OK, me revoilà, encore désolé
Pour Hiivsha, et tous ceux qui ne connaîtraient pas cette œuvre, je précise que ce chapitre fait référence à
Vision du Futur de Timothy Zahn
qui est à lire impérativement comme tous les autres Zahn sous peine d'avoir raté sa vie Attention, ce chapitre contient de grosses révélations qui tachent, ne lisez surtout pas si vous n'en êtes pas encore là Chapitre VII
« Je ne sais pas toi, mais moi, je commence à me lasser de tous ces passages en hyperespace... lâcha Landa.
Taltiruk lui jeta un regard indiquant sans équivoque que la façade détendue du Rodien ne prenait pas cette fois.
-Moi, j'espère surtout que ce ne sera pas le dernier, rétorqua le Wookie. J'ai le temps d'aller chercher de quoi ligoter nos passagers, au cas où ils se réveilleraient ?
-Je t'en prie !
Taltiruk s'exécuta, quittant le cockpit pour fouiller le vaisseau volé ; il ne trouva rien qui ne soit clairement destiné à cet usage et qui ne lui paraisse pas pouvoir être utile à autre chose, mais il abandonna ses recherches en s'apercevant qu'une petite pièce du vaisseau fermait uniquement de l'extérieur. Il se contenta donc d'enfermer hâtivement les deux passagers avant de rejoindre le cockpit, car Landa l'informait déjà du retour imminent en espace réel.
-Leurs chasseurs sont encore à notre poursuite à coup sûr, prévint-il brièvement. L'avantage, sur ce vaisseau, c'est que nous avons des boucliers... Nous devrions peut-être miser sur eux pour repasser immédiatement en hyperespace, car je ne suis pas sûr que cet appareil soit de taille contre trois chasseurs... Pourtant, je sens que...
-Oui ? questionna Taltiruk, voyant que son compagnon ne terminait pas sa phrase.
-Je ne sais pas très bien, il y a quelque chose de bizarre... mais de positif, je crois... Allez, on sort.
Taltiruk ajouta une question à sa liste mentale... Néanmoins, ils seraient bientôt fixés quand au pressentiment de Landa, car le vaisseau crevait le voile de la vitesse-lumière pour émerger au milieu des étoiles...
-Les voilà, évidemment, annonça Taltiruk lorsque les trois chasseurs surgirent derrière eux.
Leurs adversaires ne perdirent pas de temps, ils entreprirent aussitôt de cerner le vaisseau oblong puis de tirer sur les boucliers... Le Wookie se mit aussitôt à chercher les commandes des turbolasers sur ce nouveau vaisseau...
-Ne riposte pas, prévint Landa en dépit de l'urgence de la situation. Je crois que ce n'est pas ce qu'il faut faire à présent... Ne donnons pas l'impression d'être agressifs...
Le chasseur de primes se contenta de faire piquer le vaisseau, une vaine tentative de semer leurs adversaires ; Taltiruk était une fois de plus totalement perdu vis-à-vis de son attitude... Cependant, il paraissait savoir ce qu'il faisait, cette fois... Mais il y avait autre chose, Taltiruk éprouvait une étrange impression depuis qu'ils étaient entrés dans ce système... Était-ce de cela que parlait Landa ?
Alors, il apparut. Il n'était pas sorti de l'hyperespace, oh que non, il s'était tout bonnement matérialisé devant eux ! Il était énorme, un monstre ovoïde couvert de plaques à l'apparence vaguement métallique, peuplé d'excroissance coniques sans véritable symétrie... Était-ce un vaisseau ? Taltiruk ne voyait pas ce que cela pouvait être d'autre, et pourtant, cette chose évoquait davantage une créature océanique qui aurait appris à survivre dans le vide interstellaire...
Landa ralentit aussitôt, mais les pirates eurent une réaction bien plus extrême : les trois chasseurs firent instantanément volte-face. C'était trop tard pour l'un d'entre eux. Un concentré d'énergie bleu-vert traversa l'espace en un instant depuis l'une des excroissances pour pulvériser l'un des chasseurs en fuite ! Les deux survivants quittèrent l'espace réel dès la seconde suivante.
Taltiruk, lui, en restait tremblant de terreur, toutefois il se calma vite, la dernière pièce d'un puzzle qu'il n'était pas conscient d'assembler se mit en place dans son esprit, et il sut à quoi ils avaient affaire... ce qui n'était manifestement pas le cas de Landa, le chasseur de primes donnait l'impression de se demander s'il était victime d'hallucinations.
-Mais qu'est-ce que c'est que ça ? interrogea-t-il, médusé. Qui a pu construire un vaisseau aussi épouvantable... et comment sont-ils arrivés...
-Je sais qui ils sont, le rassura gravement Taltiruk. Les moines Aing-Tii... Ce sont des utilisateurs de la Force très particuliers, j'imagine que c'est pour cela que nous avons senti leur présence. J'ai souvent entendu parler de leurs apparitions près de la faille de Kathol... Je sais qu'ils haïssent les esclavagistes ; s'ils savaient déjà à qui ils avaient affaire, ça peut expliquer leur attitude...
-Et qu'attendent-ils pour entrer en contact ?
-Peut-être leur vaisseau ne le peut-il pas, je crois d'ailleurs qu'eux-mêmes ne peuvent pas parler... Ah si, nous avons reçu un message, mais par écrit ! Ils disent... ils disent que nous sommes à bord d'un vaisseau d'esclavagistes ! Et ils demandent pourquoi nous les fuyons...
Le Rodien inclina doucement son museau.
-Dis-leur... la vérité, dis-leur que tu as été leur esclave, que je suis chasseur de primes, et que nous voulons les déloger d'Exocron où ils ont pris pied... Peut-être sentiront-ils immédiatement que nous ne mentons pas, je ne connais pas leurs pouvoirs...
Le Wookie allait taper le message de ses mains poilues, néanmoins il suspendit son geste.
-Tu ne crois pas que je devrais leur dire que nous avons des prisonniers ? Ça peut les intéresser...
-Il ne vaut mieux pas, non... Je préférerais que nous puissions les interroger nous-mêmes, tu comprends ? S'ils nous posent la question, on avisera, mais...
-Compris, approuva Taltiruk avant d'envoyer le message. Si les prisonniers nous répondent, nous les livrerons à la justice impériale ?
-Oui. Quelque chose me dit qu'ils préférerons cela à être livrés aux Aing-Tii...
La réponse ne se fit pas attendre.
-Euh... Ils disent qu'il est hors de question que des esclavagistes s'installent si près de la faille de Kathol et qu'ils sont tout disposés à nous aider contre eux ! Ils sont très en colère contre la dictature d'Exocron pour avoir laissé s'installer ces gens, eux-mêmes ne voulaient pas se mêler de leurs affaires par respect pour leur souhait de se tenir à l'écart de la Galaxie...
-Est-ce qu'ils veulent dire qu'ils ignoraient leur présence ? Ce serait étonnant pour des utilisateurs de la Force dotés d'une telle technologie !
-Je ne sais pas... Ils ne s'occupent pas vraiment de la Galaxie, d'après ce que l'on dit, ils sont très concentrés sur leurs recherches mystiques...
-En tout cas, ce serait une belle opportunité ! Toute la Horde des Vents Contraires serait immédiatement éradiquée... Dis-leur que nous serions ravis de libérer les prisonniers, qui se trouvent donc au sol ; dès lors, ils pourraient frapper sans danger...
-Mais, toucheras-tu la prime sur la tête des Tko'ra s'ils sont tués par une attaque massive des Aing-Tii ?
-Franchement, je ne suis pas sur qu'il restera de témoin qui puisse en parler clairement, et ce ne sont pas les moines qui vont aller réclamer la prime, d'après ce que tu me dis ! Et puis, peu importe, comme tu l'as dit, cette prime est faible.
-Euh, très bien... Ils disent... ils disent qu'ils sauront quand nous passerons à l'action !
-Je croyais qu'ils ne surveillaient rien sur Exocron ? Ils vont infiltrer des agents en si peu de temps ? Ou ils ont des dons de précognition qui s'étendent jusque-là quand ils veulent ?
-Je ne sais pas... En tout cas, ils sont d'accord, apparemment. Et ils n'ont pas l'air d'avoir envie de bavarder !
-OK... dommage, remarqua Landa, songeur. Nous allons encore avoir droit à une flopée de sauts en hyperespace, autant commencer tout de suite... »
Taltiruk patienta jusqu'au dernier saut, le plus long, pour ouvrir les hostilités ; anticipant les questions, Nuro l'invita à prendre place au sein du carré.
« Je n'ai pas rêvé ? demanda le Wookie, fébrile. Tu as bien appelé Watts
Aidan, comme ton ancien associé ?
Landa semblait pour le moins nerveux... son museau oscilla à toute vitesse.
-Oui. Oui, c'est lui.
-Et... c'est simplement de le retrouver là qui te perturbait à ce point ? Pourtant, tu t'y attendais, non ?
-Oh, je savais qu'il travaillait pour les Tko'ra, aucun doute là-dessus... mais c'est... enfin je ne sais pas, il représente tellement, c'est une contradiction si flagrante dans mon existence...
« Ce qu'il faut bien comprendre, c'est que au temps où il se faisait appeler Aidan Schult, du nom de mon maître qui l'avait adopté, Aidan n'était pas qu'un associé, il était comme un frère pour moi... On faisait une équipe formidable, on se connaissait à merveille, nous nous comprenions tout en étant suffisamment différents pour nous trouver intéressants, une complicité parfaite -sans mauvais jeu de mot ! Je n'avais jamais eu de véritable ami ni de famille avant de le rencontrer, à mes seize ans. J'étais un naufragé, je n'appréciais personne. Lorsque je les ai rencontrés, lui et Maître Kintam, ils sont devenus tout à la fois ma famille, mes amis et mes collègues. J'existais avec eux, je ne me concevais plus autrement, je ne voulais pas redevenir comme avant. Sans eux, je n'aurais plus été le même. Comme je te l'ai dit, Maître Kintam a fini par prendre sa retraite et il est mort naturellement... Oh, heureusement que Aidan était là, et heureusement que j'étais là pour lui... J'étais triste, mais je tenais debout parce que je savais que mon maître avait eu la vie qu'il voulait, et parce que Aidan, lui, était difficilement consolable, il fallait que je sois là. Rien de plus normal, mon maître l'avait sauvé et était devenu un véritable père pour lui, lui et moi étions tout ce qu'il avait -ni l'un ni l'autre, nous n'avons jamais fait grand cas des biens matériels ou des loisirs en tout genre.
« Savoir ce qu'il était devenu, c'était une chose, mais le retrouver là, un fantôme surgi de mon passé pour le dénaturer... C'est la deuxième fois que ça m'arrive, seulement, je n'y suis pas du tout habitué, et je t'assure que ça me rend dingue. Dingue ! Je n'arrive plus à penser à autre chose qu'à un flot inintelligible de souvenirs et de craintes mal formulés, je me met à trembler, à ne plus savoir quoi faire... J'ai peur. Peur de voir ce qu'il est devenu, ce qu'il pourrait me dire, ce qu'il pourrait faire qui détruise encore plus l'image que j'avais de lui. Je ne veux pas la perdre, cette image, tu comprends ?
-Plus ou moins... Je crois qu'il faut l'avoir vécu, mais je comprends que ce soit dur, oui. Je suis désolé que ça se soit fini comme ça, mais... il faut vivre dans le présent, non ? conclut maladroitement le Wookie.
-Ça, tu ne m'apprends rien... mais je ne l'aime pas, mon présent. Pire, je trouve qu'il n'est pas réellement moi, parce que je n'ai plus personne. Je n'ai plus personne, donc je ne suis plus personne. J'ai l'impression qu'il n'y a que dans le passé que j'existe véritablement. Je ne suis pas le même, seul. Tout ce qui me reste, pour ne pas ressentir ce néant qui m'engloutit tout entier, ce sont les souvenirs. Alors... « tourner la page » et autres expressions de ce genre que j'ai appris à détester à force de les lire et de les entendre à la recherche d'une solution, je trouve ça plus facile à dire qu'à faire ! Ou alors, c'est que finalement, je suis un lâche, un faible incapable de dominer ses émotions. Tu vois, les apparences peuvent être trompeuses !
Taltiruk était stupéfait de découvrir cette face sensible du Rodien, qui tranchait tant avec ce qu'il savait de lui, affichée sans la moindre nuance... Tous les êtres pensants devaient concilier les différentes facettes de leur personnalité, certes, on ne les connaissait jamais aussi bien qu'on ne le croyait, mais Taltiruk n'était pas sûr d'en avoir jamais vu un exemple aussi flagrant... Cela lui donnait envie de réagir, de dire au Rodien que si, il avait toujours quelqu'un parce que lui-même éprouvait une réelle admiration pour lui, que tout le monde avait ses faiblesses, mais il ne l'osait pas... et après tout, Landa n'avait-il pas dit lui-même à propos de Kyrdor que même s'il l'appréciait considérablement, il ne voulait plus appeler personne un ami ? De toute évidence, le fantôme d'Aidan planait à ses yeux sur toute amitié... Incapable de trouver quelque chose de plus adapté, il répondit finalement par une nouvelle question :
-Est-ce pour cela que tu as étudié la psychologie ? À la recherche d'une sorte de remède ?
Landa eut un petit rire désabusé.
-Ironiquement, non, c'était bien avant cela... Mais il faut que je te raconte comment Aidan et moi nous sommes séparés, justement à cette époque-là...
« Enfin, quand je dis à cette époque, cela a tout de même pris longtemps ! Comme tu t'en doutes, je me suis toujours questionné sur ma carrière de chasseur de primes ; mais comme Maître Kintam était quelqu'un de bien à mes yeux tout en exerçant ce métier et que mon expérience m'avait donné l'impression de ne rien savoir faire d'autre, eh bien, je m'y suis fait, mais je gardais perpétuellement une part de moi qui se demandait si c'était vraiment très sain pour moi, comme métier ! C'était moins le cas d'Aidan, car lui avait grandi entouré de violence et en marge de la société. Néanmoins, lorsque, à l'issue d'une de ces missions que nous accomplissions dorénavant à deux, il est venu me dire qu'il voulait au moins mettre en pause sa carrière, j'ai compris : il voulait changer parce qu'il n'arrivait plus à concevoir son métier sans notre maître... Je lui ai donc répondu que moi-même, j'avais pour projet d'essayer de faire des études afin de changer de carrière, et il a été décidé que nous allions laisser l'
Intransigeant à l'astroport, au moins pour un temps.
« Il n'a pas fallu plus de quelques mois avant qu'il devienne évident à nos yeux que cette pause serait définitive.. Tandis que Aidan s'était mis à travailler dans la sécurité privée, vendant ses conseils expérimentés aussi bien que ses muscles, j'ai entamé des études de psychologie ; pourquoi de psychologie ? Je n'en ai aucune idée. Peut-être que je souhaitais comprendre les gens ordinaires, moi qui avais toujours été à part. Ça m'attirait, et je n'ai pas été déçu par ce que j'apprenais. Hélas, c'est là que... enfin, j'ignore toujours si je dois dire « hélas », c'est une question qui n'a jamais quitté mon esprit depuis... c'est là que j'ai sympathisé avec une jeune humaine, étudiante comme moi, et très intriguée par ce Rodien solitaire ! Je n'avais rien fait de particulier pour me faire des connaissances, mais je ne sais pas, mon mystère la captivait. Et nous nous sommes appréciés ! Elle avait un esprit joueur rare chez les humains ! Je ne lui parlais pas vraiment de moi et réciproquement, pourtant, à force de jeux et de discussions, nous finissions par bien connaître nos caractères respectifs.
« Tu te doutes de ce que j'ai fait ensuite... Je l'ai présentée à Aidan. Une humaine hors du commun, il fallait qu'il la voit ! Ça l'intéresserait sûrement, et il avait besoin de relations sociales. Ah, ça, ça l'a beaucoup intéressé, pour sûr... Lentement mais sûrement, il a changé à son contact, je le voyais qui commençait à prendre goût à la vie comme il ne l'avait jamais fait jusque-là ; il était moins cynique, paraissait avoir tout oublié de son enfance, se laissait aller à exprimer ses sentiments comme il ne l'avait jamais fait auparavant... Il était tout simplement amoureux. Aidan était amoureux ! Et par chance, il lui plaisait également, je crois que tout le monde lui avait toujours paru terne autour de nous, elle menait une vie sans déboires mais... pas très vivante, justement. Ensemble, ils étaient heureux, et j'étais heureux pour eux.
-Attends... Ça ne la perturbait pas plus que ça d'avoir une relation avec un chasseur de primes ?
-Hélas, tu as mis le doigt sur le problème... Aidan ne lui a pas dit que nous étions d'anciens chasseurs de primes, et je le comprends. Je n'avais rien dit, Aidan non plus au début, nous pensions que ce n'était pas le moment, et après... après, ce n'était plus le moment. Ils se faisaient trop confiance pour que Aidan puisse encore le dire sans paraître l'avoir trahie ! Il lui a dit que nous nous étions rencontrés en voyageant sur des vaisseaux civils, et que nous avions voulu une vie plus stable, rien d'extraordinaire. Au fond, était-ce si important ? Elle voyait Aidan tel qu'il était, parce que le chasseur de primes avait disparu dès qu'elle était apparue. Aidan avait comme hérité son passé d'un autre. Alors, il est parvenu à reléguer cela à un coin de son esprit, et... et ils ont été heureux. Cela peut paraître incroyable, mais Aidan réfléchissait à fonder une famille, à présent. Leur bonheur était si contagieux que moi-même, je me demandais ce que j'attendais pour me trouver une jolie Rodienne ! Si j'avais ouvert un cabinet d'honnête psychologue, le tableau du chasseur de primes rangé aurait été parfait !
« Malheureusement, ça ne pouvait pas durer. Le mensonge, comme la violence, est une solution de facilité, de rapidité... Mais quand on aime quelqu'un, ça ne règle rien. Le plus petit mensonge implanté dans ton cœur se rappelle à ton bon souvenir chaque fois que celle que tu aimes montre quelle confiance elle a en toi ; il se nourrit de toutes ces vérités et le voilà qui grandit peu à peu en toi jusqu'à devenir énorme, jusqu'à devoir exploser... Il a fallu longtemps, mais, Aidan a fini par dire la vérité à celle qu'il aimait. Et là, ce sont nos trois vies qui ont volé en éclats, elle n'a pas pu le supporter... Je sais qu'elle a vraiment essayé de s'y faire, de se dire que le passé, c'était le passé, que cela ne l'avait jamais empêché d'aimer Aidan... mais rien à faire, l'idée qu'il avait tant de sang sur les mains, qu'il était capable de tuer de sang-froid, ça la perturbait trop, elle ne pensait plus qu'à cela malgré elle et cette pensée si horrible et incompréhensible pour elle prenait la place de son amour... Elle ne parvenait plus à le voir de la même façon... Aidan s'en rendait compte et il ne savait pas comment réagir, or tout ce qu'il tentait pour sauver leur relation ne faisait que mettre en évidence ce qui n'allait pas... Leur amour était sous perfusion ! Un jour, elle a décidé d'y mettre fin.
La voix du Rodien se brisa lorsqu'il expliqua :
-Je ne lui en veux pas, ça nous a tous détruits, mais je ne lui en veux pas... Elle a vraiment essayé d'aimer Aidan, ce n'était pas de sa faute si nous avions un tel passé ; cela nous paraît normal, mais ça ne l'était pas pour elle, évidemment non... J'ai gardé mon affection pour elle, moi. Cependant, il faut reconnaître qu'elle a fait les choses de manière inutilement brutale, et même lâche... Elle n'a rien dit en face d'Aidan, elle est partie un matin, ne laissant qu'un mot certes développé mais confus sur les raisons qui la poussaient à partir... Elle a brièvement répondu à un appel de comlink désespéré de Aidan, mais il ne savait ni quoi lui dire ni quoi lui demander sous l'effet de la panique, et elle n'a plus jamais répondu à quelque tentative de la contacter que ce soit après cela, qu'elle ait été de ma part ou de la sienne...
« Je te laisse imaginer l'effet sur Aidan. Il était anéanti... Elle lui avait fait entrevoir la possibilité d'une vie meilleure, avant de soudain l'en priver. Il avait coupé les ponts avec son passé pour bâtir sa vie avec elle, et elle était partie vivre sans lui. Entre la mort de Maître Kintam et sa rupture, il ne savait plus du tout à quoi se rattacher, il ne savait plus qui il était... Il avait changé trop brusquement, et ces changements n'avaient plus aucun sens sans
elle... Pire, il ne comprenait pas qu'elle l'ait quitté pour cela, il avait été le fils adoptif d'un chasseur de primes, n'avait jamais connu que la violence, et il avait abandonné tout cela pour elle... Le lui avoir avoué, c'était une preuve qu'il l'aimait... Néanmoins, dans le même temps, il avait du mal à oublier ses anciens sentiments pour elle, car la façon dont elle était partie ne lui avait pas laissé le temps d'apprendre à la voir autrement que comme celle qu'il aimait... Je peux te dire que ça le rendait cinglé, c'était atroce de le voir dans cet état. Je faisais ce que je pouvais pour l'aider, mais... ça ne suffisait pas... Piètre psychologue, en vérité...
« Et puis, un jour, exactement de la même manière qu'
elle l'avait quitté, il est parti. Brusquement, sans prévenir. Je me retrouvais tout seul, je me retrouvais tout seul pour la première fois depuis que Maître Kintam m'avait pris sous son aile ! C'était ce que je voulais éviter à tout prix ! J'avais du mal à ne pas lui en vouloir, mais il avait été mon ami, mon frère... et il était prisonnier d'une telle détresse... Étrange histoire d'amour qui nous a tous menés à la solitude et à la rancœur... je ne me suis pas laissé abattre, mais... il a fallu longtemps avant que ma solitude retrouvée cesse de me faire mal... et j'étais complètement perdu. Plus personne, plus d'objectif, plus aucun sens dans ma vie. Devenir un tranquille psychologue ? Quelle importance, si c'était pour être seul ?
Taltiruk hochait gravement la tête, ému, s'efforçant d'absorber toute cette sombre histoire... Il était touché, tant par ce que lui confiait le Rodien sur le passé d'Aidan et sur ses propres sentiments que par le fait d'être jugé digne d'une telle confidence. Mais peut-être Nuro cherchait-il simplement quelqu'un à qui parler, Taltiruk était arrivé au bon endroit au bon moment.
-Est-ce à ce moment-là que tu as choisi de redevenir chasseur de primes ?
-Pas vraiment, c'est plus compliqué que ça... Laissons cet aspect de côté. Ce qu'il faut savoir, c'est que... Aidan, lui, a refait parler de lui parmi les chasseurs de primes, plusieurs mois après m'avoir abandonné. Néanmoins, il avait pris le nom d'Aidan Watts, réutilisant son identité d'avant son adoption par Maître Kintam. Pourquoi cela ? Pour l'avoir revu une fois depuis, je sais qu'il ne veut plus entendre parler de moi, de l'
Intransigeant ou même de Maître Kintam... il veut rompre une fois pour toutes avec une vie qui ne lui a apporté que souffrance, du moins, c'est ce dont il est convaincu... Peut-être aussi que le nom de Watts symbolise pour lui une souffrance à laquelle il a renoncé à échapper.
« Il n'y a pas que cela qui a changé, naturellement. Il s'est mis à travailler pour toutes sortes d'individus peu recommandables, notamment les Hutts, alors que Maître Kintam s'était toujours refuser à accepter un contrat de ces crapules ; pire, on dit qu'à présent, il ne recule plus devant rien... Il n'avait jamais pris plaisir à tuer, en vérité, bien qu'il l'acceptait nettement mieux que moi ; mais à présent, on dit qu'il n'en a plus rien à faire, au contraire, il paraît être pris dans une spirale de mort et de destruction, incapable de s'arrêter... Je n'arrive pas à y croire. Je n'arrive pas à croire que mon ami ait fini ainsi, et j'ai de la peine à l'idée qu'il ait suffisamment souffert pour avoir changé à ce point. Voilà, c'est une très longue histoire, je n'avais sûrement pas besoin de t'en dire autant... ça compensera mes mystères jusque-là ! Mais je crois que ça valait le coup que quelqu'un l'entende, et tu m'as paru être quelqu'un qui soit à même de m'écouter... Ne m'en veux pas, tu as sûrement encore des questions, cependant je n'ai pas envie d'en dire davantage aujourd'hui...
C'était visible, Nuro donnait l'impression d'être en quelque sorte exténué émotionnellement, comme s'il revivait ces évènements qui l'avaient tant marqué ! Taltiruk le comprenait, ce qu'il racontait était bouleversant, c'était horrible de pouvoir ainsi ressentir la douleur de chacun des protagonistes de cette histoire tragique... Comme il était étrange d'imaginer ces deux chasseurs de primes qui avaient tant de fois bravé la mort être brisés par une histoire d'amour qui avait mal tourné... Chacun avait ses faiblesses, décidément...
-Je voudrais seulement savoir une chose, murmura le Wookie. Est-ce Watts que nous traquons, en réalité ?
-Oh que non ! Justement, je ne voulais surtout pas être à nouveau confronté à lui !
-Alors... qu'est-ce que tu cherches qui vaille la peine de courir ce risque ? Ce ne sont pas les Tko'ra que tu veux, n'est-ce pas ?
Nuro releva légèrement son museau en une tentative de sourire.
-Ça, c'est un mystère qui attendra un autre jour... »
Ce n'était peut-être pas plus mal, le chasseur de primes avait donné suffisamment à penser à Taltiruk pour aujourd'hui... Tout cela ne le rassurait pas, lui-même vivrait-il pareille tempête émotionnelle s'il échouait à sauver ses frères et sa sœur des pirates ?
Il ne pouvait laisser pareille chose arriver, car il n'avait aucune envie d'être à la place de Landa.