Bon, alors ça y'est, j'ai réussi à écrire un truc, une histoire que j'avais depuis longtemps dans la tête mais que je ne savais pas trop comment caser. Du coup, elle respecte les consignes du recueil mais en même temps, je sais pas si ça pourrait être une bonne base pour un scénario d'épisode, surtout que je reprends des éléments bien particuliers...qui vont vous apparaître familiers d'ailleurs.
Enfin...vous verrez bien.
L’Idéal du Chaos
Accoudés à la rambarde d’un large balcon circulaire qui offrait une vue spectaculaire sur Coruscant, deux jeunes hommes regardaient avec fascination les rayons du soleil décliner au loin, plongeant peu à peu Coruscant dans une quiétude illusoire. Les couleurs torturées du ciel participaient à créer une atmosphère étrange, association troublante de nostalgie et d’inquiétude. Et tandis que la nuit s’apprêtait à envelopper la ville tentaculaire dans sa grande cape noire, des milliards de lueurs apparaissaient les unes après les autres, petites lucioles perdues dans l’immensité de cette planète qui ne trouvait jamais le repos.
-Cette planète est magnifique, fit l’un des deux hommes, ses cheveux bruns légèrement soulevés par le vent frais.
-Oui, Coruscant est à jamais le joyau de notre galaxie, répondit l’autre, le regard comme perdu devant ce paysage sublime.
-Dommage que «Coruscant » n’existe plus…
L’homme aux yeux verts se retourna alors vers son ami, en fronçant les sourcils :
-Que veux-tu dire ?
-Coruscant n’est plus, seul vit le Centre Impérial.
-Ah…tu sais, qu’importe le nom de ce monde, il sera toujours le cœur battant de cette galaxie, son point central et même son âme!
-Même si cette âme est pervertie, dévorée par la cupidité et la tyrannie d’un homme ?
-Que veux-tu dire Korn ?
Korn Alders se redressa de la rambarde et désigna les immenses constructions qui s’étendaient à perte de vue :
-Deux mois…deux mois seulement que l’Empire s’est érigé sur les ruines de la République et n’as-tu pas remarqué à quel point nos vies ont changé, à quel point elles sont devenues différentes?
-Oui, bien sûr, la Guerre des Clones a pris fin, les Jedi que nous pensions être de nobles protecteurs se sont révélés être des usurpateurs…
-Arrête Nel…je ne veux pas parler de ça et tu le sais. L’Empire a changé les règles!
Nel Delar sourit légèrement avant de déclarer :
-Encore tes idées préconçues sur l’Ordre Nouveau ! Tu ne changeras jamais Korn, toujours à douter des politiques même quand ils incarnent notre seul espoir de salvation.
-Palpatine n’est pas l’homme que tu crois Nel. Je sais qu’il est un habile orateur et sait convaincre les gens de ses louables intentions. Mais je t’en conjure, ne sois pas dupe. Il nous conduira tous à notre perte. Cet homme est un tyran et bientôt nous en paierons tous le prix.
Cette fois ci, Nel sembla s’agacer et leva les bras vers le ciel étoilé :
-Oh je t’en prie, ne recommence pas. Tu es mon meilleur ami mais parfois tu ferais mieux de te taire.
-Je vais avoir rapidement l’occasion de me taire Nel, car je ne pourrai plus exercer mon métier, et toi non plus.
-Et ça recommence…
Cette fois ci, Nel quitta le balcon et entra dans une vaste pièce plongée en partie dans l’obscurité. Celle-ci était en fait une grande plateforme de bureaux modernes, sur lesquels des ordinateurs derniers cri somnolaient en produisant de légers bourdonnements réguliers. Au dessus d’eux, de grands écrans géants avaient été accrochés au plafond et retransmettaient des informations venant de toute la galaxie. Sur la droite, on pouvait discerner les portes en acier brossé d’un turbolift tandis que sur la gauche, un long couloir au sol molletonné menait à d’autres bureaux, individuels ceux là.
Korn rattrapa Nel et l’agrippa par le bras, le forçant à se retourner. Puis il continua d’une voix assurée :
-Allons Nel, tu ne peux pas ne pas l’avoir perçu. Jour après jour, le Sénat vote de nouvelles lois plus restrictives pour nos libertés. A chaque instant, des arrestations sommaires ont lieu partout sur ce monde sous des prétextes fallacieux. L’opposition est muselée et n’ose plus s’opposer à Palpatine de peur de s’attirer son courroux…Et la situation ne va pas s’arranger, crois-moi. Nous-mêmes, sommes en danger ! Si on ne rentre pas dans le rang, nous sommes condamnés à disparaître.
-Ne dis pas n’importe quoi…S’exclama Nel en se saisissant du journal du jour qui traînait sur un bureau.
Korn s’approcha et désigna le titre à la une :
-Combien de temps crois-tu que l’Empereur nous laissa écrire de telle chose ? Penses-tu sincèrement qu’il acceptera la moindre contestation ?
Nel souleva les épaules avant de déclarer d’un ton las :
-Je t’avais bien dit de ne pas parler de ces prétendues pressions au Sénat…ça va nous attirer des ennuis.
-Ca ne devrait pas ! S’emporta Korn
Nel déclara alors en fronçant les sourcils :
-Mais qu’est ce que tu as ce soir, je te trouve bien tendu!
Korn fit alors un pas en arrière avant de se passer nerveusement la main dans les cheveux.
-Je…j’ai mis la main sur quelque chose…Je sais pas trop ce que ça pourrait impliquer mais c’est…c’est potentiellement destructeur pour Palpatine !
-Quoi, attends, je comprends pas, de quoi tu parles là ?
-C’est une vidéo…que je me suis procurée de façon plus où moins légale et…
-Quoi…allez parle !
-Ca a été enregistré par une caméra de sécurité qui n’était pas censée se trouver là et on y voit Palpatine discuter avec un hologramme…
-Oh, superbe, c’est ça ton scoop ! Je vois déjà la une de demain…on va faire un carton avec ça !
-C’est un hologramme du Comte Dooku, déclara Korn à voix basse, comme s’il avait peur d’être écouté.
Le visage de Nel sembla comme se décomposer. Il déglutit avec difficulté tandis que sa peau devenait de plus en plus pâle. Enfin, il lança d’une voix tremblante :
-C’est…ce n’est pas possible.
-Et pourtant ça l’est. La date de l’enregistrement est formelle, cette discussion s’est tenue avant la Bataille de Coruscant, peu de temps avant l’enlèvement de Palpatine par le général Grievous, le sbire du Comte Dooku.
Nel se ressaisit alors et lança en se dirigeant vers le turbolift :
-Bon, allez ça suffit, j’en ai assez entendu, je refuse de croire que l’homme qui nous a mené à la victoire était en fait lié aux Séparatistes. C’est absurde !
Korn agrippa son ami par le coude et le força à pivoter sur lui-même une fois encore. Puis il assura en le regardant droit dans les yeux:
-Viens dans mon bureau, je vais te montrer.
Les deux hommes s’engagèrent alors dans le long couloir, passant sous le célèbre logo de la Tribune Galactique.
***
Nel ressortit un quart d’heure plus tard du vaste bureau du rédacteur en chef de la Tribune Galactique, la mine sombre. Les deux hommes s’immobilisèrent dans le couloir désert avant que Nel n’assure en tenant son ami par les épaules :
-Bon écoute, cette vidéo ne prouve rien du tout. L’image est de piètre qualité, l’angle de vue peu révélateur et en plus, on n’entend même pas clairement ce qu'il se dit. Et je refuse de croire que ce type encapuchonné à l’air lugubre, soit Palpatine. Si ça se trouve, tout ça n’est qu’une mascarade !
-C’est pourtant bel et bien l’Empereur, il a la même stature, adopte les mêmes attitudes ! Et surtout n’as-tu pas reconnu l’antichambre de son bureau au Sénat ?
-Ouais…peut-être. Mais ça ne prouve rien !
Nel sembla réfléchir quelques secondes avant de reprendre :
-Mais je t’en conjure, ne fais rien que tu pourrais regretter amèrement. Je sais que c’est toi qui décide de la ligne éditoriale du journal, mais si tu parles de cette…vidéo, les répercussions pourraient être terribles!
-Pour l’Empereur, certainement !
-Non, pour nous ! Tu disais toi-même tout à l’heure que Palpatine est puissant, il ne te laissera pas faire, il fera tout pour te décrédibiliser et la Tribune Galactique avec toi. Tu ne peux pas faire ça, tu n’as pas le droit de condamner tous les journalistes qui travaillent ici.
-Mais je dois parler ! Si je me tais, je cacherai peut-être un des plus grands complots de l’histoire. Palpatine est un homme profondément mauvais Nel, un despote qui va mener cette galaxie à sa perte ! Je ne peux pas cautionner ça, je dois agir ! Agir au nom de la liberté, au nom d’un idéal bafoué !
Nel Delar inspira profondément avant de faire quelques pas en arrière et de fermer lentement les yeux. Quant il les rouvrit, une froide détermination était apparue au fond de ses pupilles :
-Alors tu en assumeras seul les conséquences.
Puis il partit et se dirigea vers le turbolift, laissant le rédacteur en chef de la Tribune Galactique à ses doutes et ses sombres pensées.
***
Le lendemain…
Les portes du turbolift s’ouvrirent rapidement, dévoilant le hall animé de la Tribune Galactique. De nombreux journalistes et pigistes allaient et venaient, la plupart portant des documents comme des articles en cours de rédaction. Devant le turbolift, se trouvait l’accueil du journal, formé par un grand comptoir circulaire derrière lequel s’activaient deux charmantes Twi’lek. Une salle d’attente avait été aménagée à gauche, agrémentée de luxueux fauteuils en cuir et d’une table basse en verre. Sur les murs, des cadres renfermant les plus belles unes du journal avaient été disposés à intervalles réguliers.
Contrairement à son habitude, Korn ne s’attarda même pas devant la magnifique vue que les baies vitrées offraient sur les griffes ciels environnants. Il fut aussitôt alerté par la grande tension qui semblait régner au sein du journal. Celle-ci était palpable puisque aucun journaliste ne discutait où ne criait les dernières nouvelles comme à l’accoutumé, chacun se contentant de s’activer à ses tâches, le regard baissé. Fronçant les sourcils, le rédacteur en chef s’aperçut alors que ses collaborateurs affichaient une mine sombre et défaite. Korn s’avança, l’air intrigué, et soudain s’immobilisa. Il venait de lever les yeux vers le mur sur lequel était affiché le nom du journal et son slogan désormais célèbre dans toute la galaxie : « L’information partout pour tous ». Un logo et un slogan qu’il avait appris à aimer pour tout ce qu’ils représentaient pour lui. A vrai dire, ils avaient même été l’incarnation de sa vie durant les dernières années, sorte de bouée de sauvetage dans une vie manquant cruellement d’intérêt. Oui, Korn en avait conscience, ce journal constituait quelque part la famille qu’il n’avait plus. Mais ce qu’il vit ce jour là provoqua chez lui un déchirement indescriptible et une accélération brutale des battements de son cœur.
Des ouvriers étaient en train d’arracher le logo, le jetant à terre sans ménagement, comme le symbole de la fin d’une ère, incarnation suprême d’une époque révolue. Pire encore, une autre série de lettres avait été apporté, affichant un nouveau nom dans une couleur rouge foncée : La Tribune Impériale. Désemparé pendant quelques instants, Korn se mit soudain à sprinter dans les couloirs du journal, sous les yeux attristés des secrétaires Twi’lek, et bouscula au passage certains de ses collaborateurs qui ne bronchèrent même pas. Korn voulut se précipiter dans le bureau de Nel, mais celui-ci en sortit justement au même instant et referma la porte derrière lui. Le journaliste déglutit avec difficulté alors que Korn hurlait :
-Nom de Dieu Nel, tu vas me dire ce que c’est que ce bordel ? Pourquoi change t-on le nom du journal et son slogan ?
Voyant que Nel hésitait, Korn s’approcha de lui et cria de nouveau :
-Pourquoi ? Réponds-moi !
-La…nouvelle est tombée cette nuit.
Nel marqua une pause, regarda vers le sol, visiblement mal à l’aise, avant de poursuivre d’une voix hésitante :
-L’Empire a racheté le journal. Les actionnaires n’ont pas eu le choix, nous ne sommes plus à fonds privés, nous dépendons à présent du bon vouloir de l’administration Impériale.
Ce fut comme si Korn venait de recevoir un coup de poignard en plein cœur. Il tituba et recula, jusqu’à ce que son dos ne rencontre le mur tapissé du couloir. Il cligna des yeux plusieurs fois avant d’expirer brutalement. Puis il se ressaisit et foudroya son ami du regard :
-Tu sais ce que cela signifie ?
-Je…
-Tu te rends compte que nous sommes au bord du précipice !
-Ne dis pas ça Korn, nous sommes des journalistes talentueux et nous mettrons dorénavant ce talent au service de l’Empire.
-Nel, nous sommes morts ! S’époumonna Korn, si bien que les autres journalistes s’immobilisèrent pour assister à la confrontation.
Korn poursuivit :
-Nous ne sommes plus indépendants à partir de maintenant. Et quelle va être leur première action d’après toi ? Ils vont purger ce journal des éléments « perturbateurs », ceux qui ne rentrent pas dans leurs critères bien établis, ceux qui ont refusé de se plier à la Pensée Unique Impériale ! C’en est fini de nos idéaux d’indépendance et de neutralité ! Nous ne sommes plus des journalistes, nous sommes des pions au service de Palpatine !
-Korn, réfléchis, nous devons composer avec l’Empire. Il est le seul avenir possible de cette galaxie. La République corrompue ne pouvait nous apporter que l’instabilité et les ténèbres. L’Empire, oui, seul l’Empire peut nous sauver du désastre. A partir d’aujourd’hui, que tu le veuilles ou non, l’Empire prévaut !
Korn s’avança de nouveau vers son ami et une lueur d’inquiétude passa furtivement dans ses yeux. Aussitôt, il demanda :
-Qui va devenir rédacteur en chef de cette…Tribune Impériale ?
-La question n’est pas là, je t’en conj…
-Qui ? S’égosilla de nouveau Korn.
Nel ne put alors s’empêcher d’afficher un sourire de satisfaction :
-Pas toi en tout cas.
-Nel, qu’est ce que tu as fait ? S’inquiéta brutalement son ami.
-J’ai essayé de t’avertir hier mais tu ne m’as pas écouté ! J’ai essayé de te prévenir que tu ne devais pas combattre l’Empire, que tu perdrais forcément cette lutte, mais tu n’as pas voulu me croire. J’ai voulu t’ouvrir les yeux, mais tu as refusé ! Ce n’est pas ma faute, tu t’es toi-même mis dans cette situation inextricable.
Korn ne répondit pas. Il venait de remarquer qu’un silence imposant s’était emparé des lieux, renforçant l’impression de malaise. Le rédacteur en chef regarda alors vers sa droite et vit que plusieurs journalistes s’étaient approchés des baies vitrées pour regarder ce qu’il se passait dans la rue, des dizaines d’étages plus bas. Korn sentit que son cœur faisait un raté quand toutes les pièces du puzzle s’assemblèrent enfin dans son esprit. Mais avant qu’il n’ait pu prononcer le moindre mot, un des journalistes se retourna vers lui, l’air grave et dépité. Et il prononça ces deux simples mots :
-Ils arrivent…
Korn se rua alors vers son bureau, écartant auparavant Nel de son passage qui le suivit aussitôt à grandes enjambées. Le rédacteur en chef, les mains moites, alluma son ordinateur et se saisit d’une datapuce qu’il inséra fébrilement dans son graveur de données. Pendant ce temps là, Nel s’arrêta sur le pas de la porte et cria :
-Ils veulent juste la vidéo ! Donne leur la vidéo et tu seras libre !
-Alors mon « ami », qu’est ce qu’ils t’ont promis en échange de ta trahison, hein ?
-Je t’en prie, réfléchis, il n’est pas encore trop tard ! Arrête tout tant qu’il en est encore temps.
-Qu’est ce qu’ils t’ont promis ? Hurla de nouveau Korn tandis que le téléchargement des données commençait.
-Je suis chargé de diriger la Tribune Impériale…mais tu peux rester dans l’équipe si tu le souhaites, il suffit que…
-Non ! Contrairement à toi, je resterai jusqu’au bout fidèle à mon idéal.
Tandis que les deux hommes s’affrontaient dans cette joute verbale, le turbolift grimpait dans les étages, se dirigeant tout droit vers les locaux de la Tribune Galactique.
Dans le bureau, le chargement de la vidéo en était à cinquante pourcent au moment où Nel se décida à poursuivre son offensive :
-Ecoute moi, ils m’ont promis de te laisser libre si tu leur remettais la vidéo.
-Et tu les as cru ? Tu penses sincèrement qu’ils me laisseront vivre après ce que j’ai vu ? Je suis un homme mort Nel, et c’est toi qui m’as condamné…
Soixante dix pourcents…le turbolift s’immobilisa et les portes s’ouvrirent lentement, révélant une escouade de stormtroopers lourdement armés.
-Je n’arrive pas à croire que tu ais pu me vendre à l’Empire. Je croyais que tu étais mon ami !
-Et je le suis encore, j’ai fait ça pour toi, pour t’empêcher de t’égarer. C’est ta dernière chance, jure fidélité à l’Empire, tu n’as pas le choix.
Korn releva les yeux de son écran et marmonna avec colère :
-On a toujours le choix.
Quatre-vingt pourcents…les soldats de l’Empire se déployèrent dans les locaux de la Tribune, leurs longs blasters noirs pointés devant eux.
-Allez, plus vite, plus vite ! Souffla Korn en voyant la barre rouge de téléchargement avancer lentement, trop lentement.
-Je ne peux pas te laisser partir avec cette datapuce Korn, ne m’oblige pas à utiliser la force.
-Alors plus rien n’a de valeur à tes yeux, hein, tu es prêt à tout ?
-Je compte bien avoir un avenir, contrairement à toi.
-Je préfère mourir libre que vivre en esclave…
-Mourir, oui, c’est ce qui va t’arriver.
Quatre-vingt dix pourcents…les stormtroopers empruntèrent le long couloir qui menait aux bureaux individuels, sous le regard haineux des journalistes de la Tribune Galactique.
-Pour la dernière fois, donne leur cette foutue vidéo !
-Non !
-DONNE LEUR LA PUCE ! Cria tout à coup Nel en saisissant violemment Korn par le col et en le plaquant contre un mur qui trembla.
L’ordinateur émit un petit bip, signalant que toutes les données avaient été gravées. Rassemblant ses forces et son courage, Korn se départit de l’emprise de Nel et le repoussa. Celui-ci heurta une table basse et bascula à la renverse dans une plante verte. Korn en profita pour retirer la datapuce de son ordinateur et se précipita vers la sortie de son bureau. Mais Nel se releva d’un bond et se mit en opposition :
-Ne fais pas ça ! Je t’en conjure, ne fais pas ça !
***
Le stormtrooper le plus avancé ralentit l’allure en entendant les bruits sourds qui venaient d’un des bureaux. Soudain, il vit Nel être propulsé en arrière et aller heurter le mur du couloir de plein fouet, le visage ensanglanté. Puis Korn apparut à son tour, tenant dans sa main droite une datapuce. Voyant le soldat de choc, Korn se rua dans la direction opposée, vers sa seule échappatoire possible. Le stormtrooper mit aussitôt en joug l’ancien rédacteur de la Tribune Galactique et s’apprêta à faire feu. Mais à l’instant précis où il allait presser la gâchette, un journaliste se jeta sur lui et releva le canon de l’arme en criant :
-Non !
Le laser fusa et passa un bon mètre au dessus de Korn qui se baissa par réflexe avant de poursuivre sa course folle. Le stormtrooper repoussa le journaliste qui était intervenu et lui asséna un puissant coup de crosse sur le crâne, l’assommant sur le coup. Puis il se retourna vers les autres membres de son escouade et lança d’une voix parfaitement maîtrisée :
-Suspect en fuite vers les escaliers. Nous allons l’intercepter. Avec moi !
Les soldats s’élancèrent tous en même temps dans le couloir, martelant la moquette grise de leurs pas lourds et passant à vive allure devant Nel qui s’était affalé sur le sol.
Pendant ce temps là, Korn poussa violemment la porte métallique des escaliers de service et s’élança sans réfléchir, le cœur battant la chamade, les membres tremblants…
***
Nel tenta d’arrêter le flot de sang qui s’écoulait de son nez mais n’y parvînt pas. A l’évidence, Korn avait un bon uppercut. C’est alors que le nouveau rédacteur de la Tribune Impériale sentit une présence à ses côtés. Il releva les yeux et vit un homme portant l’uniforme des officiers de l’Empire s’approcher. L’homme, blond, était grand et costaud, mais surtout possédait un impitoyable regard de glace qui faisait froid dans le dos. L’homme s’accroupit à côté de Nel et lui dit d’une voix moqueuse :
-A l’évidence, cela ne s’est pas passé exactement comme vous l’aviez prévu.
Nel se força alors à affronter le regard pénétrant de son interlocuteur et répondit :
-A l’évidence, commandant.
***
Dévalant les escaliers trois à trois, Korn, les yeux écarquillés par la peur, tenta encore d’accélérer, mais sa course lui meurtrissait déjà les chevilles et il craignait de s’effondrer d’un moment à l’autre s’il ne prenait pas garde. Bondissant sur le palier d’un étage avant de se précipiter de nouveau dans les escaliers, il entendit alors au dessus de lui les soldats de l’Empire qui ouvraient la porte dans un fracas métallique avant de se précipiter à sa poursuite. Ayant l’impression qu’un véritable troupeau s’était lancé à ses trousses, Korn comprit que les stormtroopers étaient nombreux. Des cris se firent alors entendre juste au dessus de lui:
-Arrêtez-le ! Coûte que coûte ! Allez allez, bougez vous !
Korn avait un peu d’avance mais face à des soldats surentraînés, il savait pertinemment qu’elle risquait de fondre comme neige au soleil. Il avait déjà l’impression que ses bourreaux se rapprochaient inéluctablement, leur pas martelant les marches grises. Les poumons en feu mais la peur lui donnant des ailes, Korn accéléra encore la cadence, sautant littéralement les marches quatre par quatre. Il bondit sur un nouveau palier et reprit aussitôt sa course. Soudain, il sentit sa cheville droite se dérober et se rattrapa in extremis à la rambarde, son bras droit la heurtant violemment. Il se ressaisit tant bien que mal en grimaçant et reprit sa course effrénée, même s’il venait de perdre un temps inestimable et que les troupes de l’Empire pouvaient à présent le voir :
-Stop ! Ne bougez plus ! Hurla un stormtrooper.
N’obtempérant pas, Korn essuya d’un revers de main la sueur qui ruisselait dans ses yeux avant d’avaler un nouveau palier. Tout à coup, osant une acrobatie improbable, un soldat impérial sauta par-dessus la rambarde de l’escalier et retomba lourdement en équilibre juste devant Korn qui écarquilla les yeux de stupeur. Mais ayant atterri à l’angle d’une marche, le soldat vacilla et le fuyard en profita. Korn rua l’épaule en avant et percuta de plein fouet le stormtrooper qui bascula en arrière, dévalant une bonne dizaine de marches avant d’heurter durement un palier. Korn se baissa juste assez pour récupérer le fusil blaster noir et reprit sa course, le souffle court, laissant derrière lui le soldat inconscient étendu sur le sol.
Au bord de l’épuisement, Korn se rendit compte qu’il avait encore quinze étages à dévaler avant de pouvoir sortir du building et s’échapper. Sentant que des soldats s’approchaient dangereusement de lui, Korn pivota sur lui-même et ouvrit le feu, cueillant un stormtrooper au niveau de la poitrine. Le soldat poussa à peine un cri de souffrance avant de heurter la rambarde et de s’affaler dans les escaliers, emportant dans sa chute un de ses camarades. Un ordre s’éleva alors des poursuivants restants :
-Stoppez-le avec des rayons paralysants!
Aussitôt, une pluie de lasers s’abattit sur Korn, la plupart finissant dans le mur juste derrière lui. Sentant ses forces s’amenuiser, le journaliste ralentit un court instant. Ce fut suffisant pour que le soldat juste derrière lui n’ouvre le feu et l’atteigne entre les omoplates. Korn sentit tout à coup ses membres s’engourdir et alors que ses bras tremblaient, ses jambes refusèrent de le porter plus loin. C’est en pivotant sur lui-même pour faire face au danger que le fugitif s’écroula, son dos allant heurter brutalement le mur en ferrobéton. Parvenant difficilement à lever le bras, Korn tira et toucha le soldat au niveau de l’épaule, le faisant vaciller. Basculant par-dessus la rambarde de sécurité, il s’effondra dans les marches, se brisant la nuque sur le coup. Mais le journaliste ne prêta pas attention au craquement sinistre des vertèbres car un autre stormtrooper venait de l’atteindre avec un tir paralysant. Les bras ballants, Korn tenta de faire un mouvement mais le stormtrooper, arrivant élancé, lui asséna un coup de pied en plein visage. Alors que le sang giclait du nez du journaliste, les autres soldats accoururent et l’encerclèrent, pointant leurs longs blasters à quelques centimètres de son visage :
-BOUGE PAS !
-TU FAIS UN GESTE ET JE TE BUTE !
-ORDURE! Lui cria un autre.
Mais Korn ne faisait plus attention aux insultes, pas plus qu’il ne réagit lorsqu’on le tira de force, ses jambes traînant dans les escaliers.
***
Korn était maintenant adossé à un mur, tentant désespérément de reprendre son souffle, le visage tuméfié et dégoulinant de sang. Plusieurs stormtroopers se tenaient prêts de lui, leurs armes pointées vers sa poitrine, au cas où le prisonnier aurait tenté quelque chose d’inconscient. C’est alors que deux soldats de choc s’écartèrent pour laisser le passage au commandant de l’escouade qui s’arrêta juste devant Korn. Celui-ci releva tant bien que mal les yeux pour dévisager son interlocuteur. Le commandant fit une grimace de dégoût avant de déclarer d’une voix puissante :
-Vous ne pensiez tout de même pas nous échapper ?
Korn ne répondit rien. Le commandant au regard de glace vit alors que le journaliste tenait toujours la datapuce dans sa main droite. Délicatement, l’impérial posa son pied sur la main avant d’appuyer de plus en plus fort :
-Je crois que vous n’avez plus besoin de ça.
-Je…aïe…aaaaaah…
Les phalanges craquèrent de façon sinistre et Korn laissa la datapuce lui échapper. Le commandant se baissa alors et la récupéra avant de sourire légèrement :
-Tout ça pour ça…vous pensiez réellement que quoi qu’il puisse y avoir sur cette vidéo, cela aurait pu faire chuter l’Empereur ?
-J’étais prêt à prendre le risque.
-A l’évidence. Mais vous avez échoué et vous allez devoir en payer le prix.
Le commandant détourna pendant quelques secondes les yeux de sa victime pour voir Nel Delar approcher, solidement escortés par deux stormtroopers :
-Je vais vous dire une chose essentielle. L’Empire a besoin des médias. Il doit par tous les moyens orienter l’information, diffuser des messages précis qui glorifieront notre Empereur et son action. Votre ancien journal était pathétique dans sa soi disante neutralité. Vous n’étiez même pas capables de comprendre la nécessité absolue de soutenir le pouvoir en place dans une situation de crise sans précédent. L’Empereur ne peut pas se permettre de laisser un contre pouvoir lui nuire. Il doit le diriger, l’utiliser à bon escient pour s’assurer le contrôle de l’esprit des citoyens impériaux. Vous comprenez cette nécessité ? La stabilité par l’obéissance aveugle ! La loyauté par la glorification de l’Empire ! L’avenir par le contrôle absolu du présent ! Avec l’aide des médias, Palpatine constituera une société sans contestation, sans complainte, sans dérive. La Tribune Galactique ne pouvait pas servir cet idéal, la Tribune Impériale le fera à sa place.
Korn rassembla alors ses forces pour déclarer d’une voix faible :
-C’est vous qui n’avez rien compris…la main mise absolue, le pouvoir despotique, le musellement des voix dissidentes mèneront l’Empire à sa perte. La contestation ne sera plus visible, elle sera dissimulée, latente, gagnera en puissance et jaillira au moment crucial pour détruire votre Ordre Nouveau. Votre idéal est nauséabond, il sera le point focal de votre déroute inéluctable. Pour vous, ce sera l’idéal du chaos.
Le commandant se tut pendant quelques instants avant de répondre :
-Croyez moi, vous ne colporterez jamais ces idées subversives.
En une fraction de seconde, il dégaina son blaster et fit feu à bout portant. Le laser explosa la boîte crânienne de Korn qui s’écroula lamentablement sur le côté, laissant sur le mur une grande trace ensanglantée. Puis le commandant pivota vers Nel qui était horrifié, les yeux écarquillés de stupeur :
-Et vous non plus, n’est-ce pas ?
Nel déglutit difficilement avant de bredouiller :
-Non…non…je travaillerai pour la gloire de l’Empire.
-J’en suis heureux.
Il y eut un bref silence, vite rompu par l’arrivée d’un stormtrooper tenant dans ses mains un filmplast :
-Commandant Faraday, voici la liste des éléments de la Tribune Galactique désignés comme dangereux par les services de renseignements.
L’impérial s’en saisit, la parcourut rapidement, avant de la présenter à Nel. Celui-ci y jeta un coup d’œil, une goutte de sueur ruisselant le long de sa tempe droite :
-Ce sont tous…de bons éléments.
-Pas pour nous.
Le commandant fit alors un geste de la tête à son escouade qui se mit aussitôt en mouvement, remontant avec rapidité et agilité les escaliers afin de retourner dans les bureaux de l’ancienne Tribune Galactique.
Aldwin Faraday regarda alors Nel dans les yeux et lança d’une voix joviale :
-Une nouvelle ère commence mon ami ! Et vous serez un des ses inestimables artisans. Soyez sur que je lirai le premier numéro de la Tribune Impériale avec intérêt. Grand intérêt. Ne me décevez pas.
Et il s’éloigna, laissant Nel à ses sombres pensées. Celui-ci jeta un dernier regard vers le cadavre de son ami et eut une pensée terriblement dérangeante. La Tribune Impériale venait de naître…dans le sang et les larmes.