Le droïd de bord transmit les coordonnées de la navette quand le contrôleur les réclama. Lentement, il manœuvra l’appareil et s’approcha du Survivant. Une voix retentit dans le haut-parleur.
– Escouade TK 48 au rapport, ordonna la voix.
Le chef de l’escouade, à l’arrière, vint parler devant le micro. Ni lui ni aucun de ses sept soldats ne portaient leur armure réglementaire. Le leader, un homme grand, les cheveux clairs grisonnants et la barbe sévèrement taillée, répondit.
– Ici leader TK 48 au rapport. Inspection de la planète Koltary terminée. Rien à signaler.
– L’Amiral Zosskan attend un rapport détaillé. Vous avez l’autorisation d’atterrir.
A bord de la navette d’assaut, la tension était palpable. Quand le vaisseau se posa enfin, les huit soldats se levèrent et ôtèrent leurs longues capes noires. A l’extérieur de la navette, une délégation de quatre stormtroopers attendaient les nouveaux arrivants.
Le leader barbu s’adressa au droïd.
– Débarrasse nous d’eux. Puis attends nous ici et prépare-toi à décoller.
Le droïd émit un bip affirmatif, avant d’empoigner les commandes des lasers et de faucher les quatre soldats à l’extérieur d'une seule salve. Le leader ouvrit le sas de sortie, et se tourna vers ses sept partenaires.
– On applique le plan prévu. Rendez-vous ici dans quinze minutes. Que la Force soit avec vous.

Le bruit des tirs avait alerté les soldats aux alentours. Intrigués, certains rejoignirent le hangar. Ils y eurent la surprise de trouver un groupe hétéroclite et suspect. Un officier les interpella.
– Qui êtes-vous ? Qu’est-ce que ça signifie ?
Devant l’absence de réponse, il fit signe aux stormtroopers d’ouvrir le feu. A peine eurent-ils brandi leurs armes qu’une barrière lumineuse s’éleva entre les deux groupes. Les huit intrus firent jaillir les lames de leurs sabres laser dans une synchronisation parfaite. Les impériaux ouvrirent le feu, mais la plupart de leurs tirs furent directement redirigés par les lames d’énergie, et ce furent les rangs impériaux qui furent décimés. Les soldats n’eurent pas le temps de se remettre. Un Jedi, apparemment un bothan, reconnaissable à sa fourrure brune et grise, bondit et se retrouva au milieu du groupe. Il fit fouetter sa lame brune, abattant la plupart de ses adversaires avec habileté. Qua’ar Braki para les quelques tirs courageux, alors que certains impériaux tentaient de fuir. Ils furent directement accueillis par la lame bleue de Lora Dena, la belle humaine brune de Corellia.
Pendant ce temps, Xira, l'aristocrate falleen, et Yug’rin le rodien fondaient sur les impériaux en retrait. Les lames jaune et verte taillèrent en pièces les ennemis en un clin d’œil.
Une fois le secteur dégagé, les membres du groupe prirent position. Lora Dena, Qua’ar Braki et le bith Taren D’an restèrent pour couvrir le vaisseau en prévision de la retraite. Le bith fit signe de sa grosse tête jaune aux autres membres qu’ils pouvaient partir. Ses petits yeux noirs ne révélaient pas la moindre peur. Il raffermit sa garde sur le pommeau de son sabre laser violet.
Après tout, ils formaient le Groupe Kenobi, une unité Jedi d’élite secrète, fondée par Luke Skywalker et Kyp Durron, chargée de missions d’assaut apparemment impossibles. Pour eux, prendre d’assaut un destroyer passait pour de la rigolade.
Les cinq autres membres se répartirent. Xira et Yug’rin partirent inspecter la proue du navire, tandis que deux autres partaient pour la poupe. Le leader, quant à lui, allait s’occuper seul du centre.

Kano faillit sursauter tant la quantité de Force brute qui avait envahi le navire était importante. Il craignit un instant qu’il s’agisse d’un rassemblement de Jedi Noirs. Mais il sentit vite que ces Jedi étaient là pour tirer Teydo Pa’aja des griffes du Maître.
– Ca y est, ils sont là ? fit une voix inconnue.
Kano se tourna vers Tolet Tolfa.
– Ca y est, tu t’es décidé à parler toi ?
Le zhin ne cacha pas sa surprise.
– Vous saviez que j’étais là ? Depuis le début ?
– Bien sûr. Mais on n’a pas le temps d’en causer. J’imagine que c’est toi qui a prévenu Kyp Durron. Et je suis censé faire quoi maintenant ? Je repars avec eux ?
Profondément vexé, Tolfa se résigna à répondre à ce type qui s’était fichu de lui.
– Comme vous voulez, maugréa-t-il. A vous de voir si vous approfondissez la mission.
Kano empoigna son sabre laser et sortit de la pièce.
– Ma carrière est foutue… fit Tolet Tolfa avant de le suivre.

Reez avait senti la présence d’intrus dans le champ de la Force. Mais il n’avait pas eu le temps d’alerter le contrôle, et ces maudits Jedi étaient à présent à bord. Conscient de leur but, il se précipita vers la cellule de Teydo Pa’aja, à l’arrière du vaisseau.

Les trois Jedi éliminèrent sans la moindre difficulté les soldats qui s’approchèrent de la navette. Les malheureux tentèrent d’installer un canon lourd, mais quelques coups de sabres laser bien sentis eurent vite fait de leur montrer que c’était une mauvaise idée. Les trois lames firent un travail précis, dignes des meilleurs chirurgiens de Coruscant.
Xira et Yug’rin se frayèrent un chemin jusqu’à l’extrémité du navire et rencontrèrent peu de résistance. Tout le groupe savait qu’un Jedi Noir était à bord, et les deux coéquipiers avaient senti qu’il allait vers l’arrière, à l'opposé de leur direction. Pas de duel pour eux, mais un Jedi ne recherchait pas la bataille. Seule la survie de Teydo Pa’aja leur importait. Kyp Durron les avait envoyé pour ça.

Le leader nettoya méthodiquement le milieu du Survivant. Il savait que les officiers se réfugiaient sur le pont, prêts à se battre. Il préféra les laisser mouiller leurs pantalons en l’attendant, plutôt que de leur faire le plaisir de mettre fin à leur existences minables. Son groupe n’était pas là pour faire un massacren, il devait juste sauver Pa’aja. On l’avait nommé, lui, à la tête du groupe pour ses capacités d’infiltration et ses talents de Jedi. Le Groupe Kenobi opérait vite et bien, la guérilla n’était pas son rôle.
Le leader était fier de son groupe, qui regroupait des Jedi brillants et qui excellaient dans le combat et la rapidité. Lui-même était un agent émérite. Autrefois officier impérial, il avait rejoint la Rébellion peu avant la Bataille de Yavin, et avait participé au raid qui avait permis de subtiliser les plans de l’Etoile Noire. Après la mort de l’Empereur, il s’était retiré. Mais un Jedi Noir ambitieux, Jerec, avait tué son père. Le jeune homme avait alors découvert ses aptitudes à manier la Force, et avait vaincu Jerec et ses six acolytes Jedi Noirs. Cinq ans après, alors qu’il avait réintégré les rangs de la Nouvelle République et aidait Mara Jade à parfaire sa formation de Jedi, il avait été tenté par le pouvoir sombre d’un Temple Sith, cette lignée de Jedi Noirs éteinte depuis des millénaires. Mara Jade l’avait tiré in extremis des tentations obscures de Sith.
A présent, quatorze ans plus tard, Kyle Katarn comptait parmi les Jedi les plus puissants du Nouvel Ordre, et avait accepté le commandement d’une unité secrète. Cette mission était importante, et impliquait un Jedi Noir. Katarn n’était pas là pour la chasse, mais si le Jedi Sombre passait près de lui… et bien il arriverait ce qui devrait arriver.
Il tomba alors nez à nez avec un Jedi. Mais pas celui qu’il attendait.

– Il est par là, fit sobrement Ka’tar.
Son collègue acquiesça. Leur groupe avait tiré le bon numéro. Teydo Pa’aja se trouvait bien à l’arrière, ce serait à eux de le récupérer. Ils détectaient d’autres Jedi, mais leur mission était seulement de ramener Pa’aja sain et sauf, sans se laisser distraire par les autres éléments.
Cependant, ils sentirent également qu’un autre Jedi venait vers eux. Un Jedi Noir. Ka’tar se tourna vers son compagnon. Décidément, ce serait eux qui auraient à s'occuper de tout.
– Va chercher Pa’aja. Je m’occupe du Jedi Noir. Ne m’attendez pas.
L’autre acquiesça et continua sa route, faisant glisser ses tentacules sur le sol. Les ragnards étaient des créatures vertes, munies d’une dizaine de tentacules et de quatre yeux globuleux. Ikis était capable d’utiliser son sabre laser rouge avec n’importe lequel de ses tentacules, ce qui en faisait un adversaire imprévisible au sabre. En outre, ils lui permettraient de porter aisément Teydo Pa’aja si le besoin s’en faisait sentir. Il partit donc à la recherche des cellules de détention.
Ka’tar resta en arrière. Le guerrier noghri se dressa dans toute sa hauteur. Les noghris étaient une race farouche d’assassins habiles. Ils avaient longtemps servi Darth Vader, puis le Grand Amiral Thrawn, avant de se rendre compte qu’ils avaient été dupés. Ils avaient alors rejoint la Nouvelle République, avec pour fonction d’honneur d’être les gardes du corps de Dame Vader, Leia Organa Solo. Ka’tar avait mis à profit ses dons de Jedi, et avait rejoint l’Académie Jedi. Ses talents de tueur combinés à la Force en faisaient un adversaire particulièrement dangereux. Il était très respecté au sein du Nouvel Ordre, malgré la terreur qu'inspirait son peuple, pourtant des plus loyal. Kyp Durron l’avait intégré au sein du groupe, voyant en lui une arme mortelle. Ka’tar allait prouver que c’était vrai. Le Jedi Noir Reez était un défi à sa mesure.

Les larmes ne pouvaient pas couler, elles n’étaient que dans son esprit. Teydo Pa’aja ne pouvait rien faire à part souffrir. Même pas hurler, se débattre. Une nouvelle fois, il insistait, impuissant, au massacre des membre de sa famille. Combien de fois revoyait-il cette scène ? Mais il ne voulait pas craquer, ou le Maître l’aurait vaincu. Il devait tenir. Quelque chose tout au fond de lui le laissait penser qu’il s’en sortirait.
Un droïd passait régulièrement pour administrer la drogue au Jedi. Il savait que si le délai expirait, il retrouverait la pleine possession de ses moyens. Teydo sentait déjà que sa poitrine bougeait au rythme de sa respiration. Il put agiter faiblement ses doigts de pieds. Si la dose ne lui était pas bientôt administrée, il finirait par réussir à se lever. Malheureusement, le droïd était réglé comme une horloge ithorienne. Il n’allait pas tarder à venir faire son office, replongeant le malheureux Teydo dans sa souffrance. Pa'aja ne comprenait toujours pas le maléfice qui le plongeait dans ses cauchemars. Parfois, les visions s'estompaient, lui laissant un répit et l'occasion de regarder le plafond. Il ignorait combien de temps encore il supporterait cette douleur.
Il entendit la porte s’ouvrir, et devina que le droïd entrait dans la pièce. Puis il le vit soudain voler dans les airs, passer devant lui, et l’entendit s’écraser contre le mur. Une grosse forme verdâtre emplit son champ de vision. Une créature tentaculaire et immense. Qu’est-ce qu’ils vont encore me faire ?
– Teydo Pa’aja ? C’est bien vous ? Faites un signe si vous m’entendez.
Teydo sentit la Force en son interlocuteur et comprit qu’on venait à sa rescousse. Il voulut accueillir son sauveur comme il se devait, mais ne parvint même pas à le fixer. L’autre sentait pourtant qu’il était encore en vie. Il saisit avec précaution le corps du Jedi avec trois tentacules et sortit de la pièce. Teydo vit pour la première fois depuis trop longtemps autre chose que le mur de sa cellule. Les cauchemars s’étaient même éloignés de son esprit.

Kyle Katarn observa le type en face de lui. Un jeune humain, brun aux yeux verts, dans un uniforme impérial. Ce jeune homme regarda Katarn d’un air interrogateur. Kyle devait au moins avoir le double de l’âge du gamin. Les deux hommes comprirent simultanément à qui ils avaient affaire.
Il est venu chercher Teydo, se dit Kano.
Voilà donc le fameux Kano, songea Katarn.
Il avait eu des instructions en provenance de Kyp Durron. Kano était maintenant présumé innocent. Soit il repartait avec le Groupe Kenobi, soit il poursuivait sa mission.
Le choix parut clair quand Kano fit fouetter la lame violette de son sabre laser. A son regard, Kyle comprit qu’il jouait la comédie. Il allait rester à bord, mais un petit duel contre Katarn augmenterait sa crédibilité auprès des impériaux. Kyle esquissa un sourire, montrant à Kano qu’il comprenait le stratagème. Sa lame bleue fendit l’air pour rebondir contre la lame de Kano, annonçant le départ du duel simulé. Ils jouèrent le duel à la perfection, avec des attaques plutôt spectaculaires et des parades in extremis, conscients que des caméras de surveillance tournaient et que l’Amiral du vaisseau ne devait pas en perdre une miette, évaluant la détermination de Kano.
– Vous n’auriez jamais dû venir ici, capitaine Katarn. Mes nouveaux employeurs ne vous laisseront jamais partir.
– Vous sous-estimez mon groupe, Kano. Je vais vous faire regretter d’avoir choisi le Côté Obscur.
Le duel reprit de plus belle. Les stormtroopers qui passaient par là préférèrent ne pas s’en mêler, Kano ne leur en donnant pas l'ordre, et partirent à la poursuite des autres Jedi.

Ka’tar était prêt depuis longtemps. Quand Reez déboula dans le couloir, juste à côté de lui, il s’interposa, plaçant sa main devant lui et stoppant le gran net dans sa course, puis d'une poussée l’envoya rouler sur le sol. Le Jedi Noir se releva, éberlué, ne comprenant pas qu’un être intelligent puisse avoir la même force physique que lui. Il regarda le noghri, la rage au cœur. Il poussa un cri de guerre redoutable, mais Ka’tar resta de marbre, vexant profondément le gran. Ce dernier avait fait jaillir sa lame orangée et dégageait une rage meurtrière. Il se jeta sur le noghri, qui para alors que Reez ne l’avait même pas vu dégainer. En un éclair, il avait activé ses deux poignards laser gris. Les deux armes mesuraient à peine trente centimètres ; moins pratiques en duel qu’un sabre, elles étaient néanmoins parfaitement adaptées au capacités d’assassins des noghris. Ka’tar avait coincé le sabre de Reez entre ses deux lames, bloquant le mouvement de son adversaire. D’une poussée amplifiée par la Force, il repoussa le gran, qui tomba à nouveau au sol. La brute épaisse eut à peine le temps de comprendre ce qui se passait, il ne pouvait accepter d'être ainsi mis en échec. Mais le noghri lui avait déjà bondi dessus, à une vitesse incroyable, et, assis à califourchon sur Reez, lui enfonçait prestement un de ses poignards dans la poitrine.

Ikis portait sans peine le corps inerte de Teydo. Des stormtroopers surgirent, ouvrant le feu immédiatement. Ikis se servit d’un tentacule libre pour parer avec son sabre. Teydo ne bougeait toujours pas, et Ikis le posa un instant, pour régler leur compte aux impériaux. Une fois la voie dégagée, il récupéra Teydo et reprit sa route, laissant derrière lui des cadavres impériaux.
L’invalide songea alors qu’il allait abandonner son sabre laser, ce qu’il ne souhaitait à aucun prix. L’arme avait une valeur incalculable à ses yeux. Il l’avait conçu lui-même, dans la roche de Koltary. Kyp Durron lui avait offert une gemme Corusca comme source d’énergie, un joyau rare et inestimable. Mais Teydo ne put pas demander à Ikis de faire demi-tour, il ne put que rester dans ses tentacules à attendre que les effets de la drogue s'estompent.

Il était temps d’en finir. Kyle Katarn estima que ses soldats auraient bientôt tous rejoint la navette, et il devait être à l’heure pour le décollage. Malgré son amour-propre, il allait devoir laisser gagner Kano, pour lui permettre d’acquérir la confiance des impériaux.
Le duel lui avait montré que Kano n'était pas n'importe qui, et comme lui avait dit Kyp Durron il fallait s'en méfier au sabre laser. Il allait très vite, bondissant dans les airs, et effectuant des feintes que Katarn aurait craint dans un vrai duel. Pour le moment, Kyle était pressé et devait abréger le combat.
Il attaqua mollement, et Kano le repoussa facilement. Kyle fit alors exprès de vaciller après un coup de pied peu puissant de son adversaire, laissant la lame du jeune Jedi lui percer le bras gauche. Kyle gémit et tomba à genoux. Kano devait avoir compris où il voulait en venir, et il envoya rouler Katarn au sol d’un coup de pied dans le dos. Un peu trop fort au goût de Katarn...
Ca recommence, pensa Kano. Je ne peux pas tuer ce type, c’est un héros de la Rébellion ! Je dois être crédible, le vaincre sans le tuer.
Il observa Katarn, qui ne paniquait pas le moins du monde : le Maître Jedi devait avoir prévu le coup. En effet, ce fut cet instant que Xira et Yug’rin choisirent pour surgir. Le rodien se précipita pour soutenir son supérieur, tandis que Xira se dressait devant Kano, reniflant dans un geste de défi. Savait-elle elle aussi le rôle que jouait Kano ?
– On n’a pas le temps, fit le leader. On s’en va.
Les impériaux comprendraient que Kano ne pouvait pas s’attaquer à trois Jedi sur-entraînés, d’autant plus que cinq autres rôdaient à bord. Il éteignit son sabre et regarda les trois individus qui regagnaient leur vaisseau, alors que Xira lui jetait un dernier regard. Même s’il l’avait voulu, il n’aurait rien pu faire de plus.

Ikis atteignit enfin la navette, bien protégée par Taren D’an, Lora Dena et Qua’ar Braki. La jeune femme prit la parole.
– Tu l’as ? C’est vrai qu’il est pas trop moche…
Teydo se souvint en entendant ces paroles qu'il était encore nu comme un ver. Le Maître aurait des comptes à rendre. Il entendit la jeune humaine pouffer en l'observant.
– Tout le monde est là ? demanda Ikis, prêt à partir.
– Tu es le premier à revenir, répondit Qua’ar, le bothan. On doit mettre les voiles dans… 3 minutes et 27 secondes.
Alors qu’Ikis allait emmener Teydo à bord, celui-ci remua. Surpris, le ragnard faillit lâcher son fardeau. L’effet de la drogue avait dû s’estomper, sans le renouvellement que le droïd devait effectuer. Je bouge… réalisa Teydo, euphorique. Il sauta sur ses pieds, sous le regard consterné des quatre Jedi. Il était encore un peu étourdi, mais plus les secondes s’écoulaient, plus il retrouvait le contrôle de son corps, la Force aidant sa récupération. Il s'accorda quelques secondes pour s'assurer de son équilibre. Enfin, il s'empressa de cacher certaines parties de son corps.
– Heu, salut. Moi, c’est Teydo Pa’aja. C’est sympa d’être venus me voir.
Taren D’an, le bith, fut le premier à réagir en s'adressant à Teydo. Pendant ce temps, Ikis avait récupéré dans la navette une des capes noires, dont Teydo s'empara avec soulagement pour couvrir son corps.
– Nous attendons le reste de l’équipe, puis nous vous ramènerons. Tout ira bien.
– On a un peu de temps alors ? Figurez-vous que j’ai oublié un truc ! Je reviens tout de suite.
Le jeune homme partit en courant. Les Jedi du Groupe Kenobi restèrent incrédules. Ils étaient venus chercher ce type au péril de leurs vies, et voilà qu’il replongeait au cœur du territoire ennemi ! Ikis voulut le suivre, quand une foule de stormtroopers surgit dans le hangar. Ils avaient dû tous se rassembler pour empêcher les intrus de fuir. Les quatre Jedi se préparèrent à se défendre, oubliant Teydo Pa'aja.

Reez poussa un hurlement de douleur. Malgré sa peau épaisse et sa constitution robuste, la lame du noghri avait profondément entaillé sa chair. Le noghri pensait en avoir fini, mais il en fallait plus pour dompter un gran. Le non-humain leva soudainement ses mains et attrapa la gorge du félin. Les noghri avaient un visage doté d’un nez plat et de gros yeux effrayants, ainsi que d’une mâchoire solide. Ka’tar fut surpris par la violence du choc, et en lâcha ses poignards. Reez serra de toutes ses forces, empêchant le noghri de respirer. Ce dernier frappa de toutes ses forces le gran, qui résista. Il ne prit pas le temps d’appeler ses poignards grâce à la Force, trop occupé à ne pas suffoquer à l’étreinte de son adversaire. Il frappa encore et encore. Beaucoup d’êtres auraient été défigurés par la violence des coups, mais le gran tint bon. Il serrait toujours aussi fort, et l’oxygène commençait à ne plus atteindre le cerveau de Ka’tar. Quand le noghri cessa de respirer, Reez le lâcha et se releva en vitesse. Il avait eu une chance inouïe à deux reprises. Tout d’abord, le coup de poignard n’avait atteint aucune partie vitale. Ensuite, le noghri avait été suffisamment surpris pour lâcher ses armes. Si tout cela n’était pas arrivé… le guerrier de Honoghr n’aurait fait qu’une bouchée du Jedi Noir.
Le gran avait un seul objectif : ne pas laisser partir Teydo Pa’aja. Il savait que le Maître préfèrerait que son « projet » soit tué plutôt qu’il ne lui file entre les doigts comme Kano auparavant. Avec tous ces Jedi à bord, il était incapable de deviner où était Teydo. Il se précipita dans les cellules, où il ne trouva que le droïd déboussolé et déglingué. Il cracha un juron gran, puis entendit un bruit dans l’armurerie du destroyer, quelques couloirs plus loin. Il accourut, et trouva Teydo en train de fouiller parmi les armes, sans doute à la recherche de son sabre. Le jeune Jedi vidait les étagères métalliques, visiblement pressé. Reez ne chercha pas à comprendre comment le jeune homme pouvait bouger. Peu importait. Il allait le tuer.
– C’est ça que tu cherches ? fit-il en sortant le sabre de Teydo des pans de sa tunique.

Kyle Katarn et ses deux acolytes avaient rejoint la navette. Leur renfort avait permis de prendre la horde d’impériaux à revers et de n’en faire qu’une bouchée. Katarn regarda ses troupes.
– Vous n’avez pas Pa’aja ? Que s'est il passé ?
– Il est reparti, fit Ikis, conscient du ridicule de la situation.
– Quoi ? Qu'est-ce que c'est que cette histoire ? Et Ka’tar n’est pas là non plus ?
Le groupe paraissait gêné. Ils devaient partir dans à peine une minute…
– Mission accomplie à l’avant, fit Xira. Les rayons tracteurs ont été mis hors-service. La voie est libre.
Kyle ne sut que faire. Il devait remplir les objectifs, et ne tenait pas à perdre Ka’tar, probablement son meilleur élément.
– Fichez le camp. Je vais attendre Pa’aja et Ka’tar, et nous volerons une autre navette.
– Capitaine… commença Lora Dena.
– Ne discutez pas. Si j’échoue, il vaut mieux que vous soyez déjà à l’abri. Et ils croiront que nous sommes tous partis.
– Monsieur, objecta le bith, tous ensemble nous pourrions capturer le navire.
– Ne dîtes pas de bêtises. Vous savez bien que des renforts impérieux seront là dans quelques minutes. Et puis huit personnes ne suffiront jamais à contrôler ce navire. Maintenant partez. C’est un ordre.
Les Jedi montèrent à contrecœur dans la navette, qui quitta rapidement le destroyer, les rayons tracteurs désactivés ne pouvant l'empêcher de partir. Kyle savait que ses soldats étaient furieux de leur échec. Mais si Katarn s’en sortait ce serait grâce à eux. Il repéra une navette à subtiliser, et se prépara à récupérer les deux Jedi qui manquaient à l'appel.

Kano décida que son rôle s’arrêtait là. Néanmoins, il ignorait si Teydo avait pu partir avec la navette. Un des Jedi avait désactivé les rayons tracteurs, et tous les hommes disponibles avaient attaqué, ne laissant personne pour s’occuper des tourelles. La navette était donc partie sans encombres. Il décida de ne rien faire et de reprocher cet incident aux officiers impériaux.

Teydo Pa’aja se retourna pour faire face à la brute qui avait massacré son ami Golpi Rilim. Seul problème : il était désarmé, alors que l’autre avait deux sabres laser. Dont le sien. Il constata son ironie de se sentir désarmé alors qu’il était dans une armurerie. Mais toutes les armes étaient déchargées, les cellules énergétiques étant stockées à l’étage inférieur. On y accédait à l’aide d’un petit escalier au fond de la pièce.
Reez chargea sans grande finesse avec son sabre, et Teydo glissa sur le côté pour esquiver. Le gran frappa de plus belle, mais Teydo était plus fin et évitait les coups habilement, alternant les bonds et les esquives. Reez recula vers l’entrée de la pièce et ricana, bien que vexé. Il comprenait que son manque de finesse tournait au ridicule. Pa'aja n'avait même pas d'arme. En outre, Reez était affaibli par la blessure occasionnée par le noghri Jedi
– Tu ne perds rien pour attendre, Pa’aja. Je vais te montrer la vraie nature de la Force. Un petit tour appris par mon Maître…
Teydo sentit le Côté Obscur affluer et se concentrer dans le corps du Jedi Noir, et il comprit. Les Jedi Sombres utilisaient des pouvoirs meurtriers et violents, comme la boule d'énergie ou les éclairs. Mais cela demandait beaucoup d’énergie, et ils n’en maîtrisaient souvent qu’un seul. L’Empereur Palpatine était par exemple devenu maître dans l’utilisation des éclairs de Force. Cependant, Reez n’était pas aussi puissant, et utiliser cette technique allait lui demander une grande concentration et une énergie considérable. Cette attaque marquerait le terme de l’affrontement, d'une manière ou d'une autre. Teydo pouvait agir. Mais il ne pouvait pas attaquer de front, ni fuir. Le gran bloquait la sortie, et Teydo pensa à emprunter les escaliers.
L’énergie s’accumulait dangereusement dans les mains du Jedi Noir, l’attaque allait être imminente. Teydo vit alors une forme grise s’élever derrière Reez. En un clin d’œil, un noghri avait bondi sur le gran, entourant sa poitrine de ses deux pattes postérieures. Ka’tar sortit un poignard laser, prêt à trancher la gorge de son adversaire avec l'efficacité des noghris. Reez hurla en sentant le poids du félin fondre sur lui.
– Maudit Jedi !
Il regretta amèrement de ne pas s’être assuré du décès du noghri. Il avait sous-estimé son adversaire et sa résistance. Fou de rage, il laissa sa haine amplifier le pouvoir du Côté Obscur en lui. Avec un hurlement de dément, il tendit les mains, bien décidé à occire Teydo Pa’aja. Il regretta de ne pas disposer des mêmes pouvoirs que son Maître, d'avoir encore à se concentrer pour effectuer ce genre d'attaque dévastatrice.

Un flot d’éclairs jaillit enfin de l’extrémité de ses phalanges, alors que Teydo reculait, cherchant une issue pour échapper à une mort certaine. Il recula, recula.
Teydo était connu sur toute sa planète pour être doté d’une chance mythique. Et cette chance ne lui fit pas défaut. Il ne regardait pas derrière lui, et ne vit pas qu’il approchait des petits escaliers menant au dépôt à munitions, en dessous. Son pied ne rencontra soudain pas le sol, et il dégringola dans les escaliers, alors que les éclairs passaient à toute vitesse au-dessus de sa tête. Il dévala les marches en roulant, loin du chaos.
Reez n’avait pas envisagé que Teydo puisse esquiver (Teydo non plus d’ailleurs), et grimaça en voyant le Jedi disparaître dans la cage d’escalier. Tout se passa très vite, et Ka’tar, toujours juché derrière le gran, s’apprêtait à faire son boulot d’assassin. Mais Reez n’avait pas songé que la pièce dans laquelle il se trouvait était uniquement composée d’étagères métalliques et d’armes. Quand les éclairs passèrent au-dessus de Teydo, ils percutèrent le mur du fond. Les pouvoirs de Sith étaient puissants, et cela n’arrêta pas la salve. Au contraire, elle se réverbéra dans les étagères, les murs et même le sol. Reez ne comprit rien. En un instant, son pouvoir s’était retourné contre lui, fonçant sur le sol et s’attaquant à son corps. Il brailla de douleur quand sa chair commença à se calciner. Il entreprit de reculer vers la sortie pour survivre et échapper à la fournaise.
Ka’tar était plus habile. Agrippé au Jedi Noir, il subit l’assaut de la première vague d’éclairs, transmise par le corps de Reez. Il lâcha son poignard en poussant un miaulement rauque, mit ses mains sur les épaules de son perchoir, et plaça rapidement ses deux pattes arrières sur le dos du gran. Puis il poussa avec ses pattes de toutes ses forces, tout en lâchant les épaules de Reez. La poussée, amplifiée par la Force et par son agilité, l’envoya voler vers la pièce voisine, à l’abri de la tourmente. A l’inverse, elle eut pour effet de projeter Reez au cœur du chaos, où crépitaient les chaînes de l'enfer de Sith. Ka’tar perdit conscience quand son crâne heurta le mur du couloir. La dernière chose qu’il entendit fut le hurlement de Reez.

L’Amiral Zosskan bouillonnait de rage. Il perdait le contrôle des évènements. Son désespoir empira quand il vit la petite navette décoller tranquillement, sans personne pour l’arrêter.
– Rayons tracteurs ! ordonna-t-il. Je veux cette navette !
– Rayons tracteurs hors service, Amiral, fit un lieutenant. Probablement un sabotage.
– Alors envoyez les pilotes de Tie me faire sauter ces foutues bouses de bantha de Jedi !
Le lieutenant blêmissait à vue d’œil.
– Nous avons perdu beaucoup de pilotes, Amiral. Ils ont tenté d’attaquer les intrus.
– Et qu’est-ce que vous attendez pour envoyer les survivants ? Et que font Kano et Reez ?
Le lieutenant transmit l’ordre aux pilotes, et se tourna vers Zosskan.
– Nous ignorons où est Reez. Kano a combattu un Jedi, mais il était en infériorité numérique, les holos de surveillance l’ont montré. Il a dû les laisser filer.
Zosskan jura. Il misa tous ses espoirs sur les derniers Tie, sachant qu’en cas d’échec, des têtes allaient tomber. Il cogna le siège devant lui à la vue des images des holos de surveillance du hangar. Se rendant compte que sa réaction ressemblait à celle d'un gamin capricieux, il se ressaisit et foudroya ses hommes du regard. Sur l'écran, les pilotes y arrivèrent, et furent accueillis par le sabre laser de Kyle Katarn, célèbre visage de la Nouvelle République. Les derniers pilotes du Survivant furent vite taillés en pièces, alors que la navette passait en hyperespace et quittait le secteur. Zosskan mit sa tête dans ses mains en s’affalant dans le siège de commandement, faisant penser à un wookie désespérément affamé.
Kano arriva peu après, et faillit sourire en voyant les mines déconfites des membres d’équipage. Puis il se força à garder son sérieux, prêt à jouer la comédie.
– Ordures de Jedi... Je n’ai rien pu faire, Amiral. Ils sont partis. Ils étaient trop nombreux, je ne pouvais que les laisser partir.
Zosskan leva vers Kano un visage las.
– Il en reste un pour couvrir les autres. Ils se sont... fichus de nous.
L’Amiral entreprit alors de contempler bêtement la console devant lui. Tolet Tolfa essayait également de ne pas hurler de rire. Il suivait toujours Kano, et ne comprenait pas comment ce dernier avait bien pu le détecter. Sur l’image holo, Kano vit Kyle Katarn qui chassait les derniers pilotes de Tie. L’un d’entre eux parvint à grimper dans un des chasseurs suspendus au plafond, que Katarn démonta subtilement à coup de sabre laser en effectuant un bond vrillé. Il laissa partir le pilote éberlué, qui détala sans demander son reste.
Kano craignit d’avoir à retourner simuler un affrontement contre Kyle. Il ne pouvait rester là, les bras ballants. Il devait prouver sa soi-disant loyauté à l’Empire.

Pendant ce temps, Teydo se relevait péniblement, après sa dégringolade. Il avait mal un peu partout, mais il était en vie. Encore une anecdote sur sa chance à raconter à ses copains... Une écœurante odeur de brûlé parvenait de l’étage supérieur. Teydo gravit à nouveau les escaliers menant à l’armurerie, et s’assura que l’électricité mortelle s’était dissipée. Quelques étincelles crépitaient encore ici et là, mais il n’y avait plus de danger. Au beau milieu de la pièce, il discerna une masse sombre, qu’il identifia vite comme un corps calciné. Il redouta de reconnaître le noghri qui était intervenu, mais la carrure de ce qui restait montrait bien qu’il s’agissait de Reez. Son arme destructrice s’était retournée contre lui. Teydo se pencha pour ramasser son sabre, que le gran avait gardé à sa ceinture. Il en profita pour récupérer celui de Reez. Il regarda un instant le cadavre de celui qui avait tué Golpi Rilim. Il ne fit qu’une oraison funèbre.
– Le Côté Obscur nuit gravement à la santé. Va au diable, Jedi Noir.
Il sortit de l’armurerie. Il ignorait si le commando l’avait attendu, ou s’il aurait à se débrouiller pour quitter le Survivant. Dans le couloir, il trouva alors Ka’tar, inconscient. Le champ de la Force lui apprit que le noghri était vivant. Il s’accroupit auprès de celui qui, par son intervention, lui avait indirectement sauvé la vie. Si Reez n’avait pas paniqué face à l’assaut de l’assassin, son attaque aurait été plus efficace et plus précise. Teydo Pa’aja serait à présent probablement dans l’état de Reez.
Ka’tar revint à lui quand Teydo utilisa les ondes réconfortantes de la Force pour le réveiller en douceur. Il faisait grise mine. Il fixa Teydo de ses yeux jaunes. Beaucoup d’humains étaient effrayés par les noghris, mais quand Teydo, quatre ans auparavant, avait sauvé le convoi attaqué par le Maître, il avait eu la surprise de constater que l’escorte contenait aussi des noghris. Il les avait fréquenté, et avait découvert en eux des guerriers loyaux et de valeur.
– Je suis ravi que vous soyez en vie, grogna le félin. Je n’ai pas... totalement échoué.
– Vous m'avez sauvé la vie, rien que ça !
Le noghri resta sceptique. Teydo remarqua que le non-humain avait beaucoup souffert des éclairs. Malgré sa fierté, le guerrier gémit.
– Ce Jedi Noir m’a vaincu, et a failli vous tuer. Ma mission est un échec.
Teydo savait combien l’honneur était une valeur primordiale chez les noghris. Et Ka’tar était tout ce qu’il y avait de plus honorable, ne trahissant pas l’image de son peuple.
– Je suis vivant, n’est-ce pas ? C’est l’essentiel ! fit le Jedi en souriant.
– Vous savez, Teydo du clan Pa’aja, vous êtes une légende sur Honoghr. Vos exploits d’il y a quatre ans aux côtés du grand Khabarack sont contés aux jeunes guerriers noghris comme modèle, souvent par Khabarack lui-même. C’est un privilège de mourir pour vous.
– Ne dites pas de bêtises. Je vais vous sortir d’ici. Et ce sera vous la légende.

A contrecœur, Kano prit le chemin du hangar pour faire à nouveau semblant de tenter de stopper Kyle Katarn. Il déboucha dans le hangar, pour voir une navette qui s’élevait lentement. Katarn avait dû en voler une, et s’apprêtait à mettre les voiles. Il braqua les canons de l’appareil sur Kano, lui fournissant une bonne occasion de ne rien faire : même son sabre laser ne pourrait parer des lasers d'une telle puissance. Soudainement, alors que la navette s’élevait sur ses répulseurs, la rampe d’accès se baissa. Kano se demanda si Katarn l’incitait à partir avec lui. Il comprit en voyant arriver Teydo Pa’aja, supportant un noghri boitillant. Kano sourit à son ami, ravi de le voir sain et sauf, alors que Pa’aja embarquait.
Les techniciens du Survivant furent toujours aussi impuissants. Kano vit l’hyperdrive de la navette s’enclencher, et l’appareil bondit dans l’hyperespace.