Blue a écrit:On est d'accord pour dire que l'échec est formateur... mais la réussite aussi.
Non, pas nécessairement. Quelqu'un qui a toujours connu la réussite vivra souvent très mal le moindre échec. Lorsque j'étais étudiant il y a une vingtaine d'années dans une grande école parisienne, j'ai vu une de mes camarades exploser littéralement en vol dès les premiers jours de la première année parce que pour la première fois de sa vie, elle avait eu une note en dessous de la moyenne. Au point de tout abandonner.
On pourrait aussi parler d'artistes, de sportifs, qui après avoir connu succès et notoriété, vivent très mal de retourner dans l'ombre, leur déclin... le succès ne prépare pas nécessairement à l'échec, le succès peut donner le sentiment, l'illusion, d'être invincible.
Sur ce thème d'ailleurs, je ne saurais trop te recommander le visionnage de "Fisher King" de Terry Gilliam, version contemporaine du mythe arthurien du Roi Pêcheur, dont s'inspire fortement Rian Johnson dans son traitement de Luke dans
TLJ.
Et je m'étonne que les pro-TLJ minorent la signification du succès de Luke sur Palpatine, comme s'il n'avait pas appris, au cours de cette épreuve - la plus terrible de toutes : la tentation du côté obscur - suffisamment pour ne plus jamais basculer ensuite, pour se maîtriser.
Mais lutter contre le mal, contre sa part d'ombre, ses mauvais penchants, ce n'est pas nécessairement le combat d'un instant. C'est celui d'une vie, c'est une lutte de tous les instants. Chez Tolkien, le "Seigneur des Anneaux" montre que Bilbo peut encore succomber à la tentation du mal. Alors que les épreuves qu'il réussit au cours de son parcours initiatique dans "Bilbo Le Hobbit" auraient du l'en prémunir.
Vous imaginez Maître Yoda s'énerver contre Kylo et penser l'assassiner un instant comme Luke le fait dans le VIII ? Franchement ?... Non.
Dans
ROTS, ce n'est pas Yoda qui dit à Obi-Wan d'aller tuer Anakin après avoir visionné les holocrons du Temple Jedi où on le voit décimer les padawans et s'agenouiller devant Palpatine ?
YODA: Destroy the Sith, we must.
OBI-WAN: Send me to kill the Emperor. I will not kill Anakin.
YODA: To fight this Lord Sidious, strong enough, you are not.
OBI-WAN: He is like my brother ... I cannot do it.
YODA: Twisted by the dark side, young Skywalker has become. The boy you trained, gone he is . . . Consumed by Darth Vader.
OBI-WAN: How could it have come to this?
YODA: To question, no time there is.
OBI-WAN: I do not know where the Emperor has sent him. I don't know where to look.
YODA: Use your feelings, Obi-Wan, and find him, you will. Visit the new Emperor, my task is. May the Force be with you.
Quant à Luke, il ne cherche pas à assassiner Ben Solo (assassiner implique une préméditation). Luke parle au contraire d'une réaction purement instinctive face à la vision d'horreur qui lui est apparue en sondant Ben ("And for the briefest moment
of pure instinct I thought I could stop it"). Et il insiste sur la brièveté de cette pulsion ("It passed like a fleeting shadow. And I was left with shame and with consequence").
Parce qu'il est sage et sait se maîtriser Si donc Luke, en résistant à la tentation du CO, apprend enfin, dans l'épreuve même de la tentation, à faire preuve de sagesse, à se maîtriser soi-même, à être lucide et serein... n'est-ce pas étonnant qu'il ne fasse strictement rien de son succès, qu'il n'ait rien retiré de sa confrontation avec l'empereur, et qu'il finisse, trente ans plus tard, par commettre les mêmes erreurs que dans
ESB ?
Dans
ROTJ plutôt. Mais justement, ce que nous dit
TLJ, c'est que Luke avait su garder le contrôle pendant 30 ans. Et ce qu'il a vu en Ben l'a totalement désarçonné ("But then I looked inside and it was beyond what I ever imagined. Snoke had already turned his heart. He would bring destruction, and pain,and death and the end of everything I love because of what he will become").
Dans sa confrontation avec Vader, Luke a vu le doute, le tiraillement, la part de lumière. Face à son neveu, il voit l'ombre, le chaos, la destruction, l'anéantissement de tout ce qu'il a accompli depuis
ANH, de tout ce pour quoi il s'est battu. Et sa réaction instinctive n'est pas incohérente car Luke, dans l'OT, se fie beaucoup à son instinct. Yoda lui reproche, dans
ESB et
ROTJ, d'être parti précipitamment sur Bespin à cause de sa vision. Mais Luke en se rendant sur Bespin permet de sauver Leïa, Lando, Chewie et les droïds. Car il accapare Vader pendant leur fuite. De même en affrontant Vader, il apprend la vérité sur son père. Contrairement à ce que pense Yoda, ce n'est "fâcheux" que Luke se soit précipité sur Bespin. Ca lui a, au contraire, ouvert les yeux et conduit à éprouver de la compassion pour son ennemi. Compassion qui l'a empêché de basculer vers le côté obscur. La découverte du lien père-fils avec Vader lui fait envisager de façon totalement différente leur affrontement.
Ceux qui apprécient le personnage de Luke dans
TLJ sont ceux qui ne croient pas qu'il aie appris quoi que ce soit contre Palpatine. Son exploit est donc vain. Il sauve son père... et c'est tout.
Non, il épargne son père. Et c'est un accomplissement majeur. Il refuse de le tuer. Mais il a été à deux doigts de le faire. Dans
TLJ aussi, il se refuse finalement de tuer Ben Solo, même si là aussi il est à deux doigts de le faire. Dans
TLJ, Luke se reprend beaucoup plus vite que dans
ROTJ, où sa baston féroce contre Vader dure un certain temps et où il fait même preuve d'une forme d'acharnement avant de s'arrêter net. Rien de tout celà avec Ben Solo. Il a juste allumé son sabre.
Sauf que non, ce faisant, il devient justement un jedi (c'est pour ça que le film s'appelle
ROTJ).
Non le retour du Jedi, ça s'applique à Anakin. Luke ne redevient pas Jedi, il le devient.
Bref, je persiste à croire que vous ne saisissez pas le sens du mythe tel qu'il est présenté dans
ROTJ.
Bien sûr que si. Sauf que
ROTJ était censé être la fin de l'histoire. La saga était censée s'arrêter là puisque
ROTJ se conclut en forme d'apothéose. L'idée même d'une suite supposait une transgression. Mais c'est le choix qu'a fait Lucas en vendant sa franchise et en lançant lui-même le projet d'une nouvelle trilogie post-ROTJ.
Si tout est en ordre, si Luke est devenu infaillible, à quoi bon faire une suite ? Ca n'a aucun intérêt. C'est un débat qu'on a déjà eu ici même. La prélo nous a montré que Yoda et Obi-Wan n'étaient pas infaillibles, qu'ils ont aussi bien merdé de leur côté - différemment de Luke - mais merdé quand même... si Yoda et Obi-Wan n'étaient pas infaillibles, pourquoi Luke le serait-il devenu ?
TLJ ne fait que s'appuyer sur la personnalité de Luke, telle que définie dans l'OT. Luke a un tempérament naturel impulsif qu'il doit canaliser. Dans
ROTJ, il y parvient pendant la quasi-totalité du film. La séquence chez Jabba le montre calme, serein, parfaitement maître de lui-même. Idem lorsqu'il se livre à Vader sur Endor. Palpatine le fait craquer une première fois (en le titillant sur la mort imminente de ses amis) et Vader une seconde fois (en menaçant de convertir Leïa au côté obscur). Derrière, Luke est resté maître de lui pendant 30 ans. C'est ce qu'il voit en Ben qui réveille brièvement son impulsivité. Ca n'a absolument rien d'incohérent.
TLJ appuie sur LA faille (la seule d'ailleurs) du Luke de l'OT. Son talon d'Achille puisque tu aimes le comparer à un demi-Dieu.
-- Edit (Mar 16 Oct 2018 - 16:03) :
Alfred M. a écrit:Personne pilote le Faucon car c'est le vaisseau de Han, c'est "son bébé" (même si il évolue beaucoup, ce côté-là individualiste reste).
C'est juste que Lucas a du mal à concilier féminité et autonomie du sujet. Dans l'OT comme dans la prélo, la femme n'est autonome, indépendante, que lorsqu'elle se comporte en homme.
Pas que tu me parle de Rey
.
Mais j'ai déjà expliqué en quoi Leïa et Padmé se comportaient de façon masculine dans
ANH et
TPM. Dans
ANH, Lucas joue clairement le décalage entre l'apparence très féminine (voire sexy) de Leïa et son comportement de garçon manqué (notamment dans le fait qu'elle prenne les choses en main quand Luke et Han viennent la délivrer / il y a une inversion des codes entre la princesse et les chevaliers). Dans
TPM, c'est illustré par une sorte de dédoublement de Padmé : la reine (très féminine, maquillée, avec de belles robes, toute en majesté) et la servante (en pantalon, cheveux attachés).