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Chapitre XIV
 
Bon. Manifestement, tout ne se passait pas aussi bien que prévu.
Hassano tenait à peine en place, appuyé à une console, il était à présent seul sur le pont de son vaisseau-amiral ; fui, ils avaient tous fui, ces imbéciles étaient persuadés par un quelconque mécanisme de survie primitif qu'ils avaient une chance en s'éloignant du sous-marin à la nage... Quelle bonne blague, ils prenaient le jeu trop au sérieux.
Hassano non, mais il fallait admettre qu'il commençait à douter sérieusement de remporter la partie ; au moins avait-il eu la présence d 'esprit d'ordonner la mise en pilotage automatique avant de dévoiler son jeu... Car même lui, plus personne ne lui faisait confiance alors que cet animal aux écailles verdâtres s'agitait au-dehors, remplissant sa sanglante besogne pour le compte des tyrans du fond des mers ; et puis, bien sûr, il y avait eu ces deux imbéciles qui avaient eu la prétention d'essayer de le tuer, du moins était-ce ainsi que Hassano avait préféré interpréter leur attitude pour ne courir aucun risque.
Leurs cadavres faisaient à présent un ensemble ravissant avec les quatre premiers, dommage que ce cher Colonel que Hassano avait dû priver de sa gorge à son plus grand regret ne soit pas là pour compléter la collection.
Hassano aurait beaucoup aimé avoir également une collection de cadavres de céphalopodes géants qui le contempleraient de leurs multiples yeux noirs sans vie derrière la verrière, ça aurait été très amusant, mais autant être réaliste, la partie était bien mal engagée : cet espèce de saurien surdimensionné, qui n'avait d'ailleurs pas de pattes apparentes contrairement aux racontars, abattait un travail admirable dans l'eau, gobant des essaims entiers de guerriers fuyant à la nage, Hynors ou Kryshzlas, c'était la même chose, maintenant, déchirant le plus solide des duraciers à l'aide de ses légions de dents, ses yeux jaunâtres brillant de satisfaction...
Mais étant plutôt mauvais perdant, Hassano avait bien envie de s'acharner jusqu'à la fin, il ne se voyait pas fuir comme ses abrutis de subordonnés, encore moins s'excuser humblement auprès des horreurs tentaculaires ; alors en attendant une meilleure idée, il lui restait au moins un beau feu d'artifice sous-marin à accomplir, en espérant que cette maudite bestiole ne l'avale pas ! Hassano s'était vraiment donné du mal pour recharger les tubes lance-missiles sans les officiers de pont, ce n'était pas pour se retrouver dans l'impossibilité d'assister à son dernier coup d'éclat avant la fin de la partie...
En attendant, pendant que le Bunyip poursuivait sa campagne de destruction jouissive, il était le seul maître, ici !
Fou de joie, un grand sourire aux lèvres, il saisit son fusil-blaster et tira une jolie petite rafale inutile vers le plafond ! Il n'y avait plus personne ! Il les avait tous tués, ils avaient tous fui !
Il n'avait plus qu'à attendre sereinement de voir s'il lui restait une chance d'atteindre la grandeur qu'il avait tant convoitée ! Si c'était toujours possible, il espérait qu'il aurait à nouveau l'occasion de faire usage de ce charmant jouet !
Ou de quoi que ce soit d'autre qui sème un peu de violence, d'ailleurs.
Il jeta un coup d'œil amusé à la verrière, au Bunyip qui approchait. Qu'il aurait aimé être cette chose, avoir ce long corps musculeux, cette gueule interminable emplie de crocs, ces yeux à mi-chemin entre le jaune doré et le cuivre le plus terne... Ne plus avoir besoin de penser, tuer sur ordre d'une entité supérieure... Que ce titan avait de la chance d'avoir ces Ômus pour entité supérieure... La seule chose que Hassano parvenait à placer sur un piédestal suffisamment écrasant pour ne plus avoir à trop penser, c'étaient ses propres désirs les plus absurdes... Heureusement qu'il n'était plus prisonnier d'un véritable jugement sur lui-même...
Mais il ne pouvait tout de même pas s'empêcher de se sentir jaloux de tous ces êtres d'Hautemer contrôlés à un degré ou à un autre par les Ômus, même les Hynors, eux qui n'avaient pas à réfléchir sur tout, qui n'avaient pas à se poser de questions !
Ce n'était pas juste !
Ce n'était pas juste que les Ômus leur donnent droit à ce traitement... Et pas à lui ! Et pas à lui !
Mais il avait un blaster ! Des missiles ! Il avait des armes ! Il était une arme ! Il était des missiles ! Il était un blaster !
Il allait leur montrer !
Pour le pur plaisir de montrer qu'il n'avait pas encore abandonné, Hassano éclata de rire.

Safera interrompit soudain sa course et se figea au milieu de la coursive métallique ; elle entendait... Oui, elle entendait un rire, et elle devinait trop bien à qui il appartenait... L'immense sous-marin était jusque-là entièrement vide, les guerriers en armure blanche l'avaient massivement déserté, seul un fou pouvait rester alors qu'un monstre qui dépassait en horreur tout ce que Safera aurait pu imaginer approchait à grands coups de nageoires, tuant et détruisant tout sur son passage...
Elle se tourna vers Voorth, qui s'était également arrêté, juste derrière elle.
« C'est lui, n'est-ce pas ? Il a vraiment perdu la raison...
-Ça ne fait plus aucun doute, hélas, répondit sombrement l'ancien soldat Kryshzla. Avec un peu de chance, il ne sera même plus assez conscient pour nous menacer...
-Je ne sais pas pourquoi, mais ça m'étonnerait... Enfin, de la chance, nous en avons déjà beaucoup d'être arrivés ici à temps... »
Safera devait admettre que sa folle entreprise se serait probablement avérée parfaitement impossible si elle et Voorth n'avaient pas rencontré un petit sous-marin au sol alors qu'ils fendaient tous deux les eaux noires dans la direction inverse de celle choisie par tous les êtres sensés ; il ne ressemblait pas beaucoup au modèle éclaireur volé par les Chiss, mais Voorth avait assuré à Safera d'un signe de tête que le véhicule pourrait les conduire jusqu'au vaisseau-amiral, lequel s'était retourné pour faire face au Bunyip.
Qu'allaient-ils faire, pourquoi s'imaginaient-ils qu'ils pouvaient encore quoi que ce soit pour sauver les Kryshzlas et les Hynors restants, pourquoi ne cherchaient-ils pas modestement à sauver leurs misérables peaux comme le faisaient tous les êtres sains d'esprit ?
Elle ferma les yeux un instant...
Même ici, dans ce couloir métallique, artificiel, typique du monde des êtres de la surface, Safera ne parvenait pas à chasser de son esprit les images qui la harcelaient implacablement, les images du carnage que le saurien géant était toujours en train de perpétrer dans l'eau, les images de Telin et Valdie qu'elle se représentait plongés dans un effort désespéré pour échapper aux dent de la bête, la maudissant de les avoir abandonnés... Le Général Varulg Fayg-Jehd, peut-être déjà réduit à moins que rien dans les entrailles du monstre... Wyntar, Wyntar mort avant même d'avoir pu voir leur victoire sur les Kryshzlas... Et Voorth, Voorth qui avait tourné le dos à ses propres compagnons d'armes mais qui aurait tout aussi bien pu se trouver avec eux, sans défense face au Bunyip...
Pour eux, et pour tout ce qu'elle avait aimé dans sa vie et qui se trouvait aujourd'hui menacé...
Ce n'était pas pour de prétentieuses justifications idéologiques, elle n'avait pas la prétention de savoir quelle était la bonne cause à défendre, ni même s'il en existait une ; simplement, elle ressentait le besoin d'agir ainsi, tant pis si cela devait la rendre étrangère à tous, elle ne supporterait de toute façon pas un monde où il n'y aurait que des gens que l'on qualifierait de normaux...
Peu importait que tout le monde en conclut qu'elle était folle, peu importait même qu'elle le soit vraiment ; elle avait l'habitude d'être jugée parfaitement anormale. Toute sa vie, il n'y avait jamais eu que Sev'rance pour la comprendre... Personne d'autre ne comprenait qu'elle ait à ce point besoin de s'éloigner de tout le monde sauf de Sev'rance, y compris de gens qu'elle aimait pourtant sincèrement, on ne comprenait pas qu'elle doute systématiquement d'elle-même à chaque fois qu'elle ouvrait la bouche alors qu'elle faisait preuve d'un tel entêtement au combat, la plupart des femmes ne comprenaient pas l'attirance qu'elle éprouvait pour elles, et personne, pas même Sev'rance elle-même, ne comprenait qu'elle puisse aimer une femme que d'aucuns auraient qualifié de dangereuse et déséquilibrée, on ne voulait pas comprendre que c'était avant tout pour cela que Safera l'aimait, parce qu'elle était si courageuse tout en ayant finalement besoin d'elle...
« On ne peut pas réitérer le coup du plafond comme à la base, j'imagine ? demanda-t-elle à Voorth.
-Non, il nous faudrait des explosifs ici aussi, et je doute que nous ayons le temps de chercher à nous en procurer... Il va falloir y aller armés de notre seul courage. Sachant qu'il est tout seul et bénéficie donc d'une liberté de mouvement et d'action totale...
-Bon... Allons-y, avant que le Bunyip ne s'en charge à notre place. Mes compagnons d'armes et les vôtres, vos anciens compagnons d'armes je veux dire, comptent sur nous. On entre chacun par un côté, d'accord ? »
Voorth hocha la tête et commença à courir, le fusil-blaster à la main ; Safera se lança à sa suite. Elle ne sentait plus ses jambes, elle ne sentait plus son cœur qui battait à tout rompre, il lui paraissait que le souffle de sa résolution suffisait à la porter...
Voorth et elle se rapprochaient de l'endroit d'où leur parvenait toujours le rire dément, le pont de commandement, naturellement... Allez, c'était là que tout devrait s'achever, la conclusion de leur odyssée sur Hautemer ; c'était là que le destin révélerait le sens qu'il donnait à tout ce qui s'était passé, tragédie déchirante ou héroïque victoire sur la mort et la tyrannie... Ce n'était surtout pas le moment de faillir. Il ne restait plus qu'une seule chose à faire à Safera, et c'était de venir à bout d'un fou dangereux qui n'avait pas un instant cessé de travailler à la perte d'Hautemer et de tout ce qui y vivait.
Du moins, elle espérait que le Général Hassano était fou, elle ne voulait pas croire qu'un être conscient de ses actes fut capable d'une telle chose... Cela signifierait qu'elle-même... Non, non, elle ne pourrait pas, et elle allait le prouver. D'ailleurs, elle n'était pas sûre d'être entièrement saine d'esprit, alors peu importait ce que pouvaient faire ou non les gens sensés.
Voorth interrompit sa course.
« Prenez l'escalier, là, descendez, vous n'aurez qu'à continuer tout droit ensuite pour entrer dans le poste de commandement, il devrait être légèrement au-dessus de vous à droite... Un tir bien placé à la tête, et vous l'aurez tué. Je vais tenter l'attaque frontale, moi, je continue tout droit. (Il hésita un peu) Je serai prudent, ne vous inquiétez pas pour moi, mais il faut bien qu'un de nous deux prenne l'entrée principale, sans quoi nous diviserons nos chances par deux.
Safera sourit tristement ; la décision de Voorth lui inspirait le plus grand respect, mais elle ne pouvait pas le laisser faire, il ne comprenait pas... Elle le soupçonnait d'agir avant tout par sentiment de culpabilité pour avoir si longtemps combattu pour les Kryshzlas, une culpabilité qui n'avait pas lieu d'être selon elle...
-Je suis tout à fait d'accord... À ceci près que c'est moi qui vais prendre l'entrée principale et vous qui allez passer par en-dessous. Vous n'avez pas besoin de prendre tous les risques, vous n'êtes pas plus coupable que d'innombrables autres combattants de votre peuple... Laissez-moi faire, vous savez que je prendrai le risque avec plaisir...
-Non. Ce n'est pas... Ce n'est pas une question de culpabilité, je ne vais pas m'amuser à dire qui a raison dans cette guerre, trop de gens sont profondément persuadés de choses qui s'avèrent finalement complètement fausses pour que j'essaye de déterminer si j'ai eu raison de faire tout ce que j'ai pu faire au cours de mon existence ; mais je veux que vous surviviez. Vous, personnellement. Je ne peux pas vous laisser mourir alors que vous êtes prête à le faire pour deux peuples qui ne sont pas les vôtres. Allez, on n'a pas le temps de tergiverser plus longtemps...
Safera en avait bien conscience, elle imaginait d'ici le fracas des dents fendant le duracier, elle voyait déjà l'eau s'engouffrant soudain sur tous les ponts pour la noyer, mais elle ne put s'empêcher de répliquer :
-Je suis touchée, sincèrement... Mais vous avez vu ce que j'ai fait à vos compagnons, sur le premier sous-marin éclaireur ? Je suis petite, je suis rapide ; c'est moi qui ai les meilleures chances de m'en tirer à l'entrée principale, et vous le savez. Ne discutez pas, nous avons un général à ramener à la raison immédiatement ; j'y vais, ou nous y allons ensemble.
Voorth soupira avec une profondeur qui n'avait rien de théâtrale.
-Très bien. Bonne chance, je ne pourrais jamais vous remercier assez d'en faire tant pour les miens. »
Safera avait acquis une telle habitude d'être traitée de folle ou d'inconsciente qu'elle se sentit désarmée par la reconnaissance de Voorth... Elle chercha un instant quelque chose à dire, mais ne trouva rien qui ne lui sembla pas inutile ou ridicule.
Et elle entendait une voix l'appeler, lui murmurer qu'il était plus que temps qu'elle la rejoigne à la fin de cette aventure, la voix de la délivrance, de quelque façon qu'elle survienne... La peur n'était plus qu'un frisson glacé qui avait quelque chose de presque agréable, l'aurore lui souriait quelque part dans l'avenir, la certitude que l'épreuve s'achèverait bientôt d'une façon ou d'une autre...
Peu importait qu'elle réussisse ou non, peu importait même qu'elle poursuive des chimères, rien n'avait d'importance tant qu'elle aurait fait de son mieux, alors elle adressa un signe de tête confirmant leur stratégie à Voorth et le laissa descendre tandis qu'elle-même continuait tout droit, sereinement.
Lorsque le bruit des pas de Voorth eut disparu, lorsqu'elle fut seule, prisonnière des murs d'acier qui caractérisaient le monde des êtres de la surface, elle parvint sur le seuil d'une porte.
Derrière, quelqu'un était toujours très occupé à rire tout seul, elle entendait même les détonations de tirs apparemment sans but.
Elle avait peur, oui, le fait qu'elle ait si souvent crut qu'elle allait cesser d'exister depuis cette terrible bataille dans les cieux d'Hautemer à l'instant présent n'ôtait rien à cela... Mais qu'avait-elle pensé avant de se jeter à l'eau pour suivre Valdie et gagner la cité des Hynors, déjà ? Oui, elle avait pensé qu'il était bien plus important d'avoir de l'espoir que de rester en vie.
Une voix douce et féminine l'appelait, l'incitait à continuer envers et contre tout, à venir la rejoindre dans le monde qu'elle connaîtrait après l'épreuve, le monde qui émergerait à présent que le monde des êtres de la surface aussi bien que celui d'Hautemer étaient ravagés par l'ambition, la guerre, la haine...
Elle actionna le bouton d'ouverture de la porte.

Elle avait toujours peur lorsqu'elle se précipita dans l'ouverture, inévitablement, peur de mourir, peur d'échouer, peur de la déchéance qu'elle allait découvrir, mais la voix lui soufflait que c'était la dernière fois qu'elle aurait à ressentir cette émotion, la dernière fois que son cœur battait si fort qu'elle avait l'impression qu'elle allait exploser sous le coup de sa propre pression sanguine, la dernière fois que son corps serait plongé dans un étau tel qu'elle devait lutter pour chaque mouvement, la dernière fois que des images de tout ce qu'elle redoutait le plus obséderaient son esprit, lui laissant le combat pour seule échappatoire à l'enfer des possibilités ; alors elle entra et ouvrit le feu droit devant elle sans réfléchir, arrosant largement de ses éclairs rouges un pont de commandement très semblable à celui d'un vaisseau spatial, puis elle se jeta à terre pour échapper à la riposte...
Qui ne vint jamais.
Et pour cause.
Safera se trouvait comme une idiote étendue sur le pont du sous-marin. Seule.
À peine avait-elle fait ce constat et maudit sa stupidité qu'elle se relevait précipitamment, le fusil à la main, terrorisée à l'idée de ce que pourrait lui coûter son erreur, mais il était trop tard, à présent : une porte s'ouvrait en bas également, des coups de feu retentissaient à nouveau, mais ce n'était plus les joyeux coups de feu sans but qu'elle entendait précédemment... Un cri étranglé parvint à ses oreilles.
Non, non, non, pas si bêtement...
« Voorth ! »
Elle osait à peine regarder en bas, en-dessous de la verrière, au milieu des consoles... Elle se retira juste à temps pour esquiver une rafale maladroitement tirée d'en bas par un individu portant une armure Kryshzla ; mais c'était trop tard, elle n'avait pu échapper à la vision de la silhouette en combinaison noire étendue en contrebas, Voorth, abattu par surprise...
Safera se demanda si elle n'aurait pas encore préféré une bonne vieille rafale dans le cœur, la voix lui soufflait que cela aurait eu quelque chose d'infiniment plus séduisant, de plus simple, de moins angoissant...
Avec une vivacité que Safera ne se serait jamais attendue à trouver chez un officier supérieur Kryshzla, celui qui ne pouvait être que Hassano grimpait déjà à une échelle situé à l'extrémité du pont pour la rejoindre et la tuer à son tour, mais Safera veillait et une salve blaster frôla le haut de l'échelle juste à temps pour l'empêcher de surgir sur le pont... Attention, ce n'était pas le moment de commettre l'erreur stupide qui ferait tout rater... L'autre n'osait pas encore retenter sa chance, demeurant apparemment sur l'échelle, prêt à la tuer si elle était assez idiote pour venir le chercher... Elle détourna les yeux un court instant, sans quoi ils resteraient éternellement là à se regarder en chiens de faïence...
Les corps de six militaires Kryshzlas barraient le chemin, manifestement transpercés par des tirs de blaster ; elle retint que Hassano n'était surtout pas quelqu'un à sous-estimer, comme si sa démence renforçait paradoxalement ses aptitudes...
Ça y est, il jaillissait de nouveau avec un éclat de rire dérangeant, tentant de la prendre de vitesse, mais Safera n'était pas née de la dernière pluie ; elle savait que le Général était à peu près à sa portée et elle s'en contenta pour décocher une rafale rougeoyante qui vint heurter son armure et le projeta à terre... Bien, maintenant...
Non, il était bien trop réactif pour qu'elle s'approche et en finisse, le détraqué se relevait déjà ; au contraire, elle devait reculer, attendre une nouvelle occasion de transpercer une fois pour toutes l'armure maudite et de stopper la monstrueuse machine de guerre... Elle dut accélérer brusquement son retrait lorsque Hassano commença à inonder le pont de salves rougeoyantes qui lui étaient destinées, les murs déjà couverts d'impacts noircis le devenant plus encore ; elle murmura quelques jurons en comprenant que le combat était déjà en train de lui échapper, mais elle n'avait pas le choix, elle ne portait pas d'armure, elle...
Elle réalisa que la situation devenait franchement défavorable ; le Général s'avançait seul sur le pont face à elle, protégé par son mur de tirs blasters, elle ne pouvait pas s'arrêter pour viser sans risquer d'être abattue dans l'instant qui suivrait, il allait finir par l'avoir... En d'autres circonstances, elle aurait sûrement pris le risque de riposter directement en comptant sur le fait que Hassano ne serait pas assez rapide, mais pas cette fois, pas maintenant qu'il y avait tellement plus que sa pauvre petite vie en jeu ; son instinct lui hurlait que c'était ce qu'elle devait faire, mais elle savait qu'elle ne pouvait pas... Mais disposait-elle d'une autre solution, ne finirait-elle pas par tomber et échouer pour son excès de prudence ? Qu'allait-elle faire, qu'allait-elle faire ?
Elle n'avait plus le choix, elle n'avait cédé que trop de terrain, elle ne pouvait pas rester debout sous peine de mourir stupidement ; elle se laissa soudain tomber à genoux, le fusil serré contre sa poitrine, et, sans réfléchir, partit dans une roulade vers Hassano en suppliant mentalement pour qu'il ne réagisse pas à temps sans quoi elle serait stoppée net, le dos transpercé par une rafale, et après un rude passage contre le sol métallique, elle atterrit comme par magie la tête en face des jambes d'Hassano... Suivant impulsivement sa trop longue expérience du combat au corps à corps, elle se jeta de toutes ses forces contre les jambes de son adversaire qui se baissait vers elle, et parvint à le renverser, il s'effondrait, les jambes prises sous le poids de la Chiss...
Maintenant, elle devait en finir ; à moitié redressée, elle tendit son fusil-blaster vers le torse du Général, au sol... Raté : avec une vigueur étonnante, Hassano lui décochait un redoutable coup de pied ; le souffle coupé, son ventre hurlant de protestation, elle ne put empêcher son adversaire de briser sa prise sur le fusil d'un coup de poing ganté qui sembla éclater sa main en mille morceaux...
Néanmoins, elle savait qu'elle avait encore une chance au corps à corps ; certes, elle ne portait pas d'armure, elle était une femme, elle était petite et mince, mais elle avait en elle un sang-froid et une énergie qui lui avaient permis de venir à bout de déjà bien des soldats Kryshzlas plus grands et plus forts qu'elle, sur Hautemer ou ailleurs... De plus, le Général n'était certainement pas tout jeune, bien qu'il fasse preuve d'une vivacité étonnante et ait l'air plutôt bien bâti...
Oui, elle avait une chance, à condition de lui faire lâcher immédiatement ce fusil-blaster qu'il brandissait de nouveau vers elle...
Trop tard, elle était incapable de bloquer ses bras, et il tirait ! Laissant l'autre se relever sans encombre, elle se jeta en arrière pour échapper à une salve dirigée droit vers sa poitrine, retomba lourdement sur le sol...
Rien à faire, il allait l'avoir ! Il l'alignait à nouveau dans son viseur, il allait tirer ! Et s'il la ratait une fois de plus, il réessayerait, encore et encore, jusqu'à ce qu'elle ne soit plus qu'un corps inanimé comme les sept Kryshzlas déjà au sol !
La situation était désespérée, et ce fut une folie qui la sauva : à peine consciente de ce qu'elle faisait tant elle craignait d'échouer pour l'ultime épreuve, elle prit appui sur ses mains, la droite encore douloureuse, et se fit entièrement glisser par-dessus le bord du pont de commandement, jusqu'à ce qu'elle ne trouve plus que le vide sous son corps... Elle tombait tête la première vers la passerelle en contrebas ! Son cœur eut tout juste le temps de faire une embardée spectaculaire alors qu'elle maudissait sa décision impulsive que le sol était là, juste sous ses yeux, sa tête venait s'écraser contre lui avec une dureté implacable, elle sentait tout son être exploser sous le coup d'une douleur plus grande qu'elle-même alors que l'onde de choc la secouait de part en part, brisant la résistance de chacun de ses muscles et de ses os, elle hurlait de douleur alors qu'elle sentait sa conscience vaciller sous l'impact, elle ne parvenait plus à penser correctement ! Ses yeux se voilèrent sans même qu'elle s'en aperçoive...
Tout devenait si sombre, si confus, elle ne savait plus ce qu'elle devait faire ni pourquoi elle devait le faire, elle ne voulait plus s'en préoccuper, elle voulait rester là et ne plus penser au monde réel, penser à quelque chose de beau, rêver quelques secondes avant de mourir... Mais une pensée survivait en elle, une alarme qui lui vociférait qu'elle n'avait pas un instant à perdre même si elle n'arrivait pas à se souvenir pourquoi ; cependant, elle était brisée, son corps n'était plus qu'une immense plaie, elle était brisée, irrémédiablement brisée, incapable de se relever... Un sac d'os cassés et de muscles déchirés, voilà tout ce qu'elle percevait d'elle-même à présent...
Puis le rire revint, elle n'était plus sûre de savoir à qui il appartenait, mais elle était sûre que c'était mauvais signe, et elle entendit quelque part près d'elle des impacts qu'elle savait d'autant plus mauvais signe... Alors elle força tant bien que mal cette immense assemblage de douleurs qu'était son corps à se ramasser sous l'impulsion des flux d'énergie constants issus de sa peur, elle contraignit ses yeux à s'ouvrir, ses muscles à la guider sous une rangée de consoles proche alors qu'une pluie de tirs blaster s'abattait depuis le pont de commandement, presque au hasard, comme si celui qui les envoyait avait la destruction en général pour seul objectif... Là, elle était à l'abri pour le moment de... du Général Hassano... Ensuite, elle verrait comment faire pour le neutraliser afin de... afin de persuader le Bunyip de s'arrêter... Il prenait son temps, d'ailleurs...
Bon, elle allait déjà essayer de survivre, pour le moment, ce serait déjà ça ; en espérant qu'elle n'ait pas de traumatisme crânien... Mais elle verrait cela plus tard. Quelque part, elle apercevait un corps portant une combinaison similaire à la sienne.
C'était un Kryshzla. Quelle importance ?
Le désespoir l'inondait, une part d'elle-même avait envie de tout abandonner et de pleurer, de pleurer sur sa folie et son échec ; tôt ou tard, Hassano allait se lasser d'arroser la passerelle d'inutiles rafales blasters en éclatant de son rire dément et il descendrait, il la traquerait comme un pauvre petit animal pris au piège, les rayons mortels traverseraient son corps pour en ôter la vie, elle rejoindrait Voorth dans la mort et ils auraient tous deux échoués à la bataille finale, celle qui donnerait leur sens à toutes les autres... Elle n'avait pas si peur de mourir, la voix rassurante lui murmurait que si c'était ainsi que les choses devaient s'achever, au moins elles se seraient achevées pour elle, mais elle avait terriblement peur d'échouer, et elle savait que c'était exactement ce qui allait se produire en dépit de ses efforts...
Et pourtant, non, les tirs insensés cessèrent sans que Safera n'entende les lourds pas du Général descendre l'échelle pour venir la tuer ; avait-il cru qu'elle s'était tuée sur le coup, trompé peut-être par le corps de Voorth ? Était-il suffisamment arrogant pour la laisser vivre tandis qu'il vaquait à d'autres sinistres occupations ?
Safera songea ironiquement que sa survie l'embarrassait finalement plus qu'autre chose... Puisqu'elle conservait la vie, qu'allait-elle en faire ? Traîner sa carcasse meurtrie sur l'échelle pour remonter à l'assaut d'un homme en armure, encore plein d'énergie et plus violent qu'une bête enragée ? L'idée paraissait risible.
Et pourtant, que faire d'autre ?

Allez... Il devait terminer ce qu'il avait commencé au lieu de se distraire avec cette charmante femelle Chiss... De toute façon, il serait bien étonnant qu'elle soit encore en état de lui nuire après sa chute volontaire, surtout sans arme... Et Hassano devait lui concéder qu'elle avait bien mérité de survivre si elle était capable de faire une chose pareille... Elle avait du courage, il fallait le reconnaître, Hassano n'était pas du tout sûr de savoir s'il l'aurait emporté si ce traître Lanshrul qui l'accompagnait pour une raison probablement surprenante mais dont Hassano se fichait complètement avait pu combattre à ses côtés... Au fond, c'était bien la preuve que son destin était de combattre les Ômus en personne et non les petits êtres, puisque Hassano s'était trouvé près des consoles à superviser le rechargement des missiles par le plus grand des hasards au moment où cet imbécile était entré...
Il s'était fixé un objectif en se relevant après l'assaut psychique des Ômus, ou plutôt son moi d'avant s'était fixé un objectif et il voulait toujours le remplir bien qu'il ne sache plus pourquoi il s'était fixé cet objectif... S'il se comprenait bien, du moins... Quoi qu'il en soit, il allait détruire cette sale bête à coups de missiles, essayer en tout cas, pour montrer aux Ômus qu'il n'était pas n'importe qui ; il ne savait plus exactement pourquoi il leur en voulait tant auparavant, mais il allait le faire quand même... D'ailleurs, il lui semblait qu'un peu plus tôt, il avait aussi ressenti de la colère contre les Ômus parce qu'ils n'avaient pas fait de lui le Bunyip... Ou quelque chose comme ça...
Alors qu'il s'installait sûrement pour la dernière fois à la console de contrôle des missiles, il eut la désagréable surprise de constater qu'il subsistait malgré tout une voix énervante dans sa tête pour lui demander si ce qu'il était en train de faire et de penser était bien raisonnable, pour le supplier de tout arrêter et d'essayer de réfléchir calmement et objectivement à tout cela... Qu'importait, il n'était pas obligé de l'écouter, du moins il n'en avait pas l'impression...
Ah... Il était là, oui, il venait le trouver, l'adversaire que les Ômus avaient jugé digne de lui, ou dont ils l'avaient jugé digne, il ne savait pas, non cette pathétique femelle Chiss, même si Hassano devait admettre qu'elle avait fait preuve d'un courage et d'un sang-froid admirables, mais Lui, le Gardien, l'Unique, le monstre des profondeurs, le géant gigantesque, le dévoreur de sous-marin, le déchiqueteur d'Hynors, le... le Bunyip. Oui, c'était bien lui qui se tenait devant la verrière, sa gueule fendue d'un sourire affamé, comme s'il n'osait croire que Hassano était toujours là, qu'il allait pouvoir planter ses dents dans la minuscule mais si noble chaire d'un Général Lanshrul...
Hassano sourit ; même si la bête l'emportait comme cela devenait de plus en plus probable, l'image était plaisante...
Bon, où en était-il ? Les missiles, oui, les missiles... Il en avait déjà un au niveau du troisième tube bâbord... Il aurait préféré les lancer tous d'un coup pour faire un beau feu d'artifice au plus profond de l'océan qui marquerait dignement la fin de sa glorieuse lutte, mais vu les circonstances... Il n'y avait rien de glorieux à agir contre ses propres intérêts... Bon, il n'allait pas y passer cent sept ans ; le bouton d'activation était là, une petite pression, et hop, on en parlerait plus.
Il ne manquerait plus qu'il s'entoure de mysticisme ridicule comme les Hynors.
Pour la énième fois, il partit dans un immense éclat de rire, gonflé de fierté, d'amusement, de joie ; et il se sentait encore plus fier, amusé et joyeux en entendant ce rire, la preuve qu'il ne craignait rien...
Hassano vit la traînée lumineuse verte jaillir de quelque part à l'avant du sous-marin sur son ordre ; naturellement, le Bunyip n'eut qu'à détourner la tête pour la laisser pénétrer dans sa gueule avant de refermer les mâchoires. La tentative d'Hassano n'eut pas le moindre résultat visible, cela allait sans dire. Hassano serait curieux de savoir comment les Ômus s'y étaient pris pour créer une créature à ce point invincible, elle devait maîtriser en partie le champ d'énergie qui servait si bien ses maîtres, ce n'était pas possible autrement...
Qu'à cela ne tienne, il lui restait une flopée de projectiles au service de l'immonde saurien...
Mais qu'est-ce que... Non ! Il le voyait, il voyait dans la verrière le Bunyip saisir entre ses dents toute la partie avant du sous-marin, il le voyait la déchirer rageusement ! Mais surtout, il le sentait ! Soudain, ses jambes se dérobèrent sous lui et il se retrouva plaqué au sol en jurant, tout ce qui n'était pas solidement accroché partit s'écraser contre les murs, en-dessous, tout le sous-marin se renversait vers le bas ! Puis, alors que Hassano commençait tant bien que mal à se redresser, le sous-marin retomba brusquement, le projetant une nouvelle fois au sol !
Bien, il fallait admettre que voir cette créature secouer ainsi le vaisseau-amiral dans son ensemble en mordant dans le duracier constituait une fin exceptionnellement grandiose ! Quel commandant de croiseur pouvait prétendre avoir déjà vécu une telle chose ? Et le monstre lui laissait le temps d'en savourer le plaisir, en plus, Hassano savait qu'il ne s'attaquerait au pont de commandement qu'en dernier lieu...
Oui, mais la partie n'était pas tout à fait finie, alors Hassano se releva une seconde fois, décidé à retrouver la console d'artillerie pour tenter ce qui pouvait l'être encore... Et se retrouva plaqué contre le sol une troisième fois, par une sorte de formidable coup dans son dos, cette fois.

La verrière était un peu trop affreuse à regarder pour servir de miroir avec ses centaines de tonnes d'écailles verdâtres occupées à dévorer la partie avant du sous-marin, annonçant la fin prochaine de ses deux derniers occupants vivants, mais Safera était sûre qu'elle faisait peine à voir, elle était couverte de contusions et avait probablement le regard perdu, hagard, désespéré, elle se traînait plus qu'elle ne progressait, toute entière portée par une poignée de muscles encore serviables ; elle avait déjà de la chance de ne pas s'être cassée une jambe ou un bras, elle avait tout simplement de la chance de ne pas s'être ouvert le crâne en tombant, alors elle comptait bien faire quelque chose de cette aubaine.
Alors elle avait retenu ses larmes et patiemment, elle avait entrepris de gagner puis gravir l'échelle pour rejoindre son ennemi, quitte à s'arrêter régulièrement afin de reprendre son souffle meurtri ; elle s'était glissée derrière un Hassano trop absorbé par sa console d'artillerie et ses rêves de destruction, profitant ensuite de la confusion semée par le Bunyip sur le pont pour progresser... Non seulement elle avait repris possession de son fusil-blaster, mais elle avait également pu emprunter une sorte de poignard à l'un des Kryshzlas tués sur le pont.
Elle savait qu'elle n'avait pas droit à l'erreur, c'était sa dernière chance de limiter la tragédie, alors elle attendit patiemment qu'elle-même fut prête et que Hassano tente de se relever pour lui délivrer une salve dans le dos ; c'était de l'autre côté qu'elle l'avait atteint la dernière fois, l'armure de Hassano tint bon jusqu'à ce qu'il ait l'intelligence de jaillir se mettre hors de portée, mais il ne tenait plus sa propre arme.
Bien, tout n'était peut-être pas perdu, finalement... La voix féminine qui encourageait Safera à aller jusqu'au bout lui apparaissait maintenant comme pleine de promesses, de promesses qu'elle parvienne au moins à tuer Hassano avant d'être dévorée vivante par le Bunyip ou noyée, accomplissant au moins la mission qu'elle s'était donnée, quand bien même cela n'aurait finalement servi de rien ; de promesses que le Bunyip s'arrête, qu'elle sauve ceux qui pouvaient l'être encore à commencer par elle-même ; de promesses, oui, de promesses même qu'elle et Sev'rance vivraient et seraient à nouveau réunies, qu'elles deux seraient à nouveau une...
Alors elle devait réussir.
Fou de rage, Hassano s'était relevé et fonçait maintenant sur elle pour la tuer avant qu'elle n'ait eu le temps de l'abattre ; d'autres que Safera auraient peut-être paniqué et se seraient précipités pour prendre la fuite à la vue du fou furieux en armure Kryshzla qui se jetait sur eux, mais la jeune femme Chiss n'éprouvait en cet instant aucune peur pour elle-même, seulement la froide résolution de faire en sorte que tout ce qui avait été sacrifié ne l'ait pas été en vain, son corps était déjà si endolori par sa chute qu'elle ne voyait pas ce qu'elle pourrait subir d'autre, alors elle se contenta de s'assurer que Hassano se retrouve bien dans sa ligne de mire...
Oui, parfait, précisément la partie de son armure qu'elle avait endommagée...
Elle allait le faire, elle allait presser la détente, elle allait en finir avec le seul vrai monstre d'Hautemer !
Cependant, le monde entier sembla soudain se rebeller contre Safera alors que l'intégralité du poste de commandement semblait bondir sous ses genoux, lui faisant perdre l'équilibre à son tour ; elle pressa tout de même la détente sous le coup d'une sorte d'impulsion fantôme de son cerveau, mais sa rafale ne toucha que le plafond, et loin de revenir à la normale, le pont de commandement s'inclina, s'inclina, s'inclina encore, démesurément, si bien qu'elle-même tombait vers la sortie et que Hassano tombait vers elle !
Elle réalisa que cela faisait déjà plusieurs minutes que toutes les alarmes du vaisseau hurlaient...
Le Bunyip ! Le Bunyip avait à nouveau pris le sous-marin dans sa gueule !
Tout serait bientôt fini, pour elle comme pour Hassano !
Non, pour elle avant Hassano, en fait ; Safera se releva dès que le sol fut revenu dans une position plus ou moins stable, mais son fusil lui avait échappé, et Hassano était à nouveau debout, fonçant sur elle comme une bête sauvage ! Elle devait faire quelque chose, elle devait faire quelque chose...
Elle ne put esquisser le moindre geste de résistance, l'énorme masse du Général en armure s'abattit invinciblement sur elle, bloquant ses menus bras puis la plaquant lourdement au sol. Le poids de son adversaire l'oppressait, elle ne pouvait plus respirer, son corps endolori n'en pouvait plus, trop, c'était trop...
Elle songea à son poignard qui l'appelait au creux de sa main gauche, mais ses deux mains étaient prises dans un véritable étau d'acier... Elle devait lâcher son arme, sinon l'autre allait lui casser la main, elle savait qu'il en serait capable, elle savait qu'il ne s'arrêterait pas tant qu'elle n'aurait pas lâché, peut-être même pas après...
Elle comprit avec horreur qu'elle était déjà morte, Hassano allait immédiatement la tuer ; qu'est-ce qui pouvait encore la sauver alors qu'elle peinait même à respirer ?
Avec une force décuplée par sa fureur démente, le Général libérait sa main droite et saisissait sa victime pour la forcer à se redresser de moitié ; terrifiée, Safera vit qu'il amenait son visage sous ses poings... Non, oh non... Ce fut simple, primaire, brutal, un poing ganté qui jaillit soudain pour venir cogner le visage d'une jeune femme déjà très mal en point avec une sorte de violence glaciale ; Safera prit l'attaque de plein fouet, elle sentit l'onde de choc courir dans tout son crâne, elle sentit les os de son visage trembler sous l'impact, la laissant totalement hébétée, elle sentit son nez se briser pour de bon, son pauvre nez qui avait déjà souffert de l'embuscade contre le premier sous-marin...
Quelque chose de liquide coulait sur le bas de son visage, elle savait ce que c'était mais elle ne voulait pas le voir... Elle n'était plus que peur, douleur et désespoir, elle n'en pouvait plus, vraiment plus, sauf que Hassano n'avait pas l'intention de s'arrêter là pour autant ; il y eut un crochet du droit qui démolit impitoyablement sa joue gauche alors que Hassano l'empêchait de tomber de son autre main, un formidable coup de pied qui sema le chaos dans son ventre, puis Hassano enchaîna par un direct du droit en plein sur le sein gauche de la jeune femme, lui arrachant un cri de souffrance désespéré...
Il fallait qu'elle fasse quelque chose, elle le savait mais elle était complètement sonnée... Complètement sonnée... Elle suffoquait, elle avait si mal, elle aurait voulu s'évanouir, juste s'évanouir le temps que le destin fasse en sorte qu'elle cesse de souffrir, qu'elle cesse d'exister...
Mais elle ne s'évanouit pas, elle dut subir les assauts sanguinaires d'Hassano jusqu'au bout, assénés avec une violence dépourvue d'objet qui terrifiait Safera plus que tout ; pas un centimètre carré de sa face ne fut épargné, Hassano employait toutes ses forces à frapper son petit corps brisé par la chute qu'elle s'était elle-même infligée pour lui échapper, il éclatait de rire tandis qu'elle hurlait de souffrance, il martelait inlassablement de ses coups de poing dévastateurs son visage, ses épaules, ses bras, sa poitrine, plein de puissance haineuse ; des coups de pieds et de genoux jaillissaient avec force pour venir incendier férocement ses jambes, son ventre, son bassin, la laissant aussi incapable de réagir qu'une poupée de chiffon, une poupée torturée par quelque enfant sadique...
Sans cesse, elle ne pouvait empêcher son subconscient de s'imaginer qu'il allait s'arrêter là, qu'il la croirait morte ou se lasserait de la détruire, et sans cesse, il revenait à la charge, la battant encore plus fort que la fois précédente avec une rage d'autant plus illimitée qu'elle n'avait pas d'objet...
Elle voulait mourir, elle voulait que la gueule du Bunyip surgisse enfin dans le poste de commandement abandonné, elle voulait mourir empalée sur ses crocs, déchirée en deux puis avalée ! Tout, mais que ce massacre cesse ! Mais Hassano ne s'arrêterait pas, elle le savait, il était tout à son déchaînement de violence, il aimait cela comme si battre à mort des femelles Chiss était la plus grande passion de sa vie, il ne l'étranglerait pas, ce serait trop rapide et trop doux pour lui permettre d'exprimer son envie de détruire, il ne la violerait même pas comme avait voulu le faire Saur Thar, cela ne lui viendrait pas à l'idée parce qu'il ne recherchait pas son plaisir mais simplement la violence... Au mieux, il lui éclaterait sauvagement la tête contre le sol jusqu'à ce que son crâne explose en sang...
Viens avec moi, murmurait la voix, viens avec moi dans un autre monde, n'aies plus peur des ténèbres car je t'y guiderais ; prends ma main et suis-moi, je vais te libérer...
Cependant, elle n'y arrivait pas, elle ne trouvait pas cette main, ne savait pas si elle voulait la trouver ; une douce flamme la réchauffait encore irréductiblement au milieu du froid, l'empêchant de s'éteindre alors même que son existence n'était plus qu'un déluge de coups qui ne connaîtrait de fin que la sienne.
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