[Sommaire]<< Chapitre précédentChapitre 8 – Sombres révélations
— C’est quoi votre nom, déjà ? demanda Iggvar au Dévarionien.
— Bo’Phat. Ghastas Bo’Phat. Et le droïde, c’est KC-K8.
— Vous formez un sacré duo, on dirait.
Le droïde sonde émit des bips enthousiastes.
— Ça ouais, on en a vu de belles lui et moi. Une fois, il m’a sauvé d’un nid de Cthons enragés. Moi… je l’ai sauvé de la décharge.
— Et le collier d’os que vous portez, ça vient d’où ?
— Oh, ça ? Une vieille connaissance... Quelqu’un qui est venu mettre son nez là où il aurait pas dû.
— Et… vous portez ses os comme un trophée ?
— C’est pas tous les jours qu’on arrive à coincer un Impérial. Encore moins un inspecteur. Il était pas très fûte-fûte, mais il a eu que ce qu’il méritait.
— Nan, vous avez tué un inspecteur impérial ? Vous me faites marcher.
— Et pourtant c’est ce qui est arrivé, les Whills m’en soient témoins. Oh, je l’ai pas directement tué... Mais disons que j’y ai fortement contribué. Ce sont les bas-fonds qui se sont chargés de lui.
Ils arrivèrent sur une aire de parking où un airspeeder rafistolé les attendait.
— C’est votre speeder ? demanda Kiro.
— Ouaip. L’endroit où on va n’est pas accessible à pieds depuis ici. Va falloir passer par les puits aériens.
— Vous avez pas peur de vous le faire voler, ici ?
— Aucun risque, le contact est à reconnaissance faciale. Et si quelqu’un s’avise de le démanteler, c’est tout l’engin qui explose. Personne vole le vieux Ghastas, conclut-il avec un rire grinçant.
— Vous êtes parano, dit Iggvar en secouant la tête.
— Sans doute, mais j’ai raison de l’être. Avec Nar Shaddaa, on est sûrement l’un des mondes qui comptabilisent le plus de morts à la minute dans cette fichue galaxie. Par ici, faut être pragmatique si tu veux rester en vie.
Le voyage ne fut pas long. Ils traversèrent des tunnels d’accès laissés à l’abandon, dont l’obscurité était uniquement éclairée par les phares du speeder, et il arrivait régulièrement que des chauve-rats s’envolent sur leur passage. Par endroits, il y en avait littéralement des centaines. Iggvar se demanda de quoi ces créatures se nourrissaient pour pulluler à ce point, mais il n’était pas certain de vouloir connaître la réponse. Ils débouchèrent sur un vaste puits qui montait à perte de vue et dont le fond se perdait dans les ténèbres. C’était là qu’ils allaient. Dans les abysses. Le speeder descendait en piquée, à pleine vitesse, et même ainsi ils mirent plusieurs minutes avant d’atteindre le fond. Les parois étaient toutes en plastacier ou en permabéton, mais plus ils descendaient, et plus leur état se dégradait. Et évidemment, aucune lumière n’éclairait le gouffre dans lequel ils plongeaient. Au-delà de l’éclairage des phares, c’était la nuit noire. Quand ils arrivèrent en bas, une pile d’épaves de vaisseaux et de speeders s’entassait. Personne ne prenait plus la peine de les enlever, car ce niveau était considéré comme une décharge. Pour la plupart, les cadavres de leurs pilotes devaient encore se trouver à l’intérieur, desséchés et rongés par la vermine. Ils se garèrent sur une plateforme un peu plus haut, et Bo’Phat sauta hors du véhicule.
— Niveau 23. Tout le monde descend.
— Oh, génial, ironisa le jeune homme. J’adore marcher. C’est encore loin, votre truc ?
— La ferme, Iggs, fit son amie Iridonnienne. T’as choisi de venir pour nous aider, pas pour te plaindre. Si t’es pas content, tu peux aussi retourner à Karzgard.
— Comme si je pouvais.
— Hé, bouclez-la un peu, leur intima le Dévaronien. On arrive dans une zone à haut risque, on sait pas sur quoi on va tomber. Le moindre bruit pourrait nous trahir.
— Vous savez au moins ce qu’on doit chercher ?
— Un informateur m’a contacté il y a peu, il possède des renseignements vitaux sur ceux qu’on traque. Il devrait se pointer d’un moment à l’autre. Il se pourrait aussi bien qu’il vienne pas, mais faut pas négliger son aide. Il pourrait nous économiser un temps précieux.
Ils attendirent là presque une heure, jusqu’au moment où ils entendirent frapper une série de coups à l’une des portes de service.
— C’est le signal. KC, ouvre la porte.
Le droïde se connecta au port crypté et déverrouilla le mécanisme qui fit coulisser le pan de métal vers le haut. L’individu de petite taille qui en sortit portait une tenue en toile et une capuche dissimulant un visage joufflu. Il la retira, révélant une tête porcine aux bajoues velues, et dévisagea les trois humanoïdes.
— Vous deviez venir seul, dit-il. Ce n’est pas prudent.
— C’est pas moi qui leur ai dit de venir. Mais ils ont offert leur aide, j’ai pas refusé. Maintenant, dis-nous ce que tu sais sur ceux pour qui tu bosses.
— Très bien, écoutez bien car on a peu de temps. Il s’agit d’une organisation très ancienne qui se nomme l’Ordre des Proscrits. Et celle qui nous tient en esclavage se fait appeler l’Oracle. On pourrait croire que ce n’est qu’un simple droïde, mais elle est bien plus que ça. C’est une sorcière millénaire, un être à moitié mort qui se nourrit de l’âme des vivants. Son lieutenant actuel se nomme Abandon, un ancien Impérial, mais il est devenu autre chose… Lui aussi a des pouvoirs magiques, d’ailleurs. Il a même failli me tuer avec.
Ghastas jeta à Iggvar un regard entendu.
— Hé, qu’est-ce que je vous avais dit ? C’est bien une sorcière qui est derrière tout ça.
— Vous voulez dire qu’une secte de... sorciers se cache au plus profond de Coruscant, au nez et à la barbe de la population ? Et personne n’en a jamais entendu parler ? C’est pas un peu tiré par les cheveux ?
— Pas plus tiré par les cheveux que l’Ordre Jedi, répliqua Kiro. Eux, c’étaient de vrais sorciers. S’ils n’étaient pas aussi puissants que ce qu’on raconte, pourquoi l’Empire les considèrerait comme une menace à éradiquer ?
— Et allez, tu nous ressors tes histoires de Jedi. Tout ce qu’on sait sur eux c’est qu’ils étaient des gardiens de la paix au service de la République, une sorte de police suprême qui suivait des traditions dépassées. La partie concernant leurs pouvoirs magiques, c’est surtout des histoires pour les enfants. La preuve, plus personne n’en parle depuis qu’ils ont été arrêtés. Tu crois qu’ils auraient été vaincus aussi facilement s’ils avaient la moitié des capacités qu’on leur prête ?
— Pourtant c’est pas les preuves qui manquent, si on se donne la peine de chercher. Le fait est que l’Empire fait tout pour effacer la vérité à leur sujet, tout simplement parce qu’ils n’allaient pas le sens du nouveau régime. Si tu passais plus de temps à te poser des questions qu’à te fier à ce que racontent les autres, t’aurais déjà compris ça. Mais je suis pas là pour refaire ton éducation, Iggs.
Iggvar soupira et écarta le sujet d’un geste de main.
— Écoutez, reprit l’Ugnaught. Je n’ai aucun intérêt à propager des mensonges. D’ailleurs, je vais sans doute bientôt être exécuté pour vous avoir livré ces informations. L’Oracle sait tout ce qui se passe dans les bas-fonds, elle a sûrement déjà envoyé ses sbires à mes trousses à l’heure qu’il est. Mais ça m’est égal de mourir, je n’ai plus rien à perdre. Il fallait que quelqu’un sache la vérité. Il faut que quelqu’un arrête l’Oracle.
— On te croit, l’ami, dit Ghastas. On est justement là pour démêler le vrai du faux. Mais on n’arrivera pas à rallier grand monde à notre cause si on a pas de preuve concrète de tout ça.
— C’est des preuves que vous cherchez ? Bonne chance, alors. Si vous pénétrez dans l’antre de l’Oracle, vous mourrez. Si vous croisez la route d’Abandon, vous mourrez. La première règle des Proscrits est que si un étranger apprend leur existence, il doit les rejoindre ou mourir. Et quand ils décident que quelqu’un doit mourir, ils finissent toujours par arriver à leurs fins. N’espérez pas non plus infiltrer leur ordre en les dupant. L’Oracle lit dans les pensées. Le seul moyen de devenir un Proscrit, c’est de renoncer à tout ce qu’on aime. Renoncer à tout espoir. Quand tout espoir vous a quitté, vous perdez alors votre volonté. Et sans volonté propre, plus de libre arbitre. L’Oracle prendra la place de tout ce que vous abandonnerez, jusqu’à ce que vous soyez totalement à elle. Tous ceux qui servent l’Oracle finissent par perdre leur âme.
— C’est affreux ce que tu dis là, commenta Kiro. Comment peut-on perdre totalement son libre arbitre ?
L’Ugnaught regarda ses pieds et secoua la tête.
— Quand vous volez trop près d’un trou noir, il y a un moment où vous ne pouvez plus échapper à son attraction. Et j’ai vu plusieurs de mes amis sombrer dans ce gouffre. J’ai préféré m’enfuir avant de devenir comme eux.
— Tu as parlé d’un ancien Impérial, reprit le Dévaronien. Est-ce que ce type-là a un lien avec les raids meurtriers de ces derniers mois ? Ou avec un engin qui aspire l’esprit des gens ?
— Vous parlez de la serpenteuse ? C’est son arme la plus répugnante. J’ai même aidé à la fabriquer. La partie mécanique, j’entends. Le réel pouvoir de cette chose provient de la relique Sith qui se trouve à l’intérieur. Je ne sais rien des dernières opérations menées par Abandon, mais juste avant que je décide de m’échapper, l’Oracle l’a envoyé massacrer les habitants d’une enclave.
— Attends quoi, répète ? s’inquiéta Iggvar. De quelle enclave elle a parlé ?
— Elle n’a pas donné de nom. Seulement le niveau. 1189.
— Oh, non…
— Tu crois qu’il parle de Karzgard ? s’enquit Kiro.
— Évidemment qu’il parle de Karzgard ! T’en connais beaucoup, des enclaves au Niveau 1189 ? Je dois y retourner sur-le-champ. Si ce qu’il dit est vrai, mon peuple est en danger en ce moment même.
— T’emballe pas, p’tit gars, dit Bo’Phat. C’est peut-être déjà trop tard. Et tu feras quoi, si tu tombes sur ce type ? T’as bien vu ce qui est arrivé à l’Angle Mort. T’as aucune chance contre lui.
— Ça m’est égal. Je refuse de rester les bras croisés pendant que les miens se font massacrer.
— Je suis de son avis, renchérit Kiro. S’il faut se battre, je me battrai. Mais pas question de baisser les bras.
Soudain, une lueur apparut au-dessus de leurs têtes, à l’embouchure du puits par lequel ils étaient venus. L'éclairage agressif des phares était accompagnée d’un vrombissement sévère de moteurs à répulsion. Un speeder de police.
— Encore des amis à vous ? railla l’Ugnaught.
— Pas vraiment, non, souffla le Dévaronien. On a intérêt à décamper au plus vite ou je donne pas cher de notre peau. Tu viens avec nous, demi-portion ?
— Puisque vous proposez. Et mon nom est Monok.
— Tu m’en diras tant. Mais j’ai bien peur qu’on garde les présentations pour plus tard. En voiture, tout le monde !
KC-K8 émit un trille aigu et vint se fixer à l’emplacement magnétique entre les deux sièges avant. Les autres s’empressèrent de monter, et Ghastas mit aussitôt les gaz pour plonger au fond du puits. La coque du véhicule effleura l’amoncellement d’épaves qui culminait tel une colline de métal, et s’engouffra dans le souterrain obscur. Là, un large portail horizontal était entrouvert, laissant un passage qui n’était guère plus haut qu’un Ewok.
— On peut passer par là, dit Bo’Phat. Et leur speeder pourra pas nous suivre. Mais si vous tenez à vos têtes, baissez-vous !
Le speeder glissa sous la porte, arrachant des étincelles au sol poussiéreux, et l’antenne déjà pliée fut arrachée de son emplacement. Mais ils étaient sains et saufs. Et libres.
(Les compléments musicaux sont optionnels. Libre à vous de les écouter avant, pendant ou après la lecture.)
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