An 2
Enlisement
Chapitre 17« Je suis certain que l’on peut trouver un arrangement avec les Séparatistes. Nous pourrions être les meilleurs amis du monde, si nous le voulions. A condition, bien sûr, qu’ils arrêtent de me tirer dessus. »Amiral Ait Convarion, à un subordonné qui proposait une résolution pacifique du conflit.
Corvette CR-70
Excellence, en route pour Kamino, 489 jours après la bataille de Géonosis.
- Transférez toute la puissance sur les réacteurs ! ordonna Jagen au pilote du vaisseau, que la proximité du combat désorientait.
- Nous n’aurons jamais assez d’énergie pour nos boucliers ! répliqua le mécanicien de bord.
- Alors débrouillez-vous pour qu’on se sorte de là ! Et vite !
Jagen soupira en voyant les hommes présents sur le pont s’affairer. C’étaient tous des novices. Il aurait dû prendre le
Knight’s Blade pour cette inspection de routine sur Kamino. Mais son vaisseau avait besoin de maintenance, après la campagne dans le Secteur Corporatif dont il venait tout juste de rentrer, et il n’avait pas envie de perdre plus de temps qu’il n’en fallait.
En repensant à ce qu’il avait dit au capitaine Solo, Jagen se maudit lui-même. Il aurait dû compter avec la flotte Bulwark.
Les croiseurs de combat Bulwark étaient de gigantesques cargos de fret reconvertis pour devenir des vaisseaux de guerre à la puissance de feu dévastatrice. Aucun vaisseau républicain n’arrivait à la cheville de ces titans spatiaux, hauts de deux kilomètres et longs de trois. Il n’y avait qu’une seule flotte en mesure de les affronter.
La flotte Victory, établie suite à la destruction du blocus de Foerost par les Séparatistes, était composée des destroyers du même nom, et avait été placée sous le commandement des amiraux Dodonna et Screed. Sur le scanner, Jagen repéra le
Valorum, le vaisseau amiral de Jan, nommé d’après son vieil ami Finis, mort dans l’explosion de l’
Etoile d’Iskin.
- Essayez de passer entre ces deux-là, dit Jagen au pilote en désignant les Bulwarks à leur droite.
L’homme s’exécuta, mais une fraction de secondes plus tard, une explosion frappa le vaisseau. L’amiral fut projeté à terre par l’onde de choc, comme la moitié du personnel navigant.
- Qu’est-ce-que c’était ? demanda-t-il en se relevant avec difficulté.
- Nous avons perdu les réacteurs, répondit le pilote. Et les boucliers arrières ne répondent plus.
Autrement dit, on est fichus…- Contactez l’amiral Dodonna et informez-le de notre situation, ordonna-t-il afin de parer au plus pressé.
Une autre secousse agita le vaisseau. Apparemment, ils étaient abordés.
- Quelle est la situation, capitaine ? dit-il au chef des gardes de la corvette.
- Ils sont trop nombreux, monsieur. Nous allons nous faire écraser. Je suggère que l’on se rende.
- C’est idiot, comme raisonnement.
- Pas tant que ça.
L’homme releva son arme et la pointa sur Jagen. Il vit que la plupart des autres soldats avaient fait de même vis-à-vis de l’équipage.
- Je suppose que Stark vous a bien payé, dit l’amiral d’une voix amère.
- Le sabotage et l’enlèvement sont notre spécialité. Qu’on le fasse pour la République ou les Séparatistes, peu importe. Tout ce qui compte, c’est le fric qu’on reçoit au bout. Avancez.
Levant les mains, Jagen sortit de la passerelle et avança dans les coursives jusqu’au sas, priant pour qu’un miracle survienne.
Une fois installé dans une cellule du quartier de détention d’un des Bulwarks, il fut forcé de constater que ses espoirs étaient vains.
************
Kessel, Centre de travail Gamma, 570 jours après la bataille de Géonosis.
Jagen entra dans sa cellule dès que la porte s’ouvrit, sans attendre que le garde trandoshan le pousse à l’intérieur. Exténué après cette journée de travail forcé, la soixante-douzième si ses comptes étaient exacts, il s’affala sur le hamac qui lui servait de lit et ferma les yeux. Comme à chaque fois, il repensa à son fils et à sa femme, à ses amis. Il en avait assez d’être loin d’eux, assez de passer ses journée à extraire de l’épice pour alimenter l’économie souterraine séparatiste. Mais il ne pouvait rien faire. Pour une fois, il ne savait pas comment s’évader.
Le maton reptilien revint au bout de dix minutes et lui fit signe de se relever. Alors qu’il se redressait avec difficulté, une silhouette bien connue entra dans la pièce de détention.
- L’amiral Eripsa travaillant comme extracteur d’épices ! s’exclama l’arrivant. Eh bien, c’est un spectacle qui me ravit !
- Content qu’il vous plaise, Iaco, dit Jagen. Le second acte risque de moins vous plaire.
C’était bel et bien Iaco Stark, son vieil ennemi et fils de son ancien supérieur, Trevor Willspawn. Il affichait un sourire suffisant sur son visage juvénile. Jagen nota qu’il ressemblait de plus en plus à son défunt père.
- Quel second acte ? répliqua-t-il, piqué au vif. Vous êtes ici et vous y restez. Point. La République croit déjà que vous êtes mort.
Si cela était censé le démoraliser, ce n’était guère le cas. Il s’en doutait déjà. Sans cela, Jaim et Ait seraient déjà venus le chercher. En vérité, Jagen attendait la visite de Stark, pour la bonne et simple raison que celui-ci était probablement suivi par des agents des Renseignements.
- Dès lors, reprit l’amiral séparatiste, vous ne représentez plus rien pour eux. Mais pour moi, vous êtes un travailleur de choix. Et vous ne pouvez pas imaginer à quel point cela me fait plaisir de vous avoir à mon service.
- Oh, si, je le peux, répondit Jagen. Presque autant que lorsque j’ai tué votre père.
La claque qu’il reçut était méritée. Il y était allé un peu fort, après tout. Mais cela lui faisait grandement plaisir de pousser Stark dans ses derniers retranchements.
Son ennemi sortit, furieux, en compagnie de son garde, et laissa Jagen seul dans le noir.
************
Le lendemain matin, Jagen fut emmené avec plusieurs autres prisonniers dans une galerie plus profonde que d’habitude, d’où ils devaient extraire le glitterstim. Les toiles des araignées énergétiques étaient bel et bien là, et ils devaient les arracher des parois de la caverne pour qu’elles soient emmenées vers les sites de raffinage de la précieuse drogue. Leur équipe était composée de vingt hommes, dont deux armés de lasers légers, destinés à faire fuir les monstres en cas d’attaque. Bien que cela ne serve pas à grand-chose, évidemment.
Vers midi, alors qu’ils en étaient à leur sixième heure de travail, un autre groupe de prisonniers arriva. Au premier coup d’œil, Jagen les reconnut. C’étaient des clones.
La plupart des commandants séparatistes étaient sans pitié vis-à-vis des troupes de base de la République, mais Stark semblait avoir une autre vision de l’exécution. Il s’arrangeait pour capturer le maximum d’hommes afin de les envoyer travailler dans ces terribles mines. Après tout, il fallait bien remplacer ceux qui servaient de déjeuner aux araignées.
Cependant, cette fois-ci, Jagen perçut quelque chose de différent. Il comprit au bout de quelques instants ce dont il s’agissait.
- Capitaine Jav ? C’est bien vous ?
- Amiral Eripsa ! s’exclama le commandant clone, surpris. Vous étiez donc ici…
- Présumé mort, selon Stark.
- En effet. Nos services d’espionnage n’ont pas pu vous retrouver. On en a supposé que vous aviez été exécuté.
- Faites-moi penser d’aller coller quelques baffes à Isard quand nous serons sortis d’ici, plaisanta Jagen avec amertume.
Le clone fit mine de venir récolter la drogue à côté de lui.
- Nous avons été capturés sur Fondor, expliqua-t-il à voix basse. La population locale a été infiltrée. Des traîtres ont coupé les boucliers. Le colonel Solo a dû se replier en nous laissant au sol.
- Johun est devenu colonel ?
- Après votre disparition. Il a repris votre portion de la flotte Loyalty.
- Voilà qui m’ôte un poids. J’avais peur que le
Knight’s Blade ne finisse entre les mains de Kendal Ozzel.
- L’amiral Convarion ne l’aurait pas permis.
- Cela signifie que Palpatine est le seul chef de guerre, à présent ?
- En effet. L’ensemble de la flotte est sous ses ordres. Nous avons essuyé de lourdes pertes dans l’Espace Hutt.
- A deux pas d’ici.
- Vous pensez qu’il y a une flotte dans le secteur ?
- Je l’espère.
A ce moment, l’un des gardes passa près d’eux et ils se turent. Il commença à les réprimander pour leur manque d’efficacité, mais n’eut guère le temps de finir sa phrase.
Plusieurs araignées énergétiques surgirent brusquement d’une galerie annexe. L’un des prisonniers, un petit dealer mauvais payeur selon les souvenirs de Jagen, se fit immédiatement capturer par les monstres à huit pattes. Pendant qu’il agonisait entre les crochets d’une des créatures, les clones, bien entraînés pour toutes les situations, se ruèrent dans la galerie remontante, suivis de près par les gardes. Jagen et Jav allaient les suivre lorsque l’un des trandoshans fit exploser le tunnel, les laissant presque seuls avec les autres prisonniers. La plupart étaient peu entraînés, et ne savaient pas quoi faire dans la faible luminosité. Jagen saisit une des lampes portatives et fit signe à Jav de le suivre.
- Avec un peu de chance, dit-il en courant dans un couloir étroit qui partait de la même galerie, nous remonterons vers la surface.
- Et sans chance ? demanda le capitaine clone.
- Nous tomberons sur un nid de ces bestioles, et c’en sera fini de nous, répondit Jagen en sentant ses espoirs s’envoler.
Par chance, le couloir remonta bientôt, et ils arrivèrent à la porte d’une raffinerie. Tout en essayant d’ouvrir le sas, Jagen sentit un de ces monstres se rapprocher à grands-pas. Ils n’avaient pas d’arme et aucune chance de tuer l’araignée d’une autre façon. Il frappa de plus en plus fort vers la porte.
Le sas s’ouvrit soudainement, et une silhouette leur fit signe d’entrer. L’inconnu lança également un petit objet, sans doute une grenade lumineuse, derrière eux. La seule présence de cet objet indiquait qu’il ne s’agissait pas d’un des exploitants de la base, car la seule présence de lumière suffisait à dégrader la qualité de la marchandise.
Lorsque l’étranger referma la porte, Jagen se tourna vers lui.
- Merci, l’ami, nous vous devons une fière…
Il s’interrompit en voyant le visage de son sauveur. Il le connaissait.
- Amiral Eripsa ? dit une voix familière à sa gauche.
Son cœur fit un autre bond.
Mauvais, à mon âge, autant de surprises dans la journée…- Bon sang, Booster, que faites-vous en compagnie de maître Kenobi ?
- Et de son padawan, ajouta la voix d’Anakin Skywalker.
- Les affaires, répondit le dénommé Terrik. Figurez-vous que depuis que vous m’avez embauché pour sortir ces militants de Jabiim, je n’ai plus aucun contrat avec les Séparatistes. Alors, je me suis décidé à demander à votre ami, là, Solo, si je pouvais me rendre utile. Là-dessus, ces deux graines de Jedi débarquent en disant qu’ils cherchent à s’introduire sur Kessel, alors, du coup…
- Nous avions reçus des rapports indiquant la présence de camps de prisonniers, précisa Obi-Wan.
- Mouais, toujours est-il que cela ne m’a pas épargné les Mille et Une Suppliques de Maître Kenobi à propos des politiciens, bougonna Booster.
- Ne vous inquiétez pas, dit Jagen avec un grand sourire, c’est un numéro qu’il sert à toutes les sauces, surtout à ses amis sénateurs.
- Nous pensions que vous étiez mort, dit Anakin. Les communications séparatistes…
- …ne faisaient pas état de ma présence ici car ils ne savent pas, à mon humble avis, ce qui s’y passe vraiment. Je crois que Stark contrôle totalement la mine et ses activités.
- Qu’est-ce qui vous le fait croire ? demanda Obi-Wan, perplexe.
- Sans cela, je serai déjà mort, répondit Jagen en haussant les épaules. Dooku et Grievous veulent ma peau.
- Stark aussi.
- Mais il veut que je souffre d’abord. Ce qui fait toute la différence.
- Si vous le dites…
- Il faut libérer les prisonniers ici, affirma Jagen. Je pense qu’il n’y a pas moins de dix mille hommes enfermés sur cette planète.
- Dix mille hommes… répéta Obi-Wan, pensif.
- De quoi regarnir tous nos fronts, dit Skywalker.
- Ou plutôt constituer une nouvelle force de frappe, tempéra Eripsa.
- C’est bien beau, tout ça, intervint Terrik, mais je n’ai que six places sur mon vaisseau. Pas une de plus. Il est hors de question que je me débarrasse de mon holotable dejarik.
Une idée germa dans la tête de Jagen.
- Vous n’en aurez pas besoin, dit-il en souriant. Vous avez un plan de la planète ?
Kenobi sortit un petit projecteur et l’installa au milieu de la salle.
- Nous y voilà, dit Jagen avec un sourire. Nous nous trouvons en ce moment même dans l’hémisphère sud, dit-il en désignant le bas de l’hologramme. C’est là qu’il y a le plus de glitterstim. Deux camps : le Gamma et l’Epsilon. Mais il en existe deux autres dans l’hémisphère nord. Les camps Alpha et Bêta. Destinés à la main-d’œuvre de Hoersch-Kessel.
- Les constructeurs de Lucrehulks ? demanda Kenobi, surpris.
- Tout juste, répondit Jagen. Une sphère de contrôle est en construction, en ce moment, à même le sol. Si nous pouvions nous en emparer…
- L’évacuation en serait plus un problème.
- A condition qu’on trouve un anneau. Mais je pense qu’ils en ont en excédent, par sécurité.
- Ça pourrait fonctionner, admit Obi-Wan. A condition qu’on arrive à trouver des armes.
- Nous pourrions voler celles des gardes, proposa Anakin.
- Excellent idée, approuva Jagen. La plupart des mercenaires embauchés par Stark ont leur base sur Kessel. Nous pourrions en tuer plusieurs pendant l’opération. Une fois les armes entre les mains de nos hommes, la victoire sera nôtre.
************
- Jav, vous êtes sûr qu’il s’agit bien de la zone de stockage ?
- Oui, monsieur, répondit le capitaine clone à voix basse. Nous avons dû y laisser nos armes. Je pense que vos affaires seront également là.
- C’est à voir, murmure Jagen. Stark doit sûrement garder mon armure dans ses quartiers.
- Ça vous gênerait pas d’avancer ? dit Kenobi, essoufflé. J’aimerais bien sortir, moi aussi.
Ils venaient de s’introduire dans le complexe Gamma grâce au dense réseau de galeries souterraines. Anakin était sorti le premier après avoir découpé une ouverture avec son sabre laser. Jagen, Jav et Booster suivaient, et la marche était fermée par Obi-Wan, qui n’aimait pas ce rôle. Les araignées pouvaient les suivre à n’importe quel moment.
- Tout est là, confirma Skywalker en revenant vers eux. Beaucoup de DC-15s et d’armures. Maintenant, il faut les faire parvenir aux prisonniers.
- On pourrait réactiver ces droïdes porteurs, suggéra Terrik en désignant un coin de la salle.
- En effet, confirma Jagen. Jav, pourriez-vous récupérer le planning sur un terminal ? J’aimerais que tout soit fini avant le prochain quart.
- J’y vais de ce pas, dit le clone en s’approchant d’un des moniteurs. Voyons… il y a tout, là-dessus. C’est même frappant de voir qu’ils n’ont rien sécurisé.
- Ils ne s’attendaient sûrement pas à ce qu’on entre par en-dessous, dit l’amiral en faisant un clin d’œil à Anakin.
- J’ai la répartition des équipes. La majorité de mes hommes sont dans les galeries de la zone A-23.
- Alors c’est là que nous irons en priorité. Partez avec Anakin devant les droïdes. Il y a une autre zone ?
- Je préconise la C-67, monsieur, dit-il en s’éloignant du terminal.
- Bien. Booster, Obi-Wan, vous prendrez ce chemin-là.
- Et vous ? demanda Obi-Wan d’un air suspicieux.
- Je vais rendre une petite visite à un vieil ami, dit Jagen en haussant les sourcils.
Sans attendre d’autres questions, il se dirigea vers les conduites d’aération et y entra.
L’ascension sans armure était certes difficile, mais ce séjour en prison avait remis en forme le militaire qu’il était. Cependant, il n’hésita pas à faire usage de la Force pour éviter de tomber. Trop de prudence valait mieux que pas assez.
Au bout d’une demi-heure d’escalade, le conduit tourna brusquement et déboucha sur une grille souple. Jagen la brisa et sortit dans ce qui semblait être le bureau de Stark.
L’endroit était visiblement très confortable, avec plusieurs fauteuils disséminés devant les baies vitrées qui s’ouvraient sur le complexe. Mais il y avait également quelque chose dans l’agencement qui rappelait à Jagen le combat à bord de l’Opportuniste, le vaisseau amiral de Stark, pendant la bataille de Troiken. Là où Willspawn était mort.
Son vieil ennemi le regardait, à travers le néant, depuis une holoimage installée sur le bureau. Visiblement, son ennemi actuel vénérait toujours autant son père, malgré les années qui étaient passées depuis. En souriant, l’amiral républicain repensa à la baffe qu’il avait reçu la veille. Stark et lui avaient peut-être un point commun, finalement.
Il repéra son armure mandalorienne et ses armes et les revêtit. Stark ne lui avait posé aucune question sur la sacoche qu’il n’avait pas dû savoir ouvrir et qui contenait ses sabres lasers. Une chance pour lui. Prenant soin de verrouiller la porte, il s’installa derrière le bureau et alluma le terminal installé dessus, espérant pouvoir accéder à l’ordinateur central avec. La machine démarra en silence et lui demanda un code d’accès. Pris de panique, Jagen se rendit compte qu’il ne savait presque rien de son ennemi, une faiblesse qu’il lui faudrait combler, de toute évidence. Il regarda aux alentours pour trouver un indice, et en trouva finalement un.
Trevor Willspawn.Le poste se connecta instantanément au réseau. Le sourire aux lèvres, Jagen envoya aux gardes un ordre factice les enjoignant de se rendre à l’entrée du centre de détention, avant d’ouvrir les portes des cellules. Sur les écrans de surveillance, il vit des centaines d’êtres de toutes races – humains, twi’leks, rodiens, wookiees, weequays et même un jawa – sortir des prisons. Obi-Wan et Booster, revenus de leur livraison aux clones prisonniers, se chargèrent de les guider vers l’espace de stockage, sans savoir réellement d’où ils venaient. Changeant de vue, Jagen vit les mercenaires regroupés à l’endroit indiqué. Il activa le verrouillage laser et ouvrit le feu.
C’était comme dans un jeu vidéo. Les trandoshans tombèrent presqu’instantanément, et ceux qui avaient survécu au premier assaut cherchaient un endroit sûr pour se mettre à couvert. Bien entendu, l’amiral avait choisi ce lieu-là à cause de son dépouillement total, et leurs recherches étaient vaines. Ils ne tardèrent pas à s’en rendre compte. L’un d’eux leva les bras pour se rendre. Jagen le mit hors de combat immédiatement. Il n’aimait pas les esclavagistes.
Voyant que la fête était finie, il saisit son comlink et appela Obi-Wan.
- C’est vous qui êtes à l’origine de tout ça, Jagen ? demanda immédiatement le Jedi.
- En effet. et si ça ne vous plaît pas, maître Kenobi, tant pis.
- J’en ai assez vu pour aujourd’hui. Les clones viennent de prendre le centre Epsilon.
- Bien. Notre insurrection marche comme prévu.
- Les séparatistes sont submergés. Ils vont demander des renforts.
- Nous avons des speeders ?
- Des convoyeurs de marchandises sub-atmosphériques, pour la plupart. J’estime que nous sommes à cinq heures de la base ennemie.
- Alors nous allons partir pour le champ. Donnez l’ordre à Jav et à ses hommes de prendre le centre Bêta. Nous allons nous charger de la base Alpha. Aucun signe de Stark ?
- Pas pour le moment. Mais ouvrez l’œil, et le bon.
- Je vais déjà faire un peu de bazar dans ses affaires. Eripsa, terminé.
Tout en raccrochant, Jagen enclencha l’autodestruction à retardement du complexe. Il se leva, prit ses affaires, brisa la grande verrière derrière le bureau et sauta.
************
Kessel, Centre de travail Alpha, 572 jours après la bataille de Géonosis.
- J’ai de mauvaises nouvelles, dit Obi-Wan en s’approchant de l’amiral.
Jagen était occupé par la gestion de l’embarquement vers le croiseur de guerre séparatiste inachevé, et ne répondit pas immédiatement.
- Non, je veux que les wookiees s’occupent de la baie de stockage 26… Transférez les twi’leks ailleurs… Que disiez-vous, Maître Kenobi ?
- J’ai de mauvaises nouvelles, répéta le Jedi. Trois cuirassés de classe Rejuvenator viennent d’entrer dans le système.
- Stark, dit Jagen en fronçant les sourcils. Il fallait s’y attendre. L’embarquement sera bientôt achevé. Je vais d’ailleurs monter à bord.
- Les clones ont déjà embarqué ?
- Ils ont nettoyé le vaisseau de tous les droïdes qui auraient pu s’y trouver. Maintenant, suivez-moi.
Jagen se dirigea vers les larges ouvertures percées dans la baie d’amarrage – et, en l’occurrence, de construction – de la sphère spatiale Lucrehulk. Un large pont permettait l’accès au vaisseau par les soutes, et c’est le chemin qu’ils empruntèrent. Partout, les prisonniers récemment libérés s’affairaient aux dernières mises au point avant le décollage.
- Ces vaisseaux m’impressionnent, avoua Kenobi. J’en ai visité plusieurs, surtout ces dernières années, et à chaque fois je m’étonne de leur taille et de leurs dispositifs de défense.
- La Fédération a su comment rentabiliser ses cargos, confirma Jagen. Les vaisseaux de guerre de cette taille sont rares.
- Et la République ? demanda le Jedi. Nous avons les capacités de créer de tels engins. Pourtant, les mastodontes de la guerre sont les Bulwarks et les Lucrehulks. J’avoue que j’ai du mal à comprendre.
- Nous remportons beaucoup de victoires, Obi-Wan, dit l’amiral, grâce au perfectionnement de nos vaisseaux. Plus un croiseur est gros, plus il est facile à toucher. Et je pense que vous savez mieux que quiconque à quel point un pilote humain est supérieur à une machine.
- Piloter, c’est bon pour les droïdes.
- C’est une question de point de vue… Ah, nous arrivons.
Ils étaient en effet parvenus au pont, où l’agitation régnait plus que nulle part ailleurs. Booster Terrik était aux commandes, et il ne plaisantait pas. Jagen s’approcha du contrebandier.
- Où en sommes-nous ? demanda-t-il.
- Les passagers sont tous à bord. Nous allons pouvoir décoller.
- Bien. Le diagnostic est fini, je suppose ?
- En effet. Les moteurs sont opérationnels, tout comme les boucliers. Par contre, cinq secteurs sur trente-quatre ne sont pas encore pressurisés, et les armements sont hors-service.
- Nous nous en contenterons. Lancez la procédure de décollage.
Terrik distribua à la volée des ordres aux membres d’équipages, qui étaient pour la plupart issus des cellules qui avaient assemblé le navire.
- Au fait, demanda Jagen lorsqu’ils s’élevaient, que est le nom de ce vaisseau ?
Le contrebandier fit une recherche sur sa console.
- Nous sommes sur le
Kaar’Saak, répondit Booster. Un joli nom.
- Et qu’est-ce que cela signifie ?
Nouvelle recherche.
- C’est du neimoïdien, et cela veut dire…
Moisissure Céleste ?
Une expression de dégoût se forma sur le visage de Terrik.
- Je n’arriverai jamais à supporter les goûts des Neimies.
- Appelez-le
Last Hope, suggéra Jagen. Cela correspond bien à notre situation.
- Ou plutôt
Errant Venture, suggéra Skywalker, qui suivait la conversation depuis un moment. Moins fataliste.
-
Errant Venture… répéta Booster. Oui, ça me plaît.
Une grande vibration secoua le vaisseau.
- Nous sommes arrivés, dit inutilement Obi-Wan.
L’alarme de proximité résonna alors.
- Et Stark aussi, ajouta Jagen d’un air maussade.
Les trois cuirassés de l’amiral séparatiste étaient bel et bien là, prêts à en découdre.
- Ils nous bloquent entre eux et le champ d’astéroïdes de Kessel, maugréa Terrik.
- Il fallait s’y attendre, dit Jagen. Quelles sont nos options ?
- Nous pourrions passer par le champ d’astéroïdes, suggéra Anakin.
- Général Skywalker, les chances de traverser vivant un champ d’astéroïdes sont de 1 sur 3702, dit le contrebandier.
- Vous savez, moi et les probabilités…
- Booster a raison, trancha Jagen. Nous n’avons aucune chance de traverser ce champ de débris planétaires.
- Mais nous allons nous faire tailler en morceaux par ces cuirassés !
L’amiral Eripsa avait vingt-cinq ans de carrière, et il avait connu bien des batailles. Pourtant, lorsqu’il se tourna vers la fenêtre et qu’il vit les croiseurs ennemis se rapprocher d’eux, il éprouva un nouveau sentiment, un sentiment qu’il n’avait jamais connu auparavant sur une passerelle de commandement.
Un sentiment d’impuissance.
- C’est pour moi que Stark est là, dit-il à voix basse. Si je n’étais pas là…
Une idée se forma dans son esprit, mais elle était incongrue et ne fit pas baisser son malaise pour autant. Pourtant, il s’agissait sans aucun doute de leur seul espoir.
- Booster, dit-il soudainement, votre vaisseau est à bord ?
Le contrebandier se tourna vers lui.
- Le
Mad Bantha ? Bien sûr. Je l’ai chargé en premier.
- C’est quel modèle ?
- Un YT-1250.
- J’ai un YT-1300. Je saurai le piloter.
- Attendez ! s’exclama Terrik, qui venait de comprendre. Vous voulez fuir ?
- Non. Je veux rester.
- C’est un plan idiot.
- Non, au contraire, intervint Skywalker. Je viens avec vous.
************
- Vous êtes sûr que tout ira bien ?
Le capitaine Jav était naturellement soucieux. Et ce qu’il avait entendu du plan de l’amiral Eripsa n’était pas pour atténuer ce trait de caractère.
- Ne vous inquiétez pas, Jav. Je sais ce que je fais.
C’était faux, bien entendu, mais cela suffit à convaincre le clone, qui ouvrit à contrecœur les portes du hangar. Jagen le salua une dernière fois, et monta à bord. Il n’était pas encore arrivé au cockpit que le vaisseau décolla et sortit dans le vide de l’espace.
- J’espère que ça va marcher… dit Anakin en le voyant entrer.
- Pas de soucis, répondit Jagen. Il faut juste le narguer un peu.
- Vous êtes conscient que la fenêtre pour Terrik sera très réduite.
- Il saura la saisir. C’est un corellien.
- J’espère que vous dites vrai.
Ils s’approchaient à présent des croiseurs de Stark, qui bloquaient l’accès à l’hyperespace de l’
errant Venture.
- Ouvrez la communication avec le vaisseau-amiral, demanda Jagen.
Les séparatistes ne mirent pas longtemps à répondre. La silhouette bien connue d’un homme aux cheveux blonds apparut au milieu du récepteur holographique.
- Vous avez beaucoup de culot, Eripsa, pour venir me narguer jusqu’ici.
Iaco Stark était furieux. Et ça se voyait.
- Je pensais que nous pourrions négocier, dit Jagen avec un léger sourire.
- Négocier quoi ? Vous avez perdu. Rendez-vous et je vous promets une mort rapide.
- J’ai bien peur que vous ne parliez en vain. Je peux m’enfuir. J’ai volé un vaisseau.
- Et vous abandonnez vos alliés ? Mon père ne vous a pas suffi, je suppose. Vous voulez vraiment être le dernier homme de la Marine Républicaine.
Jagen risqua un sourire en coin. Comme prévu, la haine qu’éprouvait Stark envers lui avait occulté la vision de son ennemi.
- Mais vous ne vous en tirerez pas comme ça, reprit l’amiral séparatiste. A toutes les batteries, feu !
La communication fut instantanément coupée lorsque le vaisseau fit une grande embardée, due non pas aux salves des trois cuirassés qui venaient de les attaquer, mais à cause de la réaction vive de Skywalker, qui ne souhaitait visiblement pas être désintégré.
- Ils ont marché, se réjouit Jagen. Maintenant, attirons-les le plus près possible du champ d’astéroïdes.
- Ils envoient des chasseurs, indiqua Anakin. Je vais devoir y entrer.
Jagen sentit ses tripes se contracter à mesure que le
Mad Bantha se rapprochait des débris. Il jeta un coup d’œil sur l’écran radar et sourit.
Comme il l‘avait prévu, les trois cuirassés de classe Rejuvenator se concentraient uniquement sur lui, laissant l’
Errant Venture se rapprocher progressivement de la barre de l’hyperespace. Au dernier moment, cependant, l’un des vaisseaux rebroussa chemin, mais le Lucrehulk passa immédiatement en vitesse-lumière. Jagen n’en vit pas plus, car il venait d’être jeté à terre par une grande embardée. Ils étaient entrés dans le champ d’astéroïdes.
- Accrochez-vous, conseilla Anakin. Je vais tenter de les semer.
Derrière eux, plusieurs chasseurs C-73 de Subpro continuaient la poursuite, suivis de près par les deux cuirassés restants. Skywalker faisait continuellement bouger le vaisseau, afin de transformer ce qui aurait pu être une cible facile en un appât attirant la concentration des pilotes séparatistes et la détournant des astéroïdes. Une tactique couronnée de succès, puisqu’en moins d’une minute les deux-tiers des chasseurs ennemis avaient été pulvérisés par les débris spatiaux, rendant la poursuite beaucoup moins oppressante.
- Il faut que nous nous cachions quelque part, dit Anakin, tendu, après une énième embardée.
- D’accord, mais où ? demanda Jagen, qui avait enfin réussi à accrocher sa ceinture.
- Je n’y ai pas encore réfléchi, dit Skywalker.
Le vaisseau se cabra de nouveau et fit brusquement demi-tour. Le pilote Jedi ouvrit le feu avec les deux canons-lasers montés sur le dos et le ventre du
Mad Bantha. Les derniers chasseurs furent tous vaporisés.
- C’est bien, mais il leur reste les cuirassés ! fit remarquer Jagen.
Ses mains se crispèrent sur le tableau de bord.
- Ne vous inquiétez pas, répliqua Anakin, je contrôle la situation.
- Oui, mais pour combien de temps ?
Les cuirassés de Stark étaient à présent à portée de tir et ne tardèrent pas à ouvrir le feu. Skywalker retourna le vaisseau sur lui-même et rebroussa chemin. La poursuite continuait, mais ils distançaient bien plus facilement les croiseurs lourds que les intercepteurs auxquels ils avaient eu à faire.
- Nous sommes hors de leur portée scanner, indiqua Jagen au bout de quelques minutes de course acharnée.
- Vous pensez que ces astéroïdes sont ferrugineux ?
- Sûrement, répondit Jagen, surpris. Mais qu’est-ce-que…
La natif de Tatooine fit faire une embardée au
Mad Bantha et vint le placer au ras d’un des plus gros astéroïdes en vue. Il lança la procédure d’atterrissage puis coupa entièrement les systèmes.
- Bon sang, Anakin, s’exclama Jagen, que faites-vous ?
- Je ne pourrai pas continuer très longtemps à manœuvrer ainsi. Plus nous avançons, plus nous risquons une avarie, aussi minime soit-elle, qui nous empêcherait de quitter le système. Et, de toute façon, les seuls vecteurs hyperspatiaux de l’autre côté du champ mènent à l’espace hutt. Il suffit de les laisser nous dépasser, et nous repartirons ni vu ni connu.
- C’est une bonne technique, admit l’amiral. Mais rien ne dit qu’ils ne nous repéreront pas. C’est un gros vaisseau.
- Vous auriez préféré quoi ? demanda sèchement le Jedi. Qu’on finisse dans l’estomac d’une limace de l’espace ?
- Par la Force, non. J’ai assez eu affaire aux hutts pour ne plus supporter la vue du moindre gastéropode jusqu’à la fin de mes jours.
Le vaisseau était à présent complètement plongé dans l’obscurité, la seule lumière provenant de la baie du cockpit qui offrait un magnifique et mortel panorama sur le champ d’astéroïdes.
- Vous avez eu affaire aux hutts ? demanda soudainement Anakin.
- Oui, répondit simplement Jagen. Mais c’était il y a bien longtemps.
- Je croyais que les politiciens de la République se fichaient pas mal de la situation de la Bordure.
- Dans un sens, c’est exact, répliqua l’amiral avec amertume. Mais les militaires sont bel et bien au courant de ce qui s'y passe. Nous avons tenté de faire bouger les choses. En vain.
- C’est ce que j’ai pu constater.
- J’avais oublié que tu étais né esclave, mentit Jagen.
- C’était il y a longtemps, répondit Anakin d’un ton ferme.
La situation était bloquée. Jagen décida de faire un pas en avant.
- Lors de mon dix-huitième anniversaire, mon ami Kenth Onasi et moi avons décidé de se lancer dans une quête pour retracer le parcours de Revan. Tu sais qui est Revan, bien sûr ?
- …Non.
Ce garçon ne connait rien de ses origines.- C’est un Jedi qui a vécu voici quatre mille ans, expliqua Jagen. Il a mené une campagne dans la Bordure pour libérer ces planètes des envahisseurs mandaloriens. Une guerre extrêmement dévastatrice, qui le fit basculer du Côté Obscur. Heureusement, il connut la rédemption par la suite, grâce à Bastila Shan.
- Un personnage intéressant, commenta Skywalker.
Bien plus que tu ne te l’imagines.- En effet. Donc, notre quête nous a menés sur Tatooine.
- Tatooine ? répéta le jeune Jedi, surpris.
- Oui, tu as bien entendu. La ville d’Anachore, pour être précis. Là, j’ai acheté une carte qui devait me conduire jusqu’à l’objectif de Revan. Mais le vendeur était un klatooinien, fidèle au Traité de Vontor, et son allégeance l’amena à rapporter sa vente à sa maîtresse. Gardulla la Hutt.
Il sentit une poussée d’émotions brutales autour de Skywalker, ce qui confirmait ses craintes.
- A l’époque, elle avait la mainmise sur Anachore, mais contrairement à Jabba, elle ne pouvait pas subvenir de la seule contrebande. Elle s’est donc rapidement imposée comme la marchante d’esclaves la plus prospère de tout le secteur.
- Ma mère et moi appartenions à Gardulla, dit Anakin d’une voix dure. Je ne la connais que trop bien.
- Dans ce cas, tu dois savoir comment elle capture ses esclaves.
- Je suis né ainsi. Et elle nous a perdu quand j’avais trois ans.
- Eh bien, c’est somme toute très simple : elle s’arrange pour savoir où l’on va, elle monte une embuscade, elle ordonne à ses sbires de ne pas trop abîmer la « marchandise », et enfin elle vend le tout en moins d’une semaine. Ce qui limite les frais de détention, bien entendu.
- Vous avez été vendu ?
- Oui. Mon acheteur était un pirate weequay du nom de Trenik Fehn. Une vraie ordure. Mais le frère de Kenth nous suivait, et il a réussi à avertir les militaires de la République. La bataille a été de courte durée, mais cela lui a coûté la vie. Cependant, Fehn avait réussi à s’échapper.
- Trenik Fehn… répéta Skywalker. C’est le nom du pirate qui commandait le Léviathan, non ?
- Parfaitement. L’esclavagiste reconnu que Palpatine m’a interdit d’attaquer.
Une nouvelle fois, de fortes émotions contradictoires se formèrent autour d’Anakin.
- Il ne savait pas, il pensait…
- Il savait parfaitement, corrigea Jagen. Il m’a formellement interdit de venir en aide aux peuples de la Bordure, car la République, je cite, « n’a pas vocation à venir en aide aux sauvages qui l’ont refusée ».
- Je pense qu’il voulait…
- Quoi qu’il en soit, Fehn est mort. Je l’ai tué de ma main.
Nouveau silence. Au loin, les cuirassés de Stark passaient sans même les apercevoir.
- Je me suis toujours demandé pourquoi les canonniers du pont du
Léviathan ne m’avaient même pas visé lorsque j’ai lancé mon attaque frontale. Vous vouliez donc vous venger, et vous avez recruté un sosie.
- Ce n’est pas tout à fait ça. J’essayais de voir si je pouvais récupérer des informations sur ce vaisseau, mais Fehn m’a tendu un piège. Et comme on dit sur Corellia, l’occasion fait le larron.
- C’était tout de même de la vengeance pure et dure.
- Je n’ai pas à recevoir de leçons, surtout venant de ta part, répondit sèchement Jagen. J’ai tué un pirate, mais toi, tu as massacré tout un village pour assouvir ta soif de sang.
Zut. Je n’aurais pas dû perdre mon sang-froid. Mais il était trop tard. Skywalker avait déjà dégainé son sabre-laser.
- Comment le savez-vous ? demanda-t-il d’une voix forte qui couvrit les bourdonnements de l’arme.
- Ce n’était pas bien dur à découvrir. Un ami à moi de passage sur ta planète a entendu des rumeurs. Il s’est rendu sur place et a découvert les corps. Entre les blessures au sabre-laser et l’annonce de la mort de ta mère, sans compter ta présence sur Tatooine, le lien a été vite fait.
- Je ne regrette en rien ce que j’ai pu faire à ces monstres. Ce sont des bêtes, ils méritaient de mourir comme des chiens !
Nouvelle poussée de colère.
- Tu t’engages sur une pente glissante, Anakin. La colère est un sentiment humain, tout comme la haine, mais tu dois apprendre à te contrôler et à ne pas te transformer en ce que tu combats.
- Que voulez-vous dire ?
- Si tu avais assassiné les hommes des sables par vengeance, tu te serais abaissé à leur niveau. Une bête, comme tu dis. En égorgeant aussi leurs femmes et leurs enfants, tu es devenu pire.
- Je suis un Jedi, se lamenta Anakin en éteignant son sabre. Je devrais être meilleur que ça.
- Tu as eu une enfance dure, et cela excuse en grande partie ta fragilité émotionnelle. Mais, tôt ou tard, tes ennemis découvriront cette faille. Et ils s’en serviront.
- Je saurais me défendre.
- Non. Tu ne pourras pas. Ils s’en prendront à ceux que tu affectionnes, et tu ne pourras rien faire.
Anakin semblait au bord du désespoir.
- Que dois-je faire ?
- Parler. Plus tu t’enfermeras dans un secret, plus il te corrompra. Le mieux est d’extérioriser les risques, pour qu’ils ne te consument pas de l’intérieur.
- Ce n’est pas ce que me dit mon instinct.
- Ton instinct, comme tu dis, peut être abusé. Cela m’est déjà arrivé.
- C’est si… différent de ce qu’il me dit.
- Qui cela ?
- Non, rien, oubliez, répondit précipitamment le jeune Jedi.
Cependant, le regard de Jagen se fit plus insistant, et il céda.
- Palpatine, lâcha-t-il à contrecœur.
Les choses vont plus loin que je n’osais l’imaginer.- Palpatine n’est pas un Jedi, dit Jagen.
- Vous non plus.
- C’est exact.
- Il a toujours été amical avec moi.
- Et pour quelle raison ?
Anakin sembla hésiter quelques instants.
- J’ai sauvé sa planète, non ?
- Autre chose ?
- Il a toujours dit qu’il me voyait devenir un Jedi extrêmement talentueux, sûrement le grand maître de l’Ordre, quelque chose comme ça.
Ce vieux forban a avancé ses pions bien au-delà de ce que je pensais. Mais cela correspond exactement à ce que je soupçonnais. Il veut ce garçon. Mais pas en tant que Jedi, non, c’est certain.- La République a besoin d’hommes forts, Anakin, risqua Jagen. Je pense que l’Ordre a tout autant besoin de leaders. Et je pense également que les membres du Conseil le savent.
- J’en doute.
- Bien sûr que si. Et ils te testent.
- Ça ressemble plus à un déni perpétuel. Ils n’ont aucune confiance en moins.
- Et toi ? Peuvent-ils te faire confiance, si tu n’es pas honnête avec eux ?
Anakin resta pensif. Jagen regarda dehors et vit les cuirassés qui avançaient toujours, au loin.
- Je n’ai pas confiance en leurs règles, dit enfin Skywalker. Ils vont trop loin. Ces histoires d’attachement… de déni de la passion…
- Tu as besoin d’aimer, résuma Jagen.
- Oui.
Foutus Jedi. Ils sont capables de l’emmener du Côté Obscur sans que Sidious ne fasse quoi que ce soit. Le comble de l’idiotie.- C’est un chemin dangereux, Anakin. Mais tu ne peux changer ta nature. Tu dois l’accepter, et faire en sorte qu’elle n’aille pas contre tes intérêts.
- L’attachement mène à la peur, la peur à la colère, la colère à la haine, la haine au Côté Obscur, dit-il en récitant le Code Jedi.
- Ce qui me ramène à l’exemple de Revan.
- Vraiment ?
- Pendant la Guerre Civile des Jedi, son aimée, Bastila, a été capturée. Dark Malak, le Seigneur Sith de l’époque, l’a torturée pour la faire basculer du Côté Obscur. Mais l’amour que Revan lui portait la ramena vers la lumière, et ensemble ils vainquirent Malak.
- C’est une belle histoire. Vous pensez que l’amour que je peux porter aux autres m’empêchera de basculer ?
- Tu as peur de sombrer dans la haine. Mais ton ancrage dans le Côté Lumineux peut provenir de ce que tu ressens. Au fait, nous sommes hors de portée de leurs scanners.
- C’est vrai.
Le jeune Jedi ralluma l’engin et décolla pour revenir sur leurs pas.
Anakin resta silencieux pendant un moment.
- Vous avez parlé avec sagesse, Jagen, dit-il enfin. Pourtant, vous n’êtes qu’un militaire.
- Qu’un militaire ? Non. Pas vraiment.
- C’est vrai, vous êtes aussi Sénateur.
- Entre autres.
- Que pensez-vous du Sénat ? demanda-t-il en faisant plonger l’appareil pour éviter un astéroïde.
- Je pense que les trois-quarts des politiciens ont perdu toute commune mesure. Je pense également que nous sommes peu à percevoir la menace qui plane réellement sur la République.
- Tout le monde sait que les Séparatistes veulent nous détruire.
- Je ne parle pas de la Confédération. Je parle de l’effondrement même de notre civilisation. La fin de la démocratie. C’est ma plus grande crainte.
- Le Chancelier veillera à ce qu’elle soit préservée.
- On peut toujours rêver…
Ils approchaient de la limite du champ de débris. D’ici quelques instants, ils pourraient s’échapper définitivement…
Soudainement, Jagen se rendit compte qu’il avait oublié un léger détail.
Un détail sous forme de cuirassé d’un kilomètre de long.
Les batteries lasers ouvrirent le feu dès que le capitaine s’aperçut de leur présence.
- Je croyais qu’ils étaient tous passés ! cria Skywalker en manoeuvrant le
Mad Bantha pour éviter les salves.
- J’avais oublié celui qui était resté en arrière pour traquer l’
Errant Venture. Passe par en-dessous. Les canons sont moins nombreux.
- À vos ordres.
Le cargo corellien se retourna sur lui-même et passa sous le ventre du cuirassé avant même que celui-ci n’ait compris ce qui lui arrivait.
Enfin, Anakin parvint à franchir la barre de l’hyperespace. Les étoiles s’étirèrent et ils quittèrent l’espace réel.
************
Base Sectorielle de New Holstice, 574 jours après la bataille de Géonosis.
- Votre état est bon, dit le droïde médical de sa voix plate. Vous pouvez vous en aller.
Avec un sourire, Jagen termina de boutonner sa chemise, ramassa ses affaires et sortit, pour retrouver de l’autre côté de la porte Obi-Wan, Anakin, Booster Terrik et le capitaine Jav.
- Alors ? demanda le maître Jedi.
- Comme neuf, répondit énergiquement Jagen. Soixante-dix jours de travail dans les mines, et rien de particulier à signaler. Juste quelques écorchures vite soignées avec un spray bacta.
- Voilà une bonne nouvelle, dit Anakin.
- Oui, formidable, marmonna Booster. Toujours est-il que j’ai des réparations à effectuer sur mon vaisseau. Et que j’attends toujours ma prime pour cette mission de fou.
- En fait, je me suis arrangé pour que votre prime soit payée en nature, Booster, expliqua Jagen.
- Je crois que vous vous faites des idées, amiral. Enfin, le pire, c’est pour votre femme, quoi…
- Très drôle. Je voulais dire que je vous laisse l’
Errant Venture.
Le choc d’Obi-Wan fut largement perceptible dans la Force.
- Vous laissez un cargo géant entre les mains d’un contrebandier ? Cela revient à confier la surveillance d’une côte de ronto à un rancor affamé.
- Merci pour la comparaison, grogna le corellien.
- J’ai toute confiance en Booster, assura Jagen. En fait, je pense qu’il pourra se servir de ce vaisseau pour quelques tâches… utiles.
L’espace d’un instant, Obi-Wan resta perplexe, puis une lueur de compréhension s’alluma dans ses yeux.
- Je vois.
- J’en suis certain. Capitaine Jav ?
- Amiral ?
- Veuillez contacter le colonel Solo. Indiquez-lui que nous sommes en attente d’un transport valable pour rentrer sur Coruscant. Expliquez-lui la situation. Ensuite, envoyez un message au cabinet du Chancelier pour résumer ce que nous avons appris sur Kessel.
- Bien, amiral.
Le capitaine clone s’éloigna immédiatement.
- Je suis sûr que le Chancelier Palpatine sera ravi d’apprendre que je suis toujours en vie, dit-il d’un ton sarcastique.
- Il va garder le Commandement Suprême, dit Anakin. Vous le savez.
- Bien entendu. Mais il sera obligé de me le donner également. Comme avant, en somme.
La sonnerie du comlink d’Obi-Wan retentit.
- Il est temps pour nous d’y aller. Notre vaisseau nous attend.
- Alors, répondit Jagen, que la Force soit avec vous.
Ils échangèrent les traditionnels saluts, puis les deux Jedi partirent, laissant Jagen et Booster seuls.
- De drôles de Jedi, commenta le contrebandier corellien avant de s’éloigner.
Jagen ne répondit pas. Il avait le regard fixé sur Anakin. Il en était sûr, à présent.
Anakin Skywalker est la clé de cette guerre, qu’il le veuille ou non.