche ! Elle avait essayé de prévenir son maître que l'influenceuse n'était qu'une idiote égoïste et puérile. Comment pouvait-elle être suivie par autant de monde alors qu'Ashla n'était suivi que par quelques membres de son escouade ? Personne ne s'intéressait donc aux magnifiques photos de paysage qu'elle prenait sur les planètes qu'elle visitait ?
— Mais commandante... Le capitaine a essayé de le raisonner, mais le général l'a attaqué ! Il avait l'écume aux lèvres et les yeux rouges. Il a mordu Médor : les FDP se sont mis en colère, ils l'ont attaqué....
— J'arrive de suite pour le raisonner ! Éloignez les hommes de lui, je ne veux pas de blessés.
Elle ne pouvait pas laisser son maitre dessouder toute son escouade. Même si elle n'était constituée que de FDPs.
— Vous ne comprenez pas : ils ont maitrisé le général. Ils l'ont attaché à l'un de ces champignons géants et maintenant, ils se demandent s'ils ne vont pas s'en servir comme cible d’exercice.
Ashla se massa les tempes.
— Très bien. Essayez de retardez les autres en les poussant à chercher Crevette. Je viens chercher l'autre ab... le général.
Elle éteignit son communicateur et se tourna LittleCarott.
— Je vais devoir vous laisser : une affaire urgente m'appelle. Si vous trouvez quelque chose, prévenez-moi.
— Je n'y manquerai pas, mais vous devriez vous dépêchez.
Son sourire se fit acéré.
— Ce n'est pas pour rien qu'on appelle ces champignons les « trompettes carnivores ».
Shozen-Wan Cloudrunner commençait à ressentir de l’inquiétude, peut-être parce que le végétal derrière lui faisait de drôles de bruits ressemblants à des gargouillements de ventre. Il avait les deux bras attaché en arrière contre la plante, dans une pose herculéenne qui permettait au soleil de se refléter sur son torse luisant et exposé, sa tunique déchirée volant autour de lui. Il avait été blessé, mais ses bleus et cicatrices ne faisaient que confirmer à qui les voyaient qu’il était un héros n’hésitant pas à risquer sa vie dans les plus grands périls, là où on aurait vu la preuve d’une vie de débauche avide de pugilat chez n’importe quel autre clampin.
Lorsque la plante commença à se pencher, il tira sur ses liens, ses muscles saillant sous l’effort, dans un mouvement désespéré pour lui échapper.
Si seulement un de ces connards pouvait me prendre en photo pour ma page, s’énerva-t-il. Et soudain, la plante se retrouva déracinée sous sa force, sous les yeux de ses troupes admiratives. Il s’avança, toujours attaché au tronc déraciné, devant ses fidèles FDP ébahis.
— Oooooooh !
— Il est si beau, on dirait un Dieu.
— Regardez le soleil se refléter sur sa peau, ça forme un halo.
— On dirait un ange ! Du coup, c’est bien 10 points pour celui qui le touche dans sa grande gueule ?
Alors que les FDP admiratifs se mettaient en formation pour lapider avec émerveillement leur général adoré, ils ne prirent pas garde aux ombres qui se resserraient dans leurs dos. Inconscient des longues serres aux ongles acérés qui approchaient, armes de prédilection des créatures les plus terrifiantes que la Création n’ait jamais conçut, ils commencèrent à mettre leur général en joue. Ce dernier, dressé avec sa plante arrachée dans le dos, faisait la figure du martyr passant au peloton d’exécution, l’air noble et les cheveux flottant dans le vent du sacrifice. Et puis les ombres s’abattirent sur les FDP, et les cris et hurlements commencèrent.
Il existe de nombreuses créatures vicieuses et cruelles dans la galaxie, et l’entrainement des clones les avait préparés à en affronter la plupart. Mais rien n’aurait pu les préparer à l’assaut de la meute de femmes enragées qui labouraient leurs visages de leurs ongles, mordaient entre les jointures et cognaient dans le seul point faible qu’elles ne partageaient pas avec leurs victimes. Les survivants implorèrent grâce, mais n’en reçurent aucune.
— Euh, vous êtes qui ? demanda Shozen, tandis que les nouvelles venues s’employaient à le libérer de ses liens en l’observant de leurs yeux brillants tels des étoiles. Il faut dire que son halo de lumière se reflétait dans leurs globes oculaires.
— Je suis Ravioli, grande prophétesse des Harpies, répondit une femme corpulente. Nous sommes les « Heureuses Adoratrices Râleuses, Pleines d’Idylle Envers Shozen ». Quand nous avons vu cette garce vous jeter comme une vieille chaussette sur les réseaux, nous nous sommes mises en route des quatre coins de la galaxie pour nous mettre à votre service, le temps de vous permettre de sélectionner une remplaçante parmi nous.
— Oh, fort bien. Je crois qu’il faut que j’appelle mon apprentie pour lui dire que je vais b…
— Navrée, Seigneur Shozen, le coupa Ravioli en lui arrachant son comlink avant de l’écraser sous son talon. Aucune femme n’ayant souscrit à la ratification de l’ordre des Harpies n’est autorisée à vous parler, vous regarder ou à s’approcher de vous à moins de six kilomètres. Mais rassurez-vous, vous ne vous sentirez pas seul avec nous. Souchi, menotte-toi à notre seigneur et maître pour que personne ne puisse nous le kidnapper.
— Enfer, se dit Shozen. J’ai été capturé par mon fan-club.
Nut courait maintenant depuis plus d’une demi-heure à une vitesse qu’il s’ignorait capable d’atteindre. La minuscule partie de son cerveau à ne pas être engluée par la terreur se demandait même s’il pourrait s’arrêter un jour. Il était sorti de la salle de conférence, avait sprinté jusqu’à l’entrée du repaire, l’avait franchie sans ralentir et avait continué sa course dans les égouts où leur cachette, à son frère et lui, était située.
Il était tant en proie à l’épouvante qu’il n’avait même pas encore remarqué qu’il poussait depuis longtemps déjà un cri inarticulé qui résonnait avec force dans toutes les galeries. Partout dans les conduits souterrains, tous les êtres vivants, du plus minuscule des rats au plus obèse des égoutiers, entendaient ce son de pur effroi :
— AAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAH !
Il faut décidément que je m’occupe de tout, rumina la jeune Twi’lek, lorsque qu’une explosion retentit. Tant pis pour le général. Après tout, c’était un maître, c’était l’élu de la prophétie qui devait rééquilibrer la balance de la Force, il était capable de se sortir de n’importe quelle situation. Et l’éloigner de Panié ne pourrait que lui faire du bien. Ashla se l’était toujours gardé pour elle, mais elle avait du mal à encadrer cette gourde, sotte comme un panier, qui ne cessait de mettre des idées idiotes dans la tête de son maître. Voilà qu’il lui avait conseillé de faire un shampooing sur ses lekkus, fallait-il donc qu’il eut la tête farcie de savon. Une bonne rupture, nette, était la meilleure chose qui pouvait lui arriver. Et quitte à avoir une copine, autant en avoir une qui en vaille la peine, genre avec du plomb dans la tête pour équilibrer.
— Commandant, c’est horrible, dit le clone. Ils ont... ils ont... ce sont des monstres !
Ashla soupira et passa la porte du Nal Hutta Pizza. Sur une banquette, deux soldats clones gisaient, l’armure explosée par le fondement.
— Ils ont même pas pu commencer leur pizza... pour une fois qu’on trouvait autre chose que des rations militaires.
— Qu’est-ce qui s’est passé ?
— Commandant, ils ont piégé les canapés. Nous sommes en sécurité nulle part.
La jeune Twi’lek porta sa main au front. Non, décidément, les drames amoureux de son maître n’étaient plus une priorité.
— Ici le commandant Ashla, les coussins sont piégés, je répète les coussins sont piégés. Ordre à toutes les troupes de ne plus s’assoir dans les canapés et fauteuils.
— Commandant ? Le leader des FDP émet une protestation officielle contre les chaises qui font mal au cul.
— Hé bien, ils feront avec. Je veux plus voir un seul soldat dans les canapés, tant que nous aurons pas expertisé ces coussins.
— Nous allons avoir une grève, commandant.
— Mieux vaut des clones grévistes que des clones morts.
— Vraiment ? Vous êtes sûr que c’est une bonne idée ? s’enthousiasma Fours.
Le Besalisk qui marchait à ses côtés était plongé dans la discussion, au point qu’il en avait presque oublié qu’il se trouvait être aux mains de ses ennemis. Il fallait dire que le soldat clone avec qui il discutait depuis un moment était une mine d'idées.
— Évidemment, je trouve que cette idée de Loth-Catamour est fantastique. Une peluche presque vivante qui établit un lien avec son propriétaire et dont il faut s’occuper est positivement révolutionnaire ! Comment est-ce qu’elle zigouille ?
Le clone le regarda, étonné et choqué.
— Zigouille ? Qu’est-ce que vous entendez par là ? C’est pour les enfants.
— Effectivement, où avais-je la tête ?
Nut calma ses émotions. De toute évidence, ce troufion de la République ne voyait pas aussi large que lui. Cette perte était tragique pour le monde de l’invention qu’il affectionnait tant. Aussi garda-t-il pour lui le commentaire sur la possibilité de rendre ce jouet tellement mignon qu’il submergerait son possesseur sous un déluge de choupitude, un mot qu’il venait d’inventer, et finirait par l’étouffer au propre comme au figuré. Il sourit. Cette idée était tout bonnement génialissime.
— Sinon, débuta le clone, que penseriez-vous…
— Fours !
Le soldat se figea suite à l’appel de son équipier qui les menait dans les souterrains puants de la ville. L’autre s’était arrêté afin que les deux inventeurs puissent le rejoindre.
— Tu as repéré quelque chose ?
— Je n’ai pas repéré quelque chose, répondit Reflet en soupirant. En revanche, tu sais ce qu’il risque de se passer si ton nouveau pote et toi ne la mettez pas en veilleuse ?
Fours hocha vivement la tête. Satisfait, son partenaire se remit en marche en éclairant le tunnel de sa lampe.
— Il n’a pas l’air commode votre copain, siffla Nut à l’oreille de son potentiel collègue.
Le clone se contenta de secouer la tête.
— Qu’est ce qu’il se passera si on ne se tait pas ? insista l’expérimentateur.
— Cadexqdeu, répliqua le soldat.
Le scientifique feint de ne pas comprendre, alors qu’il n’avait pas réellement compris, ce que Fours prit pour de l’incompréhension en se remettant en marche.
— C’est sa mission sacrée. Il était vraiment euphorique en apprenant que des armes révolutionnaires pouvaient potentiellement se trouver sur cette planète.
Nut ne put retenir un naïf sourire à la mention des « armes révolutionnaires », car il était convaincu que Fours parlait des siennes et non de celles de son arriviste de frère Ben. Le troufion ne sembla pas le remarquer et continua son discours :
— C’est à cause de ça qu’il nous a portés volontaires pour qu’on joue aux éclaireurs. Malheureusement, nous devons retourner au camp sans qu’il n’ait pu faire progresser sa mission.
— Quelle mission ? l’interrogea le Besalisk en se grattant la tête, le dos et le postérieur en même temps.
— Cadexqdeu, articula Fours. Campagne d’Anéantissement Des EXpérimentateurs au Quotient en Déficit Exponentiel d’Utilité.
Le Séparatiste déglutit péniblement face à cette révélation, dont l’acronyme semblait découler plus d’un habile bricolage que d’une vraie logique. C’était bien sa veine. Alors qu’ils émergeaient enfin des puants égouts pour déboucher sur une vaste prairie où paissaient de paisibles et imposants Bég’onias sauvages, ils ignoraient que deux personnes les observaient non loin de là.
— Veuillez me donnez l'objet de votre demande, lui intima le bureaucrate de Jâr-dilande en la fixant sous sa monture aux tiges végétales.
— Plusieurs de mes hommes sont morts à cause de coussins piégés. Il faut informer les responsables de Jâr-dilande et prendre des mesures...
— Votre précédente demande est toujours en cours de traitement, répondit l'autre en tournant les pages d'un dossier. L'assemblée des Seurisiers a semble-t-il relevé quelques vices de procédures et devra sans doute faire appel à la Cour des Havoka.
— Mais c'est urgent ! Tout Jâr-dilande est peut-être en danger !
— Bon, elle se dépêche devant ?! hurla une voix dans la file. On a pas que ça à faire !
Reste calme Ashla, reste calme. Il n'y a pas d'émotion, il y a la paix.
— N'y aurait-il pas un moyen pour que cette affaire soit traitée plus rapidement ? demanda-t-elle d'un ton considérablement adouçi.
— Évidemment que si ! s'exclama le fonctionnaire d'un air enthousiasme. Vous pouvez tout à fait transmettre cette demande à l'Assemblée des Jonc-Quilles ! Il faut seulement trois exemplaires de votre demande et une signature du conseil de Jâr-dinage. Puis, selon la procédure...
— Ça va, j'ai compris, l'arrêta la padawan d'un ton exaspéré. Laissez tomber.
Elle prit la direction de la sortie sous les regards pleins de haine de la file toute entière. Elle savait à qui s'adresser.
Tout à son triomphe, LittleCarott entra dans la salle du trône. Exultant sur ses victoires à venir et le pouvoir qui serait bientôt sien. Il jeta un regard au trône de fenouil, vacant depuis la chute de l’empire Thaimique. Il savait qu’il ne devait pas. Qu’il fallait attendre. Que son heure viendrait. Que le manque de témoins n’était pas une raison. Oh et puis une minute ou deux dessus ne feraient pas de mal. Le moustachu de la mythique planète des moustachus mangeurs de frites bondit sur ce trône qui serait bientôt à lui.
Si seulement avait-il su que Ben, le scientifique fou, y avait posé l’un de ses dangereux coussins boumeurs. L’explosion fit voler LittleCarott à travers toute la salle, le derrière en fumée, jusqu’à ce qu'il s'écrase, démantibulé, devant les doubles portes.
Si seulement j’avais pu dire à mon fils, Junior, que je l’aime. Il devait avoir ses deux ans dans un mois… Telle fut sa dernière pensée cohérente juste avant d’expirer.
Son corps fut par la suite transformé en compost pour cultiver une variété de légumes qu’on appela les « petites carottes rikiki », mais ça c’est une autre histoire.
Tout en haut de la tour de la chancellerie, l’individu encapuchonné du chapitre 11 continuait de rire aux éclats. Il n’avait été interrompu que par un rire suivi d’un fracas venant des escaliers, probablement le Chancelier Suprême qui avait trébuché, ça lui arrivait régulièrement – même si la chute avait semblé plus importante que d’habitude cette fois-ci. À bout de souffle, il cessa son rire dément et sortit un holocommunicateur de sa ceinture. Il l’alluma et contacta un personnage dont le genre, l’espèce, la taille et globalement toutes les caractéristiques tant physiques que psychologiques étaient inconnues.
— Alors, mon cher ami ? Où en sont nos plans ? demanda l’homme encapuchonné.
— J’ai pris contact avec les clones et ils m’ont conduit jusqu’à leur campement, murmura la personne dont chaque trait du visage marquait la banalité et l’insignifiance. Pour l’instant je suis aux toilettes, ça me donne un minimum d’intimité.
— LittleCarott n’a pas posé problème ? poursuivit l’homme au chaperon.
— Non, je l’ai plus ou moins convaincu que c’était son idée de m’envoyer infiltrer les troupes républicaines.
— Bien, conclut le bonhomme au visage dissimulé. Je compte sur vous pour nous faire des rapports réguliers sur votre avancée. Bon, c’est pas tout ça mais je dois encore passer l’aspirateur, je vais vous laisser.
Après avoir raccroché, l'individu enleva la houppelande noire qu’il avait trouvée pliée en douze dans un tiroir du bureau du Chancelier et qu’il avait revêtu pour cet appel, se disant qu’il aurait davantage la classe ainsi. En retirant sa capuche, il révéla le visage de... l’homme de ménage du Chancelier Palpatine.
Bientôt, songea-t-il, nous autres figurants, personnages mineurs, seconds couteaux et bouche-trous aurons notre revanche sur ces protagonistes qui prennent toute la place dans les histoires...
— Oh merde, dit Bibine-Wan.
Bibine-Wan vit un nexu courir vers lui très rapidement. Bibine ne savait pas trop quoi faire. Il fit la première chose qui lui vint à l’esprit. Il décida de gripper dans un arbre. Il le fit sans trop de difficulté parce qu’il est grand, mais le nexu fut plus rapide et il fut déjà rendu en bas de l’arbre alors que Bibine grimpait encore. Le nexu sauta pour le griffer et il le blessa à la jambe droite. Arrivé en haut de l’arbre, il se sentit mal en voyant le sang couler sur sa jambe. Bibine dut attendre que le sang arrête de couler pour pouvoir se sauver. La créature ne put plus l’atteindre. Elle tourna en rond en attendant que son repas redescende. En haut de l’arbre, Bibine réfléchit à une solution. Il n’avait pas d’arme, mais la Force est avec lui. Après quelques minutes, le sang arrêta de couler. Il décida de redescendre et d’utiliser le pouvoir de domptage animalier. Il ne l’avait jamais utilisé dans le passé. Il savait que c’était du suicide. Il se rapprocha de l’animal pour le calmer. Le nexu ne voulut pas, mais la détermination du Jedi fut plus grande que l’animal, qui se calma. Bibine-Wen put embarquer sur l’animal.
— Emmène-moi où tu veux ? dit le Jedi calmement.
L’animal partit avec Bibine-Wan au plus profond de la forêt.
Belle qui tiens ma vie,
Captive dans ses cheveux
Qui m'as l'âme ravie
D'un like gracieux,
Viens tôt me secourir
Ou me faudra mourir.
Se lamentait Shozen-wan toujours accroché à son arbre.
— Il va falloir vous décider, seigneur Shozen, insista Ravioli. Nous sommes toutes disposées à remplacer Panié... Mais peut-être que vous nous voulez toutes. Il va donc falloir établir un tour de rôle.
— Vu que je suis déjà attachée, autant que ce soit moi la première, suggéra Souchi.
— C’est du favoritisme, la contredit Canneloni. Faisons un tirage au sort !
Plutôt on verra l'onde
Contre mont reculer,
Et plutôt l'œil du monde
Commença à brûler...
Je sens une perturbation dans la Force...
La mort... Ashla... Une odeur de bibine... des cheveux sales... Panié !
Shozen-Wan se redressa, les yeux révulsés.
— La prophétie, la prophétie ! L’œil du monde brûlera et... je dois me faire un shampooing.
Les harpies le regardèrent avec circonspection.
— Ça a l’air important, dit Canelloni.
— Un héros, ça doit accomplir une prophétie, avança Souchi.
— C’est vrai que depuis qu’il est attaché à son arbre, il perd des abonnés, alerta Maquie. Et plus personne ne se bat sur le forum nouveautés.
— Détachez-le, ordonna Ravioli, il faut que le seigneur Shozen fasse de grandes choses pour nous occuper, nous, ses fans. Comment pouvons nous nous priver de son actualité ? Souchi, tu resteras menottée à lui, puis une autre prendra le relais. Hors de question de le perdre à nouveau. Je m’occuperai du shampooing et Maquie prendra les photos.
Souchi pris son temps pour le détacher, laissant négligemment ses doigts se perdre sur les boucles précieuses, le cuir du tabard, les muscles tendus sous la toile.
— Tu es à moi, mon précieux... personne ne prendra le relais, j’y veillerai… et cette nuit, nous nous enfuirons ensemble... précieux...
Je fais un avec la Force et la Force est avec moi.
Ainsi, c’était ça, fusionner avec la Force, s’étonna Ashla, devant cette étendue grise et désolée.
— Il y a quelqu’un ? Youhou... hého...
Seul l’écho de sa voix retentit.
— Génial… Ils sont où, les maîtres Jedi du passé ?
— Dans ton c… ôté obscur !
— Me voilà bien, rouspéta la jeune twi’lek, je suis tombée avec les Sith. Si je tenais cette mini-carotte, j’en ferais du rapé...
Elle ignora les ricanements sarcastiques dans la brume et appliqua les règles de retour au calme prônées par maître Yoga. Hors de question de donner raison à ces sales obsédés du Côté Obscur en se mettant en colère devant eux.
Je fais un avec la Force et la Force est avec moi.
— Ha non, encore un, j’en ai marre!
Ashla sursauta et repris avec conviction son mantra.
Je fais un avec la Force et la Force est avec moi.
— Ras le bol des alcoolos, allez ouste!
Une céleste pichenette catapulta la jeune Twi’lek à travers l’espace-temps. Elle retomba lourdement sur un tas de fumier.
— Je comprends pas, se palpa-t-elle les membres. Je suis pas censée revenir en fantôme de Force?
Une odeur d’alcool frelaté lui parvint aux narines.
— Maître Bibine-Wan, c’est vous ?
— Ksdheetffféchié ? Chjboichiveudabor !
Ashla leva les yeux... Sous le popotin énorme de la bête, gisait Bibine-Wan, les quatre fers en l’air et un tonnelet vide à côté de lui...
— Fôkjeretournalatavergne, chaipurienaboire....
Bon, retrouver le grand maître était déjà quelque chose à faire. Maintenant, il fallait aller découper de la carotte et si elle avait encore du temps, retrouver les clones... et peut-être comprendre pourquoi la Force était devenue aussi grognon avec les Jedi.
Un arbre, deux arbres, des arbres. Cette zone ne présentait définitivement rien d’autres au point que Reflet avait pensé s’être perdu plusieurs fois, mais il savait que cela était impossible. Il faisait partie des meilleurs soldats de la République. Il était réputé pour ses hauts-faits d’arme et une vulgaire forêt ne pourrait pas venir à bout de lui. Non, il ne pouvait pas se perdre. Accompagné de Fours et d’un individu tellement banal qu’il en avait oublié la présence par trois fois déjà, il avait été chargé d’une énième mission de reconnaissance à peine revenu au camp avec le Besalisk qui, lui, y était resté.
— On est perdu, se plaignit l’être au visage extrêmement commun.
Reflet grinça des dents et se tourna lentement vers celui qui avait osé mettre en doute ses capacités.
— Nous ne sommes pas perdus. Il nous faut juste continuer sur cette route.
— Pourtant, nous sommes déjà passé devant cet arbre, insista le type qui avait un visage qui aurait pu être celui de l’acteur secondaire remplaçant du cabaret « Étoile Bleue » de Coruscant.
— C’est un arbre. Tous les arbres se ressemblent rétorqua le clone.
C’est alors que le type vira au cramoisi à la surprise des deux clones qui l’avaient alors plus considéré comme quelqu’un de calme et discret.
— Pourquoi ?! s’emporta-t-il. Parce qu’ils se ressemblent à vos yeux, cela signifie qu’ils n’ont pas la moindre importance ? Vous pensez qu’ils ne font partie que du décor ? Vous pensez qu’ils n’ont pas de signification, pas de sentiments…
Le reste des paroles de l’individu se perdit dans le bruissement des feuilles, les deux clones ne désirant pas s’attarder plus longtemps pour écouter des élucubrations somme toute assez futiles. Ils continuèrent leur route, passant aux côtés d’arbres toujours aussi identiques et banals, pendant plusieurs dizaines de minutes. Ils ignoraient quand l’être de second plan les avaient rattrapés mais, lorsque Reflet fit signe à son équipier de s’arrêter, ils étaient à nouveau trois.
— Il y a un problème ? demanda Fours en étirant le cou.
— Il y a un problème, confirma Reflet. J’ai cru entendre le cri d’un animal blessé.
Autour d’eux, seul demeuraient le bruit du vent et les craquements des branches, lorsqu’un faible hululement suivi d’un grondement retentirent à nouveau aux oreilles du soldat.
— Tu vois ? Ça a recommencé.
L’autre tendit l’oreille, mais sans paraître convaincu pour autant.
— Tu délires. C’est sûrement un Gato’o’choc.
— Un quoi ?
Fours lui tendit un datapad sur lequel s’affichait l’image d’une petite créature bipède marron pourvue d’une paire d’immenses oreilles et de cinq gros yeux dorés.
— Tu vois. C’est marqué sur Wookieepedia : « Le Gato’o’choc est un petit mammifère endémique de Jâr-dilande, connu pour son aspect extrêmement adorable et sa propension à se déplacer en groupe pour consommer des petits fruits ». Ça veut dire quoi « propension » au fait ?
Le hululement résonna à nouveau, toujours accompagné du râle.
— Je te crois pour la première bestiole, mais le deuxième m’a l’air moins adorable.
— C’est sûrement un Kekocitron.
— Un ?
Une nouvelle fois, il lui présenta l’écran pour révéler une sorte de reptile jaune géant à l’aspect beaucoup moins sympathique.
— Je ne sais pas pour vous, mais je pense qu’on devrait déguerpir, annonça le troisième compagnon.
Le hurlement plus grave arriva une troisième fois à leurs oreilles et Fours commença à reculer. Reflet, quant à lui, s’était figé.
— Attends, je connais bien ce cri. C’est exactement celui que fait le général lorsqu’il réalise être à court de shampooing aux jogans.
— Shozinou !
L’appel lui glaça le sang un instant. Une silhouette bondit en dehors des fourrés et, l’espace d’un instant, les rayons du soleil se reflétèrent sur une brillante et longue et soyeuse et magnifique et exceptionnelle chevelure fouettant l’air avec une grâce inégalée. Le visage aux traits parfaits arborait un sourire crispé, mais plus éclatant que n’importe quel être de cette galaxie.
— Ouah... soufflèrent le clone et ses deux compagnons avec un air hébété.
— Lieutenant ! hurla Shozen-Wan. Réagissez et sauvez ma parfaite soyeusitude !
C’est alors qu’un groupe de furies débarqua derrière lui, dont une était attachée au poignet du Jedi. Par pur réflexe, il fit feu. Un cri strident retentit derrière lui et il se retourna pour presser la détente. Lorsque tout fut fini, trois humanoïdes de forme féminine, entourées de photos dédicacées, gisaient devant lui. L’individu banal était également à terre.
— Ça par exemple, je crois bien qu’on s’est emballé, Reflet, souffla Fours à ses côtés.
— Il est à moi ! À moi seul ! Mon préééééécccccccccieux ! Plus de concurrence ! hurla une voix stridente.
Toujours attaché à une femme au visage scarifié, son supérieur était désormais suspendu à une branche dans une image de grâce intense, tentant désespérément d’échapper à la harpie. Le clone leva son blaster, mais ne tira pas. Cloudrunner appela une nouvelle fois à l’aide.
— On fait quoi ? lui demanda Fours.
— Honnêtement, après réflexion, je me tâte.
— Elles sont vraiment bonnes, ces petites carottes ! s'exclama l'employé de Jâr-dilande après l'avoir goulûment avalée.
Son collègue approuva d'un hochement de tête avant d'extraire une nouvelle carotte de terre et de croquer dedans. Normalement, ils n'avaient pas le droit de se servir dans le potager de la ville – mais de temps en temps, ça n'allait pas tuer un coq Likös ! Personne ne s'en rendait jamais compte de toute façon : on n'accordait pas d'attention aux personnages secondaires dans leur genre.
— Je me demande quand même où ils ont eu cet engrais, pensa-t-il à haute voix tout en se levant du muret.
Derrière lui, son camarade releva vivement la tête.
— Quoi ? T'es fas au chourant ? s'exclama-t-il la bouche pleine.
— Au courant de quoi ?
— Mais enchin ! Ch'est l'anchien ch...
Un objet contondant lui transperça la gorge, noyant ses paroles dans un gargouillis gluant : l'homme bascula face contre terre, inondant le sol d'une substance pâteuse.
L'employé poussa un cri de terreur, recula vivement et, dans sa panique, trébucha pour tomber sur les fesses. Devant lui, une forme émergea du potager, huma l'air d'un air ravi avant de se jeter sur lui.
Le grand prélat de Jâr-dilande était à bout de nerfs. Ces FDP de la République (dans le sens peu flatteur du terme) avaient décidé de tenir une réunion de crise dans les grands jardins de la ville, lieu hautement symbolique dans l’Histoire et la culture de Chris’n thaime. Il avait passé l’après-midi à recadrer des clones qui quittaient le chemin pour poser les pieds sur la pelouse ou encore, ô blasphème, à cueillir une petite fleur du jardin millénaire. Il en était réduit à leur lancer tour à tour des regards féroces, destinés à les dissuader de frôler les délicates feuilles des buissons de pureté, tandis que le gros des soldats s’était réuni autour du Grand Chêne, véritable merveille plantureuse millénaire, dont le culte était le socle de la vie religieuse de la planète.
Les forces clones étaient désorganisées, sans leadership et sans script clairement défini, alors que des auteurs tous plus nuls les uns que les autres semblaient se succéder. Ils avaient décidé de reprendre leur destin en main mais ne savait ni comment faire, ni ce qu’ils avaient envie de faire, et encore moins de quoi serait fait le diner.
Et c’est au milieu d’une longue et vive discussion qui durait depuis cinq heures qu’une une sonnerie retentit et que le capitaine Médor décrocha à la hâte son holocom sur lequel une sombre silhouette menaçante apparaissait.
— Exécutez l’Ordre 66.
— Ce sera fait, Monseigneur.
— Ouah chef, vous aviez trop la classe avec cette inclinaison de la tête et cette voix profonde, le félicita son adjoint. C’est l’oscar des rôles quartiaire assuré.
— Merci, répondit l’officier peu mécontent de lui.
— Et du coup, que doit-on faire ?
— Aucune idée.
— Pardon ?! s’exclamèrent plusieurs FDP (bon sens du terme, là).
— Bah, je n’allais pas lui dire que j’y pigeais que dalle. L’oscar, tout ça... D’ailleurs je ne sais pas non plus qui c’est mais s’il donne des ordres, ça doit être un gars important. Oh, me regardez pas comme ça, il y en a 150 des ordres de contingence. Si je pouvais retenir autant de texte, j’aurais fini en premier rôle dans la 501e au lieu de me farcir votre groupe. C’est d’ailleurs pour ça qu’on les a tous notés dans un journal.
— Mais du coup, qui a le journal, chef ?
— C’était le tour de Crevette, il me semble.
Un concert de grognements accueillit cette annonce parmi les FDP. Ils avaient tous protesté contre l’arrêt des recherches de leur regretté camarade mais aucun n’avait, au fond, vraiment envie de partir à sa recherche dans le froid et la brousse.
— Attendez, chef, tenta de raisonner l’adjoint Medius. Soyons logiques. On n’aurait pas reçu un tel appel pour cueillir des pâquerettes. Désolé, ajouta-t-il devant le regard assassin du prélat, ce n’était qu’un exemple. Enfin bref, il doit nous ordonner de tuer quelqu’un ou quelque chose, c’est évident. Ordre 66, ça doit être un ordre du genre « butez toutes les plantes » et...
— Vous croyez ? coupa le capitaine. Soldats, feu à volonté. FEU ! FEEEUUU !!!
— Attendez capitaine, ce n’était qu’un exemple, tente de bégayer Medius tandis que les soldats ouvraient le feu sur le grand chêne et balançaient des grenades incendiaires dans toutes les directions et qu’une canonnière avait déjà entrepris de décharger sa cargaison de napalm sur les parterres de fleurs.
— Ah, un exemple ? se reprit Médor qui se tourna timidement vers l’ecclésiastique tatillon qui les encadrait. Euh, on est vraiment désolé, prélat et... Ah, je suis content de voir que vous souriez, j’ai cru avoir fait une conner... Attendez, pourquoi ne bouge-t-il pas ?
— On dirait qu’il est tout crispé, chef, commenta un soldat en tapotant le prélat avec un petit marteau qui se fendilla. Il est tellement tendu qu’il ne peut plus bouger. On pourrait sans doute s’en servir comme levier, vu son état, ajouta-t-il en poussant légèrement l’ecclésiastique... qui bascula dans un bruit de tronc qui s’écrase au sol.
— Bon, on l’embarque, il pourra toujours être utile.
— Où allons-nous, chef ?
— Il est temps de retrouver notre Jedi. Il saura surement ce que cet ordre signifie. Oh et butez toutes les plantes que vous verrez. Juste au cas-où.
Les troupes clones traversaient les vastes plaines de Chris’n thaime, en direction du campement où le bataillon avait abandonné Bibine-Wan Kenobivre et, bien involontairement, le pauvre Crevette. Le capitaine Médor, sachant que d’immenses troupeaux de notuoms parcouraient la région, venait d’envoyer des éclaireurs s’assurer que l’unité pouvait progresser sans danger. Attendant leur retour, il s’assit dans l’herbe dans l’espoir que sa migraine passe enfin. Il avait la désagréable sensation que... que quelque chose n’allait pas, qu’il ne devrait pas être ici.
Les Harpies s’abattaient sur les FDP telles des mouches sur de la crotte de bantha, les décimant sans qu’ils ne puissent rien faire. Médor, qui tentait de réorganiser les hommes, se retrouva soudain enseveli sous la marée humaine de fans enragées, hurlant “Gloire au Shozen-Wan !” et le castrant à répétition, jusqu’à ce que mort s’ensuive.
— Je ne suis pas un simple nexu, jeune enfant, répondit la créature sous les yeux ébahis d'Ashla. Je suis la réincarnation du sage de la Force Gra'Th'Un, qui vécut sur cette planète il y a de cela plusieurs millénaires.
— Enchantée, murmura la Twi'lek.
La Force avait décidément de drôle de façon de se manifester ces derniers temps.
Elle allait entamer une courbette devant la créature pour lui manifester son respect, lorsqu'elle sentit une profonde perturbation dans la Force. Elle se raidit aussitôt, un violent frisson lui parcourant le dos. Maitre Kenobivre dut lui aussi la ressentir puisqu'il fut immédiatement pris d'un haut le cœur avant de vomir ses tripes dans l'herbe.
Que se passe-t-il ? C'est comme si un voile sombre venait de s'abattre sur la galaxie...
C'est alors qu'un flot d'insultes provenant d'une voix aux intonations enfantines déferla dans son esprit.
Maudit Sith ! Toujours à jouer avec mon équilibre : je vais encore avoir des problèmes gastriques... Raaaah !
— Maître, j'ai peur... lâcha-t-elle d'une petite voix
— Bluuuuuuuuurp !
— Le Côté Obscur vient d'étendre son règne sur la galaxie, commenta le nexu d'une voix noble tout en se léchant la patte. L'histoire avance petit à petit, mais il reste de nombreuses péripéties avant d'en voir la conclusion. Rendez-vous à mon sanctuaire au sommet de la montagne de la Déesse Feuillue. Là, vos questions devraient trouver des réponses.
— OùKséKsé ? Spaklèretoussa, commenta Bibine-Wan en relevant la tête et en s'essuyant la bouche sur le manche de sa tunique - ou du moins la tunique qu'Ahsla s'imaginait qu'il portait, une protection érigée par son esprit ordonné et pragmatique, qui l'empêchait de voir des horreurs supplémentaires dont elle n'avait nul besoin.
— C'est vrai. Pourriez-vous nous indiquer une direction ou bien...
— Vous voulez pas un plan fléché, aussi ? Démerdez-vous !
Et sur ces paroles empreintes de sagesse, la créature bondit entre les arbres et disparut dans la nature.
— Le guichet est fermé, repassez plus tard. Merci de votre compréhension et attention à la tête !
— Attention à quoi ?
— Aïe ! s’exclama Souchi, qui venait de tomber à la renverse dans la forêt.
Décidément, ce n’est pas mon jour.
En effet, elle s’était faite abattre par deux clones tandis qu’elle tentait de se dégager de l’arbre où elle était empêtrée pour s’enfuir avec le Shozen-Wan de son cœur. Et maintenant qu’elle était, pour une raison inexplicable, revenue à la vie, elle découvrait que toutes les Harpies étaient rassemblées à ses pieds, trouées de tirs laser, et que... Horreur ! Shozen avait disparu !
— Ah, tu es là Souchi ! Contente de te revoir ! s’exclama Canelloni.
Souchi ne les avaient tout d’abord pas remarquées, mais Canelloni et Radi, qui avaient été les premières à succomber, étaient également revenues à la vie.
Je vis une Romance avec Shozen, songea-t-elle. Dans cette Romance, les autres Harpies ne sont que des obstacles sur ma route. Et les personnages récalcitrants, je m’en débarrasse !
— Dis, tu sais ce qu’il nous est arri... commença Radi avant que Souchi ne lui saute dessus, toutes griffes dehors.
Après avoir prestement égorgé ses deux consœurs, les retuant pour quelques temps, la dernière des Harpies réfléchit un instant à comment se débarrasser de personnages qui revenaient à la vie, puis décida de les enterrer. Ainsi, les Harpies seraient définitivement immobilisées et ne pourraient pas se mettre entre elle et son aimé.
Ainsi fut fait. Souchi ne s’interrompait dans sa tâche que pour renvoyer dans les limbes une Harpie revenue avant d’être enterrée.
— Parfait, se dit-elle finalement en observant son œuvre. Et maintenant, il est temps de me mettre en quête de Shozen aux Cheveux Soyeux.
À moitié engluée dans la vase, Panié tenta de se redresser de la manière la plus glamour possible, dans une prestation qui aurait bien valu un Oscar. Enfin, en exceptant les algues d’eau douces qui collait à ses cheveux, l’eau boueuse qui avait ravagé son maquillage et le poisson coincé sous son aisselle droite qui frétillait vainement en essayant de s’échapper. Mais ça, Panié ne pouvait le savoir faute de miroir. Et Shozen était bien trop habitué à elle et ses réactions pour savoir qu’une remarque pourrait entraîner une mort lente et violente. La sienne, en l’occurrence.
Mais la créature qui glissait dans les fourrés n’avait pas de tels scrupules. Il n’avait jamais goûté la chaire d’une bourge trempée et visqueuse. Il se cabra, prêt à bondit, lorsqu’il réalisa avoir posé le pied surun coussin boomer.
— ENCORE ?... pensa-t-il juste avant d’etre propulsé au loin dans une traînée de fumée, sous le regard surpris de ses proies.
— Espèce de malade ! hurla Kard Drecic. Combien de fois te faudra-t-il le tuer pour satisfaire ta soif de sang ? Ouh, ça va il respire. Tu as failli tout me l’abîmer mon Kiki, ajouta-t-il en caressant une petite figurine en forme de LittleKarott.
-Visiblement, c’est lui qui est assoiffé de sang, répondit froidement son interlocuteur. Et je n’ai fait que bouger ce piège. Il aurait très bien pu le contourner ou se désintéresser de ses proies. Il a lui-même mis le pied dessus…
— Ça suffit vous deux, coupa la voix agacée du Patriarche.
Le patriarche du Conseil des scénaristes était plus qu’agacé. Il ne leur avait fallu que quelques secondes pour se réunir, où qu’ils soient dans la galaxie. Et tout le monde manquait à l’appel hormis ces deux-là. Mais au moins, l’équilibre semblait respecté.
Kard était une créature maléfique. Ou du moins qui essayait de le faire croire avec son manteau de brumes, ses deux yeux bleus glacés et l’inscription « Je tue des bébés phoques » sur son sac à dos. Le Patriarche s’étant toujours considéré comme une entité du bien, et il le fallait bien pour tenir ces entités à carreau. Il parvenait donc à assure l’équilibre avec l’ennemi des otaries.
En face de lui, Ignis le regardait de ses yeux ardents. D’une apparence enfantine mais très pâle, ce dernier n’était pas vraiment mauvais, mais l’ennui était qu’il ne voyait le mal nul part. D'attitude amoraliste, il ne prenait pas autant de plaisir que Kard dans le mal, et pas autant d’abnégation que le Patriarche pour maintenir l’Ordre. Bref, ce petit con était imprévisible.
— Où sont les autres ? demanda Kard. Quand j’ai appelé ce conseil, j’ai pensé qu’on serait tous présents. Quoique j’en connaisse un qui n’avait pas besoin de venir…
— L’un de nos pairs est actuellement en train de suivre un stage avancé de survie en géographie insolite et cruelle, répondit le Patriarche. Quant à notre consœur…
— Elle est partie rejoindre le fanclub de cet empereur qui vient de s’autoproclamer sur Coruscant, termina Ignis. Aux dernières nouvelles, elle est poursuivie par le COMPNOR pour lui avoir volé un caleçon. Quant au cadet, il est en pleine crise d’adolescence et refuse de venir quand on l’appelle.
— Ce qui ne nous laisse que nous trois, soupira le Patriarche. Ce qui forme un bon équilibre tant qu’Ignis ne se met pas en tête de foutre le feu pour voir comment les hommes réagissent.
— Ou de l’éteindre, ajouta amèrement Kard Drecic.
— La planète brûle déjà, nota le jeune amoraliste. On ne maîtrise plus rien, l’histoire vit désormais d’une vie propre et les règles changent plus vite que nous n’arrivons à remonter la narration.
— Mais nous sommes des dieux ! s’époumona le soi-disant tueur de phoques.
— Pas vraiment, rectifia le Patriarche. On a voulu écrire notre histoire, mais la Force semble s’être rebellée. Intervenir risque d’être délicat pour remettre un semblant de cohérence.
— Moi je pense qu’on devrait cesser d’intervenir, les laisser se débrouiller et voir comment ils s’en sortiront, proposa Ignis, une lueur d’amusement brillant dans son regard de braise, tandis qu’il levait une paire de pions. L’un ressemblait à une petit bonhomme avec une bouteille de vodka dans la main, chevauchant un nexu, et l’autre ressemblait à une petite Twi’lek de mauvaise humeur.
— Maître ! Vous êtes où ? appela Ashla d'une voix exaspérée.
Son regard se tourna de tout les côtés, perçant la végétation florissante et gigantesque qui poussait sur la montagne, sans trouver trace du maître Jedi.
— Putain, vous faîtes chier ! hurla-t-elle.
Ce poivrot était sûrement perdu au milieu de la brousse, bourré comme à son habitude. Elle en aurait pleuré si elle avait pu !
Depuis leurs retrouvailles, sa patience déjà rudement éprouvée avait volée en éclat. D'abord, il avait provoqué un scandale au village où Ashla était allée lui chercher des vêtements. Puis, sa chute dans un terrier de Koukies lors d'une de ses balades nocturnes : le temps de le sortir de là, ces hurlements avaient rameuté tous les Kekocitrons de la région.
Et maintenant qu'ils avaient enfin trouvée la montagne de la Déesse Feuillue – tâche facile vue qu'il s'agissait du seul relief visible au milieu d'une plaine monotone – impossible de mettre la main sur ce sanctuaire, même après deux jours de recherches ! Le seul indice était cette arche de pierre taillée à même la roche.
— Si au moins cet imbécile pouvait me donner un coup de main !
De rage, elle donna un violent coup de pied dans la paroi... et se mordit la langue pour réprimer un hurlement en refoulant avec peine ses larmes. Devant elle, un grondement se fit entendre et la roche entre les deux piliers de l'arche pivota pour dévoiler un couloir large pour une personne.
— Ashla, tu es géniale ! se félicita-t-elle en cessant de sautiller de douleur.
Elle alluma son sabre et s'avança dans l'ouverture. Au bout d'un moment, elle distingua trois marches, donnant sur une salle circulaire, plongée dans le noir, avec un plafond en dôme. Une dalle imposante était érigée au centre.
La Twi'lek s'avança vers le mur à sa gauche et ne put retenir un rictus de dégoût lorsqu'elle l'illumina de son sabre. Des gravures archaïques particulièrement macabre étaient inscrites dans la pierre : on y voyait une créature à l'aspect monstrueux assise sur les ruines d'une cité, dévorant un corps tandis qu'autour de lui, des cadavres horriblement mutilés se relevaient. Gravés sur le dôme, six imposantes silhouettes à l'aspect hétéroclite dominaient le décor avec des expressions indéchiffrables.
— Ah, te voilà enfin, jeune enfant !
— Mon règne est absolu ! s’esclaffa l’Empereur Palpatine alors que gisaient face à lui Luke, Leia et Dark Vador. Même vos forces combinées ne peuvent rien contre ma surpuissance ! La famille Skywalker est finie et je dominerai toute vie dans la galaxie pour l’éternité ! Et pourquoi me limiter à la galaxie ? L’univers lui-même ploiera devant moi ! La Force est à mon service !
Et tout ça grâce à un scientifique de la Confédération, murmura une petite voix dans l’esprit de Palpatine.
— Il n’y a pas à dire, s’extasia Shozen. Personne ne peut me vaincre sur le champ de bataille.
Les deux femmes étaient maintenant ligotées et bâillonnées à ses pieds. Ça aurait pu illustrer un post SM sur Instagram mais Shozen n’avait pas l’intention de laisser qui que ce soit le prendre en photo tant que du sang coulerait de son nez. Il avait été salement touché par un coup de sac à main de sa dulcinée. D’où sortait ce sac à main, d’ailleurs ? N’était-elle pas retenue captive ? N’a-t-elle pas pensé à utiliser sa balise GPS intégrée pour appeler des secours ? La stupidité est régie par des lois surprenantes. Autour de lui, ses troupes n’étaient pas en restes, les femmes les avaient mutilés : on leur avait tiré les cheveux, on les avait griffés, on leur avait mis des doigts dans les yeux... Mais il restait debout, en formation dans son dos, dans une image digne d’un poster militaire. Ils se tenaient droits et stoïques et ne pleuraient presque pas. Diantre, qu’il était fier d’eux.
— je vous le dit, messieurs. Je sens dans mes os que cette guerre est loin d’être finie mais notre chemin de victoires non plus. Je suis admiratif, messieurs, quand je vois quel meneur extraordinaire vous avez.
Ses cheveux volèrent dans le vent et Souchi s’étrangla dans son bâillon dans un gagrouillement d’extase.
— Ben, on s’est quand même pris de sacrées raclées depuis le début de la guerre, commenta un clone tellement insignifiant que nous ne citerons pas son nom dans ces lignes.
— Avez-vous oublié le brillant Siège de Ralltiir où nos légions ont fondu sur les insurgés qui s’étaient piégés dans l’Impasse de Tion ?
— Ah ça oui. Ils n’avaient aucune provision, on aurait attendu 3 jours, ils seraient tous morts de faim, répondit ce clone excédé, dont le nom est Navais.
— Laisser mourir de faim ses ennemis n’est pas chevaleresque. Ah, je me rappelle l’émotion quand j’ai ordonné à mes troupes d’attaquer les lignes ennemis par un assaut direct. On a retiré beaucoup d’honneur de cette journée.
— On était 25 000 contre 4 000, chef. Le passage était tellement étroit qu’on devait s’y faufiler un par un. Cette bataille, on l’a perdue.
— Oui, mais de justesse. Et puis si nos FDP avaient mieux révisé le scénario que j’avais si brillement rédigé, ils ne se seraient pas retrouvés coincés dans ce canyon, à ne plus pouvoir avancer, pendant que les ennemis les bombardaient depuis les hauteurs. Je leur avais pourtant dit d’enlever leurs armures et d’affronter les insurgés, nus, le corps couvert d’huile et de peintures de guerre. Seulement la moitié m’ont écouté. Etrangement, ils furent les premiers à mourir quand les insurgés ont mis le feu au chemin. Enfin bref, le principal c’est qu’on soit encore tous ici pour nous vanter d’avoir vécu et survécu à Ralltiir.
— Oui chef, acquiesça un Navais complètement las. Il était inutile de rappeler qu’après leur capture, les fans de Shozen s’étaient cotisés pour payer sa rançon mais que, comme les FDP n’avaient aucune valeur, on les avait laissé partir s’ils signaient un droit à l’image aux vainqueurs. « Le massacre de Tion » a fait un carton sur grand écran et aucun FDP n’aura pu y jouer son propre rôle.
Tel était leur chef. Il se vantait d'exploit dont il était seul à se souvenir. Ses bourdes devenaient dans sa bouche de brillantes stratégies et ses défaites étaient souvent la faute de ses ennemis qui trichaient.
— Bon, on devrait y aller, ordonna Shozen, soudain mal à l’aise devant les deux femmes. Panié le transperçait d’un regard qui lui promettait des douleurs et des souffrances au-delà de tout ce qu’aucun esprit sain ne pourrait concevoir. Celui de Souchi était affamé, comme si elle ne serait satisfaite qu’après avoir dévoré jusqu’à la dernière miette de sa grandeur. Elle gigotait et gémissait en espérant attirer son attention. C’était encore plus inquiétant.
— Taïaut mes frères. Oui, imaginez que vous valez presque autant que moi pour l’image. Allons exécuter ce fameux Ordre 66 dont vous m’avez parlé. Sus aux plantes, et ne laissez pas leurs suppliques atteindre votre courage !
Et le général alluma son sabre et le pointa vers la futaie la plus proche tandis que ses troupes chargèrent, le dépassant de tous côtés, dans une chorégraphie magnifiquement exécutée. La vidéo ferait des millions de vue, aucun doute là-dessus.
Les deux femmes furent trainées hors de vue du général. Panié voulait éructer à l’idée que des FDP, des gars avec moins de 45 followers si on comptabilisait l’ensemble de leurs comptes, puissent lever la main sur elle. Mais Souchi pleurait. Le beau Shozen n’avait même pas regardé dans sa direction. Sa vie était fichue, elle n’avait plus qu’à changer de bord. Elle glissa son regard vers Panié et réalisa un instant qu’il s’agissait peut-être de ce qui se rapprochait le plus d’une version féminine de Shozen le Magnifique...
Dans l’heure qui suivit, Navais et 3 de ses camarades perdirent la vie lorsqu’un abruti aux cheveux parfaits et au sourire éclatant leur ordonna de sauter dans un parterre de ronces pour les achever au couteau.
Enfin, ma vengeance est accomplie ! exulta LittleCarott en contemplant ce qu'il restait du scientifique de la Confédération - une paire de bottes ensanglantées. La créature végétale se lécha les babines. Il avait bon goût en plus. Très bon goût. Il devrait gouter plus souvent du Besalisk. Du bout d'une griffe, il enleva un morceau de viande coincé entre ses dents. Ses yeux parcoururent la pièce : le laboratoire était encombré d'objets divers et étranges. Son regard se posa un instant sur un droïde de couleur blanche à la forme rondouillette. Une unité B-max administratrices de câlins, songea-t-il un instant. Il se reprit aussitôt en poussant un bruit de gorge. Un droide câlineur ! C'était ridicule ! Il devait sûrement s'agir d'un droide ouvrier, ou quelque chose dans le genre. Comment puis-je avoir une idée aussi stupide ?
Il n'eut pas le temps d'approfondir plus longtemps la question : son ventre se mit à gronder. D'un bond, la créature sortit dans les égouts, à la recherche d'une autre source de subsistance.
Au cœur du Sanctuaire de la Déesse Feuillue, Maître Yoga et la jeune Ashla étudiaient attentivement les gravures qui parsemaient les murs de l’endroit.
— Alors apprentie, demanda le vieux maître, que vois-tu ?
— Eh bien... Tout d’abord il y a cette silhouette dans les ruines d’une ville. On dirait qu’elle est faite de plantes... Peut-être est-ce un Neti ou un Zélosien ?
— Je crains malheureusement qu’il ne s’agisse de quelque chose de nouveau et de bien plus redoutable... fit sombrement Yoga.
— Bof, il suffit de plus l’arroser et il devrait fâner, observa Ashla avant de se mettre à l’étude d’une autre gravure devant le regard agacé du petit être bleu. Alors voyons... il y a ces six personnes qui dominent la salle... Dites, vous avez remarqué le petit tas de chiffons avec un sac à dos ? On dirait qu’il essaie de faire peur aux autres, c’est trop mignon !
— Padawan...
— Je vous vois sourire, maître, vous aussi vous le trouvez choupi !
Se drapant dans une dignité empreinte de sagesse ancestrale, Yoga préféra s’intéresser au plafond de la salle (pas du tout dans l’espoir de changer de sujet, allons, quelle idée). On pouvait y voir une tâche étrange au centre de laquelle se trouvait un homme aux cheveux volant au vent.
— Et que penses-tu de ce dessin énigmatique, petite Ashla ?
— Il me semble clair que la personne représentée est maître Cloudrunner... mais cette tâche est étrange, elle me rappelle...
Soudain, la padawan remonta la manche de sa tunique, exposant son bras nu :
— C’est bien ça, maître ! Regardez, c’est le même dessin que ma tâche de de naissance ! Ça veut dire que je suis liée au destin de maître Cloudrunner ! C’est moi qui vais devoir le protéger et m’assurer qu’il accomplisse bien la prophétie ! Je savais que j’étais promise à quelque chose d’exceptionnel !
— Tu es sûre, padawan ? J’ai bien cru voir une tâche sur ton bras, mais on dirait qu’elle vient de disparaître. Non, moi j’ai plutôt l’impression que ce dessin, reprit Yoga en pointant le plafond de sa canne, représente une flaque de gerbe. À mon avis, le rôle que tu viens de décrire reviendra plutôt à maître Kenobivre...
— Ignis ! hurla le Patriarche. Mais qu’est-ce que tu fabriques encore ? Tu sais bien que les mortels n’ont rien à faire en ce lieu.
— Je ne sais pas, susurra Ignis de son insupportable voix trainante. On a tellement d’absents que j’ai pensé que a serait bien de faire apparaitre des candidats pour les remplacer. Il parait que l’une des nôtres, par exemple, vient de se prendre 30 ans dans les Mines de Kessel pour d’obscures raisons.
— Tu l'as absorbé entre les lignes de nos textes, fulminait le Patriarche. Tu as osé mettre en péril l'équilibre de nos narrations.
— Oh, allons Patriarche. l'équilibre n'est qu'une question de perception. Même en provoquant le pire des chaos inimaginables, et croyez bien que j'en serais le premier décontenancé, les générations futures s'imagineront toujours percevoir un équilibre au milieu de ce chaos pour expliquer comment certains seront parvenus à y survivre. Nous vivons dans un univers froid et malgré nos immenses capacités à le réécrire, nous n'avons jamais pu introduire de concept ou des valeurs de bien et de mal universellement reconnus. Et d'ailleurs...
— Ne te moque pas de nous, gronda Kard en tapant son poing sur la table. Tu n’as jamais accordé d’intérêt aux autres membres du Conseil. Je parie que tu ne connais même pas le nom du Patriarche. Si tu as amené cet ivrogne, cette épave, ici c’est que tu as clairement une idée derrière la tête. Et comptes sur moi pour déjouer tes dess…
— Cher Bibine, coupa Ignis. Savais-tu que notre ami cache de la vodka dans son sac à dos ?
— Je ne vois pas pourquoi tu dis ça, je ne bois que du jus de… Oh nooon !!! Le sagouin ! Il le déchire ! Il le déchire. Mais arrêtez-le !!!
Le Patriarche claqua des doigts et renvoya promptement ce soiffard dans le monde des mortels avant qu’il ne provoque d’autres dégâts. Il se permit alors un petit moment d’autosatisfaction à l’idée d’avoir rappelé aux deux autres qui avait l’autorité ici. Ils pouvaient faire toutes les betises qu’ils voulaient, ils réparaient toujours tout. Car il n’y avait qu’un seul patron dans ce conseil.
Mais soudain, il eut un affreux doute. Et dans un mouvement d’une lenteur horrifiée, il se tourna pour rencontrer le regard pétillant d’Ignis.
— Et oui, Patriarche, lança-t-il tout sourire. Mais c’est vous qui avez envoyé Bibine sur Chris’n thaime et provoqué une résurrection indirecte depuis ce plan. Vous ne pouvez pas me punir car je n’ai violé aucune règle… Contrairement à vous.
Quel petit con, songea le Patriarche, en donnant de gros coups de pied dans ce qu’il restait du sac.
— Au moins, il n’est pas tombé sur Kiki, se rassura Kard trop occupé sur la carte de Chris’n thaime pour voir comment étaient traités les restes de son bagage adoré.
— Maintenant padawan, essayons de découvrir où nous sommes, dit maitre Yoga en regardant autour de lui.
Ils se trouvaient au milieu de deux rangées de miroirs se faisant face, suspendu dans cet univers d'un blanc immaculé. Chacun d'entre eux montrait un endroit différent de son voisin, et tous étaient plus loufoques les uns que les autres.
À côté de lui, Ashla cessa de sangloter. Elle déboucha la bouteille, en avala une bonne moitié.
— Hé, c'est pas mauvais c'te truc !
— Nous y sommes enfin, fit l’homme de ménage. La grande bataille de notre temps.
Le ciel s’était brusquement assombri et une pluie diluvienne s’était mise à tomber. Aussi loin que portait le regard, des éclairs s’abattaient. Les Kekocitrons, pris de panique, rampaient aux côtés des Gato’o’chocs, pour une fois sans chercher à les dévorer. Partout sur la planète, un seul mot d’ordre : la fuite. (Sur un autre plan de l’existence, un tas de chiffons doté de deux yeux bleus glacés déchaînait sa fureur sur Chris’n’thaime.)
— Les Scénaristes semblent sacrément énervés, déclara un individu aux caractéristiques si peu remarquables qu’elles ne méritaient pas d’être mentionnées. Les deux soldats qui m’accompagnaient ont été complètement grillés par un éclair. Même si on ne peut plus mourir, ils risquent de mettre un bon bout de temps à revenir des limbes...
— Mais nous parviendrons à contrecarrer les plans diaboliques des Scénaristes ! s’exclama Balou, animé d’une ferveur fanatique. N’est-ce pas, Nut ?
— Eh bien, répondit le Besalisk, si ce que vous me dites est vrai... Mais cela remet en cause toute la conception que nous avons de la réalité. Les conséquences d’une telle révélation... Réalisez-vous que les lois de la physique seraient changées à jamais ? Que de constantes absolues, elles deviendraient variables et soumises au bon vouloir de certaines personnes ?
— Monsieur le scientifique, l’interrompit l’homme de ménage, je comprends bien que les implications métaphysiques de telles révélations puissent être très perturbantes, mais je vous demanderai de vous concentrer sur ce que nous faisons ici. Notre plan vous semble-t-il faisable ?
Aussitôt, Nut redevint sérieux. Mentalement, il calculait, analysait, soupesait les possibilités et les probabilités.
— Avec un génie ordinaire, aucune chance, déclara-t-il, dédaigneux. Mais avec moi pour vous guider... nous pourrions obtenir des résultats surprenants.
Reflet se réveilla avec un terrible mal de crâne. Ses oreilles sifflaient et il régnait dans son casque une insupportable odeur de brûlé. Il releva la tête. Au-dessus de lui, le ciel semblait toujours en proie à la folie : un déluge d'eau transformait la terre en boue où s'enfonçaient les bottes. La nuit noire était illuminée par des éclairs bleutés. La foudre avait allumé d'innombrables feux de forêt : sous l'éclairage des flammes, tout ce que Chris'n'thaime comptait de créatures volantes, rampantes, aquatiques, prenait la fuite à toute allure.
— Reflet, je crois qu'on s'est pris la foudre ce coup-ci ! s'exclama Fours en se relevant à côté de lui.
— Impossible ! hurla-t-il pour être entendu malgré le vent qui balayait la forêt. Personne ne peut survivre après s'être pris un éclair !
— Il faut croire que même la pire des tempêtes ne peut venir à bout des deux derniers membres de la légendaire escouade Mikado !
Reflet allait répondre à son camarade lorsqu'un liquide spongieux dégoulina le long de son casque, obscurcissant sa visière. Il l'essuya et fixa son gant devenu pourpre. Des gouttes de rouge vinrent tomber sur ses bras, ses jambes. En quelques instants, son armure et celle de Fours passèrent du blanc à l'écarlate.
— Bordel... jura Reflet en levant les yeux vers le ciel.
— Il pleut du sang, dit Fours d'une voix hébété. Il pleut du sang... Par la Grande Armée de la République, qu'est-ce qui arrive à cette foutue planète ?!
C'est à ce moment qu'ils furent tout deux assommés.