DRIII a écrit:Blue a écrit:Plus sérieusement, le propos de Lucas ne doit pas être déformé. En l'occurrence, il dit seulement que
SW ce n'est pas Marvel ou DBZ, autrement dit que toutes les interprétations bourrines des Jedi style "Le Pouvoir de la Force" et cie passent complètement à côté du sens de l'oeuvre. On ne peut que le rejoindre et regretter qu'une partie importante de la fanbase (souvent la plus jeune) se représente les Jedi comme un groupuscule de moines-Avengers.
J'avoue que je ne vois vraiment pas comment on peut sérieusement soutenir que Johnson honore la réserve de Lucas, lui qui fait de Snoke un marionnettiste hors-pairs, de Rey une Mary-Sue, qui transforme Leïa en super-woman et qui prête à Luke des capacités WTF qui outrepassent absolument tout ce que les meilleurs jedis sont capables de faire.
Sur Luke, dans
TLJ, il y a la dimension tout de passe-passe qui amoindrit l'aspect "super-pouvoir". Bien sûr, il s'agit d'une utilisation inédite de la Force, mais ce n'est en même temps qu'une illusion. C'est l'aspect fantasmagorique du truc.
Sur Leïa, on touche à un réflexe de survie. Le vrai challenge, c'est qu'elle parvienne à préserver ses fonctions vitales dans l'espace. Qu'elle utilise ensuite la Force pour revenir dans le vaisseau n'est pas un truc de ouf' (elle utilise juste la force d'attraction, comme pour un truc de télékinésie). Et Leïa ne fait la démonstration d'aucun autre superpouvoir dans le reste du film.
Le Luke du Mandalorien me semble beaucoup plus "coller" à la vision de Lucas du coup. On voit du skill au sabre, mais on n'est à aucun moment dans une surenchère dans le goût de celle que Lucas condamne (ou alors il faudrait condamner pour la même raison tous les duels au sabre de la prélogie).
Le souci, c'est qu'il n'y a aucune raison que Luke soit du niveau des Jedi de la prélogie. Ou alors, les années d'entraînement et de savoir-faire des Jedi depuis le berceau ne valent rien.
Au sujet de Rey, tu disculpes Johnson en disant plus haut qu'il récupère un problème qui date de
TFA. Je suis d'accord pour dire que
TFA campe déjà Rey comme une Mary-Sue, mais :
1) Ce n'est pas une raison pour continuer cette construction. Je veux dire, Johnson ne se gêne pas pour rompre de manière particulièrement abrupte avec de nombreux éléments proposés par Abrams. Il le fait avec Snoke, qui semble lui aussi "régresser" pour reprendre ton mot en mourant comme un naze alors que
TFA nous le campe en "grand manitou". Rien n'empêchait Johnson de proposer un traitement disruptif pour Rey, puisque justement être disruptif est un peu la marque de fabrique du film ,"let the past die, kill it if you have to", etc. C'est d'ailleurs, au fond, le principal reproche qu'on peut faire au film : proposer un contenu disruptif dans le cadre d'une... saga, donc d'une narration qui repose
par essence sur un principe de continuité et le respect (qui n'a pas non plus à être servile) d'un héritage.
2) Rey "excroissance" de la Force, c'est une explication amorcée par Abrams dans
TFA puis
TROS. Il y a donc tentative de rendre raison de ses pouvoirs. Chacun jugera comme il souhaite ce que vaut cette explication, mais il faut reconnaître une chose : l'effort explicatif est là. Johnson, lui, ne propose aucune explication et se contente de filmer une scène où Rey soulève sans efforts une montagne de rochers. Par ailleurs, Johnson fait pire que ne proposer aucune explication : il sape la possibilité même de l'explication. En effet, en montrant combien la formation de Rey auprès de Luke foire, il nous empêche de comprendre la cause de ses actions et de ses succès, il nous empêche aussi d'éclairer les éventuels progrès du personnage. En nous disant qu'elle est la fille de
nobody, il nous empêche de rattacher son talent à une origine. Bref, avec Johnson, le pouvoir n'est ni dans l'apprentissage (transmission empirique), ni dans la filiation (transmission biologique). Littéralement, il ne vient de nulle part. Il est sans fondement. Il est arbitraire. Cela renforce l'impression d'avoir à l'écran une espèce de Dieu qui ne peut échouer, qui ne peut mourir. Or, nous laisser ainsi sans pourquoi c'est nécessairement nous mettre en présence d'un mystère. Tu me diras peut-être : "oui mais Ani dans
TPM c'est pareil". Je te répondrai : "oui, mais la prophétie permet au moins à Lucas d'assumer explicitement cette dimension mystérieuse". Et puis si Ani triomphe dans
TPM, il échoue salement dans
AOTC (sans parler de
TROS, évidemment). Rey n'échoue jamais. Pas comme Ani et Luke en tout cas (mutilations et cie)... Bref. Lucas nous donne à comprendre les exploits. Johnson... ne donne rien à comprendre (puisque lui son truc c'est de casser les clés de compréhension et de retourner la table pour bien nous faire comprendre combien c'est un esprit génial).
Je m'étonne vraiment de te voir critiquer le skill de Luke en avançant l'argument d'un manque de formation sur les 5 années qui séparent l'épisode 16 et
ROTJ. Avant même de s'appliquer à Luke, cet argument ne devrait-il pas fonctionner pour Rey ? (et ce d'autant plus qu'elle, de son côté, n'est ni formée par Obi Wan, ni par Yoda pendant de longues semaines. Elle n'a pas davantage été instruite par ses échecs, et surtout, elle n'a jamais été transcendée par sa victoire face au côté obscur... Elle bénéficie d'une formation de seulement quelques heures, qui du reste tourne court puisqu'elle s'énerve et menace son maître l'arme à la main
)
Au sujet de Leïa, tu défends une interprétation qui t'appartient... mais qui s'éloigne trop du film pour être satisfaisante. Il y a un moment, il faut être honnête et interroger la réception générale de la séquence : ce n'est quand même pas un hasard si cette scène a souvent été perçue par le public comme étant a minima... surprenante (pour ne pas dire complètement ampoulée et ridicule). Dans ma salle, des gens se marraient. Beaucoup de critiques convergent pour critiquer la scène. Internet pullule de memes qui tournent le truc en bourrique. Il y a clairement un problème dans
l'image que Johnson nous donne à voir. Et que nous montre-t-il ? Une vieille personne qui flotte dans l'espace le bras tendu, la main entr'ouverte... et qui se déplace dans le vide exactement comme le ferait Superman. Elle réalise à l'écran (sous nos yeux ébahis, ou médusés c'est selon
) un exploit digne des plus grands super-héros, un exploit que la Force (qui est un principe spirituel) ne suffit pas à expliquer à elle seule. Là, typiquement, on est dans la surenchère. On est dans le grobillisme. On est dans les Avengers.
Concernant Luke, je ne vois pas très bien en quoi l'effet mindtrick viendrait atténuer l'aspect spectaculaire et pompeux de son intervention. Luke est clairement campé comme un super-héros quand il arrive dans la base, pour ne rien dire de la scène (assez méta dans l'esprit de Johnson) où il s'avance seul face aux quadripodes à travers une brèche de flammes, défie Kylo du regard, s'essuie l'épaule, etc. Oui c'est une illusion... mais en quoi un pouvoir d'illusion ne serait-il pas l'apanage d'un super-héros ? Je ne suis pas du tout un connaisseur de Marvel et cie, mais dans X-men, professeur Xavier, il a des pouvoirs psychiques. Dans Heroes (une série nulle des années 2010 que j'aimais bien) il y a aussi un héros avec des pouvoirs psychiques, qui peuvent manipuler/altérer nos perceptions. Je trouve même que cet aspect "psychique" ou "manipulateur" est assez typique de l'univers des superhéros. Le hiatus éclate lorsqu'on compare les pouvoirs du Luke
TLJ à un autre personnage usant d'illusion et de dissimulation : je veux bien évidemment parler de Palpatine dans la prélo'. Ici, le traitement de Johnson est spectaculaire, explicite, lourd, là le traitement de Lucas est (pour une fois!
) tout en suggestion et implicite. Palpatine n'est clairement pas un super-héros (ou un super-méchant). Luke dans
TLJ en est plutôt l'archétype.
Enfin, il y a une raison toute simple pour que Luke soit à ce niveau dans le Mandalorien (on y revient toujours) : il a réalisé un exploit spirituel dans
ROTJ qui l'a converti et transcendé. C'est d'ailleurs palpable dans l'attitude toute en réserve qu'il affiche à la fin du film, lors de la fête et des funérailles de son père. Il y a un
après affrontement avec Vador et Sidious, qu'exprime son élévation au statut de jedi. C'est sa nuit de feu (au sens pascalien du terme).
Je crois que tu t'enfermes dans le rejet de cette interprétation, parce que, motivé par de bonnes intentions, tu confonds devenir un héros au sens spirituel, et être un super-héros. Le Héros et le super-héros sont deux concepts très différents, et on ne peut pas, comme tu le fais, passer de l'un à l'autre pour rejeter en bloc l'idée d'une transcendance chez Luke (qu'il possède du seul fait d'être le fils de son père, si tu vois ce que je veux dire). Je sais que cet amalgame est motivé par d'excellentes raisons : le rejet de la vision des jedis comme des méga-warriors-trop-invincibles. Là-dessus, je te rejoins complètement : Luke, ce n'est pas Iron man. Luke (après
ROTJ) c'est un jedi, c'est-à-dire une figure morale exemplaire, un idéal spirituel, un héros... au sens éthique du terme, qui a quelque chose de divin en lui, sans que ce divin soit synonyme de puissance ou de pouvoir. Disons que ce divin est synonyme d'amour, et de sagesse.