An -20, Guerre des Clones
Sio Elan sursauta quand le vaisseau quitta l'hyperespace pour regagner l'espace réel. Ses yeux se dilatèrent légèrement quand le tourbillon multicolore prit fin et les étoiles reprirent leur place. Désormais, elle pouvait apercevoir leur destination qui n'était plus qu'à quelques parsecs : Tsuore.
Une planète couleur sable, essentiellement désertique, dans les confins de la Bordure Extérieure. Hormis quelques groupes nomades, la planète était inhabitée. Sauf si on comptait l'usine de construction séparatiste, construite depuis peu.
L'arkanienne n'était pas habituée aux voyages dans l'espace. Hormis quelques missions qui l'avaient forcée à quitter le Temple, son expérience de la galaxie se limitait à Coruscant. Ce qui était déjà énorme en soi, avec les milliers d'espèces différentes qu'on y croisait.
Sio songea une seconde qu'à bord du navire où elle se trouvait, il y avait également près de deux mille soldats. Et si elle voulait être franche avec elle-même, cela l'impressionnait. Après tout, n'allait-elle pas se battre aux côtés de ces hommes ? Elle avait pour mission de les guider au combat. Ils comptaient sur elle. Et pourtant, elle n'était encore une padawan. Une padawan douée mais une padawan quand même. Le véritable leader de cette expédition était maître Celte Micha. Il s'occupait de Sio depuis son plus jeune âge et c'était un membre avisé de l'Ordre.
Sio aurait donné n'importe quoi pour un jour ressembler à son mentor.
Micha n'était pas le meilleur guerrier de l'Ordre mais il palliait ce point faible par ses capacités de leader et son humour à toute épreuve. Combien de fois Sio avait-elle entendu le rire rocailleux de son maître alors qu'ils faisaient face à une pluie de tirs ? Tant qu'elle ne pouvait pas les compter, aurait t-elle eu un cerveau de givin. Maître Micha ne baissait jamais les bras et était toujours persuadé que tout allait en s'arrangeant : il suffisait de s'en remettre à la Force.
La Force...un concept qui dépassait encore Sio malgré ses nombreuses années d'apprentissage. Elle en maîtrisait les bases mais était loin derrière de nombreux Jedi comme maître Yoda ou Windu. Elle se rendait bien compte de la chance qu'elle avait d'être une Jedi et de pouvoir aider les autres. Si Micha ne l'avait pas trouvée par hasard sur Arkania, nul doute qu'elle serait employée par une des nombreuses sociétés médicales de la planète. Et au lieu de ça, la voilà portant une bure marron et un sabre laser, prête à débarquer dans quelques minutes sur un monde désolé à la tête d'une petite armée clone.
En y repensant, ça lui donnait le tournis. La padawan ferma les yeux quelques instants pour méditer. Alors que son rythme cardiaque redescendait à la normale, une voix rauque la tira de ses pensées :
_Ça va, Sio ?
L'arkanienne se retourna, un sourire aux lèvres.
_Oui maître. Je vous remercie.
Micha s'approcha de sa padawan. Le kiffar était assez intimident : doté d'une bonne condition physique, ses cheveux noirs en bataille ses tatouages faciaux ne faisant qu'accroître le sentiment de puissance qu'il dégageait. Mais Sio savait que loin de correspondre à son image physique, Micha était un homme d'une grande gentillesse. Micha posa sa main sur l'épaule de sa padawan. Il sonda la Force une seconde et s'adressa à elle.
_Non. Tu es inquiète.
Sio se retourna volontairement pour fixer Tsuore. Elle ne voulait pas quitter des yeux leur objectif :
_Est-ce mal maître ?
_Non, dit le géant d'une voix douce. La simple formation de padawan est déjà très stressante. Si on ajoute à cela la guerre et la mission, tu dois ressembler à une boule de nerfs. Mais si j'étais toi, j'essaierais de me détendre.
_Me détendre ? Maître, le Conseil nous a chargés d'une mission de la plus haute importance. Les positions des droïdes sont certainement bien défendues. Je ne vois pas comment vous parvenez à rester calme ! Vous utilisez la Force ?
Micha haussa les épaules :
_Oui, un peu. Mais en vrai, ce qui m'aide à tenir, c'est le whisky correlien et les bâtons de la mort.
Sio fut éberluée. Elle croisa le regard du kiffar. Le visage de son maître était parfaitement sérieux. Si elle ne le connaissait pas aussi bien, elle n'aurait pas décelé la petite lueur malicieuse qui brillait au fond de ses yeux.
_Vous me faites marcher, murmura Sio en pouffant.
Le rire de Micha emplit tout le centre de commandement. Quelques soldats se retournèrent avant de retourner à leur occupation. L'arkanienne esquissa un demi-sourire. Elle aurait du s'y attendre de la part de Micha. La bonne humeur perpétuelle de son maître était légendaire. On disait même qu'il aurait été capable d'explorer les entrailles d'un dragon krayt en chantant.
Mais alors que craintes de Sio concernant sa mission passaient au second plan, quelque chose sembla étrange à l'arkanienne. Le rire de maître Micha avait changé. C'était toujours le même rire guttural mais pourtant, il avait changé. En y repensant, il avait changé depuis environ deux ans. Depuis la bataille de Géonosis...
Sio, comme beaucoup de padawans, n'avait pas accompagné son maître lors de la bataille. Et Micha était parti avec les deux cent autres maîtres. Et d'après ce qu'elle avait entendu, il avait failli y mourir. Il était revenu gravement blessé mais s'en était tiré. Sio l'avait pressé de mille questions mais Micha était resté silencieux. Il avait mentionné une « véritable apocalypse ». Et refusé d'en parler. Tout au long de la guerre, Sio avait essayé de nombreuses fois de convaincre son maître de parler mais s'était heurtée à un véritable mur. Elle avait fini par se faire une raison : son maître parlerait quand il serait prêt. Elle ne voulait surtout pas le brusquer. Et puis de toute façon, de telles préoccupations n'avaient pas lieu d'être. Elle devait se concentrer sur leur mission : se poser sur Tsuore et prendre l'usine séparatiste.
_Nous nous poserons sur Tsuore dans trente minutes, déclara le pilote clone.
_Parfait, reprit Micha en s'éloignant. Je vais aller me préparer dans ma cabine. Sio, je te laisse en charge jusqu'à temps que nous nous posions.
_Bien maître, lâcha la padawan, un peu inquiète de ses toutes nouvelles responsabilités.
Le calme de façade lâcha complètement l'arkanienne lorsque son maître quitta le pont. Machinalement, elle enroula sa tresse de padawan autour de ses quatre doigts. Un de ses tics quand elle était nerveuse. Et elle l'était. Et l'était encore plus que la fois où elle avait passé les Epreuves et que maître Micha l'avait prise comme padawan. C'était la première fois pour elle qu'elle partait sur le front. Bien sûr, elle avait déjà combattu avant la guerre, aux côtés de son maître. Mais là, ce n'était vraiment pas pareil.
Une série de bips significatifs déchira le silence du pont et prévint la padawan d'une communication qu'on tenait d'établir sur sa console d'holocom portable.
L'arkanienne posa l'objet cylindrique au creux de sa paume et appuya en son centre. Aussitôt, une image bleutée, grande de quelques centimètres, se matérialisa. Son interlocuteur était un humain pas très grand comparé aux standards de sa race. Il portait la tenue traditionnelle Jedi avec la capuche relevée. Une tresse de cheveux de couleur brune tombait jusqu'à sa clavicule. Il semblait fatigué et bien pâle -à moins que cela ne soit qu'un effet de l'holocom-. Son teint s'éclaira quand il vit l'arkanienne, à qui il adressa un salut de la main et un grand sourire.
Sio eut un sourire en reconnaissant son ami Derek Shiel.
Derek avait environ son âge et aussi loin que la padawan pouvait se souvenir, ils avaient toujours été amis. Sio se demanda un instant où pouvait se trouver Derek. Sans doute au Temple, dans le Jardin aux Mille Fontaines.
C'était leur endroit préféré de tout le bâtiment. Les deux padawans aimaient s'assoeir et discuter à côté de quelques unes des innombrables fontaines qui composaient le jardin. Derek lui avait un jour confier qu'il aimait cet endroit pour la paix qu'il procurait.
Et la Force savait qu'il en avait bien besoin. Le maître de Derek était mort au tout début de la guerre, sur Géonosis. Ni Sio, ni Derek ne savaient ce qu'y s'était vraiment passé. Derek fut un des nombreux orphelins de Géonosis et en fut très affecté.
Depuis lors, il rechignait à l'idée de servir à la guerre. Il désapprouvait fortement le fait qu'un Ordre censé garantir la paix et l'équilibre dans la galaxie soit employé comme belligérant.
Dans les couloirs du Temple, il se murmurait même que ses idées politiques s'approchaient de plus en plus de celles de la Confédération.
Mais Sio avait une grande confiance en son ami. Tant que Derek serait fidèle aux Jedi -et il l'était-, il ne trahirait pas la République.
_Bonjour Sio, murmura l'humain.
_Salut Derek, répondit gaiement l'arkanienne. Comment ça se passe au Temple ?
_Plutôt bien. Aucun frère ou sœur Jedi ne sont morts aujourd'hui, c'est une bonne nouvelle.
Sio ne savait pas s'il voulait rire ou non. Elle remercia la Force lorsque Derek changea de sujet.
_Et toi et maître Micha ? Vous en êtes où ?
La padawan se retourna vers la baie vitrée. Tsuore se rapprochait lentement.
_Nous sommes bientôt arrivés. Maître Micha ne s'attend pas à une forte résistance. Nous devrions en avoir fini avant la nuit.
Le visage de l'humain s'assombrit quand il baissa légèrement la tête.
_Sois prudente d'accord ? Je ne supporterais pas le fait de te perdre. On se voit bientôt. Que la Force soit avec toi.
_Et elle, avec toi, dit Sio avant de couper la console.
L'arkanienne resta un moment sans bouger, à penser à ce que lui avait dit Derek : « je ne supporterais pas le fait de te perdre »
Sio avait ressenti quelque chose d'étrange dans la voix de son ami. Comme un très fort attachement. Se pouvait-il qu'elle soit si importante à ses yeux ? Il était vrai qu'ils étaient amis depuis l'enfance. Et de son côté, Sio ne savait pas du tout comment elle ferrait si Derek venait à disparaître dans la guerre. Un trooper clone mit fin à ses réflexions :
_Navré de vous déranger madame, dit le clone en claquant les talons et en saluant. Le général Micha et le Colonel Etta vous attendent en salle de briefing.
Sio se tourna vers lui et le remercia. Le clone claqua encore les talons et salua une nouvelle fois avant de se retirer. Avec un soupir pour chasser son stress, Sio se rendit en salle de briefing.
Ses supérieurs attendaient.