L'histoire se passe sur Tatooïne (ma planète favorite), et raconte une scène d'un Nouvel Espoir, d'un point de vue... différent, qui tient compte de la prélogie.
La focalisation alterne entre deux narrateurs, et les passages en italique renvoient à des souvenirs de l'un d'eux (je précise parce que j'ai peur que ça soit un peu fouillis).
J'ai essayé de faire ça dans l'esprit des « Tales », ça parle en gros des conséquences de nos actes, volontaires ou non.
C'est assez court, si vous avez la patience de le lire et d'émettre votre opinion je suis preneur

Poison
Face aux soleils jumeaux, l'ombre d'Amkhar'Sheh commençait à s'allonger sur le sable encore froid de la nuit. Il porta son regard plus haut ; dans le ciel, on pouvait voir les dernières étoiles dont la lueur tremblotante disparaissait peu à peu. Il serra sa ceinture, y accrocha son arme, et grimpa en un mouvement rapide sur sa monture pourtant deux fois plus haute que lui. La journée ne faisait que commencer et déjà, Amkhar'Sheh pouvait sentir la chaleur étouffante commencer à le gagner. Au loin, la colonne de Banthas s'étirait sur les dunes et commençait à se mouvoir. Il massa doucement la crinière de la créature, qui se mit en marche en poussant un mugissement sourd.
Amkhar'Sheh savait qu'aujourd'hui, sa tribu partait en chasse, dans les territoires proches de ceux des colons. Il tira de sous ses guenilles une outre râpée et brunie par la poussière et le sable, et la déboucha. L'odeur âcre du poison lui fit tourner la tête malgré son filtre respiratoire. Il se saisit de son bâton et en aspergea abondamment la pointe en métal avec le liquide, puis il jeta l'outre vide dans le sable.
Peu importe le danger qu'il rencontrerait désormais, sa proie s'écroulerait sous le premier de ses coups.
Ce dont Amkhar'Sheh se souvenait le mieux, c'était l'odeur de sa mère. Chaque fois que le clan se rassemblait autour du feu, il s'asseyait entre ses genoux, la tête contre sa poitrine et écoutait les paroles du conteur. Il n'avait pas peur de ces histoires, toujours les mêmes racontées inlassablement, veillée après veillée. Blotti au creux de sa mère, rien de tout ce que le vieillard racontait ne semblait pouvoir l'atteindre. Amkhar'Sheh savait malgré tout qu'il y avait, au fond de ces choses, une part de vérité. Et lorsqu'il se retrouvait seul la nuit pour dormir dans sa hutte, il lui semblait presque entendre le bourdonnement de l'arme du démon, celle qui selon le conteur avait massacré toute une tribu de son clan.
Le voyageur ne se rappelait même plus son nom, tellement la chaleur le consumait. Il distinguait des formes au loin sur les dunes, semblables à d'énormes squelettes semblant surgir du sable. Mirages de son esprit ou vestiges de créatures cauchemardesques, le voyageur s'en moquait. Il continuait à avancer sous les soleils de plomb qui lui brûlaient la peau, cherchant vainement un moyen de fuir la chaleur. Autour de lui, le désert s'étendait à perte de vue. Il lâcha tout son barda, abandonnant derrière lui ses derniers effets personnels. Il continua à avancer, pas après pas, vers l'horizon sans fin.
Suivant toujours le troupeau de son groupe, Amkhar'Sheh se rendit compte que le relief du paysage se mit à changer. Des parois rocheuses se dessinaient de part et d'autres de la colonne, jusqu'à former un véritable canyon. Tous s'arrêtèrent et postèrent leurs montures dans les rochers pour continuer à pied. La chasse commençait enfin. Amkhar'Sheh pris son arme et glissa le long de sa monture jusqu'à terre. Il se mit à avancer et à gagner les hauteurs rocheuses, à mesure que les autres guerriers faisaient de même. Sans s'en rendre compte, il se figea net. Ses sens en éveil, il se cacha derrière une paroi rocheuse et attendit. Quelques mètres au-dessus de lui, il vit un homme, un colon probablement, scrutant le paysage avec des jumelles. Amkhar'Sheh remonta lentement le long de la paroi vers l'humain, trop occupé par son observation pour le remarquer. Il se hissa sur le dernier rocher les séparant, et là, à l'instant même où il allait lui bondir dessus, il se souvint. L'odeur.
Dans son rêve, Amkhar'Sheh voyait toujours la lumière se faire en pleine nuit, dans un bruit assourdissant. Des cris de terreurs se mêlaient au tumulte des ombres qu'il voyait se faire faucher par dizaines, sur la toile de sa hutte. Puis le bruit des pleurs et des cris cessait, laissant la place au vrombissement et à la lueur glaciale de l'arme du démon. Alors, il voyait une ombre se rapprocher de sa tente à mesure que la lueur grandissait elle aussi. L'odeur de la bête envahissait alors tout son être, l'enveloppant d'effroi et le plongeant dans des ténèbres sans fond. Amkhar'Sheh émergeait à chaque fois de l'obscurité de son cauchemar en hurlant de terreur.
Amkhar'Sheh n'avait jamais vu cet homme, mais son odeur déclencha chez lui une panique fulgurante, remontant du fond des âges. Comme un souvenir enfoui au plus profond de lui depuis des générations, cette sensation émergea dans le monde réel. Il avait la quasi-certitude que cet être était le démon, celui qui s'était livré au massacre de sa tribu. Et il était parvenu à s'extirper du monde des rêves pour se retrouver devant lui. Amkhar'Sheh frappa alors au hasard, sans savoir, puis se rua en avant, dans le but d'achever la bête immonde qui se roulait par terre sous ses yeux. Le démon semblait désemparé, totalement à sa merci. Amkhar'Sheh leva son bâton haut au-dessus de sa tête, la pointe tournée vers sa proie pour lui porter le coup de grâce. Il la dévisagea un dernier instant. Et lorsqu'il lut la peur dans son regard, Amkhar'Sheh y reconnu un peu de la sienne. Il hurla de rage et frappa de toutes ses forces, mais du revers de son arme. Alors, il s'enfuit, laissant le démon et sa peur derrière lui.
Le voyageur vit les heures passer à mesure que les soleils déclinaient au-dessus de sa tête, baignant le ciel de rouge et d'orange. Mais même avec la chaleur qui disparaissait, sa soif le torturait, et rien dans le paysage désertique ne semblait enclin à le détourner de cette obsession.
Amkhar'Sheh était perché sur une saillie rocheuse, dominant le désert. Son regard portait jusqu'à l'horizon, sur le spectacle familier des soleils jumeaux se couchant l'un après l'autre. Cette vision le rassurait. Il savait qu'aujourd'hui, il avait enfin réussi à se débarrasser de ce qui lui pesait depuis toujours.
Le voyageur fit ses derniers pas, et s'écroula sur le sable, sur le versant d'une dune. Au-dessus de lui, les étoiles s'illuminaient par centaines à mesure que la nuit gagnait le ciel.
Amkhar'Sheh s'était débarrassé d'une terreur que ses ancêtres avaient connu des années auparavant, et qui s'était transmise jusqu'à lui.
Le voyageur détourna son visage du ciel étoilé, et son regard s'arrêta sur une forme tout près de lui, qui se détachait sur le sable. Il tendit le bras et attrapa l'objet. On aurait dit une sorte d'outre, râpée et brunie par la poussière et le sable. Et miracle, il semblait qu'elle contenait encore quelque chose.
Amkhar'Sheh s'était purifié de ce qui le rongeait depuis qu'il était enfant...
Le voyageur porta l'outre à ses lèvres et but avidement les dernières gouttes de son contenu...
Du poison.