J'ai finalement découpé l'histoire en trois parties, et donné un titre à cette courte trilogie. J'espère que vous m'excuserez le "raccourci" que j'ai pris à propos de Boba Fett, mais l'utiliser me démangeait, pour un détail en particulier (dans la dernière partie
). Voilà, donc, la suite et le milieu de ma nouvelle :
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A la croisée des destins II
« Un contrat comme un autre »
An +4
Le logis était calme, paisible. Le matin s’installa doucement dans la cuisine, et ses lueurs évanescentes perçaient l’épais feuillage d’un chêne à l’entrée de la demeure rustique, s‘éternisant alors dans un ardent bain de lumière et de poussière. Un orchestre d’oiseaux se donnaient en spectacle dans un champ voisin, et le vent promenait leur aubade avec malice. Il souffla avec vigueur, soudain, et de longues flammes rougeoyantes enveloppèrent la maison.
Le vieil homme, au teint grisâtre, les deux yeux enfoncés sur sa tasse de café, le regard cloué sur les vapeurs qui se balançaient doucement au-dessus du liquide noirâtre, ne suspecta rien. Le silence revint sur la plaine, mais la sérénade animale s’était tue. Quelques instants s’écoulèrent, s’échappant furtivement dans les bruines du matin, dans un beau silence apaisant. L’homme prit une gorgée de sa boisson qui lui brûla la langue et il cracha un ptyalisme de sang.
Qu’avez dit le médecin ? Moins de six mois à vivre ? Son cœur battait comme un forcené, étouffant entre les parois étroites de sa poitrine. La maladie l’avait… lessivé. Elle avait creusé son visage, éradiqué ses dernières forces, il était maigre, fané -une lente agonie qui s’emparait de lui, tenace et vigoureuse. Et lui était impuissant. Sans doute le lourd tribut de ses erreurs passées… (Non, il s’était promis de ne jamais plus pensé à
ça…)
Des cognements sourds le réveillèrent dans ses pensées. On frappait à la porte. Le temps de reprendre son souffle, l’homme se leva et quitta la cuisine, d’un pas maladroit et hasardeux. Il cracha à nouveau un long râle de sang, et ne trouva pas l’énergie de l’essuyer. Enfin, il ouvrit la porte.
Il retint un cri de stupeur. Devant lui, un Trandoshéen caressait avec douceur un menaçant lance-flamme pointé sur lui. Une courte flammèche dansait au bout du canon, bercée par la brise. Le regard froid de son visiteur se posa sur lui, sauvage et cruel, avec des yeux barbares, et, comme si sa voix n’était qu’un long hoquet bestial, l’homme entendit son nom.
Timidement, il répondit :
- Oui… ?
Les flammes indomptables s’élancèrent dans l’entrée, comme un cyclone ardent, et elles consumèrent tout : bois, fer, peau et os. En un instant, l’homme devint un tas de cendre fumant, et l’écho de son haro plana longtemps dans la pièce.
Bossk se retourna, rangea son arme favorite, et, de retour à bord de sa Dent De Molosse, informa à son patron d’un jour que la mission était accomplie avec succès. Le vaisseau corellien avait à peine quitter l’atmosphère de la planète de son contrat que son holocom bipa avec insistance.
-
Message vidéo sous code 22. Différé : Léger. Fiabilité : Holosécurisation Impériale. Confidentialité : exigée..
L’image bleutée de Palpatine se dessina alors sur le socle holographique, éclairant le cockpit d’une légère lueur céruléenne. Sa voix rauque grésillait et sautait mais obtint sans mal toute l’attention de Bossk.
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Chasseur de prime, Mon Ordre Nouveau a besoin de vous. En échange d’une collaboration impliquée, vous resterez dans les annales de Mon Empire. Une inestimable récompense sera bien entendu cédée si le contrat est honoré dans les plus brefs délais… Nous réclamons un secret sans exception sur cette mission. Si elle vous intéresse, veuillez utiliser le canal confidentiel, code 22.
Boba Fett venait de disparaître sur Tattoïne - c’était le moment ou jamais de démontrer au monde entier l’étendue de ses talents. Restez dans les annales de l’Empire… Bossk n’hésita pas une seconde. Code 22.
A nouveau, l’holoprésence bleutée de Palpatine vacilla sur le socle et il salua brièvement Bossk de la même voix éraillée avant d’ajouter sombrement :
-
Vous êtes intéressé ?
- Oui… hoqueta difficilement l’humanoïde.
-
La cible est Dark Vador.
Un silence. Mais nul besoin pour Bossk de considérer l’ampleur de la tâche : la mission sera ardue, il le savait, mais c’était un risque à prendre afin d’accéder à la gloire qu’il méritait. Boba Fett avait quitté la scène. Dorénavant, c’est sur lui que les projecteurs allaient jeté leur lumière.
- Où ? Fit-il d’une voix sombre et gutturale, comme si tout son estomac implosait à chaque phonème.
-
Vous êtes… partant ? Demanda Palpatine.
Sa capuche jetait une ombre noire sur sa face ridée et en cachait sa surprise.
- Où ? Répéta Bossk.
-
Je vous envoie les coordonnées, fit alors l’Empereur, ravi.
Je réclame la plus grande discrétion de votre part, non-humain. Faites honneur à votre race.
L’hologramme disparut, les coordonnées enregistrées, et la Dent De Molosse, aussitôt, se lança dans l’hyperespace.
* * *
Des câbles. Des pompes. Des blindages, des capteurs. Des respirateurs artificiels qui filtrent l’air nauséabond sous une sombre armure -une prison. Mécanique. Le peu de vie qui anime encore son cerveau n’est qu’une souffrance, une torture. Sa vie est devenu un artifice, un simulacre, c’est un brasier permanent : comme si la lave qui l’avait créé avait pris vie dans les mécanismes : elle brûlent, elle détruit, elle étouffe. Mais elle protège.
L’air frais qui se respire et qui enivre n’est qu’un lointain souvenir : c’est devenu une souffrance. Un souffle rauque qui ne l’a plus jamais quitté. Il le hait, ce souffle. Le monde, qui est beau, qui est grand, qui a mille couleurs, est devenu une unique couleur rouge sanguine, mais les formes sont perçues par de nombreux capteurs visuels qui lui rongent le crâne : elles sont précises, mais dénudés de sens, de charme.
Il le savait, quelque part, mais se refusait de le penser : la seule personne qui pouvait lui rendre la vue, la vraie vue, celle de l’amour, était morte vingt ans plus tôt.
Mais, dans cette salle du trône sombre et terrifiante, Luke dégage une belle lumière blanche, et nul besoin de capteurs pour en être aveuglé. Le voir le fait souffrir : il lui rappelle Anakin.
Qui est-ce, Anakin ? Demande le Dragon. Il y a des noms qui reviennent sans cesse dans sa mémoire, mais il n’y comprend rien. La cruauté, la terreur qu’il inspire sont autant de moyens de lui faire oublier qui il est et qui il était.
Oublie-le.
Mais, quand il regarde Luke, quelque chose s’agite. Pour la première fois, ça ne fait pas mal. Ou si, peut-être, mais c’est une belle souffrance. Comme une chaleur rassurante, comme si il n’y avait plus de pompes, plus de câbles ni de capteurs. Son fils est beau. C’est un Jedi.
Mais, soudain, cette voix qu’il hait, cette voix qu’il vomit, cette voix rauque et perfide retentit dans ses oreilles. Elle le paralyse de rage.
- Ta flotte a perdu. Tes amis sur Endor ne pourront pas longtemps survivre. Il n’y a plus aucun espoir, mon jeune élève, l’alliance mourra en même temps que tes amis.
A quelques mètres de lui, dans la Force, tout explose : la haine de son fils a calciné son système cardiaque. Mais la statue de fer et de plomb reste impassible : le Dragon qui étrangle son cœur l’immobilise.
- Je sens monter ta colère… Je suis sans défense. Prends ton arme, tu peux me terrasser avec toute la force de ta haine, et tu auras fini ton voyage vers le coté obscur.
Le regard de Luke erre jusqu’à rencontrer celui de Vador, qui baisse aussitôt la tête.
Son fils.
Il l’aime, il le sait.
Anakin l’aime.
Anakin revient peu à peu.
Mais le Dragon lutte. Le Dragon est puissant. Le Dragon est le seul maître. Alors, quand le sabre de Luke vole pour se loger dans ses mains, et s’illumine d’une belle couleur émeraude, le dragon le pousse à activer son sabre à son tour, et à combattre son fils.
Et à l’intérieur, Anakin perd la bataille.
* * *
Secteur 2J69K ?
Les longs couloirs blancs d’une propreté saumâtre lui faisaient tourner la tête. Il s’arrêta un instant, mit sa tête entre ses mains et enleva son casque de stormtrooper. Son corps se noyait tout entier dans un bain de sueur, et la sensation de sentir ses vêtements légers coller aux parois de son armure était très désagréable.
Secteur 2J69K. Et pas une âme à moins de six kilomètres. « Je connais le chemin » avait-il dit quand un message urgent sur le canal 22 devait être transmis rapidement à l’Empereur. Quel idiot. Déjà toute une après-midi de course dans un labyrinthe de la taille d’une lune, tandis qu’il lui aurait suffi de transférer le message sur la ligne privée de l’Empereur !
Mais l’occasion de voir ce surhomme, ce dieu qui tient son Empire entre des mains de fer, ne se présente qu’une fois dans une vie : il l’avait saisi, sans hésiter. Depuis cinq heures, six peut-être, la labyrinthe de l’Étoile Noire l’avait avalé. Et l’avait trouvé à son goût : le gosier tortueux de la station de la mort n’était pas prêt de le laisser partir.
Et cette migraine !
Secteur 3J45H, cette fois. Un long couloir blanc qui ne semble pas avoir de fin. Il baigne dans d’épaisse vapeurs incolores, et, à bout de souffle, sentant ses pieds plier à chaque pas, il s’avance dans le corridor…tandis que l’alerte rouge vient d’être enclenchée, et que des lumières rouges dansent sur le sol.
* * *
Il y a des légendes qui ne meurent jamais. De celles qu’on ne peut oublier. Il y a des légendes qui ont parcouru la galaxie, des héros, des mythes, à travers les mondes et les âges. La mort ne peut les terrasser : leur âme reste planer quelque part dans le ciel, cachée entre deux étoiles. L’une d’elle n’a pas rejoint le ciel : elle s’est battue. Et a gagné.
Mais elle est bien plus qu’une légende. Boba Fett est
un tueur de légendes. Et, assis dans le cockpit de son Slave II, le Sarlaac n’est qu’un souvenir, une mésaventure parmi d’autres dont il ne se souviendra plus bientôt. Il n’est pas le spin-off de lui-même, il reste Boba Fett, l’implacable, le mystérieux, l’invincible. Et il le restera toujours. Le plus grand chasseur de prime de la galaxie.
A peine guéri de ses blessures, le canal 22 lui réservait le défi qu’il convoitait. Ce qui fera de lui un mythe. Dark Vador n’était qu’un contrat comme un autre. Un excédent de prudence, tout au plus, lui sera nécessaire.
L’ordinateur de bord calcula les coordonnées de l’Étoile Noire, et, enfin, le Slave II s’élança dans l’hyperespace.