Il y a bien longtemps que j'étais venu en ces terres fan fictionnelles...
9 mois pour être précis. Le temps d'une gestation, le temps d'une naissance.
Bien des changements sur cette partie du forum (Félicitations à L2-D2 au passage pour sa nomination ), bien des changements dans ma vie pro et dans ma vie perso qui m'ont tenu loin de SWU.
Et à l'heure où je deviens papa, je reviens aux affaires.
La semaine prochaine, respectivement samedi et dimanche, je poursuivrais les FF démarrées l'année dernière - déjà ( La Nuit des Rahkgouls et Qu'est-il arrivé au Seigneur Sombre?)
Pour me faire pardonner (si besoin il y avait), je vous offre ce petit one-shot qui se déroule dans ma série Dans Les Ombres (de l'épouvante dans Star Wars) mais sans pourtant s'inscrire dans la trame globale du cycle.
Bonne lecture!
La cité sans nom, si ancienne que l’univers et le temps semblaient l’avoir oubliée, aux ruines basses et couvertes d’une mousse grise et décrépie, longtemps silencieuse, résonnait désormais du bruit d’une course éperdue. Entre deux claquements de souliers sur le sol fait de pavés humides et ébréchés par les siècles passés, retentissaient les pleurs étouffés d’angoisse et le souffle court d’une petite fille effrayée.
Apphie courait, sans savoir où elle allait. Elle s’échappait, prenant le risque à chaque mètre parcouru, de se perdre un peu plus dans les méandres obscurs de l’antique cité tandis que, derrière elle, le ciel grondait et vrombissait. Tout autour de l’enfant, les murs écroulés, les soubassements effondrés de bâtisses anciennes, défilaient alors qu’elle poursuivait sa course folle dans les ruelles sombres, envahies d’une végétation morte. Apphie n’osait jeter un regard en arrière ; elle se contentait d’aller de l’avant, tentant de mettre autant de distance possible entre elle et ce qu’elle fuyait. Elle obéissait juste à l’impérieux ordre de ses parents. Le grondement du ciel s’amplifia encore. L’air vibrait de ce tonnerre assourdissant. Il n’y eut bientôt plus que ce bruit.
La nuit tomba brusquement. Apphie s’arrêta net, surprise. Courait-elle depuis si longtemps ? Cela lui paraissait impossible. Quelques instants auparavant, il lui semblait que le matin venait à peine de se lever. Elle jeta des regards inquiets autour d’elle. Elle ne voyait que les ombres et les ruines qu’elle avait toujours connues depuis son arrivée sur la planète sans nom. Cette nuit subite s’annonçait sans étoiles. Le ciel se recouvrait d’un voile de ténèbres. Epuisée, apeurée, elle s’accroupit contre un pan de mur branlant. Un peu de poussière s’éleva. Sans pouvoir opposer la moindre résistance, Apphie sombra peu à peu dans le sommeil. Un rêve prit forme dans son esprit.
Un nouvel aspect de la cité sans nom se dévoilait devant Apphie, comme au travers d’un voile de brume. Au temps de sa splendeur d’antan, déjà resplendissante et ancienne quand les premières briques de permabéton de Coruscant sortaient à peine de leur four, la cité possédait de grandes rues bordées de hauts temples d’obsidienne et d’édifices en onyx. Apphie n’arrivait pas à distinguer les silhouettes informes, floues, vestiges d’un passé trop lointain. C’était une foule brumeuse qui déambulait dans ces rues où battaient au vent d’immenses toiles au motif arachnéen délicatement complexe. Dans le ciel, de grands vaisseaux aux formes longilignes dotées de tuyères gigantesques apparurent pilotés par de grandes créatures humanoïdes aux visages tout en angle. Leurs peaux ophidiennes, aux teintes d’émeraude et d’agate, luisaient sous les rayons du soleil.
Il y eut une guerre. Longue et terrible. Les silhouettes floues s’enfouirent dans les tréfonds, vaincues, abattues, vouées à disparaitre dans les limbes.
La cité sans nom changea, une nouvelle ville émergea des cendres de la première, bâtie sur des fondations que le temps finira par oublier.
Juchés sur le dos de grands oiseaux aux plumages de feu ou sur d’imposantes machines aux rouages apparents, les nouveaux occupants de la cité sans nom, vêtus de toges richement cousus ou d’armures taillées dans un métal semblable au pyrophore, respiraient fierté et noblesse.
Des siècles passèrent. Commerçant avec les mondes au-delà du ciel, la ville prospéra. Elle changea encore. La cité se couvrait de larges avenues parfaitement dallées d’une espèce de marbre d’un blanc laiteux. Les allées serpentaient au milieu de vastes et fastueux bâtiments aux briques rouges surmontés de dômes d’or et d’argent. Pourtant, sous ses atours splendides, derrière la superbe de ses habitants, sourdait une profonde angoisse. Une peur pesante imprégnait la cité. Les pas se faisaient lourds. Les idées sombres occupaient les esprits. Les sourires n’étaient plus que de façade. Quelque chose s’était réveillée dans les entrailles de la cité et hantait ses habitants.
Un vent venu de l’est ne cessait de souffler. Une terreur sans nom enflait chaque jour un peu plus dans les cœurs des habitants. L’Ordre des Shamans ne parvint bientôt plus à contenir les le désespoir qui étreignait leurs semblables. À leurs tours gagnés par la peur, les vieux shamans firent alors appel à des forces impies pour conjurer le sort funeste qui menaçait la ville.
Un arbre terrifiant poussa au milieu de la cité sans nom. Et Il vint en ville – silhouette indéfinie, encapée de noir – comme une réponse aux larmes de la terre. Au dessus de sa main droite, pulsait une lame d’énergie, blanche de colère, irisée sur son tranchant d’un bleu palpitant de haine, traversée d’éclairs noirs comme la mort.
Apphie se réveilla en sursaut. La nuit était toujours présente, profonde. Apphie tremblait. Ses muscles la faisaient souffrir horriblement mais la véritable souffrance venait de son esprit d’enfant terrifié. Elle était perdue au milieu de ruines plus âgées encore que le temps mais ne cessait de se demander où se trouvaient son père et sa mère. Elle s’interrogeait sur leurs sorts. Du haut de ses dix ans, elle s’inquiétait de ce qui avait bien pu leur arriver ; en cet instant – alors que les ombres de la nuit s’allongeaient autour d’elle, reprenant possession de la ville ancienne – elle s’en inquiétait plus que sa propre situation.
L’Homme Noir l’avait pourtant prévenu. À de nombreuses reprises depuis qu’Apphie et ses parents étaient descendus de leur vaisseau.
Apphie était la seule à voir et à entendre l’Homme Noir qui hantait les recoins de la cité ancestrale. Elle ne le voyait toujours que du coin de l’œil. Au bout d’un moment, ses apparitions furtives ne lui firent plus peur. Elle finit par s’habituer à cette présence que ses parents – archéologues aldéraniens – ignoraient. Elle en fit un camarade de jeu. Pour ses parents – occupés à sonder, à creuser, à fouiller le sol et les fondations mystérieuses de la cité pour en dévoiler les secrets – le fameux Homme Noir ne se révélait qu’un ami imaginaire de plus. Apphie était coutumière du fait ; à chacune de leurs excursions archéologiques, leur enfant chérie rencontrait ainsi d’improbables compagnons, nés de son imagination fertile, nourrie des fantômes de ces civilisations anciennes qu’ils s’obstinaient à découvrir jours après jours, années après années pour le compte de la Faculté d’Aldorande, vénérable institution universitaire nichée au cœur de la capitale royale d’Alderaan. Cela ne les préoccupait plus.
Lorsque la nuit tombait, il venait lui murmurer à ses rêves. Et disparaissait aux premières lueurs du matin. Apphie se souvenait rarement des mots prononcés par son ami. Ses doux chuchotements glissaient hors de sa mémoire enfantine quand sonnait l’heure du réveil. Mais, parfois, les mots de l’Homme Noir restaient encore un peu dans son esprit embrumé dans les fumées des contrées du sommeil. Elle en percevait l’inquiétant sentiment d’avertissement. Il la prévenait.
Ce matin où tout avait soudainement basculé, le soleil s’était levé sur un ciel d’encre. Les nuages étaient lourds et gris. La cité sans nom, de terrain de jeu pour elle et source d’émerveillement scientifique pour ses parents, devenait un lieu étrange et oppressant. La vieille ville reprenait ses atours insondables et obscurs. Puis vinrent les grondements. Déchirant les nuages, une douzaine d’appareils aux formes agressives descendirent du ciel. Bientôt suivis par d’autres aux contours malveillants. L’un des vaisseaux ? plus gros que les autres, pareil à la pointe d’une flèche aiguisée, fit cracher son feu sur les premiers engins. Une intense bataille commença. Et le ciel explosa de milles couleurs où dominaient le rouge et le jaune. Les parents lui crièrent de se mettre à l’abri. Puis un vaisseau s’écarta de la bataille qui écorchait le ciel, il déploya de longues ailes noires qui le firent passer pour un titanesque rapace affamé. Il s’approcha du sol. Au bout de seulement quelques battements de paupières, le vaisseau s’apprêtait à se poser. L’Homme Noir apparut à l’angle d’une maison. Apphie – comme toujours– ne vit pas son visage mais elle ressentit sa détresse. Son père hurla. Sa mère lui ordonna de fuir. Apphie hésita. Son père lui répéta de fuir. Elle s’exécuta, mue par la détresse qui pulsait dans l’intonation des paroles de ses parents.
La voilà maintenant, seule, essoufflée, perdue dans l’immensité de la cité innomée. Les ombres avaient repris demeure dans les ruines basses. Le grondement dans le ciel s’était tu. Apphie leva les yeux. Les vaisseaux malfaisants sortaient victorieux. Ils descendaient vers le sol. Apphie fut prise d’une terrible sensation d’angoisse. Son cœur se serra. Elle pensa à ses parents. Tout à coup, le bruit de bottes résonna dans le silence ainsi revenu. Puis des voix s’élevèrent. Apphie reconnut parmi elles, la voix de sa mère. Celle-ci paraissait souffrir. Ses parents la cherchaient surement. Le cœur d’Apphie bondit et elle se précipita, rassemblant ses dernières forces, vers les voix.
Apphie déboucha sur une vaste cour au milieu de laquelle se dressait, improbable, un arbre gigantesque à l’écorce aussi grise que la cendre. Les branches nues et torturées de l’arbre s’élevaient vers le ciel tel un éclair figé. Un frisson la parcourut. Elle eut une nouvelle vision.
L’arbre était tout ce qui restait de la cité ; les ruines étaient retournées à la poussière. Des formes indistinctes l’entouraient. Elles étaient nombreuses. Des centaines, peut-être des milliers. Elles fourmillaient autour de l’arbre, se pressant, se bousculant, s’écrasant mutuellement. Les formes semblaient en transe, elles vénéraient l’arbre et l’Homme Noir qui venait d’apparaitre à ses pieds. Ou avait-il émergé de l’écorce malade ?
Une des formes se tourna vers Apphie.
Une terreur indéfinissable s’empara d’elle. Elle fit demi-tour, obsédée par l’irrépressible envie de se soustraire à la vue de l’arbre. Une nouvelle fois, elle se mit à courir sans but. Elle désirait fuir. Juste fuir. La cité antique ainsi plongée dans la nuit et les ténèbres revêtait un aspect abominable. Affolée comme pouvait l’être n’importe quel enfant de son âge confronté à la plus pure des terreurs, elle courait, trébuchait, s’écorchait et se relevait pour se remettre à courir encore et encore. Ses poumons brûlaient, son cœur palpitait férocement dans son buste, son corps tout entier n’était plus qu’une boule de douleur mais elle continuait à courir.
Alors qu’elle prenait un virage, elle heurta quelque chose. Elle tomba à la renverse. Sans regarder ce qui l’avait ainsi bousculé, elle tenta de se relever. Elle s’éloignait à quatre pattes quand une main ferme la saisit au col et la tira brutalement en arrière. On la jeta au sol sans ménagement.
Apphie se trouvait aux pieds d’une quinzaine de soldats en armure de chrome et d’ébène, à la visière fumée en forme de T. Deux douzaines de guerriers accompagnés par un incroyable engin bipède bardé de pics acérés, pourvu – là où se trouvait le pilote – d’une paire de canons lourds, rejoignirent le groupe en passant sous une arcade à moitié effondrée. Une vision de cauchemar qui s’effaça quand Apphie vit, ligotés et meurtris, son père et sa mère trainés sur le sol par deux soldats qui marchait derrière un troisième homme, plus grand et massif que les autres, revêtu d’une cuirasse aussi rouge et noire que le sang coulant d’une blessure fraiche.
Apphie détourna les yeux quand ce qui semblait être le chef de la troupe se pencha sur elle. Elle aperçut alors l’Homme Noir. Sa silhouette ondulait comme ondulait les mirages de chaleur à l’horizon. Son étrange compagnon pulsait d’une fureur froide qu’elle ne lui connaissait pas. L’Homme Noir glissait d’une ombre à une autre. Il changeait. Entre deux déplacements furtifs, le temps d’un clignement, Apphie entrevoyait chaque fois un peu plus le nouvel aspect de l’Homme Noir. Celui d’une araignée aussi haute qu’un homme. Sous l’éclat fugace d’une torche, elle découvrit un corps boursoufflé, couvert de crevasses infectes et purulentes. Elle vit de longues pattes fines, articulées de façon anormale, se découpant dans la lueur de la lune. Apphie voulut hurler mais son cri mourut dans sa gorge quand elle aperçut la tête de la créature, ahurissant croisement entre celui de l’araignée et du céphalopode. Elle se contenta de fermer les yeux quand apparut fugitivement la gueule monstrueuse, gluante de bave et garnie de longs tentacules amorphes.
Le vent se leva, charriant une forte odeur de cendre et de pourriture. Il y eut des cris. Des cris horribles. Des cris de cauchemars qu’étouffait à peine le tonnerre des blasters faisant feu. Des bruits indéfinissables – de chair déchirée et d’os qui craquent – résonnaient aux oreilles d’Apphie. La petite fille plaqua ses mains tremblantes sur ses oreilles dans un vain effort d’atténuer l’épouvante que lui évoquaient ces sons contre nature. Puis le vent cessa de souffler. Apphie rouvrit les yeux sur un spectacle d’horreur.
L’Homme Noir, tel qu’elle l’avait toujours connu, se tenait debout au milieu d’un véritable carnage dont nul enfant – nul être vivant – ne devrait être témoin. Il leva la tête. Au dessus de la cité sans nom, flottaient les vaisseaux des mercenaires mandaloriens, sans nouvelles de leurs infortunés camarades envoyés au sol. De gros nuages plus noirs que la nuit dont ils étaient issus gonflèrent sur l’horizon. Ils engloutirent les navires. La tempête passa sur eux sans un bruit. Et lorsque les nuages finirent pas se dissiper aussi rapidement qu’ils étaient apparus, il n’y eut plus traces des vaisseaux.
L’Homme Noir chuchota. Apphie l’entendit distinctement dans son esprit.
« Maintenant, enfant, pars. Prends tes parents et quitte cet endroit qui est ma demeure sacrée. Je t’ai toléré car tu m’as vu. Pars. Je ne te protégerais plus. Les mortels, les vivants, viennent de souiller une fois de trop ma sépulture. Retournes donc à ton cosmos trop petit et à ta Force aux limites si étriquées.»
Le calme séculaire de la ville régnait de nouveau en maitre. Et l’Homme Noir souriait. Bientôt, un vent d’est soufflera et balayera sa silhouette sur les ruines de la cité sans nom que l’on connaissait autrefois comme Haran la Resplendissante. Son nom véritable que l’on n’osait plus prononcer qu’autrement qu’en des murmures étouffés, emplis de crainte, autour des feux de camps sur Mandalore, lorsqu’un vieux mercenaire voulait terrifier les jeunes loups de son clan.
Haran, l’Enfer mythique des Mando’ade.
J’espère que cela vous a plu.
Merci de votre lecture.
Pour ceux que cela intéresse, le mot haran signifie réellement enfer en mandalorien. Voir ici haran, faut scroller un peu jusqu'au "H" .
Et pour ceux qui le veulent, rendez-vous samedi soir pour la suite de La Nuit des Rahkgouls. Ou à dimanche pour la suite de Qu'est-il arrivé au Seigneur Sombre?!
A plus!