DRIII a écrit:Tu raisonnes comme si Anakin était encore un enfant dans
AOTC et
ROTS. Alors que c'est un adulte de 20 ans. Dans
AOTC, il a l'âge de Luke et Leïa dans
ANH. On a clairement quelqu'un qui manifeste là une forme d'immaturité.
AOTC nous présente la fin de la formation d'Anakin et nous donne un échantillon de la manière dont l'enfant a été traité pendant dix ans. Par ailleurs, Anakin n'a pas beaucoup grandi d'un point de vue psychologique et affectif depuis
TPM. Psychologiquement, c'est encore un gosse, ou du moins, il a encore le fonctionnement mental d'un gosse. C'est justement ce que montre son incapacité à maîtriser ses émotions : sa peur et sa frustration. C'est aussi ce que montrent son désir tyrannique et impulsif (typique de l'enfance), son besoin viscéral d'attachement et de reconnaissance, etc. Il y a des plans dans
AOTC où Christensen joue justement un personnage et des grimaces infantiles. Ce sont les moments où Anakin est le plus touchant, car on comprend que derrière l'adolescent tête-à-claques, il y a un enfant profondément blessé.
Donc si, au fond de lui, c'est toujours un enfant, et l'échec d'Obi-Wan est de l'ignorer, d'être complètement fermé à cette détresse ou de faire semblant de ne pas la voir. Il n'entreprend jamais rien pour l'aider à ce niveau-là, sinon son éternel laïus sur le Code et ses phrases à deux balles du genre : "dreams pass in time".
DRIII a écrit:Anakin suit en quelque sorte une formation d'élite qui implique des sacrifices. C'est le choix qu'il a fait et le choix qu'il continue à faire puisque c'est quelqu'un d'ambitieux. A aucun moment il n'envisage ou ne demande à quitter l'Ordre Jedi pour aller retrouver sa mère.
Quitter l'Ordre, non. Retrouver sa mère, si. C'est... justement son arc dans
AOTC.
DRIII a écrit:Imagine, dans notre monde, un jeune de 20 ans qui vient d'entrer à Polytechnique ou dans une grande école aller voir un de ses professeurs pour lui dire qu'il fait des cauchemars et des rêves sur sa mère. Qu'est-ce que tu veux que le professeur réponde ?
C'est un très mauvais exemple. Pour avoir justement fait un cursus de cette nature, je peux t'assurer que les professeurs sont, pour la plupart, assez attentifs à la santé mentale de leurs élèves, et ils n'hésitent pas à faire des pieds et des mains pour les "débrancher" de la structure s'ils estiment que cela est nécessaire. Au risque de te décevoir, le prof-moyen de l'X ou de l'ENS est donc un pédagogue plus sensible que ce cher Obi-Wan.
DRIII a écrit:Et bien là, c'est pareil. Obi-Wan n'a pas de réponse. Parce que c'est le régime auquel sont soumis tous les padawans. Lui aussi a été coupé de sa famille, de ses parents. Tous les Jedi sont passés par là et ont dû surmonter ça.
Je t'explique que le problème, c'est le cadre de la formation et la fidélité aveugle à la lettre du Code, tu me réponds qu'Obi-Wan n'a fait que respecter scrupuleusement le Code. Nous sommes donc d'accord pour dire qu'il s'est docilement contenté de respecter le dogme. La seule différence entre nous, c'est que tu embrasses son point de vue en posant comme principe qu'il ne pouvait pas faire autrement. Pour toi, la transgression du Code est par définition impossible. C'est faux, comme le montre l'exemple de Qui-Gon. Obi-Wan pouvait très bien faire autrement, prendre Anakin et le former loin de tout (comme Qui-Gon a menacé de le faire si sa formation lui était refusée par le Conseil!). Mais il ne l'a pas fait. Parce que, tout grand Jedi qu'il soit, c'est un personnage très obtus sur les questions axiologiques et spirituelles. C'est un moine-guerrier, avec tout ce que cela implique de dogmatisme, de rigidité mentale, de fermeture d'esprit.
DRIII a écrit:Donc à part conseiller Anakin de stopper sa formation et de faire autre chose que Jedi, je ne vois pas ce qu'il peut lui répondre. Et encore, à ce stade de formation, ce serait prendre une lourde responsabilité que de le relâcher dans la nature sans suivi. Et de toute façon, ce n'est pas ce qu'Anakin souhaite. Il veut devenir un Jedi mais n'en accepte pas les contraintes. Contraintes acceptées depuis des siècles par ses semblables.
Tu ne vois pas ce qu'il peut lui répondre, parce que pour toi, une formation Jedi sans un respect scrupuleux et screugneugneux du Code est inimaginable. Mais l'exemple de Qui-Gon et, d'une certaine manière, celui de Luke (quoique ce soit un peu de manière autodidacte) te donnent tort. On peut devenir un Jedi en transgressant le diktat de la morale Jedi. C'est... justement comme ça qu'on devient plus sage que les autres.
Une fois encore, ta vision des choses est très raccord avec celle des Jedi de la prélo'. Mais c'est pas une bonne nouvelle, car on connait les conséquences désastreuses que cette attitude a eue : le dogmatisme des Jedi s'est retourné contre eux, et a causé leur perte. La conformité stricte et bornée aux principes est une forme de cécité. Dans cette situation, la réalité se rappelle toujours à nous d'une manière ou d'une autre... et là noussa avoir mal!
J'ajoute qu'Anakin est TOUT sauf un être semblable aux autres.
TPM passe son temps à construire son caractère exceptionnel, miraculeux. Même Yoda ne souffre pas la comparaison. L'aveuglement du Conseil et d'Obi-Wan a justement été de former comme le premier quiddam ou le premier même un tant soit peu forceux l'Élu de la Force (ou, plus prosaïquement -- comme ils ne sont pas certains que ce soit lui -- un type qui a plus de midichloriens ou de prédispositions qu'un Maître jedi vieux de 900 ans).
C'est exactement comme si tu mettais Mozart dans un cours de musique de Collège sous prétexte qu'on a toujours fait comme ça avec tout le monde, et qu'il faut impérativement qu'il passe 4 ans pleins à maîtriser son petit solo de flûte. T'étonnes pas si le gosse fait rapidement du grabuge au fond de la classe!
Là encore, c'est typiquement Jedi cette vision conservatrice des choses : il faut respecter la tradition parce que c'est la tradition, on ne prête aucune attention aux singularités individuelles, on écrase tout dans un cadre rigide. Bah ça leur a pété à la figure. Et tu sais quoi, bah c'est bien fait pour eux !
DRIII a écrit:Sauf que c'est Qui-Gon qui - le premier - coupe le lien entre Anakin et sa mère. C'est même lui qui en est le responsable en truquant le lancer de dés de Watto. Et c'est Qui-Gon qui annonce à Anakin qu'il ne reverra plus sa mère et qu'en plus il ne la libérera pas de sa condition d'esclave. Donc, sur ce plan, Qui-Gon ne prend absolument aucune distance avec les "diktats" de l'Ordre Jedi..
Non. Qui-Gon tente d'émanciper Shmi, mais échoue dans la négociation. Qui-Gon truque le lancé de dé, parce que le dé est lui-même truqué (c'est bien suggéré dans la scène où Watto le sort, et je crois que ça a été expliqué aussi par Lucas ou Lucasfilm, je ne sais plus). Lorsqu'il dit qu'il n'est pas venu pour libérer les esclaves, c'est au tout début de leur rencontre, avant qu'il ne capte à qui il a affaire. Qui-Gon est prêt à soustraire Anakin au Conseil (et à quitter l'Ordre) pour former Anakin, donc si, il prend quelques distances avec les diktats.
Impossible de dire dans quelle mesure il aurait été plus smooth sur la question de l'attachement et des émotions. Il est possible qu'il soit resté rigide sur ce point, mais ce qui est certain, c'est que Qui-Gon a une connaissance plus fine et approfondie de la Force que la bande à Capucins siégeant sur les hauteurs du Temple. Cela implique un rapport plus ouvert et flexible à l'émotion, et à sa gestion. Donc... si, je persiste et signe : Qui-Gon aurait été un meilleur maître pour Anakin. En tout cas, il n'aurait pas fait les erreurs qu'Obi-Wan a effectivement commises.
DRIII a écrit:C'est cette immaturité là qui est la cause principale de son basculement vers le côté obscur. Sa soif de pouvoir le conduit irrémédiablement vers les Sith.
Ce que tu dis sur l'immaturité rejoint mon analyse plus haut sur le caractère encore enfantin du régime affectif d'Anakin dans
AOTC et contredit ta tentative de nous le présenter comme un adulte construit et responsable. Du coup faut choisir DRII : soit c'est un personnage qui a grandi trop vite et qui reste au fond de lui-même immature et vulnérable, soit c'est un mec qui a la tête sur les épaules et qui peut se gérer tout seul. Mais ça ne peut pas être les deux en même temps.
Par ailleurs, tu écrases complètement l'évolution de la dynamique affective d'Anakin sur son point terminal, la quête de pouvoir absolu. Dans
TPM, Anakin est ambitieux, ou idéaliste, mais il ne veut pas régner en maître sur la galaxie. C'est dans
AOTC que cette thématique commence à apparaître, parfois sur le ton de l'humour (avec Padmé sur Naboo), parfois sur un ton plus sombre. Mais d'où vient-il, ce désir de pouvoir ? De la peur : la peur de la perte, la peur de la solitude, la peur de la "froideur" de l'espace et du monde extérieur (cf la phrase du jeune Ani' à Padmé dans le vaisseau l'amenant vers Coruscant dans
TPM). Les Jedi ont bien vu que la peur agitait le petit. Et ils n'ont strictement rien fait pour l'en guérir ou l'aider à en revenir. Ils ont mis un petit mouchoir dessus, ils ont fait comme si ça n'existait pas, d'où ma conclusion :
Anakin devient ce tyran sanguinaire (en partie) parce que les Jedi ont été insensibles à sa douleur et incapables de l'aider à la maîtriser. Chez les Jedi, les émotions sont souvent associées au Côté Obscur. Le craignant, ils les craignent avec lui. D'où leur ascétisme rigoriste. Que dit Anakin au moment de se battre avec Obi-Wan ? : "I do not fear the Dark Side as you do". Moi, contrairement à toi, je ne crains plus les émotions. Je ne suis plus un puriste, je ne suis plus chaste, je ne suis plus prude. Et pour te le montrer, je vais utiliser contre toi toutes les celles que tu, vous tous, m'avez obligé à refouler.
C'est aussi ça qui explique le côté explosif du combat. Anakin se déchaîne, parce qu'il déverse enfin tout ce que le Code et l'enseignement d'Obi-Wan l'ont forcé à contenir au plus profond de lui. C'est comme un barrage qui cèderait brusquement. Et c'est ça qui est beau avec ce combat : Obi-Wan est confronté à ce qu'il a toujours voulu ravaler ou enfouir en Anakin. Tout ça a bien macéré et à la fin, ça lui pète littéralement à la g*ueule. C'est le retour du refoulé. Et il ne peut rien faire d'autre que reculer devant sa violence.
Tu poses Anakin comme un personnage intrinsèquement négatif, intrinsèquement responsable du mal commis, dans une veine dualiste. Sauf que pas du tout, Anakin n'est pas responsable de ce qui lui arrive. Il y a une explication, un enchaînement tragique de causes et d'effets, qui détermine ses choix et sa trajectoire. Les Jedi, Obi-Wan compris, sont un des rouages de la machine infernale dans laquelle son existence est coincée. Ce n'est pas le seul, ce n'est peut-être pas le plus important (Sidious reste, à mes yeux, le principal facteur), mais il demeure essentiel pour comprendre le personnage.
DRIII a écrit:Je ne vois donc pas où Qui-Gon fait preuve d'une plus grande jugeote ou lucidité que les autres ? Ah si, au final, la prophétie sera bien accomplie. Mais au prix de millions de morts et de l'anéantissement complet de l'Ordre Jedi... ça valait le coup en effet.
Qui-Gon est plus lucide que tout le monde, car il perçoit le premier qu'Anakin est l'Élu et qu'il s'obstine à vouloir le former.
Et l'Élu ramène in fine l'Équilibre dans la Force en permettant la disparition d'un ordre Jedi vérolé, puis celle d'un ordre Sith on ne peut plus pervers et dangereux, tout ça au profit d'un être unique (Luke) qui accède à la transcendance par la maîtrise pleine et entière de ses émotions, et notamment de l'Amour.
Comme Ysalamari84 l'a bien expliqué plus haut, ce n'est pas un hasard si c'est Qui-Gon qui enseigne aux autres les voies de l'Éternité. Il a compris par lui-même l'un des plus grands secrets de la Force. Ça veut tout dire. C'est un Jedi beaucoup plus sage qu'Obi-Wan ou Yoda (qui, je le rappelle, est tellement fermé sur ses principes à 900 piges passées qu'il n'est même pas disposé à former Luke dans
ESB )