Des détracteurs à la légitimité douteuse
À écouter les détracteurs et leurs relais médiatiques, Lucas aurait du faire profil bas et se laisser guider par les fans, au motif que Star Wars "leur appartient". Venant de gens qui ne cessent d'invoquer "l'esprit de la trilogie originale", cette exigence est particulièrement contradictoire.
Contrairement aux romans ou comics Star Wars destinés à un public de niche, la saga a toujours été conçue comme une oeuvre universelle. En concevant La Guerre des Etoiles, L'Empire Contre-Attaque et Le Retour du Jedi, jamais Lucas n'avait érigé comme priorité de se plier aux exigences d'un fan-club (qui existait déjà). Ni Irvin Kershner, ni Richard Marquand, ni Lawrence Kasdan n'ont tapé du poing sur la table en exigeant de consulter les fans. Tout comme Lucas, ils suivaient leurs propres intuitions et cherchaient à toucher l'imaginaire d'un large public, principalement parmi les jeunes garçons.
Le plus comique dans cet acharnement est que beaucoup de médias américains ont du renier leurs critiques positives (sans parler de leurs innombrables couvertures accompagnant chaque film). Il faut en effet rappeler que les Episodes I, II et III ont été globalement bien reçus à leur sortie par la presse (en France aussi). Aux Etats-Unis, ils ont même été mieux notés que L'Empire Contre-Attaque et Le Retour du Jedi à leur époque. Mais après chaque sortie, la tentation devenait trop forte : il fallait faire du buzz en relayant à nouveau les complaintes des fans aigris. Pour justifier ce retournement de veste, certains invoquent le "recul" qui aurait fait réaliser aux journalistes que les "vrais fans" avaient raison. Piètre excuse : un critique professionnel est censé se faire son propre avis sans attendre qu'on pense pour lui.
En plus de n'avoir aucune légitimité pour exiger quoi que ce soit de Lucas, les fans aigris et les médias étaient donc d'une inconstance rare. Le créateur de Star Wars avait toutes les raisons de persévérer dans sa voie, et à chaque fois, le public a répondu présent.
Le Star Wars de Lucas : un succès massif et durable
À force de lire des journalistes et blogueurs prenant leurs rêves pour la réalité, on finirait par croire que "tout le monde déteste la prélogie". Un simple rappel des faits permet de constater l'ampleur de ce mensonge.
Aux Etats-Unis, les Episodes I, II et III pris ensemble ont battu au box-office la trilogie du Seigneur des Anneaux et les trois premiers Harry Potter, qui étaient les grosses licences concurrentes de l'époque. L'Episode I - La Menace Fantôme (1999) a vendu plus de 84 millions de places, surpassant L'Empire Contre-Attaque et Le Retour du Jedi à leur première sortie. Bien que l'Episode II - L'Attaque des Clones (2002) ait fait 30% de moins au box-office (une baisse similaire à celle qu'avait connu L'Empire Contre-Attaque), le succès est reparti de plus belle avec l'Episode III - La Revanche des Sith (2005) qui surpassa de 20% son prédécesseur.
Cerise sur le gâteau, Lucas lança en 2008 la série animée The Clone Wars, qui reprenait le contexte et les personnages de la Prélogie (même Jar Jar Binks). La série devint un des plus grands succès de Cartoon Network, et resta le programme le plus regardé par les garçons américains de 9-14 ans jusqu'à son arrêt.
En ce qui concerne les modifications de la trilogie originale, l'hostilité d'une partie des fans eut une influence tout aussi nulle. En 2011, avant la sortie du coffret Blu-ray de la saga, un appel au boycott fut lancé à cause de l'absence des versions non modifiées. Comme d'habitude, certains médias en firent des tonnes, y voyant une possible entrave au succès du coffret. Comme d'habitude, ils se trompèrent lamentablement : ce fut un record mondial de démarrage.
Le but de cette démonstration n'est évidemment pas de balayer toute critique négative. Beaucoup de gens ont sincèrement été déçus par un ou plusieurs projets de Lucas, et l'ont exprimé sans prétention, mensonge ou volonté de nuire. J'invite simplement à regarder l'ensemble du tableau. Il est indéniable que le succès de Star Wars sous la direction de George Lucas ne s'est jamais démenti. Les fans qui annonçaient la mort de la licence depuis La Menace Fantôme (voire depuis les Editions Spéciales) se sont complètement trompés. Ce ne fut pas un coup de chance ou une mode éphémère : cela a duré de 1999 à 2014, l'année de la dernière saison de The Clone Wars.
En réalité, ce n'est pas la dévotion aux fans mais le pragmatisme qui semble guider Kennedy et ses collaborateurs. La trilogie originale est leur référence : ils font donc des histoires s'en rapprochant. L'Univers Etendu gêne leur liberté de création : ils l'éliminent sans ménagement. La prélogie et The Clone Wars ne les gênent pas : ils les gardent dans le canon et y piochent ce qu'ils aiment. Les médias réclament des petites piques envers Lucas : ils leur accordent ce plaisir, et obtiennent en échange des articles louangeurs.
Avec ou sans Lucas, les fans aigris et leurs porte-paroles médiatiques ne sont donc pas près d'imposer leur volonté. La seule différence est que Kennedy et Abrams partagent certaines de leurs préoccupations et savent leur parler, quand Lucas n'en avait pas grand-chose à faire. Mais tout comme le créateur de Star Wars, Lucasfilm et Disney savent très bien que la saga ne peut perdurer qu'en touchant le grand public, et particulièrement les jeunes générations. Contrairement à ce que certains espèrent, cet objectif sera toujours prioritaire. Reste maintenant à voir combien de temps passera avant qu'un journaliste ne hurle à la rupture entre Disney-Lucasfilm et les fans.
-PiccoloJr