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Un astre oscillant entre le bleu et le vert – de quoi inspirer les plus médiocres poètes qui avaient peuplé la Cour impériale : telle se présentait la planète Wayland. Un astre ignoré des cartes – et pour cause : il avait servi de base secrète pour Palpatine depuis des années, et ce avant même sa prise du pouvoir. Un astre qui constituerait la clé de la victoire finale.

Une vague bouffée d’optimisme s’en vint rassurer l’esprit agité de Sate Pestage. C’Baoth avait été totalement soumis aux ordres de Palpatine, il savait qui était Pestage : il se soumettrait donc à ses ordres, en attendant le retour du clone de l’Empereur, dont le Chancelier impérial était le seul à connaître l’existence.

Palpatine, Pestage ne savait trop comment, n’avait pas tout misé sur le Triangle de la Subversion et n’avait pas négligé une défaite à Endor. Du matériel de clonage avait été envoyé sur Byss, monde isolé et presque inaccessible du Noyau, localisé dans l’Hégémonie Ciutrique, le domaine personnel de Pestage. Grâce à une nouvelle forme de bacta inventée il y a quelques années, l’Empereur avait été à même de créer des répliques parfaites du grand homme qu’il était. C’était, au demeurant, ce fameux bacta qui avait été dérobé par un obscur contrebandier mandaté par Jabba – ce qui avait valu à ce dernier de subir la vengeance impériale très récemment.

Et dans moins de cinq ans, l’une de ces répliques arriverait à maturation, pour reprendre le pouvoir qu’elle avait momentanément perdu. D’ici là, les Rebelles auraient été défaits dans l’orbite de Naboo et achevés par la nouvelle armée de clones que Pestage mettrait en chantier et dont C’Baoth assurerait le commandement – avec, qui sait, l’appui de cette vermine bleue qu’était le Grand Amiral Thrawn.

Le voyage pour Wayland servait donc ce but : consolider l’intérim. Rien de moins, rien de plus.

- Nous pénétrons dans l’atmosphère, commenta Mara Jade juste avant que la navette ne subît une légère secousse confirmative.
- Que révèlent les senseurs ? demanda Pestage via l’intercom.
- Que ne révèlent-ils pas, plutôt, corrigea la Main de l’Empereur. Absence de technologie de pointe, zéro machine du style qui encombre Coruscant… Le paradis pour Dame Nature.
- Parfait, sourit Pestage.

Le dispositif sécuritaire de l’entrepôt était donc au point.

Pestage fit entrer Chakakh dans sa cabine, lui ordonna de distribuer l’armement nécessaire aux Noghris : blasters, vibrolames, grenades thermiques… Avec douze de ces bêtes fauves, Sate Pestage se sentait très mal, du point de vue physique, mais savait qu’il n’avait strictement rien à craindre pour sa vie. Dhagr put rester près de lui.

Le Chancelier se tourna ensuite vers l’un des hublots, contemplant le spectacle qui s’agrandissait sous ses yeux. Un magnifique ciel azuré où paressaient quelques nuages blanchâtres. Une forêt aussi étendue que verdoyante, entrecoupée de rares clairières. Et au loin, se rapprochant très vite…

… une montagne dressée à la manière d’un gigantesque pic vieilli par l’érosion.

- Le Mont Tantiss, siffla Pestage entre ses dents.
- Le Mont Tantiss, assura Mara Jade via l’intercom.
- … Mont Tantiss, répéta Dhagr à voix basse, comme par curiosité.

La cité avait été bâtie au pied de la face sud-ouest du Mont Tantiss, mais il fallut quelques secondes à Pestage pour l’apercevoir de loin. Une espèce de village litonien en bien plus grand. Rien de commun avec les traditionnelles cités impériales, mais un assez large enchevêtrement de maisons et de baraquements ayant fleuri à l’ombre de la montagne…

La navette survola la cité par deux fois, laissant aux Noghris le temps de la contempler par les hublots et les holovisions, histoire de se repérer et de considérer les potentialités militaires du terrain. Ils avaient pu avoir accès aux plans et connaissaient dès lors assez bien l’endroit, du moins en théorie. Car le plan datait assez…

La voix de Mara Jade retentit à nouveau.

- Atterrissage dans dix… neuf… huit… sept… six… cinq… quatre…

… trois… deux… un…

Secousse. Leur vaisseau venait de se poser – sur une grand place, proche de la montagne, devant un gigantesque édifice.

Mara Jade, toujours vêtue façon mécano, sortit du cockpit, s’adressa à Pestage sur son ton habituel :

- Les senseurs ont repéré diverses formes de vie. Des humains, et deux races bipèdes non-humaines, ainsi que des animaux domestiqués.
- Des humains et des animaux, donc, corrigea sèchement Pestage, sans un regard à destination de Dhagr.
- Comme il vous plaira, Chancelier, répondit Mara avec son admirable sourire hypocrite.

Elle allait sortir de la cabine pour s’armer lorsque Pestage la retint par le bras.

- Attendez… J’ai quelque chose pour vous.

Sous le regard perplexe de Mara Jade, il fouilla dans sa tunique, en sortit une espèce de… cylindre… métallique d’environ vingt centimètres de hauteur pour cinq de diamètre…

Mara n’en crut pas ses yeux. Car elle savait qu’il s’agissait de…

- Votre sabrolaser, dit Pestage. Celui que vous avez vous-même conçu.

Mara parut hésiter. Ce petit objet, elle aurait à la fois préféré le conserver à vie et l’oublier à jamais. Ce manche qu’elle s’était fabriquée, c’était la preuve de son appartenance à ce corps particulier qu’étaient les dépositaires de la Force. C’était également le symbole de ce qu’elle était, de ce qu’elle avait été : la Main de l’Empereur, l’émissaire personnelle de ce dernier. Car cette arme représentait tant la consécration de sa maturité personnelle que sa soumission totale à Palpatine – en d’autres termes : l’indépendance et l’esclavage.

- Isard me l’a remis peu après votre incarcération, poursuivit Pestage. Je vous le restitue.

Elle s’empara du manche métallisé de cette arme qui restait son instrument favori. L’enclencha. Un bref bourdonnement accompagna l’apparition brutale d’un faisceau laser de couleur mauve. Fascinée, Mara Jade fit tournoyer son sabrolaser, presque pour se familiariser de nouveau avec cet outil de mort qui pourtant était le reflet de son âme.

… mon âme…

De vieux souvenirs lui revinrent, images d’une époque pleine de bruit et de fureur, cette époque où elle était l’une des plus grandes héroïnes de la galaxie. Elle se revit, aux côtés de l’Empereur, dans l’ombre de l’Empereur, prête à mourir pour l’Empereur, en mission pour supprimer tout ennemi de l’Empereur. Elle redécouvrit sa puissance, ce passé si exaltant, si glorieux, si…

… mort…

Les souvenirs disparurent. Elle était de retour dans cet échec qu’était le réel.

Mara Jade désactiva son sabrolaser, accrochant le manche à sa ceinture…

… et alla tout de même se servir en blasters et autres armes de poing…

- En théorie, tous les habitants sont de fidèles sujets de l’Empire, signala le Chancelier. De gré… ou de force. Quant aux animaux possédant certain sens de l’intelligence, ils ne sont pas assez évolués pour nous menacer.
- Quel soulagement, fit Mara Jade, toujours aussi narquoise.

La passerelle s’abaissa en produisant quelques sifflements de gaz. Trois Nogrhis descendirent les premiers, dans un silence parfait.

Rien ne se passa. Aucun tir de blaster, aucune flèche, aucune arme de jet…

Rien, sinon des grognements…

… des grognements qui n’avaient rien d’humain…

… et une sorte de détalage…

D’imposantes formes quadrupèdes galopèrent vers les trois Noghris, vers la rampe…

- Garrals ! maugréa Pestage.
- Garrals ! confirma Mara Jade.
- Comestibles, traduisit Dhagr avant de se jeter à plat ventre sur la rampe et d’ouvrir le feu.

Des rafales laser parsemèrent la zone… où couraient les fameux chiens de garde génétiquement créés par l’Empire… sorte de molosses velus dont la colonne vertébrale était parcourue d’une raie blanche semblable à celle du chef des Gremlins. Leur gueule baveuse regorgeait de crocs et de dents aussi fines que des aiguilles, la solidité en plus. Ces monstres biologiques présentaient la particularité d’être attirés par l’ultrason des fusées d’appoint.

Et ils étaient nombreux. Très nombreux.

- C’est absurde, s’étonna Pestage, trace d’inquiétude dans la voix. Ils ne devraient pas s’attaquer à nous. Nous sommes l’Empire !
- La logique bestiale a ses raisons que la raison ignore, le railla Mara en activant son sabrolaser.

Les Noghris, installés sur ou à côté de la rampe, dardaient les fauves de rayons imparables, en fauchant plusieurs à la seconde. Mais il en venait toujours autant, aussi affamés que leurs prédécesseurs gisant à terre.

L’un d’eux se rapprocha dangereusement, bondit sur un Noghri, refermant sa gueule sur la gorge du guerrier gris. Mara Jade courut vers lui, abattit son sabrolaser sur le Garral, coupant presque l’animal en deux.

Trop tard. Lorsque la mâchoire de la bête se détendit, il ne restait du cou du Noghri qu’un amas de chair informe maculé d’un flot de sang qui coulait en cascade. Le guerrier était sans doute déjà mort – du moins Mara l’espérait-elle, lorsqu’elle vit Pestage l’achever d’un rayon de blaster.

D’autres Garrals rappliquaient, en surnombre. Les Nogrhis les abattaient les uns après les autres, dans une magnifique démonstration de tirs et de réflexes.

- Mais combien sont-ils ? s’exclama Pestage.
- J’en sais rien, répondit Mara de loin. Mais plus on en tue, plus il en vient.

Un Garral dépassa les Noghris, largement débordés, galopa le long de la rampe, évita un des guerriers gris qui se jetait sur lui et allait sauter à la gorge de Pestage lorsque un autre garde du corps non-humain le coupa littéralement en deux avec sa vibrolame, projetant une cascade sanguinolente sur la toge immaculée du Chancelier. L’animal était mort avant d’avoir pu ne serait-ce qu’effleurer ce dernier. Sate Pestage, le visage soudainement ruisselant de sueur et de sang, jeta un coup d’œil à son sauveur – en l’occurrence : Dhagr. Le Noghri émit un léger grognement et récupéra son blaster.

Les tirs laser étaient efficaces. Il semblait que les Garrals étaient moins nombreux au fur et à mesure que les minutes tombaient. Chose curieuse, ils ne paraissaient absolument pas renoncer à ce plat qui leur était tombé dessus et fonçaient à la mort, dans la joie et la bonne humeur.

Les Noghris ravageaient le terrain de tirs de blasters, explosant les gueules de Garrals façon safari. Aucun ne passait. Aucun ne passerait plus jamais. Un dernier dogue galopa vers la rampe : d’un coup de blaster, Mara lui désintégra le museau. La dentition sanguinaire du molosse vola en éclats.

Et puis…

Et puis le silence revint.

Un épais nuage de poussière avait submergé la grand place. Les Noghris effectuèrent une nouvelle fois quelques tirs, par prudence.

Mais rien ne se produisit.

Mara fit comme l’Empereur le lui avait appris : faire appel à la Force, pour détecter d’éventuels ennemis. Ce sondage porta ses fruits. Une goutte de sueur perla de son front lorsqu’elle réalisa, alors que le brouillard de poussière se dissipait, que plusieurs centaines d’individus armés les attendaient au-delà.

… danger… tuer… haine… cibles…

Plusieurs centaines d’individus immobiles, quelques secondes, le temps, peut-être, de se concerter sur la marche à suivre.

Et tout à coup, ils leur foncèrent dessus. Une marée vivante, bardée de couteaux, dagues, poignards, bâtons, machettes, sabres, lances, hallebardes, et autres joyeusetés périmées mais mortelles. Et encore plus loin…

… des types rangés en formation, sur trois rangs, peut-être une centaine. Mara avait du mal à les distinguer. Mais elle comprit lorsqu’elle leva les yeux au ciel, vers ces dizaines de traits argentés qui fendaient l’azur pour retomber…

… sur la navette, sur les Noghris, sur elle.

Certaines flèches se brisèrent lorsqu’elles percutèrent la superstructure du vaisseau. Une autre manqua de toucher la cuisse droite de Mara. Mais deux d’entre elles frappèrent deux Noghris, l’un au bras gauche, l’autre au cœur.

Au loin, la foule hurlante se rapprochait. Des cris, des imprécations, des injures, en attendant le combat. Pestage se murmurait de prières, tandis que les Noghris s’armaient de boucliers électromagnétiques de forme ellipsoïdale, d’anciens modèles coloniaux, conçus il y a plusieurs siècles, mais encore valables.

Les gardes du corps sortirent du vaisseau, formant une double-ligne compacte, boucliers vers le ciel, et ouvrirent le feu à coups de blaster, lançant occasionnellement quelques grenades thermiques.

L’intérieur de la masse des soudards fut submergé d’explosions déclenchées par les grenades, tandis que les laser fauchaient la quasi-intégralité de la première, puis de la seconde ligne. Les flèches, de plus en plus nombreuses, s’échouaient lamentablement sur les boucliers. En face, les corps tombaient par dizaines, gémissant et hurlant. Un humain avait été décapité. Un Psadan gisait au sol, criblé de trous. Un Myneyrsh fut déchiqueté par un éclat de grenade.

Mais il était de ces agresseurs comme des Garrals : leur nombre était élevé. Les Noghris avaient beau en tuer, il en rappliquait encore davantage. Il y aurait donc un corps à corps.

Les flèches tombaient toujours autant. Mara Jade empoigna solidement son sabrolaser et, aidée de Dhagr et Chakakh, entreprit de défendre l’accès au vaisseau, se demandant tout à coup si Pestage ne perdrait pas les pédales et les laisserait tomber en s’envolant avec la navette… Ce salopard en était bien capable…

Les Noghris se levèrent tous, et, un bouclier au bras gauche, une arme blanche à la main droite, se lancèrent à l’assaut de la vague déferlante.

A un contre trente, songea Mara avec horreur.

Cris, sang et terreur. L’on tranchait les bras, les têtes, les jambes. Du liquide rougeâtre aspergeait les combattants par litres entiers. Un Noghri tournoya sur lui-même, égorgeant une dizaine d’adversaires. Un autre fut frappé dans le dos par quatre flèches. Un humain armé d’une lance aperçut Mara Jade, aux prises avec deux Myneyrshi, courut à sa rencontre pour l’embrocher. D’un simple mouvement circulaire du corps, alors qu’elle venait de transpercer ses deux adversaires, elle lui fit face, abattit son sabrolaser sur sa lance, coupant cette dernière en deux. L’humain blanchit, bredouilla quelques mots, s’enfuit à toutes jambes, mais fut terrassé par une flèche.

Car il en tombait encore. Le gars qui coordonnait cet assaut avait visiblement ordonné à ses archers de tirer sur ses propres « soldats ». Mara réalisa que cet individu recourait à des méthodes bien… impériales.

Quant aux soldats, après quelques légers coups d’œil, elle s’aperçut qu’il ne devait s’agir rien moins que de civils. Leur armement n’était pas des plus modernes, mais ils étaient obstinés…

… comme portés par un seul élan…

… une seule volonté…

A cette pensée, Mara réprima un frisson. L’Empereur lui avait recommandé de ne pas négliger le pouvoir de son intuition – d’autant plus que femme elle était… Et cette intuition lui faisait comprendre que le commandant en chef de cette bande de surexcités devait posséder une maîtrise aboutie de la Force.

Et qu’il ne pouvait s’agir d’autre Jedi que de Joruus C’Baoth.

Lequel, visiblement, avait décrété son indépendance…

- Prenez garde… lui cria un Noghri.

Mais elle l’avait repéré. Un Myneyrsh de grande taille, ses quatre bras empoignant deux hallebardes façon sécateur… il était déjà sur elle, prêt à la découper en morceaux… Mara fit appel à la Force, repoussa mentalement son adversaire d’un mouvement de la main… Le Myneyrsh se retrouva à terre en moins de temps qu’il n’en faut pour l’écrire, sous l’œil ahuri de Mara, car c’était bien la première fois qu’elle réussissait un coup pareil face à un agresseur de cette taille…

D’autres gars rappliquaient, abattaient leurs épées, leurs lances sur les boucliers des Noghris, mais ces derniers faisaient montre de leur légendaire habileté. Ils esquivaient les coups portés, ou les paraient non sans certaine grâce féline, se faufilant parmi les rangs de leurs ennemis, accroissant le rythme de leurs contres, ou bien se regroupant pour mieux attaquer en force les centres de gravité de la masse de manœuvre adverse – pour autant qu’il y en eût une dans tout ce bordel.

Une tête humaine rebondit aux pieds de Mara Jade, qui se retrouva encerclée par une dizaine de types aux mines patibulaires, le regard injecté de sang. Trois humains, le reste étant classé « animal » selon Pestage… Elle aurait aimé l’y voir, mais ce dernier, elle le savait, restait obstinément dans la navette, dont la rampe d’accès était brillamment défendue par les Noghris, lesquels se constituaient une véritable muraille de cadavres…

Les types qui avaient entouré Mara l’avaient vu combattre et savaient donc à quoi s’en tenir. Elle se demanda tout à coup comment elle pourrait s’en sortir, sachant que même la rapidité, dans ce cas présent, ne la sauverait pas. Son cerveau avait beau multiplier les calculs mathématiques, elle parvenait toujours à la conclusion qu’un au moins des survivants pourrait lui décocher un coup de dague dans le dos.

Mara Jade ferma les yeux. Se plongea dans la Force. Atteignit ce point de sublimation où elle ne faisait plus qu’une avec elle. L’Empereur l’avait suffisamment bien entraînée pour cela, même s’il n’avait pas eu le temps de poursuivre plus loin l’expérience… Elle n’ignorait pas qu’elle courait un risque à agir ainsi, user d’un pouvoir aussi grand, aussi… incontrôlable…

… mais l’ennemi se rapprochait… encore et plus…

Elle lâcha son sabrolaser, mais ce dernier… ne tomba pas… sembla… flotter… flotter dans l’air… Intrigués, les égorgeurs cessèrent tout mouvement, aux aguets.

Mara Jade maintenait les yeux clos.

Le sabrolaser s’éleva lentement dans les cieux, à hauteur de tête de Mara, puis s’immobilisa.

Alentours, tout n’était que barbarie. Mais ici, il n’y avait que la Force. Dans cet océan de tuerie, une bulle de paix intérieure venait de se former.

Les soudards parurent soudainement comprendre ce qui était sur le point de leur arriver. Mais il était trop tard. Le sabrolaser avait déjà coupé la tête de l’un d’entre eux, et entama un vaste mouvement circulaire qui ne dura que quelques secondes… Les corps tranchés en deux jonchaient déjà le sol imbibé de sang lorsque le manche se retrouva dans la paume de Mara…

Cette dernière rouvrit les yeux.

Et repartit à l’attaque.

Mais quelque chose se produisit, car aussi soudainement qu’ils étaient venus, les défenseurs de Wayland cessèrent tout mouvement hostile, se repliant en courant vers l’endroit d’où ils étaient partis, laissant des dizaines de cadavres sur le parterre de la grand place. Les flèches elles-mêmes avaient cessé de tomber.

Mara fit le décompte des pertes totales depuis le débarquement. Trois Noghris tués, trois blessés, sur douze. Pestage était indemne. Et elle aussi.

Ce dernier jugea bon de descendre – pesamment, prudemment – de la navette.

- Qu’est-ce qu’ils font ? demanda-t-il, la voix ne cherchant pas à dissimuler son inquiétude.
- Je ne sais, répondit Mara en scrutant la zone alentours. On dirait qu’ils ont reçu l’ordre de se replier.
- L’ordre ? s’étonna Pestage. De qui ?

Mara Jade n’eut pas le temps de répondre qu’une voix puissante résonnait sur la place :

- Qui vient troubler la quiétude de ma demeure ?

La Main de l’Empereur se tourna vers Pestage, remarqua que son visage avait brusquement pâli. Il avait reconnu la voix – après toutes ces années, il l’avait immédiatement identifiée.

Le regard de Mara Jade revint à la grand place. Et ce fut alors qu’elle le vit.

L’homme marchait calmement à leur rencontre – un calme apparent, censé camoufler une hostilité que Mara n’avait aucune peine à percevoir, une hostilité qui conférait à cet homme une puissance incommensurable…

Car la Force était avec lui. Un pouvoir immense, terrible, divin presque. Mara Jade ne put s’empêcher de reculer d’un pas. Cet individu qui s’approchait d’eux possédait une puissance de destruction que seul l’Empereur était à même de maîtriser.

Au fur et à mesure qu’il avançait, Mara fut en mesure d’en examiner le physique. Il présentait l’allure de ces sages des légendes chevaleresques, mais une allure pervertie, lassée, dessaoulée. Grand, mince, des cheveux gris en désordre, une immense barbe qui lui arrivait au milieu de la poitrine, il était revêtu d’une robe brune élimée, chaussé de sandales lacées jusqu’au tibia, ce qui témoignait ou bien de certaine flemme vestimentaire ou d’un manque chronique de goût pour la classe extérieure. Un manche de sabrolaser pendait à sa ceinture.

En fait, ce qui impressionnait le plus n’était autre que son visage, parsemé de rides mais férocement empreint d’une dureté inhumaine. Ses lèvres pincées, transparaissant derrière sa barbe, restaient figées dans une expression antipathique, tandis que son regard mêlait à la fois l’arrogance à la curiosité, le dédain à la cruauté.

- Êtes-vous Joruus C’Baoth ? demanda Pestage, flippé.
- Vous êtes des étrangers à ce monde, répliqua brutalement l’homme, qui n’avait pas ralenti le pas.

Pestage se racla bruyamment la gorge. Mara brandit son sabrolaser. Une lueur d’ironie froide étincela dans le regard de l’importun, qui venait de s’arrêter à quelques mètres du petit groupe.

- Nous ne sommes pas des étrangers à ce monde, répondit le Chancelier. Ce monde fait partie de l’Empire. Et je suis le dirigeant de l’Empire. Vous me connaissez, je suis le Grand Chancelier Sate Pestage, Gardien du Sceau de l’Empereur, Directeur du Grand Conseil impérial, Suprême Commandant des Forces Armées, Minis…

Il s’interrompit lorsque l’homme lui adressa un coup d’œil meurtrier.

- Et vous êtes Joruus C’Baoth, reprit-il après un silence. Adepte du Côté obscur, Disciple de l’Empereur Palpatine. Et Gardien du Mont Tantiss de la planète Wayland, en vertu de l’ordre qui vous a été donné par notre Maître il y a de cela une vingtaine d’années.
- Adepte du Côté obscur… murmura l’homme comme à lui-même.

Un autre silence.

- En tant qu’héritier de l’Empereur Palpatine, ajouta Pestage à toute vitesse, je me dois de vous rappeler que vous devez vous soumettre à mes ordres et…

Le regard de l’homme s’enfonça dans les orbites du Chancelier. Ce dernier s’interrompit à nouveau.

- Palpatine, ou Sidious, ou peu importe comment vous l’appelez, est mort ! affirma l’homme sur un ton plus agressif.

Son avant-bras droit s’éleva vers le ciel. Une luminescence bleutée s’en dégageait…

- Et à présent… reprit-il. A présent…

Son bras s’abattit violemment vers l’avant. Des milliers d’éclairs s’échappèrent de sa main pour frapper les Noghris. Ces derniers s’effondrèrent au sol en hurlant, le corps parcouru de décharges électriques…

- … moi seul décide qui doit vivre ou mourir !

Pestage poussa un cri de terreur, alors que les Noghris se débattaient en d’horribles convulsions. Mara Jade, hallucinée, attendait le prochain assaut, mais l’homme leva les yeux vers l’espace, les bras en croix.

- JE SUIS JORUS C’BAOTH ! hurla-t-il, comme possédé par une délirante foi mystique. JE SUIS LE NOUVEAU MAÎTRE DE L’UNIVERS !

Le diagnostic de Mara Jade fut sans doute émis à la même seconde que celui formulé par le cerveau paniqué de Pestage.

L’homme qui leur faisait face était bel et bien C’Baoth.

Et il était complètement fou.
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