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Chapitre 16 : Le Frère Prodigue
 
Kano regrettait toujours autant de ne plus avoir l'Arc de Cristal à sa disposition, et peut-être encore plus qu'Edo ne soit pas là pour lui tenir compagnie et l'assister. Il essayait d'oublier la perte du droïd, les images de son petit corps métallique en pièces dans les ruelles de Coruscant. D'une manière ou d'une autre, Kyp Durron aurait à répondre de ses actes. Pour l'heure, Kano avait encore des réponses à trouver. Tolet Tolfa n'était pas venu avec lui, lui montrant sa confiance en le laissant partir seul. En outre, l'espion avait prévu de suivre Zosskan jusqu'au repaire du Maître.
Kano se retrouvait donc à piloter une petite navette minable que Zosskan l'avait laissé emprunter au Survivant. L'engin était en fait celui avec lequel il était arrivé un peu plus de deux semaines auparavant, et que les indépendantistes avaient récupéré. Le vaisseau jaillit de l'hyperespace dans un sifflement sourd, et les étoiles réapparurent à travers la verrière du cockpit rectangulaire. Le système Aztilar et sa planète principale du même nom ne se trouvaient pas bien loin du secteur dans lequel était basé le Survivant, et il avait fallu à peine deux heures à Kano pour arriver à destination. L'ordinateur de bord localisa la planète Aztilar, et Kano l'observa. Il se demanda alors s'il n'avait pas fait erreur. La surface de la planète était plate. Absolument plate, il le vit mieux en approchant. Aucun relief, aucun contraste, rien qui laissait supposer la présence de formes de vie, et encore moins de civilisation.
Il était prêt à rentrer dans l'atmosphère, pensant à un désastre écologique qui aurait tout rasé, quand il se décida à lire le texte descriptif proposé par le module d'astronavigation de la navette. Il comprit vite le mystère d'Aztilar.
Il prépara les moteurs à répulsion pour assurer l'entrée dans l'atmosphère. Comme il s'y attendait, une voix de contrôleur résonna dans les haut-parleurs.
– Navette Tahiria, veuillez transmettre vos codes d'accès.
Zosskan lui avait transmis tous les codes nécessaires à son admission sur la planète. Il ignorait si le Maître avait donné son accord pour le laisser s'infiltrer dans le bastion indépendantiste. Quoi qu'il en soit, les codes étaient bons, le contrôleur le confirma en abaissant le bouclier planétaire.
– Navette Tahiria, suivez votre escorte jusqu'au hangar Sedriss. Bienvenue sur Aztilar, Seigneur Kano.
Il frémit en s'entendant appelé ainsi, se rappelant à quel point cette mascarade était audacieuse. Trois Oiseaux de Proie surgirent de derrière les nuages, pendant que Kano subissait les perturbations dues à l'entrée dans l'atmosphère. La décélération fut importante, et Kano tira sur les commandes pour s'aligner entre les trois chasseurs d'escorte. Il avait déjà eu affaire à des Oiseaux de Proie lors de sa fuite de Tabal à bord de l'Arc de Cristal. Apparemment, les indépendantistes avaient choisi ce modèle comme standard. Evidemment, ils n'avaient depuis longtemps plus accès aux traditionnels chasseurs Tie, et devaient se contenter de ces vaisseaux, probablement achetés à un fournisseur habituel de pirates. Les rares Tie encore en état de marche étaient conservés à bord du Survivant.
Kano les suivit docilement. Il cherchait à comprendre comment des nuages pouvaient exister alors que la planète ne présentait ni mers ni lacs. La surface d'Aztilar était d'un brun uniforme et plat. Puis en s'approchant encore, il vit les petites cheminées dans le sol, d'où s'échappaient les gaz responsables des nuages. Il discerna une plus grande ouverture, et s'y engouffra à la suite de son escorte. Le texte de l'atlas avait paru improbable, mais la vérité était là : Aztilar était une planète creuse, dont le noyau s'était éteint depuis bien longtemps et dont l’intérieur s’était vidé par un mystère inexpliqué. La planète aurait dû cesser d'exister, mais des colons avaient créé un noyau artificiel. L'intérieur de la planète était remplie de gaz, que les colons avaient traité pour rendre la zone habitable. Toute la civilisation régnait à l'intérieur de la croûte terrestre. Kano se demanda comment la gravité pouvait exister sur une planète dont la densité était proche de la nullité. De toute évidence, les colons qui avaient occupé la planète les siècles passés avaient dû installer un centre de gravité artificiel jumelé au noyau. Cette planète à l'apparence inhospitalière constituait donc une cachette parfaite. Les indépendantistes commettaient une erreur en révélant son emplacement à Kano
Quand Kano vit que les passants marchaient la tête en bas, il fit pivoter son vaisseau pour être dans le bon sens. Puis il se rendit compte que les habitants évoluaient les pieds vers l'extérieur. La gravité devait être inversée par le centre artificiel, et tous avaient les pieds collés à l'intérieur de la croûte terrestre creuse. Kano suivit les vaisseaux vers un hangar. Ils le laissèrent se poser au "plafond".
Quand il sortit, il avait déjà oublié que ses pieds étaient dirigés vers l'infinité de l'espace, et que le sommet des bâtiments allait vers le noyau. Mais ce noyau avait été remplacé par une source artificielle de chaleur et de lumière, qui rendait impossible de voir l'autre côté de la planète intérieure. La superficie intérieure était peu élevée, et les habitants ne devaient pas être très nombreux.
Kano vérifia la présence de son sabre laser à sa ceinture, caché sous les pans de sa tunique verte, et entreprit de se repérer dans les lieux. Apparemment, la zone civilisée n'était pas immense. Il vit des tours un peu partout, mais tout cela ne laissait pas présager qu'un groupe de terroristes politiques était basé ici. Néanmoins, Kano savait que tous les habitants étaient des sympathisants loyalistes. Les autres avaient été abattus ou pris comme esclaves.
Il monta une petite ruelle, et traversa un bâtiment désert. Une sortie était révélée par de la lumière. C'était la seule issue, et Kano s'engagea. Il se retrouva sur une sorte de petit balcon, surplombant une place noire de monde. La population était uniquement humaine bien entendu, faisant honneur aux éternels idéaux impérieux, considérant les non-humains comme des animaux ou des esclaves. A la surprise de Kano, la foule amassée se tourna vers lui en un seul geste. Il craignit un piège.

Une clameur s'éleva, et les indépendantistes, beaucoup en uniformes, hurlèrent et se prosternèrent sans exception. Kano chercha du regard l'objet de cette vénération, et ne trouva que lui. Curieux, il s'avança et leva la main. La foule se déchaîna.
Oh mon Dieu, dans quoi je me suis encore fourré ? Visiblement, il était très attendu, et sa venue avait été préparée comme un évènement. Un homme gras, entouré de deux gardes, surgit derrière lui. Kano reconnut le Moff Danika.
– Ils vous attendaient, Seigneur Kano. L'annonce de votre arrivée s'est répandue aussi vite que celle de la mort de l'Empereur il y a vingt ans. Nous sommes tous heureux que vous ayez enfin décidé de vous joindre à nous. C'est un grand moment pour le peuple d'Aztilar.
Kano se demanda si on se moquait de lui ou s'ils tombaient tous réellement dans le panneau. Danika était entouré de deux gardes impériaux, équipés de leur armure écarlate et de leur lance vibro-active. Seul l'Empereur était protégé par cette élite, censée être disparue depuis longtemps. Il pouvait tout à fait s'agir d'imposteurs. C'était même le plus probable.
– Seigneur, poursuivit Danika avec un odieux sourire, ces gardes seront dignes de vous. Ils vous protégeront.
C'est ça, pensa Kano, ils seront surtout parfaits pour me surveiller. Tout cela ne me plaît guère… Les gardes rouges hochèrent la tête militairement. Danika reprit la parole.
– Le peuple vous attend depuis des années. Nous savions que vous finiriez un jour par suivre votre destin et par assumer vos responsabilités. Parlez-leur. Prenez ce pouvoir qui vous revient de droit et de sang. Ce pouvoir que l'Empereur a laissé pour vous
Kano eut du mal à saisir les paroles du Moff. Qu'est-ce que tout ça pouvait bien vouloir dire ? Il scruta la foule, et les visages béats qui le contemplaient. Etait-il vraiment à sa place ici ? Il se dit que si Kyp Durron voyait ça, il n'aurait plus la moindre chance de prétendre être innocent et n'avoir aucun lien avec les indépendantistes impériaux. Il se résigna à jouer son rôle et à parler à ses "fidèles".
– L'Empire est vivant, mes amis.
La foule hurla, en délire. La phrase était bien choisie.
– Vous et moi en sommes la preuve vivante.
Nouveau concert de vivats. Kano sourit. Cette attitude témoignait du manque de professionnalisme des indépendantistes. Du temps de l'Empereur, puis de Ysanne Isard, de Thrawn, du clone de l'Empereur ou même de Daala, les rassemblements impériaux se faisaient dans la discipline caractéristique de l'Ordre Nouveau instauré par Palpatine. Lors de la signature du Traité de Paix, l'Amiral Pellaeon avait toléré, voire encouragé les mouvements de liesse, montrant à quel point la fin de cette guerre était une libération pour les deux camps. Le Nouvel Empire était un gouvernement libéré, mais Pellaeon y gardait tout de même un minimum de discipline tout à fait honorable et respecté par la Nouvelle République. Ces soi-disant loyalistes étaient à des lieux de l'esprit de leur Empire chéri. Alors qu'ils prétendaient faire vivre ces valeurs.
– L'Amiral Pellaeon a usurpé l'autorité, poussant l'Empire fondé par notre regretté Empereur Palpatine vers la destruction. Cet imposteur nous rendra le pouvoir, qu'il le veuille ou non. Nous redonnerons sa splendeur à cet Empire qui est le nôtre. Nous écraserons les faibles et les incapables que sont les pseudos Nouvel Empire et la Nouvelle République.
La foule se lâcha. Des femmes tombèrent à genoux en hurlant, des hommes se mirent au garde-à-vous avec émotion, et même le Moff Danika applaudit.
– Félicitations, Kano. Vous êtes encore plus éloquent que votre frère.

Teydo Pa'aja consulta le databloc fourni par Kyp Durron. Juste avant son départ, Kyp lui avait confié qu'Alera Sanaka, la compagne de Kano, était en liberté surveillée sur la planète Dantooine. Il avait conseillé à bon escient à son ancien élève de lui rendre visite, et Teydo attendait que sa navette sorte de l'hyperespace dans le système adéquat. Le databloc stipulait que Dantooine était une planète calme et peu habitée. Sa végétation et son climat doux en faisaient un petit paradis. Jadis, des colons y avaient été sauvagement massacrés dans la folie destructrice de l'Amiral Daala. A présent, la planète était quasiment déserte à l'exception de tribus nomades, et Teydo découvrait à l'instant que quelques installations civilisées discrètes subsistaient.

Alera Sanaka regarda pensivement les deux petits animaux qui se couraient après dans la plaine verdoyante de Dantooine. Elle était ici depuis deux semaines. Elle devait reconnaître que c'était de tout confort, et bien plus agréable que le centre de détention provisoire de Kelar V. Mais elle se sentait plutôt seule. Elle avait certes sympathisé avec le responsable originaire de Gand et avec des vacanciers de passage, et même avec les soldats qui gardaient un œil discret et amical sur elle, il lui manquait tout de même les gens qu'elle aimait. Son père Marvic était mort, et la solitude n'arrangeait rien à la douleur. Elle n'avait aucune nouvelle de Kano et d'Edo depuis un bon moment. "On" lui avait assuré qu'ils allaient bien, mais le fait qu'on lui ait rendu l'Arc de Cristal ne laissait rien présager de bon. Edo 27 n'aurait jamais laissé le vaisseau sans sa surveillance. Quelque chose ne tournait pas rond à propos de Kano, elle devait savoir. Depuis qu'elle le connaissait, le jeune homme était fourré dans des histoires pas nettes, qui avaient coûté la vie à Marvic. Elle lui faisait confiance, mais elle méritait de savoir. Elle préférait l'aider plutôt que de se voir cacher la vérité, aussi noire soit elle.
Un petit bip attira son attention sur la console de communication. Elle prit l'appel.
– Une visite pour vous, mademoiselle Alera, fit la voix du gand de la réception.
La seule visite qu'elle ait reçu avait été de Kyp Durron, un type bizarre qui lui avait ramené l'Arc de Cristal en prétendant qu'il était à elle.
– Qui est-ce ? demanda-t-elle, intriguée.
– Je l'ignore. Un Chevalier Jedi élégant, c'est tout ce que je sais. Il arrive.
Le cœur d'Alera se mit à battre la chamade. Kano… Qu'allaient-ils pouvoir se dire ? Après tout ce temps où elle avait rêvé de pouvoir se blottir dans ses bras protecteurs. Elle se recoiffa, inspira à fond, prête à accueillir cet homme dont elle était tombée amoureuse.
Elle ouvrit la porte quand la sonnette se fit entendre. Elle avait préparé son sourire le plus craquant (le préféré de son père), et sa déception fut visible quand elle découvrit un inconnu, flanqué de deux gardes. Le type était un Jedi reconnaissable au sabre laser particulièrement beau qui pendait à son côté. Il n'était certes pas trop mal. Mais ce n'était pas Kano.
– Désolé de n'être pas celui que vous attendiez, fit Teydo Pa'aja.
Alera le fit rentrer en se forçant à sourire, et les gardes eurent la finesse d'attendre devant la porte. Teydo la regarda, et se dit que Kano avait bien du goût. Il n'y avait pas que lui à être chanceux. Enfin, Kano avait ses soucis, et ne pouvait actuellement pas beaucoup profiter de la présence d'Alera.
– Je suis Teydo Pa'aja, Chevalier Jedi depuis quelques heures et ami de Kano. Je suis ravi de vous rencontrer, mademoiselle Sanaka.
– Moi de même, monsieur Pa'aja.
– Appelez-moi Teydo. Ecoutez, je suis venu parler de Kano. Il me semble que vous le connaissez
– Qu'est-ce que je peux vous apprendre ? Il est passé dans ma vie comme un éclair. Cela fait des semaines que je n'ai pas de nouvelles. Mais je tiens à lui. Il me manque.
– Ecoutez, il a des ennuis, Alera.
– J'ai cru le comprendre. Vous ne sortirez pas d'ici avant de m'avoir dit ce qui se passe.
Teydo sourit à la menace.
– En théorie je ne dois rien dire. En théorie bien sûr.
Alera sourit à son tour, et ils allèrent s'asseoir sur un divan. Un droïd apporta la bière produite localement par le gand. Teydo y baigna les lèvres avec délice, avant de se préparer à la discussion.
– Il est accusé de crimes graves. Je vous passe les détails.
– C'est bien ce que je pensais. Et il a tout oublié. Je ne l'ai connu qu'amnésique, je ne vois donc pas ce que je pourrai vous révéler.
– Moi je ne l'ai connu qu'avant. J'ai besoin de savoir comment il était. Il a tout oublié, mais il n'a aussi rien fait. J'en ai la certitude, il est accusé à tort.
Il omit volontairement de parler des révélations du Maître et de sa torture. Il ne voulait pas effrayer la jeune femme ni l'opportuner avec ses "soucis" personnels. Et surtout pas dire que Kano était soupçonné d'être un Jedi Noir, même si Teydo n’y croyait pas une seconde.
– Je compte bien le prouver et le sortir de la bouse de bantha, dans laquelle je ne sais qui essaye de le fourrer depuis son enlèvement.
– Pardon ?
– Vous devez ignorer que Kano a disparu deux années, avant de réapparaître avec vous près de Mon Calamari. J'ai la conviction que ce laps de temps est la clé du mystère. Il y a trop d'éléments flous dans cette histoire.
Il ne parla pas des histoires de possession de corps délirantes et improbables du Maître dérangé. Il n'avait pas tout dit non plus à Kyp Durron. S'il avait une explication pour la disparition de deux années de Kano, cela n'expliquait pas comment des crimes avaient été commis en son nom et avec son apparence. Les tentatives de possession orchestrées par le Maître étaient censées avoir été des échecs, il n'avait pas pu se servir du corps de Kano. Enfin, en principe. Teydo pensait ne pas encore tout savoir sur ce dont ce malade de Jedi Noir était capable.
– J'aimerais vous aider, Teydo. Mais je ne sais rien sur Kano. Si ce n'est que c'est un être profondément bien, et qu'il est innocent. Et ça, vous le savez déjà.
– Enfin quelqu'un qui partage mon avis. Je ne peux vous dire où il est actuellement, mais je vais faire mon possible pour vous le ramener. Je voulais juste vous parler et vous demander de témoigner en sa faveur si cela se révèle nécessaire.
– Bien sûr. J'aimerais que vous me teniez au courant.
– Pas de problème. Sachez que j'agis seul, mais que je suis dans la légalité. J'estime faire mon boulot de Jedi en protégeant un type qui en a bien besoin.
– Une dernière chose, fit Alera. Qu'est devenu mon droïd, Edo 27 ? J'y tiens beaucoup, mais ne lui dites pas !
Teydo éluda la question.
– Il a été affecté à une unité, je crois. C'est une erreur, je m'arrangerai pour qu'il vous soit restitué.
En fait, il n'avait jamais entendu parler de ce droïd. Il allait devoir demander à Kyp et tirer ça au clair. Ce droïd ne pouvait pas avoir disparu.
Ils sortirent de la petite maison, Teydo s'apprêtant à partir. Alera lui prit la main et le regarda dans les yeux.
– Merci pour ce que vous faites, Teydo. J'aimerais vous demander un dernier service.
– Je vous en prie
– Prenez l'Arc de Cristal. C'est un bon vaisseau. S'il peut vous aider à sauver Kano, mon père en sera ravi. Il a travaillé dessus toute sa vie, il est plein de ressources.
– C'est avec plaisir que j'accepte, Alera. J'en prendrai bien soin. Et c'est Kano qui vous le ramènera, en mains propres.
– D'accord. Mais avant, je dois vous montrer les quelques joujoux pratiques que mon père et Edo ont vainement essayé de me cacher depuis que je suis toute petite...

Cela n'avait décidément rien à voir avec le Survivant. Il s'agissait probablement d'une des suites les plus confortables dans lesquelles Kano ait pu mettre les pieds. Située en altitude, elle lui permettait d'admirer la vue sur le centre d'Aztilar. Il avait appris que le noyau de la planète n'avait pas entièrement disparu, mais s'était résorbé et avait cessé toute activité. Kano était amusé de voir que la courbe de l'horizon était inversée.
Son impeccable discours avait été suivi d'un somptueux banquet, où une foule d'inconnus prétendument importants étaient venus lui serrer la main. Kano avait entendu parler de son frère, et n'avait cessé de penser à lui toute la journée. Il ne savait pas s’il connaissait son existence avant son amnésie, il allait avoir à demander aux gens qui l’avait connu jadis. Apparemment, son frère était un indépendantiste virulent malgré son âge. Tous les habitants l'adoraient, et voyaient en lui leur souverain. Cependant, Kano avait également été accueilli royalement. Malgré tous ses efforts, il n'avait pas réussi à en savoir beaucoup plus, préférant éviter d'avouer qu'il ignorait l'existence de son parent. Il semblait en tout cas que son frère venait de temps en temps prononcer des discours comme le sien pour motiver les habitants d'Aztilar, mais il n'avait pas réussi à apprendre où il était en ce moment.
Il fallait qu’il tire cette histoire de frère au clair. Néanmoins, Danika avait commis une grosse erreur en disant que le peuple était ravi que Kano les rejoigne. Cela signifiait que Kano n’était pas affilié aux indépendantistes auparavant. Le Moff s’était trahi. Encore une fois, Kano trouvait un indice de son innocence, mais personne n’était là pour le voir avec lui. Ces arguments n’auraient aucun poids face aux dirigeants de la Nouvelle République.

Que Kano rejoigne le groupe était pour les Survivants un signe. Il ignorait pourquoi, mais Kano savait avoir une valeur particulière, de même que son frère. Peut-être était-ce parce qu'il était né le jour de la Bataille d'Endor. Les citoyens devaient voir en lui un remplaçant de Palpatine, et cela fit frémir Kano. Quant à son frère, ils étaient peut-être jumeaux et la situation était la même. On les plaçait, alors qu'il avaient à peine vingt ans, à la tête du groupe. Kano ignorait l'âge exact de son frère, mais tout laissait à penser que lui non plus n'était pas bien vieux.
Ils avaient pris des chemins différents. Nicoma, la mère de Kano, en avait fait un homme juste et droit, alors que son frère avait été élevé dans la haine indépendantiste. Quoi qu'il en soit, il devait le rencontrer. Nicoma était-elle également sa mère ? Comment était-il ? Les indépendantistes le voyaient comme un leader charismatique : comprenez un assassin assoiffé de sang et de mort. Kano frissonna : le type qui détenait la clé de son passé était son ennemi.
Ce qui importait, c'était que son frère croie aussi que Kano avait décidé de rejoindre la lutte indépendantiste. Bien sûr, il serait plus difficile à convaincre que les habitants d'Aztilar ou que cet idiot de Moff Danika. Kano avait feint de connaître son frère, alors qu’il lui restait tout à découvrir par lui-même. Il avait appris que la mère de son frère était morte sur Aztilar, et espérait bien trouver des réponses sur la planète. Encore un point à éclaircir : qui était réellement Nicoma ? Avaient-ils tous les deux la même mère ? Etaient-ils vraiment des frères ? Tout restait à découvrir. Mais apprendre qu'il lui restait de la famille bouleversa Kano.
Evidemment, il restait la possibilité que tout cela ne soit qu'un piège destiné à le confondre. Son frère pouvait être une chimère créée pour lui faire croire qu'il était bien infiltré, alors que les impériaux attendaient le moment propice pour le faire tomber.
La récupération de sa mémoire ne progressait pas beaucoup. A bord du Survivant, il avait reconnu certains lieux, et était sûr d'y avoir été emprisonné. D'après lui, sa fuite avait bouleversé certains plans. Puis il était devenu amnésique, et ils avaient voulu le faire abattre. Quand il était revenu en prétendant les rejoindre, il avait dû les prendre au dépourvu. Depuis, les indépendantistes l'avaient admis ou faisaient semblant. La question était de savoir pourquoi ils l'avaient séquestré. Et si son cher frangin était derrière tout ça.

– C'est trop facile, se dit Tolet Tolfa, accroché tranquillement à la ceinture de l'Amiral Zosskan et en route pour la tanière du Maître.
Le voyage n'était pas de tout confort : Zosskan tremblait à s'en dessouder les os, et Tolet devait rester bien accroché. Ils venaient d'embarquer à bord d'une petite navette, qui ne tarda pas à passer en hyperespace. Le saut ne dura pas bien longtemps : certainement une mesure de sécurité pour ne pas être suivi, alors que le lieu de destination devait se trouver à peine à quelques parsecs, dans le même secteur. Tolet s’apprêtait à mener à bien cette mission qu’il avait baptisée « La Poche de l’Amiral ».
L'Amiral manœuvrait nerveusement, et Tolet entendit le froissement de tôle résultant de son abordage plus qu'approximatif de la station. Enfin, la navette se stabilisa, l'air fut dépressurisé et la porte s'ouvrit. Zosskan resta un moment assis, rassemblant certainement ses dernières forces.
– Allez, songea Tolfa en s'impatientant, on doit tous y passer un jour ! Bouge-toi !
En fait, il avait lui aussi une certaine appréhension : il se pouvait tout à fait que le Jedi Noir le repère aussi facilement que Kano. Zosskan prononça son nom devant un identificateur vocal, et une porte s'ouvrit. L'Amiral et son mouchard entrèrent. A peine entrés, Tolet Tolfa sauta de la ceinture de l'impérial, pour aller se trouver un endroit plus confortable d'où suivre les évènements. Il s'assit tout en haut d'une pile de médicaments, et tressaillit en découvrant l'allure de celui qu'il était venu voir. L'homme n'avait plus rien d'humain, et pouvait être décrit comme étant une cuve bacta ambulante à répulseurs. Tolet avait reçu par Kyp Durron les déclarations de Teydo Pa'aja, et cela correspondait tout à fait. Par contre, Tolet ne croyait pas une seconde à ces histoires de subtilisation de corps, c'était absolument dérisoire. Par ailleurs, les cylindres de clonage avaient tous été détruits depuis longtemps, son grand-père était mort pour venir à bout de ce fléau, et il n'y avait pas de risques que ce type trouve ses "hôtes" de cette manière. Le Maître avait dû baratiner Pa'aja pour l'effrayer, alors qu'il était condamné à rester dans sa boîte de conserve jusqu'à la fin de ses jours. Pour Tolfa, même cette fameuse Force ne permettait pas de voler un corps doté d'une conscience.
De toute manière, Tolfa n'était pas là pour juger de la plausibilité technique et logique de cette fable, mais pour entendre tout ce qui sortirait d'intéressant de la bouche de ce fameux Maître, qui, bien qu'il soit effrayant, ne devait pas constituer une bien grande menace dans son état. Pa'aja ne l'avait pas loupé il y a quatre ans, il fallait le reconnaître. Il était déjà surprenant que ce type soit encore en vie.
Le caisson se tourna vers Zosskan à son arrivée. Le non-humain pâlit à vue d'œil, se mettant au garde-à-vous maladroitement.
– Cessez vos idioties, Zosskan. Comme je suis bon, je vous épargnerai de me donner les bonnes nouvelles en provenance du Survivant.
Tolet sourit, alors que Zosskan déglutissait avec peine. Le Maître savait tout, et l'amiral allait passer un sale quart d'heure. L’estropié savait déjà que son élève gran avait fini comme sur un barbecue ewok.
– Kano est sur Aztilar, poursuivit le Maître. Avez-vous fait en sorte qu'il y apprenne ce qu'il doit y apprendre, et qu'il soit accueilli comme il se doit ?
– Oui Seigneur, articula Zosskan. Le Moff Danika s'en occupe selon vos désirs.
– Danika est un incompétent. J'espère pour lui qu'il fera une exception et qu'il se débrouillera. Je ne supporte plus les courbettes de ce moucheron. Il me fatigue. Tout me fatigue.
– Tout ira bien, mon Maître. Kano fonce tête baissée dans ce que nous avons préparé, nous avons conditionné nos citoyens d'Aztilar pour qu'ils le reçoivent avec les prétendus égards qui lui sont dus. La mise en scène est soignée, il ne pourra que s’enfoncer dans son impression d’être un Seigneur impérial.
Tolet Tolfa buvait les paroles des deux protagonistes. Tout ce qu'ils disaient était soigneusement enregistré, et allait innocenter ce pauvre Kano. Depuis le début, ils complotaient contre lui, et Tolet était là pour faire capoter leurs petits plans.
– Tant mieux, fit le Maître. Je ne voudrais pas que le frérot n'ait pas l'accueil qu'il mérite. J'ai encore envie de jouer avec lui. Je lui laisse un peu de temps. Après, il devra décider s'il obéit à la Volonté de l'Empereur ou s'il préfère mourir. A nous de l'aider à faire le bon choix en temps voulu.
Tolfa se dit qu'il préviendrait Kyp Durron au plus vite. Ce dernier lui avait transmis les coordonnées de Pa'aja, qui souhaitait aider Kano. Tolet le contacterait pour lui dire que Kano était piégé sur Aztilar. Mais avant tout, il lui fallait sortir vivant de ce repaire.
Les choses allaient se compliquer. Zosskan restait droit, attendant un mot de son Maître pour pouvoir partir en vitesse. Le Maître alla coller son caisson à l'officier, et parla à travers son synthétiseur vocal.
– Alors comme ça Kano a combattu les Jedi qui ont attaqué le Survivant. Et il a blessé Kyle Katarn.
– Absolument. Je crois en sa loyauté, Seigneur. Vous semblez sceptique, mais faites-moi confiance : votre frère suit vos traces.
Ces mots malheureux mirent le Maître dans une rage folle, visible malgré son absence de corps.
– Vous êtes plus stupide qu'un jawa, sombre crétin ! Je n'ai que faire de votre opinion naïve ! Vous êtes un incapable, et Kano se joue de vous depuis le début !
– Je suis désolé… Seigneur, fit Zosskan en commençant à se tenir la gorge.
L'air semblait commencer à lui manquer, il suffoqua et tomba à genoux. Derrière un droïd approcha, tous ses instruments chirurgicaux prêts à l'emploi.
– Requérez-vous mon assistance, Amiral ? Vous semblez mal en point…
– Je suis las d'être entouré d'incompétents, Amiral ! Je suis fatigué, fatigué, fatigué ! Votre stupidité m'a privé de mes deux hôtes potentiels, Kano et Pa'aja, ainsi que de mon élève ! Ils ont filé parce que vous êtes incapable de gérer les affaires simples que je vous confie ! Vous êtes une erreur, un déchet ! Et vous osez me donner vos conseils !
Même Tolfa fut impressionné par la furie du type. Les yeux de Zosskan commençaient à se révulser, son cou à craquer. Tolet n'avait jamais assisté à une manifestation aussi violente de la Force
– Votre état m'inquiète, fit patiemment le droïd médic. Je vais vous ausculter.
La voix mécanique fit sortir le Maître de ses gonds.
– La ferme, stupide machine ! Vous êtes incapables de me soigner, vous êtes tous plus incapables les uns que les autres ! Vous me fatiguez, tous autant que vous êtes !
Il lança la Force sur l'Amiral, qui fut propulsé en arrière, droit sur le droïd. Il fut empalé par ses instruments, transpercé de part en part, et les deux êtres percutèrent le mur du fond de la pièce dans un fracas épouvantable. Le droïd couina, Zosskan hurla, Tolet détourna les yeux, et le Maître exultait. Il concentra à nouveau la Force, et les deux autres au fond devinrent une boule de feu qui se consuma à toute vitesse. Peu après, il ne restait que des carcasses calcinées et des cendres du droïd et de l'officier impérial. Le Maître semblait se calmer.
– Par toutes les étoiles de la galaxie, qu'est-ce que c'est que ce malade ? pensa Tolet, effrayé par la violence de la scène.
Il regarda ce qu'il restait de Zosskan.
– Et j'ai perdu mon billet de retour.
Sa petite opération, "La Poche de l'Amiral", allait sérieusement se compliquer.

Là, il trouverait probablement des réponses. Kano admira le bâtiment face à lui : il s'agissait très exactement de la même forteresse que sur Litonia, sauf que celle-ci était en parfait état. Le guide qu'on lui avait imposé pour la visite suivit son regard. Derrière, les deux gardes rouges attendaient en silence. Ils étaient à la fois voyants avec leur uniforme rouge, et discrets par leur attitude. Kano commençait à croire qu'ils avaient vraiment servi l'Empereur, même si les membres de cette élite étaient censés avoir tous disparus. Les précis d'histoire que Kano avait lus mentionnaient que tous ces gardes avaient entre vingt et trente ans. Au-delà, ils se suicidaient sous les yeux de Palpatine. Ces deux-là avaient dû être déboussolés à la mort du tyran il y a vingt ans. Mais ils avaient choisi de continuer à exercer leur fonction d'élite. Ils devaient donc avoir dépassé la quarantaine, et paraissaient en pleine forme. Ils restaient mortellement dangereux, même s’ils n’étaient pas de vrais membres de la Garde Royale.
– Ce site est un monument historique et un lieu de culte, fit le guide.
– Et plus personne n'y vit depuis la mort de Palpy, dit Kano.
– Je vous demande pardon ?
– Heu, je veux dire… cet endroit n'est plus habité depuis que notre regretté Empereur nous a quitté…
– Tout à fait. De son temps, l'Empereur utilisait cette forteresse comme lieu de résidence, de réflexion et d'expérimentation. Aztilar a toujours été un grand site impérial, dit le guide en bombant le torse.
Kano fut soulagé que les gardes n'aient pas entendu sa remarque. Ils l'auraient embroché sur place. Il avait la certitude que quelque chose lui était caché à propos de cet endroit. Drôle de coïncidence : il y avait une forteresse sur Litonia, une semblable ici. Kano avait appris qu'il était bien né sur Litonia et son frère ici. Les informations trouvées sur le Survivant étaient donc erronées : certainement un leurre pour l'attirer sur Aztilar. En tout cas, il était louche de retrouver deux fois la même forteresse. Kano et son frère étaient nés à deux endroits différents, ils ne pouvaient donc logiquement pas être jumeaux. Un point était obscur : on lui avait dit que sa mère Nicoma n'avait jamais quitté Litonia, comment pouvait-elle avoir accouché de son frère ici ? Une seule explication : ils n'avaient pas la même mère. Et l'identité de leur père restait inconnue de Kano. Son frère la connaissait peut-être. Il devait le rencontrer, quelles qu'en soient les conséquences.
Un instant, Kano avait pensé que les crimes avaient été commis par son frère jumeau, qui avait trompé tout le monde par sa ressemblance avec Kano. Mais étant donné que les deux Jedi n’avaient visiblement pas la même mère, cette solution était à écarter. Kano ignorait ce que la mère de son demi-frère était devenue, et il n’avait toujours rien appris sur son père.

La visite de la fameuse forteresse fut des plus frustrantes. Il ne vit que des salons et des jardins, rien de révélateur. Ah si, les geôles préférées de l'Empereur… Cela révélait à quel point le type défunt était tordu. Darth Vader avait quand même fait une bonne action : il avait tué ce malade. Malheureusement, il s'était lui-même cloné pour réapparaître six ans plus tard. En fin de compte, Han Solo avait réussi à l'abattre, et le roi Jedi de Ganath, Empatojayos Brand, s'était sacrifié pour emprisonner l'esprit malade du Seigneur Sith dans son corps, avant de périr. La menace de Palpatine avait enfin disparu, mais son empreinte maléfique avait marqué la galaxie de façon indélébile.
N'apprenant rien, Kano voulut revenir plus tard. Mais les gardes rouges montaient sans cesse la garde devant la porte de sa suite. Soi-disant pour le protéger… Il devrait jouer serré. Il ignorait si on le laisserait un jour repartir d'Aztilar. Et il devait contacter Tolet Tolfa au plus vite. Pourvu qu'il ne lui soit rien arrivé lors de sa mission auprès du Maître. Il était peut-être en mesure de lui dire si ce Maître était bien son frère…
Kano savait pertinemment qu’on ne lui avait fait visiter que les parties banales de la forteresse, pas les endroits secrets de Palpatine, où quelque chose de plus intéressant devait reposer.

Par miracle, le Jedi Noir ne l'avait pas repéré, et Tolet était riche en informations. Mais le zhin n'était pas en bonne posture. Le Maître avait réclamé une équipe de nettoyage pour enlever le corps de Zosskan. Pour ce qu'il en restait… Bref, une bande de droïds avait chargé les restes à bord d'une navette, et rentrait au Survivant, avec Tolet Tolfa comme seule cargaison vivante. Jusqu'ici tout allait bien. L'équipe arriva à bord du destroyer, et les choses se gâtèrent quand les restes où se cachaient l'espion passèrent au scanner pour détecter les microbes ou virus. Tolet Tolfa savait ne pas appartenir à ces catégories, mais cela n'empêcha pas les alarmes anti-bactéries de se déclencher. Le bac où Tolfa se trouvait glissa vers la zone de décontamination.