Avec la sortie du DVD de La revanche des Sith, c’est l’occasion de relancer les analyses de séquence.
Bien que je n’ai pas aimé le film pour une multitude de raison, je trouve le premier plan très impressionnant et très bien mis en scène. Je propose donc une analyse :
On peut déjà noter que ce premier plan est particulièrement long, pour un plan à effet spéciaux : il dure deux minutes, et une minute si l’on ne compte pas le générique; Il est important de noter que le rythme du film et le rythme du montage sont deux choses très différentes : un montage rapide n’implique pas forcément un rythme endiablé, et dans ce cas précis, un plan long ne veut pas dire absence d’action.
Le plus simple est de faire dans l’ordre :
A propos du générique, au delà du fait qu’il situe rapidement l’histoire en introduisant le personnage de Grievous et en préparant le spectateur à une intense émotion, il place également le spectateur dans une vision « starwarsienne », en lui remémorant tout de suite les autres moments d’intenses émotions qu’il a pu ressentir. Le titre et le générique défilant est devenu un véritable objet en soit, ce qui y est inscrit est, d’un certain point de vue, devenu sans importance.
Comme nous le verrons, ce plan fonctionne beaucoup sur le rappel, sur les impressions qu’on pu accumuler les spectateurs, entre l’ancienne trilogie et la nouvelle.
A la fin du texte d’introduction, le spectateur est a nouveau aux aguets : la musique d’intro s’achève et l’on attend la nouvelle composition.
Celle ci commence par des battement de tambour sourds et lents, tandis que la caméra fait un panoramique haut-bas, se prenant le soleil levant dans les yeux. Puis apparaît un croiseur de la république. Sa forme nous est familière elle rappelle à la fois les croiseurs de l’Attaque des clones et les destroyer d’Un nouvel espoir, et laisse supposer le surarmement croissant et la mise en place de la force Impériale.
Il y a ici un fort contrast entre l’objet représenté, merveille de technologie, et la musique antique de tambour de guerre. Ce mélange donne l’idée que, depuis la nuit des temps, malgré la civilisation, la guerre, aussi moderne qu’elle soit, est l’expression de pulsion primitives et destructives envers autrui.
De ces tambours de guerre, on peut déduire aussi plusieurs choses : ils font échos à la bataille des Gungans, qui eux aussi utilisait des percussions pour rythmer leur marche. La Guerre des clones n’est que la répétition de cette bataille, mais en plus gros, plus lent et donc diluée dans le temps (les trois années de guerre, en fait). En se simplifiant, ce rythme tribal perd de son intensité, de son humanité et de sa spontanéité, comme si les raisons de la guerre, qui dans la menace fantôme sont clairement établie, se perdent ici en mettant en avant l’aspect purement mécanique.
Ces tambours sont-ils les bruits de la machinerie du croiseur, ou bien le battement de cœur des hommes qui partent au front ? Les deux, en fait, car tous les guerriers se sont fondus, dissolus dans cette énorme carcasse de métal qui devient une prolongation de leur esprit, une véritable créature artificielle mais vivante. Les tambours jouent également un air funèbre, comme si le croiseur se préparait à devenir un cercueil.
Dans l’idée de cette touche tribale, on note également le fait que le croiseur soit peint en rouge sur de large bandes, ce qui n’existait ni dans l’Attaque des clones, ni dans un nouvel Espoir. Ces bandes, que l’on peut imaginer comme les marques personnalisées de chaque vaisseau, à l’instar des clonetroopers, sont aussi l’expression de quelque chose de très primitifs, comme les indiens qui se peignaient le visage pour s’attirer les faveurs de leurs ancêtres et leur protection sur les champs de bataille. Les trois années de guerre ont ainsi fait ressurgir peu à peu des comportements plus primitifs de guerriers. Cette attitude est d’ailleurs présente également chez la CSI, ave une préférence pour le bleu : nous revoyons les croiseurs gigantesques de la fédérations déjà vus dans la Menace fantôme, mais sous un autre jour. Ils sont plus colorés, et oppose au sigle de le république leur propre blason-totem, comme pour s‘attirer eux aussi les faveurs d‘un quelconque dieu guerrier .
Cette teinte rouge, associé au soleil flamboyant et aux lumière de Coruscant, donne à ce début de plan, au delà d’une similitude avec la bataille de Géonosis, une température très élevée, une véritable fournaise, bien loin de la froideur de la bataille d’Endor, par exemple.
Le fait de montrer Coruscant donne tout de suite l’idée de la crise en cours. Auparavant, cet endroit était sans doute le seul où l’on pouvait être en sécurité. A présent, c’est dans son orbite que se déroule la guerre.
Plus largement, cette découpe très net entre les surfaces éclairées et les zones obscurs exprime l’idée de l’opposition entre la lumière et l’ombre, mécanique de tout l’univers Starwars.
Voilà comment le simple début du premier plan, aux apparences très simples, est incroyablement parlant.
L’irruption des deux chasseurs Jedi lance une nouvelle phase du plan. Ils entrent dans le champs par derrière la caméra, manquant de peu de percuter « l’opérateur virtuel ». On devine sans problème qu’il s’agit d’Anakin et d’Obiwan, qui viennent d’être cité dans le texte défilant. Leurs manœuvres sont en parfait harmonie, en opposition avec la troisième partie du film où ils deviendront deux antagonistes parfait, le bien et le mal.
Tandis que la caméra quitte son poste pour suivre les deux chasseurs, ces deux derniers, en se rapprochant du croiseur, mettent encore en avant sa dimension extraordinaire; Obiwan et Anakin le survole comme il pourraient le faire sur la surface d’une planète vallonnée. On retrouve l’émotion d’un survol d’une étoile noire ou d’un super destroyer impérial.
Avec eux retentit le thème de la force, tranchant avec les rythmes de tambour. Il évoque tout de suite une certaine poésie, une fraîcheur qui était absente du croiseur. Toutefois, ce thème est ici « contaminée » par les rythmes guerriers. On reconnaît bien le thème de la force, mais ici et là, quelques notes sont ajoutées, collées, transpercent la musique. Les tambours n’ont pas disparus . Un autre son, celui des petits tambours au rythmes saccadés, font écho à un niveau supérieur de l’art de la guerre, dominée par la discipline. On peut entendre de tels tambours dans les marches militaires de la guerre de sécession, par exemple.
Ainsi, les Jedi sont confortés comme étant les généraux de la bataille. Le thème de la force amène l’énergie et la spontanéité, une part franche d’humanité, appelant le croiseur à s’humaniser pour partir à la guerre.
La contamination du thème de la force par un aspect guerrier montre aussi la position ambiguë des Jedi dans cette guerre. Comment concilier leur idéal de paix et d’harmonie en prenant part à un tel conflit ? Le thème musical disparaît peu à peu, tente de revenir à l’avant plan, sous des formes déformées, ce qui laisse augurer la fin des évènements : La disparition des jedi à la suite de cette guerre.
Au bout d’un moment, les deux chasseurs plongent derrière le croiseur, donnant à la caméra bien du soucis pour les suivre. Quand elle les retrouve, c’est pour découvrir en même temps toute l’ampleur de la bataille et le nombre impressionnant de bâtiment qui y sont engagés.
Il s’agit là d’une « tricherie » de la mise en scène. Etant donnée la faible distance à laquelle nous nous trouvions auparavant du conflit, nous aurions du entendre les bruit de la bataille, et voir quelques autres bâtiments ou quelques tirs de laser. Mais cette tricherie passe bien, car très bien amenée : le bruit de la guerre apparaît soudain quand le thème de la force arrive à son point culminant, et l’opposition force-paix et harmonie/guerre-désharmonie et mort apparaît au grand jour. Il est important ici de noter que faire à tout prix une mise en scène réaliste n’est pas forcément la plus adaptés. Cette tricherie s’accorde en toute logique avec la volonté d’une progression , elle permet de figurer la mise en place sur le champ de bataille des croiseur, l’arrivée précipité des Jedis pour sauver le chancelier et l’entrée dans la bataille en quelques secondes.
En raison des mouvements de la caméra, il devient difficile de situer les deux chasseurs tellement les éléments de références sont énormes et disproportionnés entre eux (comme si vous avanciez en ne regardant que le ciel : On à l’impression de ne pas bouger).; Tout cela combiné donne le vertige et une certaine extase dans la démesure. Vertige conforté par le fait que les croiseurs sont en désordre, alors que quelques instants plus tard, tous les croiseurs républicains sont orientés, à nouveau, vers le fond de l’écran.
Quelques chasseurs ennemis et amis passent devant la caméra, sans se soucier des deux jedis : c’est l’idée d’une bataille totale, où chaque personnage poursuit ses propres but. Comme dans une réalité virtuelle, la caméra décide de se concentrer sur Anakin et Obiwan, en prenant comme par accident quelques éléments imprévus. Bien qu’ils soient placés par le réalisateur de manière tout à fait consciente, il faut donner l’impression que ce n’est pas le cas.
D’un point de vue sonore, outre l‘impact émotionnel qu‘il prend, comme nous l’avons vu, quand on prend en compte la musique, la multitude de bruit de laser très variés montre à quel déluge de feux titanesques nous sommes témoins. On perçoit même un son presque ancestral de mitrailleuse, qui nous plonge, avec le bruit typique de DCA, dans une ambiance très proche de la seconde guerre mondiale.
On trouve l’idée de la profusion de l’armement dans un passage suivant, où un croiseur républicain tire sur un ennemi de la CSI, au moyen d’un laser bleu intense et continu, un type d’arme qui n’était pas présent dans l’ancienne trilogie, sinon par le biais du tir de l’étoile noir.
Ce type de rayon a aussi été aperçu dans l’Attaque des clones, et y représentait un armement nouveau, moderne et particulièrement destructeur. Posé sur un croiseur, ce rayon montre la débauche d’armements utilisés pendant la guerre des clones, puis ensuite abandonnés; On devine que ce rayon devait être particulièrement puissant, mais aussi très gourmand en énergie et sans doute instable, puisqu’il a été « abandonné » dans l’ancienne trilogie. Comme si cette guerre engloutissait d’énorme richesses perdus ensuite, même pour l’Empire.
Revenons à nos deux Jedis : ils ont pour tâche d’aller sauver le chancelier, et doivent pour cela traverser le champs de bataille. Ils ne se soucient pas des combats alentours, considérant les explosions et les carlingues de vaisseaux comme autant d’épreuves d’un jeux mortel. Car dans leur attitude, il y a quelque chose de joueur. C’est même à une course que ce livrent nos deux valeureux guerrier. Ils agissent de concert, mais chacun tente de dépasser l’autre, filmés comme une course de voiture. C’est lors d’un de ces déplacement qu’est mis en relief, pendant un instant, le bruit de formule-un des chasseurs Jedi.
Pour Anakin et Obiwan, le temps de se trajet, il s’agit donc d’une compétition, loin du sérieux de la bataille qui les entoure. Les deux Jedis se confrontent, car au delà du simple lien maître-élève qui les unis, ils sont aussi de grands amis qui aiment se taquiner l’un l’autre. Mais ne sont-ce pas là aussi les germes du conflit qui aboutira au duel final, pour savoir lequel des deux est le plus fort ?
Notons le caractère particulier de la prise de vue : nous avons pu remarquer qu’elle suit les deux chasseurs, ou plutôt qu’elle tente de les suivre. Souvent, elle les perd de vue, puis les retrouve quelques instants plus tard. Les appareils sortent du cadre, y retournent brièvement, ressortent etc etc… A un autre moment, la caméra insiste sur un projectile qui heurtent un croiseur, comme pour prendre un détails imprévus.
Car cette caméra mobile, outre le fait qu’elle plonge le spectateur au cœur de l’action, dans une sorte de vue subjective (on est comme embarqué à bord d’un troisième chasseur), implique une conception presque « documentariste » de ce plan. Par les éléments fugaces qu’elle capte, volontairement ou involontairement, le fait qu’elle cherche à filmer le plus possible les deux chasseurs avec toute la difficulté que cela signifie, elle donne l’impression d’être la caméra d’un reporter de guerre, au cœur des évènement et soumis au même danger que les soldats, Il en ressort une impression de réalité très forte.
Pour finir, quelques mots tout de même sur la fin du plan, sur R2D2. On se raccroche enfin à un élément familier, rassurant. Le chasseur jedi d’Anakin rappelle, avec sa couleur dominante jaune et le petit astrodroïd, le combats qu’ils menèrent jadis contre la fédération à Naboo. Le petit garçon est devenu un puissant Jedi, mais le combat est toujours le même.
Maintenant, à vous la parole ! Êtes vous d’accord avec cette analyse ?