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Musique. Cuivres. Tambours. Grande Pompe. Troupes. Parade. Splendeur.

Debout sur un des balcons du Palais impérial, Pellaeon contemplait le spectacle avec une fascination sans cesse croissante. Jamais, de sa vie, il n’avait vu autant de Stormtroopers défiler sur la Place Impériale. Etendards dressés, regroupés en carrés, blaster à l’épaule, ils marchaient au pas, fiers comme une armée conquérante, dignes symboles de la puissance éternelle de l’Ordre Nouveau. Le rythme entraînant de la marche impériale gonflait le cœur des soldats comme des spectateurs, lesquels hurlaient leur joie – et leur foi en l’Empire. La foule était là, immense tapis de plusieurs milliers d’âmes, scandant le nom de Palpatine, le répétant à n’en plus finir…

Le capitaine du Chimaera était arrivé au Centre Impérial dans la journée. La bataille d’Ho-D’Oacr’ n’avait pas eu lieu depuis trois jours qu’il était déjà convoqué, en personne, par le Gouvernement impérial… Ce qui n’était pas pour le rassurer. Il avait certes détruit quatre croiseurs bothans et anéanti les chantiers rebelles sans perdre un seul destroyer, mais il avait été à deux doigts d’être vaincu et son adversaire l’avait contraint à une humiliante retraite.

Et Isard, pas plus que feu Palpatine, n’aimait pas le mot « retraite ».

- Quelle merveille, n’est-ce pas ?

Pellaeon, le cœur battant, tourna les talons.

L’homme qui s’était adressé à lui portait l’uniforme et les galons d’un amiral de la Flotte impériale. Maîtrisait l’allure d’un amiral de la Flotte impériale. Il devait avoir atteint le même âge que Pellaeon, à en juger par ses cheveux gris acier et son visage dur percé de deux yeux dénotant une intelligence aussi vive qu’elle ne paraissait pas usurpée.

- Je ne crois pas vous connaître, mentit Pellaeon.
- Beaucoup de gens, avant Endor, le croyaient aussi, lui assura l’amiral avec un clin d’œil complice. Mon nom est Voss Parck. Et vous êtes Gilad Pellaeon, capitaine du Chimaera. Le héros d’Ho-D’Oacr’.

Parck ! Evidemment, Pellaeon l’avait immédiatement reconnu – qui ne savait que Parck avait été muté dans les Régions inconnues en compagnie de ce non-humain, ce Thrawn qui se prenait pour un Grand Amiral simplement parce qu’il en portait l’uniforme ? Le capitaine du Chimaera n’avait pas été dupe : Parck et Thrawn n’avaient pas fait montre d’un grand génie politique et l’Empereur les avait éloignés. Ces deux là méritaient davantage le sourire que le respect…

Et voilà que Parck, encore récemment considéré comme un pestiféré, était de retour sur Coruscant ! Et avec le grade d’amiral, qui plus est ! Tout allait décidément trop vite… Non, vraiment, la politique n’était pas son truc.

- Héros ? fit Pellaeon en haussant les épaules. Je crains que vous n’ayez été induit en erreur.
- Allons donc, répliqua Parck avec un sourire chaleureux. Ne soyez pas modeste. Nous avons personnellement analysé votre comportement au cours de cette bataille. Certes quelques défauts, mais une gestion remarquable de vos moyens associée à une audace indéniable au combat. Avec des destroyers en parfait état de marche, vous auriez éliminé les survivants sans la moindre difficulté, bien qu’il se soit agi de croiseurs Katana.

« Nous » ? Qui ça, « nous » ? Pellaeon fronça les sourcils.

- L’un des membres du Cercle Dirigeant de l’Empire va venir vous décorer de l’Ordre de la Tête de Mort pour vos faits d’armes, précisa Parck. Ne vous étonnez pas : vous le méritez amplement.
- Mon étonnement provient plutôt du fait que vous soyez au courant, amiral, rétorqua le capitaine.
- Rien de glorieux à prédire l’inévitable.

Le défilé se poursuivait, magnifique, grandiose. La Place était pleine. On se croyait revenu au début de la Guerre des Clones, lorsque les soldats acclamés par le peuple s’étaient embarqués dans les premiers destroyers de Kuat, la fleur au blaster. A cette époque, tout avait paru facile. On croyait que la guerre ne durerait que quelques semaines, que les Séparatistes capituleraient au premier coup de feu… La suite des événements avait tout démenti. Tout cela parce que ces arrogants Jedi qui prétendaient diriger les opérations avaient en réalité trahi pour mieux s’emparer du pouvoir…

- Belle parade, opina Parck. Je me demande comment ils ont fait pour effacer les traces de sang et se débarrasser des corps en si peu de temps.
- Que voulez-vous dire ? s’offusqua Pellaeon.

Le bras de l’amiral s’éleva, son doigt se tendit vers… Pelleaon le suivit des yeux… ne vit rien… Alors il se souvint. Il se rappela qu’il aurait du y avoir quelque chose, là, à l’endroit que désignait Parck.

- La statue de l’Empereur… murmura-t-il, consterné. Que lui est-il arrivé ?
- Dynamitée, répondit laconiquement Parck. La foule a manifesté ici, lorsque la nouvelle s’est répandue que l’Empereur avait été tué et son Etoile Noire détruite. Ils étaient nombreux à… disons, faire connaître leur sentiment.
- Et ? insista Pellaeon, la gorge sèche.

Parck lui adressa un regard lourd de sous-entendus.

- Vous connaissez Isard, répondit-il.

La respiration de Pellaeon s’accéléra – surtout, ne rien en montrer, surtout, rester droit, rester digne, rester… Impérial…

- On parle de moi ? s’enquit une voix qui congela le capitaine.

Ysanne Isard s’était amenée sur le balcon, à son tour, la démarche toujours aussi féline. Elle était belle, songea Pellaeon, mais il en avait davantage peur qu’autre chose.

- Uniquement de la manière dont vous avez mis au point ce somptueux défilé, sourit Parck pour détendre l’atmosphère. J’ai informé le capitaine Pellaeon de l’objet de sa venue au Centre Impérial.
- Quel dommage, répliqua Isard avec le même sourire, je voulais que cela reste une surprise…
- Oh, pourquoi faire mijoter nos grands guerriers, ironisa Parck avant de se tourner vers Pellaeon. Capitaine, je crois que le Directeur Isard est venue vous annoncer que l’on n’attendait plus que vous dans la Salle des Décorations.
- Ah, fit nerveusement Pellaeon. Je ne m’attarderai donc pas.
- Ce fut un plaisir, ajouta Parck en le saluant. L’Empire, ne l’oubliez pas, récompense toujours les êtres de valeur. Croyez que nous allons suivre votre carrière avec le plus grand intérêt…

Pluriel de majesté, sans doute… Pellaeon n’y réfléchit pas plus avant, se raidit au garde-à-vous, claqua les talons et quitta le balcon.

- Il doit se poser des questions, déclara Isard au bout de plusieurs secondes, les yeux posés sur la marche impériale.
- Peu importe, dit Parck sans se départir de son ton assuré. L’important est que le ciel du Centre Impérial ne soit pas rempli de vaisseaux bothans. A ce sujet, le Grand Amiral vous transmet ses félicitations.

Isard émit un vague gloussement.

- Je ne les mérite pas, objecta-t-elle. Je n’ai fait qu’exécuter le plan du Grand Amiral. Plan qui a connu quelques ratés.
- L’évasion de Calrissian ne change rien au résultat : ce n’était qu’un bonus. Quant à Kutchann…
- Je crois que le Grand Amiral l’appréciait beaucoup ?
- Il défend les intérêts de l’Empire, corrigea Parck. Et les manœuvres du général Kutchann allaient à l’encontre des intérêts de l’Empire.

Cette phrase sibylline laissa Isard insatisfaite.

- Je vous ai amené la datacarte, finit-elle par avouer en la lui remettant. Je persiste à penser que nous devrions l’utiliser maintenant. Au point où nous en sommes…

Parck examina attentivement la datacarte, intitulée Protocole Caamas. Tant de complications, tant de morts, tant de bruit pour cette chose dérisoire…

- Le Grand Amiral n’est pas de cet avis, comme vous le savez, déclara-t-il. Ce Document restera dans nos archives et ne sera utilisé qu’en dernier recours. Le rendre public à l’heure actuelle serait inopportun. Naboo a déjà été massacré : pourquoi en rajouter en salissant la mémoire de Palpatine ?

Parck marqua une pause, avant de reprendre, d’une voix plus grave :

- Nous ne devons pas sous-estimer les implications d’Endor. Nous venons de pénétrer dans une nouvelle époque riche d’inconnues. La galaxie a sombré dans le plus abominable des chaos. Entre la Rébellion, les Seigneurs de la Guerre, les pirates de l’espace et surtout les menaces qui planent dans les Régions inconnues, nous sommes condamnés à une guerre sur plusieurs fronts. Il va falloir redoubler de prudence et d’ingéniosité.
- Et qu’en pense le Grand Amiral ?
- Les Rebelles ont été durement éprouvés à Ho-D’Oacr’ et Naboo, mais ils se renforcent constamment. Nous ne pourrons les empêcher de s’emparer de Coruscant.

Isard se cambra. « Les Rebelles, prendre Coruscant ? C’est absurde… »

Le regard de Parck se fit navré.

- Je n’ai pas dit qu’ils attaqueraient maintenant. Vous avez gagné un délai, quelques mois, peut-être plus. Mais vous ne les arrêterez pas.
- Tiens donc ! ricana Isard, incrédule.
- L’Empereur est mort, lui rappela Parck. Et nous ne possédons plus de réserve stratégique. Takel n’a pas réussi à vaincre en dépit de sa supériorité numérique. Que vous faut-il de plus ?

Les poings serrés, Isard fulminait. Mais pour qui se prenait-il ? D’autres que lui auraient été fusillés pour de tels propos…

- L’Empire n’est plus qu’une façade de ce qu’il a été, reprit Parck. Mais tout n’est pas perdu.
- Et que propose le Grand Amiral Thrawn pour nous aider ? le railla Cœur de Glace.

Parck esquissa un léger sourire.

- Vous avez déjà joué au dejarik, n’est-ce pas ? lui demanda-t-il subitement.
- Je préfère laisser d’autres agir à ma place, répondit aimablement Isard.
- Bien sûr. Mais vous avez certainement entendu parler de la variante du Faucheux Kintan ?

La prise mortelle du Faucheux Kintan, du nom de la plus puissante pièce de ce jeu passablement complexe, était un coup bien connu des spécialistes : il consistait à faire avancer ledit Faucheux vers le dispositif adverse de l’échiquier, pour y attirer les monnocks ennemis… et les anéantir en les prenant à revers par des limaces k’lor…

Mais la variante… Non, Isard ne connaissait pas.

- Il est difficile à mettre en œuvre, sauf pour des acharnés de ce type de jeu, expliqua Parck. C’est une espèce de quitte ou double, lorsqu’il ne nous reste plus qu’un Faucheux et deux pièces, dont une limace k’lor.
- Un quitte ou double ?
- Parfaitement. On laisse les pièces adverses s’avancer jusqu’au Faucheux. Comme il s’agit d’une pièce non négligeable, l’ennemi n’ira pas recourir à trente-six stratégies pour en venir à bout : il s’efforcera d’attaquer par derrière en le contournant par des minnocks.
- Et après ?
- Le Faucheux tombe, bien sûr, mais sur une case préalablement infectée par une limace k’lor demeurée en réserve : vous savez que ces bestioles ont la désagréable habitude de pondre des nids de prédateurs mortels. L’adversaire, qui a du sacrifier des pièces contre le Faucheux, aura perdu le reste du fait de cette… épidémie.

Isard hocha la tête, réfléchissant.

- Si je comprends bien votre métaphore filée, le Grand Amiral me suggère de laisser les Rebelles avancer jusqu’à Coruscant et la capturer ?
- Rien ne vous interdit de leur tendre des pièges et de leur imposer une guerilla spatiale, mais dans l’ensemble, c’est un peu ça.
- Et que vient faire la limace k’lor ?

Parck eut un vague geste de la main.

- Vous aurez pris soin de déclencher une épidémie de virus qui frappera les non-humains de cet endroit. Les Rebelles seront enfermés dans un piège logistique qui s’avèrera mortel : ils devront consacrer toutes leurs ressources matérielles, financières, sanitaires, à sauver cette planète sous peine d’y perdre en crédit auprès des peuples qu’ils prétendent libérer.
- Pourquoi simplement s’attaquer aux non-humains ?
- Oh, voyons… fit Parck, surpris. Ne me dites pas que vous n’avez pas compris… Rien de mieux, pour raviver les tensions raciales, que la démonstration de l’égoïsme des Humains, vous ne croyez pas ? Et comme l’Empire contrôle encore les sources du bacta, les Rebelles seront dans l’incapacité de soutenir longtemps les malades, et ne pourront se maintenir au pouvoir : ils seront victimes de leurs propres conquêtes, et politiquement discrédités. Vaincre la Rébellion passe aussi par ce cap : remporter la victoire idéologique.
- En gros, je sacrifie Coruscant pour mieux la reprendre ultérieurement ?
- Et vos troupes iront généreusement distribuer le vaccin aux populations qu’elles auront libérées, ajouta Parck. Ah, détail important… N’oubliez pas, lorsque vous partirez, de laisser derrière vous des groupes terroristes : il n’y a rien de pire pour une armée en campagne qu’affronter un tel péril.

Une guerre bactériologique menée de manière inédite, en d’autres termes, sur fond de campagne de terreur anonyme… Parck vit à l’expression du visage d’Isard que celle-ci était séduite par l’idée.

- Au fond, reconnut-il, Kutchann avait raison : on peut facilement manipuler les Rebelles, tant que nous leur faisons miroiter Coruscant… Ils se damneront pour cette planète.
- Cela étant dit, observa Isard, les Rebelles ne sont pas encore ici…
- En effet. Le plan que le Grand Amiral vous propose ne pourra être utilisé que si la situation est à ce point désespérée… Et elle le deviendra, malheureusement.

Malgré elle, Isard ne pouvait qu’acquiescer. Les échecs d’Endor et de Naboo avaient coûté quantité de destroyers, de chasseurs et surtout d’hommes entraînés – sans parler des pilotes et des supercroiseurs… Jamais l’Empire ne serait en mesure de reconstituer ses effectifs, à moins de remettre la main sur des centres de clonage, comme du temps de la Guerre des Clones. Ce qui était purement illusoire.

Comme en proie à d’horribles visions du futur, Parck et Isard n’échangèrent aucun mot pendant les minutes qui suivirent, se contentant d’assister au défilé…

- Je ne pourrai pas rester, finit-il par avouer. Mon vaisseau part pour les Régions inconnues dans quelques heures.
- Votre présence y est à ce point indispensable ? maugréa Cœur de Glace.
- Il arrive un moment où, face à de dangereux adversaires, ne pas être à son poste constitue l’un des pires crimes qui soient. Rassurez-vous, Madame : le Grand Amiral vous tiendra au courant de ses projets, comme il l’a fait ces jours derniers. Vous avez vu que notre collaboration peut s’avérer extrêmement rentable.
- J’ai remarqué, oui, répondit sèchement Isard.

Sur ce, Parck lui exécuta le plus parfait des baise-mains, et prit congé.

Ce ne fut qu’après son départ qu’Isard réalisa que pas un instant, le nom de Pestage n’avait été prononcé… Elle ignorait que Parck mènerait sa propre enquête sur le voyage effectué par le Grand Chancelier, ce qui amènerait Thrawn à entendre parler, quelques années plus tard, d’une certaine planète Wayland…











* * *










- Major Fel, lui sourit le général Carvin en lui apposant la médaille sur sa poitrine, vous avez bien mérité de l’Empire !

Le major Sonntir Fel n’en était pas à sa première décoration, mais cette dernière le surprenait – pire encore : le choquait. Et qu’elle lui fût remise par le général Carvin, qui incarnait l’honneur de l’armée – en particulier depuis qu’il avait pris la tête du Cercle du Pouvoir à l’occasion de la tentative de putsch du Grand Moff Nesta –, ajoutait au grotesque de la situation.

Fel dégueulait cette Propagande, ces journalistes véreux qui bossaient pour les mêmes gars qui s’étaient jadis prosternés devant Palpatine. Il dégueulait les officiers, tous des vendus, pourris par leur lâcheté et leur ambition. Il dégueulait son uniforme noir et tout ce qu’il représentait.

Il n’avait pas attendu le sort fait à Naboo pour ouvrir les yeux. Mais à présent, il en était certain : il ne pouvait plus combattre au nom de ce système fondé sur la tyrannie et l’oppression. Il ne pouvait plus arborer ces insignes qui signifiaient mort et souffrance chez bien des gens.

Il n’en pouvait plus. Mais il ne se voyait pas capable de laisser tomber ses adjoints, ses camarades, ses amis.

Pas encore…

Il finirait bien par prendre une décision.

Et cette décision, il le savait, serait la bonne.

Au moins, s’il désertait, Phennir serait joyeux : il hériterait du 181e… Point à ne pas négliger, donc.










* * *










Coruscant se calma – tout comme d’autres planètes. L’Empire était certes sur le chemin de la défaite, mais il s’était ressaisi. Et les peuples de la galaxie prirent conscience que cette guerre ne prendrait pas fin dans les semaines suivantes. Peu à peu, les garnisons impériales revenaient, se renforçaient, raffermissaient l’Ordre Nouveau. Et les gens se refaisaient à l’idée qu’elles resteraient encore dans leur monde un certain temps… que l’Empire n’était pas encore mort…

Mais pour au moins une personne de cet Univers, l’Empire était bien mort. Grodin Tierce avait été l’un des Gardes Impériaux de Palpatine, et avait goûté au faste et à la gloire. Le nouvel Empire n’était qu’une sinistre farce, un régime moribond partagé entre tous ces minables qui jadis mangeaient dans la main du Guide suprême et qui n’auraient jamais eu ne serait-ce que la chance de pouvoir s’ériger en dirigeants…

A moins de retrouver un leader de la trempe de Palpatine – et Isard ne l’était pas – ce système s’effondrerait, à plus ou moins long terme. Tierce n’avait pu que constater l’amère vérité : Kutchann avait gagné. La galaxie serait détruite par la guerre civile. Et personne n’y pourrait plus rien.

C’était pourquoi Tierce avait disparu du Palais Impérial, rejoignant une de ces milliers d’unités de choc que l’on avait envoyées au front affronter les guérillas locales. Que pouvait-il faire d’autre ? Rester sur Coruscant lui était devenu insupportable.

Mais il ne cherchait pas la mort – auquel cas, se faire sauter la tête avec une grenade thermique eût fait l’affaire. Il sauverait même le plus de vies impériales possible.

Non, son esprit était tout entier habité par cette obsession.

La vengeance.

Il se vengerait des Rebelles en en tuant un maximum. Il se vengerait des Rebelles en ne leur faisant pas de quartier. Il se vengerait des Rebelles en massacrant ceux et celles qui les soutiendraient – même tacitement. Tous, sans exception.

Il se vengerait d’eux – et cette vengeance serait terrible. Dans cette vie, ou dans une autre.










* * *











Mara Jade se réveilla en sursaut.

La mort ? L’Enfer ? Non, une simple chambre d’hôpital, fenêtre ouverte. Il faisait nuit et la pâle lueur de deux lunes donnait à l’endroit un éclairage irréel…

Elle était seule, revêtue d’une simple blouse et des perfes traditionnelles. Et se sentait incroyablement fatiguée. Sans doute venait-elle de passer quelques jours dans une cuve de bacta…

… sans doute…

… sans doute ?

Mais que faisait-elle ici, d’ailleurs ? Où était-elle ? Que lui était-il arrivé ? Elle se souvint de… la Main de l’Empereur, de la Nébuleuse Noire, de l’apparition de l’Empereur – VOUS DEVEZ TUER LUKE SKYWALKER !!! –, de… ISARD ! Isard l’avait fait arrêter pour trahison et… elle s’était évadée… elle…

… les souvenirs se dissipaient dès qu’elle se mettait en tête de déterminer ses activités des derniers jours… C’était comme si un vaste blanc lui avait gommé cette période précise de son existence… Mara eut beau chercher, elle ne parvint pas à trouver trace de la moindre parcelle de mémoire relative à ce qui lui était arrivé… ce qui avait fait qu’elle s’était retrouvée ici, dans cet hôpital…

Mara Jade était une femme pratique. Elle ne perdrait pas davantage son temps à se préoccuper de ce léger détail. Elle n’avait qu’une idée en tête : se sortir de là… Isard pouvait l’avoir repérée, et rêvait de l’empailler…

S’évader était donc ce qui importait dans l’immédiat.

Mara se leva, sortit de sa chambre, constata qu’il n’y avait personne dans les couloirs… Un piège ? Elle se dirigea à pas de loup vers la porte de sortie. Dans trois minutes, elle aurait trouvé des fringues convenables. Dans six minutes, elle aurait quitté l’hôpital – ayant au préalable mis un droïd hors de combat. Dans sept minutes, elle apprendrait qu’elle se trouvait sur le monde de Phorliss, une planète de troisième zone de la Bordure. Dans dix minutes, elle choisirait de s’installer ici en attendant de trouver un vaisseau et de se reconstituer un petit pécule. Dans cinquante minutes, elle se rendrait à la première taverne venue et offrirait ses services – qui irait se méfier d’une serveuse ? Dans cinquante-trois minutes, elle se verrait acceptée par le tenancier, moyennant une légère pression de la Force. Dans cinquante-neuf minutes, elle deviendrait membre à part entière de la Cantina, sous le nom de Karrinna Janisih – l’une des multiples fausses identités qu’elle avait apprises par cœur du temps où elle bossait pour Palpy. Dans soixante-cinq minutes, elle se ferait draguer pour la première fois par un gros tas pervers. Dans deux semaines, le gang de la Nébuleuse Noire referait son apparition et exterminerait sa nouvelle « famille ». Dans trois semaines, elle anéantirait cette organisation et supprimerait son chef, Decqu. Dans un mois, rebaptisée Merellis, elle ferait à son tour partie d’un gang sur Caprioril. Dans deux ans, elle accepterait le job de mécanicienne d’hyper-moteurs dans les remous du Corridor d’Ison, sur le monde de Varonat. Dans quatre ans et cinq mois, elle rencontrerait pour la première fois Talon Karrde dont elle deviendrait l’adjointe.

Puis elle tuerait Luke Skywalker, comme l’Empereur le lui avait demandé. Et elle obtiendrait enfin le Pardon de l’Empereur.

La mémoire sur les précédents événements ne lui reviendrait pas, tout au mieux aurait-elle des soupçons, des rêves… Le choc cérébral qu’elle avait subi avait failli lui coûter la vie – et cette amnésie n’était, somme toute, qu’un moindre mal… Et quand bien même apprendrait-elle un jour la vérité sur ces jours manquants, qu’elle ne la révèlerait pas forcément… Avouer que l’on avait servi personnellement Pestage pour l’aider à réactiver les cylindres de clonage spaarti ne relevait pas d’une démarche sensée.








* * *










La navette Lambda de Sate Pestage venait de quitter l’orbite de Phorliss et s’apprêtait à sauter dans l’hyperespace. Mais le Grand Chancelier avait une dernière chose à régler avant cela.

Dhagr se remettait de ses blessures dans la cuve de bacta jadis réservée à Mara Jade, avant que Pestage ne la fît discrètement déposer dans un hôpital de ce monde éloigné. Le Grand Chancelier l’avait spontanément proposé au Noghri – après tout, il lui avait rendu de précieux services…

Pestage quitta le cockpit, se rendit dans la cabine où avait été mise en place la cuve… Le Noghri, les yeux fermés, flottait dans le liquide rosâtre, paraissait s’y reposer, tranquille comme un enfant malade…

Le Grand Chancelier croisa les bras, pensif. Dhagr, décidément, était un guerrier très puissant, limite parfait. Il n’avait qu’un défaut : il n’était pas humain. Et les non-humains ne pouvaient cohabiter avec les humains dans un même vaisseau. La pureté de la race était à ce prix.

Pestage s’avança vers la cuve, éloignant le droïd médical. Il tabula sur le clavier du moniteur relié à l’engin, accédant au programme contrôlant l’arrivée d’air. Pour le moment, Dhagr, toujours sous le coup de l’anesthésie, recevait de l’oxygène, mais qu’arriverait-il si ledit oxygène se transformait en monoxyde de carbone stocké, dose maximum ? Il ne tiendrait pas quinze minutes, non ?

RENFORCER LE TAUX DE CO2 ? OUI – NON

Pestage jeta un dernier regard au Noghri inanimé.

- Navré, murmura-t-il. Mais là où je vais, tu ne pouvais pas me suivre.

Son doigt pressa légèrement la touche requise.

OUI.

Pestage prit soin de porter la dose à 100 %. Il se débarrasserait du corps en le balançant dans le vide spatial, en même temps que les détritus…

En attendant que le monoxyde fît son effet, Pestage retourna dans sa cabine privée, enclencha le lecteur holocom qui s’y trouvait, tapa le code correspondant pour sécuriser la communication. Une forme fantomatique surgit devant lui, enveloppée d’une lueur bleutée. La forme était revêtue d’une toge ample et sombre, mais son visage était jeune – très jeune même. Son regard étincelait de haine et d’ambition.

Subitement ému, Sate Pestage s’agenouilla avec déférence, yeux rivés vers le sol.

- Que le Maître ordonne, dit-il.
- Que le Serviteur se relève, répondit son interlocuteur d’une voix sinistre.

Ce que Pestage fit.

- Je suis venu implorer votre pardon, mon Maître ! déclara Pestage sur un ton suppliant. J’ai échoué. C’Baoth n’a pas voulu me suivre.
- C’est sans importance, Grand Chancelier, répliqua l’homme en toge noire. Pour tout dire, il m’intéressait davantage de voir si vous iriez jusqu’au bout pour votre Maître.

Le Grand Chancelier tressaillit. Ainsi, tout ce périple n’aurait été… qu’une mise à l’épreuve ?

- Et je constate avec plaisir que vous vous êtes acquitté de cette tâche avec votre zèle coutumier, conclut l’individu. J’en suis heureux pour vous.
- Je pourrais revenir sur Wayland avec des effectifs plus conséquents !
- Non. Ce n’est pas nécessaire. C’Baoth les balaierait, ou les prendrait en son pouvoir, et serait à même de débarquer au Centre Impérial, non en vassal, mais en souverain.
- Mais… nous perdons accès aux cylindres spaarti !

Son interlocuteur esquissa un sourire qui lui fit froid dans le dos.

- Rassurez-vous, mon ami. Je n’ai pas prévu d’agir avant quelques années. Laissons donc la République croire en sa victoire… En attendant, de nouvelles armes, encore plus dévastatrices que l’Etoile Noire, sont en cours d’essai sur Byss. Lorsqu’elles entreront en action, plus rien ne pourra nous arrêter.

Pestage serra les dents. Les desserra. Ouvrit la bouche. Posa la question qui lui brûlait les lèvres :

- Divin Maître, est-il vrai que vous intervîntes dans le duel opposant C’Baoth à Mara Jade ?

L’homme eut une moue amusée – laquelle, par le passé, effrayait quantité de gars qui s’était adressé à lui du temps où il était vieux et décrépi (mais encore Empereur).

- On ne peut rien vous cacher, Grand Chancelier, répondit-il. Disons que je lui ai prêté main forte pour les mêmes raisons qui vous ont poussé à la réfugier sur Phorliss.

Pestage se racla la gorge, impressionné – ou terrorisé, c’était selon.

- Elle finira par tuer Skywalker, comme je le lui ai ordonné, précisa l’interlocuteur. Ou bien Skywalker se ralliera à moi. Toujours en mouvement est l’avenir, mais le destin ne réserve que fort peu de marge de manœuvre. Laissons donc mademoiselle Jade prendre son envol. Leurs chemins se croiseront de nouveau, je vous le garantis.

Impressionné, oui, Pestage l’était… C’était sans doute par l’allure juvénile de celui qu’il avait connu sous les différentes identités de Dark Sidious et Palpatine. Pour tout dire, il ne l’avait jamais vu, au mieux, que dans la force de l’âge. Or, l’Empereur qui s’adressait à lui de son grand quartier général de Byss paraissait avoir un peu moins de trente ans. Les répliques cloniques étaient décidément bien fichues, et Pestage réalisa soudainement que Byss devait posséder encore plus de cylindres spaarti en état de marche, de nature à apporter une armée innombrable à leur détenteur… Wayland, au fond, n’était qu’une succursale.

Il avait failli perdre la vie pour une succursale !

- Quant à vous, reprit Palpatine, vous retournerez au Centre Impérial.
- Comment ? fit Pestage, interloqué. Mais je ne vous serai plus d’aucune utilité, là-bas…

Il avait entendu parler de la tentative de coup d’Etat du Grand Moff Nesta – à laquelle aurait participé le général Kutchann ! Isard avait décidément bien joué… Du coup, avec l’épuration du Cercle du Pouvoir, Pestage était pour ainsi dire politiquement mort. Isard ne lui ferait pas de cadeau.

- Bien au contraire ! le contredit Palpatine avec aigreur, ce qui le fit reculer. Je vous expliquerai, bientôt. Vous savez bien, Grand Chancelier, que vous servez au mieux vos intérêts en me servant moi.
- Mais enfin, pourquoi ne revenez-vous pas vous-même au Centre Impérial ? Pourquoi ne ramenez-vous pas l’ordre ? L’Empire s’effondre sur ses bases…

L’homme en toge noire l’arrêta d’un geste de la main.

- L’Empire ne s’effondre pas, il s’épure ! clama-t-il. Je sais maintenant qui est fidèle à l’Ordre Nouveau et qui ne l’est pas. Laissons les séditieux et loyalistes s’entretuer : les meilleurs survivront, selon les lois naturelles. Lorsque je réapparaitrai à la tête de mon armée des ténèbres, je laisserai le choix à ces derniers de me rejoindre ou de mourir. Un nouvel Empire, cimenté par l’expérience du passé, règnera sur la galaxie, et les Sith y joueront un rôle prépondérant.

Une nouvelle variante du Triangle de la Subversion, se dit Pestage avec ironie.

- Et la Rébellion ? s’enquit-il, pas tout à fait convaincu.
- La Rébellion n’est pas le danger principal, le vrai péril se situe ailleurs. Et n’oubliez jamais que ce ne sont pas les mondes qui importent, mais la Force elle-même. Lorsque je reviendrai, cette galaxie sera de nouveau mienne, ne vous en faites pas : il me suffira d’anéantir les armées rebelles en deux ou trois batailles pour que tous leurs territoires tombent entre nos mains comme des fruits mûrs. La peur les poussera à se rendre. Je l’ai vu. Je l’ai prédit. Nous franchirons une étape supérieure dans l’application de la Doctrine Tarkin.
- Euh… marmonna le Grand Chancelier d’une voix tremblante. Et de quel… péril voulez-vous parler, Seigneur ?
- Un péril inconnu, ce qui en accentue le danger. Un péril auquel a contribué le général Kutchann.

Comment ? Pestage se pinça pour vérifier qu’il ne rêvait pas. Alors Isard avait raison ? Kutchann était bien un traître ?

- Je dois avouer que je n’avais pas réussi à le percer à jour, admit Palpatine. Mais après tout, j’aurais du me méfier de lui dès notre première rencontre. Il faut toujours se méfier des gens inclassables.

Pestage était réellement catastrophé. Si même Kutchann avait trahi, alors à qui pouvait-on se fier ? C’était décidément une époque bien troublée.

Un péril inconnu… des traîtres à tous les niveaux… C’était évident, lumineux. Le Grand Chancelier venait de saisir l’ampleur du Grand Jeu mené par l’Empereur…

- Croyez bien que simuler ma mort fait partie d’une stratégie qui, à long terme, nous assurera la domination définitive de l’Univers, révéla l’homme en toge noire. Ne jugez jamais sur le court terme, Pestage, mais sur l’éternité.
- Je… Oui, mon Maître.

Un nouveau sourire déforma le visage de Palpatine.

- Le plus beau coup du Diable n’est-il pas de faire croire qu’il n’a jamais existé ? conclut-il.

Pestage hocha la tête. Puis, sans trop savoir pourquoi, se mit à rire. Et Palpatine éclata de rire à son tour. Des rires amusés, puis francs, presque hystériques. Leurs rires s’amplifièrent, acquirent une résonnance terrifiante, se répandirent dans toutes les coursives de la navette… Leurs rires retentissaient encore lorsque Dhagr mourut sans en avoir conscience…
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