Tricia faisait les cent pas dans sa nouvelle planque, située en plein cœur de l’ancienne zone industrielle de Sundari. C’était beaucoup trop long… Asud’ha devait avoir réussi, une nouvelle fois, à se mettre dans un pétrin dont elle seule avait le secret. B17 n’était parvenu qu’à obtenir que de très maigres informations et en ce moment, il était encore dehors à traquer sa proie. Par moments, elle se demandait vraiment ce qui la retenait auprès de ces deux incapables. À de très nombreuses reprises, elle avait souhaité les éliminer ; leur incompétence et les dangers qu’ils avaient fait courir au groupe ayant très largement alimenté les motivations de leur leader. Pourtant, elle essayait de se raisonner : le briefing avait été le plus clair et concis possible. Le droïde et la twi’lek étaient parfaitement au courant de l’identité de leur employeur. Ils n’avaient donc aucune raison de risquer un échec de leur mission. De plus, Tricia leur avait très clairement fait comprendre que si l’Empire ne se chargerait pas de les abattre, elle s’occuperait elle-même du sale boulot. Elle s’apprêtait à les contacter à l’aide de son comlink lorsque la porte s’ouvrit d’un coup sec.
— Et voilà notre otage, annonça Asud’ha en laissant tomber un homme qu’elle portait comme un vulgaire baluchon.
— Un otage ? Est-ce que notre mission est de prendre ces foutus rebelles en otage ?! aboya Tricia. J’ai pourtant parlé en basic lors de notre réunion, non ?!
— Eh oh, ça te va bien de dire ça ! répliqua la twi’lek d’une voix forte. Il me semble que moi et B17, nous nous sommes décarcassés afin d’obtenir des informations et pour le moment, les seuls indices que nous avons sur cette présence rebelle, ils sont ici ! s’écria-t-elle en désignant l’homme inconscient. Toi aussi, tu as été payée pour éliminer ces hommes, non ?! Et pourtant, tu ne m’as pas l’air d’avoir accompli grand-chose ces deux dernières heures !
Le silence régna immédiatement dans la salle. Tricia baissa la tête et se mordit la joue. Son acolyte n’avait pas tort, cette fois-ci, mais même si elle avait bien travaillé, elle semblait oublier qui dirigeait, dans ce groupe. Il était hors de question de la féliciter alors qu’elle venait de faire le travail pour lequel elle venait d’être sollicitée.
— J’apporte quelque chose aussi, madame, déclara une voix discordante.
B17 était apparemment revenu de mission en même temps qu’Asud’ha. Ce n’était pas spécialement dans leurs habitudes de coordonner leurs opérations ou même de les mener à bien. Il traînait un corps, lui aussi.
— Deux otages ?
— Deux ? s’étonna B17. Le mien est mort, madame.
— Bon sang…, soupira-t-elle en se cachant le visage avec les mains. B17, qu’allons-nous bien pouvoir d’un cadavre, à ton avis ?
— Il s’agissait de la rebelle qu’Asud’ha a réussi à faire sortir. Vous m’avez demandé d’exécuter les ordres.
— Ce que tu as parfaitement fait. Mais je ne t’ai pas dit de ramener sa dépouille ici, marmonna Tricia.
— Sauf votre respect madame, je doute fort que laisser le cadavre gésir dans la rue à la portée de tout le monde soit une mesure efficace. De plus, même caché dans la ville, il aurait pu être retrouvé à n’importe quel moment.
Tricia fixait son droïde, qui la regardait d’un air perplexe. Lui qui aimait tant prendre les devants, c’était bien la première fois qu’il avait eu une idée intelligente.
— Mais oui, suis-je bête ! s’exclama-t-elle en se tapant les cuisses. On parle de l’Alliance Rebelle. Si jamais l’identité d’un soldat venait à être révélée, on se serait assurés un mouvement de panique quasi-immédiat et la mission tombait à l’eau. Je te prie de m’excuser, B17. Tu as eu une excellente idée.
— Merci, madame.
— Maintenant, débarrasse-toi de son corps et fouille-la au préalable. Peut-être qu’elle a des secrets à nous révéler.
— Bien reçu, bien reçu, dit le droïde en quittant la pièce en traînant le cadavre.
Asud’ha s’exprima la première :
— On devrait pouvoir tirer quelque chose de celui-là, il est simplement inconscient. Je peux me charger de son interrogatoire, si tu veux.
— Non, mauvaise idée.
— Et pourquoi ? Je ne suis pas assez compétente, peut-être ? s’insurgea la twi’lek.
— Mais non, soupira Tricia. Si ce soldat se souvient de toi et que tu l’interroges, tu peux être à peu près sûre qu’il ne crachera pas le morceau avant un bon moment. Si nous avions le temps, je te laisserais l’interroger. En attendant, nous ne l’avons pas. Je vais donc m’occuper de lui. Il ne me connaît pas, et ça constitue un gain de temps pour notre mission.
Les deux femmes échangèrent un regard. Asud’ha finit par sourire et laissa son otage entre les mains de la chef. La mission avançait bien, et il n’y avait aucune raison de créer des tensions dans le groupe. Pour une fois, tout le monde avançait à une vitesse satisfaisante et le travail s’était révélé payant. Elle alla se chercher une chaise, fouilla dans les poches de sa veste et en sortit une cigarette qu’elle alluma aussitôt.
— Au fait : son petit nom, c’est Jaxen, lâcha-t-elle entre deux bouffées.
— OK.
Tricia installa le soldat dans la pièce d’à côté, qui était nettement plus sombre et beaucoup plus vétuste, et le menotta aux pieds et au dossier de sa chaise. Puis elle le fixa quelques instants. Il portait une légère cicatrice au-dessus de la poitrine.
— B17 ! s’exclama-t-elle. Apporte-moi la Pique de Force sur-le-champ ! J’ai quelques mots à dire à notre invité.
—
Le soleil venait de se coucher sur Sundari que le Grand Vos s’apprêta à recevoir ses convives. Il ajusta sa tenue de dirigeant officiel de la ville, et se présenta devant les portes de la salle de réception. Il tendit l’oreille : son invité était présent. Il ouvrit alors les portes en grand, et se dirigea vers le lieutenant.
— Je suis ravi de constater que vous m’accordez un entretien en ces instants fragiles pour la Galaxie, Grand Vos.
— Ne soyez pas si pressé, lieutenant, dit Vos. Comme je vous l’ai fait savoir, mes conseillers devraient arriver d’un instant à l’autre. Nous discuterons ensuite plus précisément des raisons de votre venue à Mandalore.
Le lieutenant G-3PO se trouvait un peu décontenancé, mais il n’en fit rien paraître. La situation ne lui permettait pas vraiment de s’attirer les foudres des hauts dirigeants de la planète. Il prit donc son mal en patience et attendit calmement le reste des participants. Fort heureusement, trois nouveaux dignitaires firent leur apparition quelques secondes seulement après lui.
— Messieurs, je ne pense pas qu’il soit utile de nous introduire davantage. Allons à l’essentiel, si vous le voulez bien. Nous vous laissons la parole, lieutenant, dit Vos.
— Merci, répondit le lieutenant en inclinant légèrement son torse métallique. Comme vous le savez tous, la Galaxie est dans une période hostile. L’Empire a dévoilé son véritable visage en détruisant toute forme de vie lui barrant le chemin et sa conquête de notre Galaxie est grandissante. Il va sans dire que la liste de ses alliés est déjà impressionnante. C’est pourquoi je me présente à vous. L’Alliance Rebelle souhaite vous rallier à sa cause.
— Nous ne comprenons pas, s’étonna l’un des conseillers. Quel attrait pourrions-nous représenter pour la Rébellion ? Et surtout, pourquoi à cet instant précis ?
— Tout à fait, renchérit un second. Veuillez nous excuser lieutenant, mais vos plans me semblent confus.
— J’allais y venir. L’un de nos escadrons est tombé sur un document de l’Empire. Tout ce qui y figure porte à croire que les impériaux souhaiteraient envahir cette planète au plus vite. Je ne vous cacherai donc pas que c’est ce document précis qui nous a conduit à vous contacter au plus vite.
— Je souhaite le voir, ordonna le Grand Vos.
— Très certainement.
Le lieutenant G-3PO activa alors son comlink et l’assistance reconnut aisément la figure de proue de l’Alliance Rebelle : Mon Mothma. À sa droite était projeté un document et un droïde hululait des bips stridents. Un rebelle se chargea de le faire taire afin que la dirigeante de l’Alliance puisse prendre la parole.
—
Tricia était cachée dans l’immeuble voisin. Elle n’avait rien à craindre. L’immeuble était d’une précarité extrême et la rue était suffisamment mal éclairée pour qu’on ne la détecte pas. De plus, Sundari était une ville tellement peu développée que le quartier résidentiel du dirigeant de la ville était à peu près aussi peuplé que l’ancienne zone industrielle.
De sa cachette, elle surveillait le bâtiment. Fort heureusement, les quartiers de Vos étaient décorés avec opulence ; l’éclairage de la salle était suffisamment fort pour que Tricia puisse distinguer précisément toutes les personnes présentes dedans, et ce à plus de six cents mètres de distance. Si elle ne s’était pas trompée, il ne restait désormais que deux gardes à éliminer dans le bâtiment. Elle le savait car elle avait établi un code avec ses acolytes : deux émissions brèves sur le comlink signalaient un nouveau garde abattu. De ce qu’elle voyait, la discussion semblait grave. Un document était présenté sur hologramme. Il devait contenir une foule d’informations juteuses. Peut-être qu’elle essaierait de le dérober afin de le revendre aux Impériaux.
La voix de B17 résonna dans le comlink de Tricia, ce qui la surprit :
— Madame, les zones du bâtiment auxquelles vous m’avez affecté ont été nettoyées, annonça-t-il de sa voix monocorde.
— Nous avions un code, répliqua-t-elle froidement.
— En effet, madame. C’est pour cela que j’ai pris soin de vérifier par deux fois tout le secteur de fond en comble. Il n’y a plus aucun signe de résistance. De plus, je vous appelle de l’extérieur. Il serait imprudent de rester dans le bâtiment et de nous exposer aux yeux de l’Alliance.
— Bon. Rejoins-moi dans le bâtiment en face aussi vite que possible. Ne te fais pas remarquer.
Il ne restait donc plus qu’un rebelle à éliminer. Asud’ha était un petit peu plus longue qu’à la normale, mais Tricia lui faisait confiance. Elle s’était montrée particulièrement coopérative depuis le début de la mission et elle était beaucoup moins dissipée que d’ordinaire. Deux émissions sur la fréquence. Tricia la rappela immédiatement :
— Tu as fini ?
— Ouais. Plus aucun garde dans le bâtiment.
— Parfait. Rejoins-nous dans l’immeuble d’en face et montre-toi discrète.
[…] Une fois réunis, les trois acolytes contactèrent l’amiral Warhocka sur une fréquence cryptée qu’il leur avait communiquée plus tôt dans la journée.
— Mademoiselle Kaataruna. Avez-vous rempli votre mission ?
— Presque, monsieur, répondit-elle.
— Comment ça ? Il me semblait vous avoir demandé d’exterminer tous les rebelles présents dans le bâtiment. C’était pourtant très clair, dit l’amiral sèchement.
— En effet, monsieur. Tous les gardes ont été neutralisés à l’exception d’un d’entre eux. En effet, il était censé être de service, expliqua Tricia.
— C’est exact monsieur, l’interrompit précipitamment Asud’ha. Je l’ai repéré en ville, accompagné d’une autre rebelle. C’est en surprenant leur discussion que j’ai compris qu’ils étaient déguisés en civils. Je me suis donc chargée de le prendre en otage pendant que sa garde était baissée.
— C’est lui qui nous a permis de localiser la réunion de ce soir, reprit Tricia en lançant un regard réprobateur à la twi’lek. Nous l’avions gardé en vie afin de nous assurer de la véracité de ses propos. Souhaiteriez-vous également le voir mort ?
— À vous de voir. Vous souhaitez être payés ?
— Bien.
B17 se dirigea alors vers le fond de la pièce et amena le rebelle, qui était menotté. Asud’ha le regarda une dernière fois, se délecta du moment présent et pointa son blaster KYD-21 sur lui. Au moment de tirer, une série de détonations retentit et fit trembler les murs du bâtiment abandonné.
— Qu’est-ce que c’était ? hurla l’amiral, ahuri. Braquez votre comlink en direction de ces explosions, immédiatement !
Depuis la fenêtre, on pouvait voir que la résidence du Grand Vos avait intégralement pris feu. Les derniers étages, où avait eu lieu la réunion, s’étaient écroulés les uns sur les autres et une épaisse fumée noire flottait autour du bâtiment. Les flammes crépitaient autour des ruines et illuminaient le quartier avec morbidité.
— Qui d’autre est au courant ?! aboya l’amiral. Répondez !
— Je vous l’assure, amiral, nous n’avons parlé à personne de notre mission. Seules les personnes présentes ici sont au courant de nos agissements, et personne d’autre. Vous en avez ma parole, assura Tricia en tentant de reprendre son calme.
— Vous avez oublié le rebelle, nota-t-il.
— Il est toujours inconscient, intervint B17.
— Devons-nous toujours l’éliminer ?
— Maintenez-le captif. Peut-être aura-t-il des informations à nous confier sur ce qu’il vient de se produire. En attendant, trouvez-moi l’identité de ces terroristes, ou au moins des pistes sur leur présumée identité. Je me chargerai du rebelle une fois sur place, ordonna Warhocka avant de mettre fin à la discussion.
Tricia contempla la scène. Puis elle se retourna et demanda à Asud’ha :
— Tout le monde était encore présent ?
— Ils sont morts dans l’explosion, affirma-t-elle. Je les ai vus à peine trente secondes avant que les détonations retentissent.
— Il faudra en informer l’amiral.
— Doit-on également l’informer de ceci, madame ? demanda B17 d’une voix plus aiguë qu’à l’accoutumée en montrant quelque chose du doigt.
Les deux femmes se penchèrent un peu plus à la fenêtre. On pouvait voir une énorme bannière déployée devant le bâtiment détruit. Elle représentait un ancien casque mandalorien, couvert de sang.
— Oui, dit Tricia en tapant la fréquence sur son comlink. Venez, on s’en va. Cela ne me dit rien qui vaille pour le moment, maugréa-t-elle en soulevant le rebelle.