Voici la suite... je sens que ça se débloque un peu dans ma tête et peut-être vais-je pouvoir accélérer la cadence pour parvenir à la fin du livre pour la fin de l'année
Calameo, PDF et EPUB mis à jour évidemment, pour ceux qui n'aiment pas lire sur forum.
— En avant, en avant !
Le commandant Tour’Mira debout sur son char mû par quatre corinals lourdement blindés, agitait les bras pour dynamiser ses hommes : deux compagnies du deuxième Régiment Royal, chargées de bloquer l’accès à la Cité Royale. Il avait renoncé aux cavaliers ainsi qu’aux transports de troupes tractés, trop encombrants pour manœuvrer rapidement en ville. C’est au pas de course que les hommes s’élancèrent derrière les quatre chars qui constituaient la seule artillerie lourde de son dispositif. À l’heure qu’il était, l’attaque contre les portes devait commencer et le commandant comptait bien être en place avant que la garnison qui occupait la Cité Royale ne fasse mouvement. Le temps que l’ennemi comprenne ce qu’il se passait réellement en ville, il serait prêt pour leur interdire toute sortie. Les chars en suspension sur leur dispositif anti-gravité traversèrent prestement l’esplanade pour enfiler une large avenue. Il n’était plus ici question de discrétion mais de rapidité. Les patrouilles d’hommes-serpents qu’il rencontrerait en cours de route tomberaient inexorablement sous le nombre.
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* *
Le couvre-feu étant bien suivi, les rues désertes donnaient la chair de poule au contrebandier qui rasait prudemment les clôtures des jardins de banlieue de la zone pavillonnaire où il se trouvait. Il venait de quitter l’esplanade d’un centre commercial haut de quatre étages, sur laquelle il avait soigneusement évité des hommes-serpents qui déambulaient bruyamment. Ça et là, des lumières apparaissaient pourtant à quelques fenêtres mal calfeutrées pour lui prouver qu’il y avait bien de la vie enfermée dans les villas et les petits immeubles représentant la majorité des habitations autour de lui.
Au bout d’une demi-heure, après avoir longé l’extrémité d’une zone d’activités, il s’accroupit derrière le tronc d’un des arbres bordant l’artère principale qui traversait la banlieue ouest. Les entrepôts désaffectés dans l’un desquels il avait caché sa motojet ne devaient plus être très loin. Le temps de reprendre son souffle, il fit le point avec son datapad. Il ne lui restait plus que quatre cents mètres à parcourir sur la route. Les alentours de ce faubourg étaient à présent clairsemés. Quelques maisons en construction ou en ruines — dans l’obscurité il avait du mal à savoir — côtoyaient des terrains vagues poussiéreux et l’avenue elle-même paraissait moins bien entretenue. Les trottoirs avaient cédé la place à des bas-côtés de terre caillouteuse et devant lui, il n’y avait plus d’arbre au bord de la route. Il allait devoir se déplacer en terrain découvert.
Tendant longuement l’oreille, il ne perçut aucun bruit particulier hormis les roulements du tonnerre qui s’éloignait de plus en plus. Le vent était tombé et la terre était lourde de la pluie qui venait de s’arrêter. Blaster en main, il quitta son abri relatif et s’élança droit devant, courbé et prêt à se jeter à la moindre alerte dans le petit fossé qui longeait la route.
À présent, il entrevoyait sur sa gauche les silhouettes des entrepôts désaffectés. Les environs autour d’eux semblaient déserts, à l’abandon. Prudemment il traversa ce qui ne ressemblait désormais plus à une avenue, sauta la rigole d’écoulement des eaux et alla s’abriter derrière un petit muret brinquebalant. De là où il se trouvait, il pouvait entendre des voix qui provenaient d’entre les bâtiments mais il ne voyait rien. Par une succession de sauts furtifs et tout en restant à l’abri de ce qui pouvait le dissimuler à la vue de l’ennemi, il pénétra dans le terrain vague de l’ancienne zone industrielle pour se rapprocher du hangar du fond. Parvenu à une trentaine de mètres de son objectif, il jura en s’agenouillant derrière un amas de tôles rouillées.
Ils pouvaient pas camper ailleurs, ceux-là ?Juste à l’entrée de l’entrepôt brûlait un feu autour duquel était regroupée une demi-douzaine de saurocéphales qui se restauraient bruyamment. Il pouvait aisément entendre les bruits gutturaux qui leur servaient de langage. L’un d’eux semblait raconter des plaisanteries car tous les autres riaient à gorge déployée.
Le petit rigolo de la bande sans doute !Hiivsha considéra son blaster. De sa position et avec l’élément de surprise de son côté, il devait être possible d’en abattre deux voire trois avant que le groupe ne se mette à l’abri. Mais ensuite, il risquait d’avoir du mal à se débarrasser des trois autres et le temps lui était compté. Une autre solution était de contourner le bâtiment et d’essayer d’y entrer par derrière. Dans l’état de délabrement avancé où il se trouvait, c’était bien le diable s’il ne parvenait pas à dénicher une fenêtre, une porte hors d’usage ou simplement une disjonction des éléments de la tôle qui composait l’essentiel des hangars, pour se faufiler à l’intérieur. Une fois dedans, il sauterait sur sa moto et tenterait une sortie en force espérant que la surprise jouerait en sa faveur.
Il en était là de ses réflexions lorsqu’il se rendit compte que quelque chose autour de lui avait changé mais avant qu’il ne tourne la tête, il sentit peser contre sa nuque la froideur sans équivoque du canon d’une arme.
— Ne bouge pas, fit la voix rocailleuse d’un grand saurocéphale.
Hiivsha se gourmanda de s’être laissé prendre aussi facilement et de ne rien avoir entendu arriver. Sans doute la créature s’était-elle isolée du groupe derrière un mur pour soulager un besoin naturel et il ne l’avait pas vue ?
— Oups… laissa-t-il échapper.
— Donne-moi ton arme, doucement.
Le contrebandier leva très lentement ses bras en l’air, son blaster dans la main droite. Aussitôt la créature s’en empara et se recula d’un pas pour étudier ce modèle d’arme qui lui était inconnu.
— C’est quoi ce flingue ? grogna le saurien après avoir remis son pistolet à énergie à sa ceinture.
— Un blaster, un pistolet à plasma si tu préfères mon grand… ça a l’air de t’intéresser les armes ?
Comme Hiivsha cherchait à se relever, le saurocéphale le menaça avec le pistolet.
— Bouge pas, t’es un espion et moi les espions je leur crame la cervelle.
— Tu fais erreur, je n’espionnais personne, je passais dans le coin et j’ai vu de la lumière…
— T’es un petit rigolo mais c’est dommage pour toi. La bonne nouvelle, c’est que je vais te cramer la cervelle avec ta propre arme comme ça je verrai comment ça fait !
Le saurocéphale tendit le bras en visant la tête de sa victime toujours agenouillée.
— Fais pas l’imbécile, tenta Hiivsha en réfléchissant à toute vitesse, si tu me tues, tu ne sauras jamais ce que je faisais ici…
Et Isil ne me le pardonnera jamais !La créature secoua sa tête au bout de son long cou et fit de sa voix rocailleuse.
— Ce que tu fais je m’en tape !
Puis il appuya sur la détente.
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— Feu ! hurla Rocco-tête-de-bois dans son communicateur, du haut de la tourelle de son véhicule tracté de commandement. Empêchez ces rats de sortir !
Le chef du 3e Régiment Royal n’avait pas pu se résoudre à demeurer dans le quartier général de sa caserne alors qu’une si belle bataille s’annonçait, et il avait pris lui-même la tête de trois compagnies pour se porter en toute hâte vers l’École Militaire Royale qui pour l’heure hébergeait plusieurs centaines d’hommes-serpents. Ses troupes arrivèrent juste à temps. En effet, alors même que les hommes du colonel Roc’Hart encerclaient la vaste esplanade du Champ-de-Tyrell 1er, les premiers détachements ennemis franchissaient les portes de la prestigieuse académie pour se porter au secours des quelques postes de filtrage aux portes de la ville qui avaient eu le temps d’alerter leur hiérarchie en demandant des renforts.
Sans même attendre d’avoir correctement positionné ses rangs, Rocco-tête-de-bois avait donc donné l’ordre d’ouvrir le feu et une grêle de projectiles énergétiques s’abattit sur la place stoppant net la tentative de sortie des saurocéphales. Ces derniers s’égayèrent comme des rats pris dans une nasse, trouvant refuge derrière les troncs massifs des arbres de l’esplanade, ou refluant à l’intérieur des murs de l’institution.
— Parfait, cria le colonel dans son micro, vous me les gardez bien au chaud là-dedans ! Je veux un cordon étanche tout autour que même un insecte ne pourra pas franchir !
En écoutant dans ses oreillettes le rapport du chef du « trois », Jarval hocha la tête de satisfaction et tapota l’épaule du roi.
— Si le père Rocco peut les cantonner à l’intérieur de l’école, nos troupes auront vite fait de neutraliser les patrouilles qui parcourent la ville.
Ils progressaient en tête d’une section à travers les tunnels de la capitale en direction de la Cité Royale. Isil et Rigo avançaient derrière eux suivis à leur tour par une cinquantaine d’hommes silencieux.
— Le commandant Tour’Mira devrait être en place à l’heure qu’il est, répondit Calem en tournant à droite dans une galerie. Il va interdire à son tour toute sortie de la garnison de la Cité Royale… à nous de lui en ouvrir les portes pour qu’il puisse y pénétrer.
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L’homme-serpent s’agita un instant sur ses jambes, parcouru de brèves mais violentes convulsions avant de s’écrouler en silence aux pieds du contrebandier qui se remit prestement debout.
— Matériel inconnu… marmonna Hiivsha en ramassant son blaster, enfin… c’est ce que disent les mécanos.
Il posa son pouce sur le capteur biométrique de la crosse pour déverrouiller le système de sécurité qu’il avait eu le temps d’activer juste avant de tendre l’arme à son ennemi. Avec tendresse, il regarda quelques instants le pistolet que Quad Sitaire, son ancien mentor et ami, lui avait offert pour ses dix-huit ans, juste avant d’être tué dans une embuscade tendue par des pirates. C’était bien là l’arme d’un retors comme lui !
L’incident était passé inaperçu du petit groupe qui bavardait autour du feu et Hiivsha en profita pour contourner les hangars en se faufilant parmi les enchevêtrements de décombres. Parvenu derrière celui dans lequel il avait caché sa motojet, il avisa un interstice entre deux plaques de tôle et se mit à plat ventre pour ramper à l’intérieur. Il déboucha non loin de son engin dissimulé derrière de hautes caisses poussiéreuses. Il lui fallait à présent tenter le tout pour le tout. Si on considérait que cette civilisation avait abandonné tout engin à moteur, le bruit du réacteur du sien devrait laisser l’ennemi suffisamment perplexe pour lui laisser le temps de les surprendre.
Avec d’infinies précautions, il tira la vieille bâche mitée pour dégager le véhicule qu’il éloigna des caisses au maximum tout en restant hors de la vue des saurocéphales.
Puis il monta dessus, mit le contact, s’assura que tout allait bien et lança les propulseurs. Les conversations s’arrêtèrent et les hommes-serpents regardèrent tout autour d’eux, cherchant des yeux la raison de ce bruit incongru.
Ils en étaient là de leur interrogation, lorsque Hiivsha ouvrit les gaz et fonça droit sur eux depuis leur arrière.
— Attention, chaud devant ! cria-t-il en se plaquant contre le tableau de bord pour réduire l’éventuelle cible qu’il allait offrir aux créatures.
Mais ceux-ci n’eurent même pas le temps de le mettre en joue qu’il passait au-dessus du feu, éparpillant avec violence les braises et les tisons sur plusieurs mètres, semant la panique dans les rangs adverses. Le temps que les saurocéphales réagissent, il était déjà loin.
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Le lieutenant So’Doc du deuxième régiment plongea pour se saisir de la grenade et se pressa de la relancer comme s’il s’agissait d’un tison embrasé. L’engin décrivit une courbe gracieuse à travers le grand hall de l’immeuble principal du complexe des communications, et retourna exploser au-dessus de ceux qui l’avaient lancée depuis une terrasse. Là-haut, une dizaine d’hommes-serpents tentaient de les empêcher de progresser.
— Groupe trois, par la gauche, deux par la droite. Un, avec moi !
Il fit un geste de moulinet d’un doigt en l’air puis s’élança en direction de l’escalier d’honneur.
— Allez, délogez-les moi de là ! cria-t-il tout en courant courbé en deux, déversant des rafales énergétiques vers le haut de l’obstacle.
Il traversa le hall en zigzagant entre les grands pots dans lesquels de petits arbres décoratifs étaient plantés, puis acheva sa course dans un magnifique plongeon derrière une statue de marbre. Après s’être assuré que ses hommes l’avait suivi, il fit plusieurs signes codés en direction de ces derniers avant de sauter l’obstacle pour se lancer dans l’escalier avec quatre autres soldats, couverts par les tirs protecteurs du reste de l’escouade.
— À l’assaut ! hurla-t-il sans cesser de tirer à tout va au fur et à mesure que se découvrait le haut des marches.
Les hommes-serpents tombèrent comme des mouches et en quelques secondes la terrasse fut nettoyée de toute opposition. Le restant de ses hommes afflua aussitôt comme une marée montante et chacun prit un poste destiné à sécuriser le périmètre.
So’Doc ouvrit la ligne de son communicateur.
— À toutes les sections, ici Delta zéro, au rapport !
Des voix surmontant d’inévitables grésillements répondirent.
— Delta unité, nous tenons le centre émission mais nous subissons une contre-attaque… il nous faudrait une section en renfort pour en finir avec eux.
Aussitôt une autre voix prit le relais.
— Delta trois, notre secteur est clean, nous nous portons vers Delta unité pour apporter notre soutien… on va les prendre à revers
— Reçu, fit le lieutenant qui repassait dans sa tête le rapide plan échafaudé pour reprendre le complexe. Delta quatre et cinq, où en êtes-vous ?
— Nous avons repris les studios. Pas de résistance, deux morts et quatre blessés…
So’Doc regarda autour de lui. Il avait un homme qui s’était écroulé dans l’escalier et d’après le léger signe que venait de lui adresser l’infirmier de la section, c’en était fini pour lui. Un autre semblait blessé à un bras, rien de plus.
— Alpha zéro, reprit-il après une longue inspiration, ici Delta Zéro, les objectifs prioritaires du centre des communications ont été remplis. Quelques poches de résistance à signaler. La situation devrait être stable d’ici une dizaine de minutes.
— Reçu Delta zéro, répondit la voix posée du colonel Qulos depuis le Quartier Général du deuxième Régiment Royal. Bon travail.
Un marqueur s’empressa de modifier les couleurs des bâtiments composant le centre des communications de rouge en jaune, sur le plan de la ville affiché sur un écran géant plaqué contre le mur de la salle d’opérations. Le colonel Qulos exhala un soupir d’aise. Petit à petit, le rouge disparaissait au profit du jaune et du vert, cette dernière couleur attestant la définitive reprise d’un objectif.
Une aube rougeoyante se levait et dans la plaine du sud, la fourmilière des hommes-serpents se mettait en marche vers les remparts de la Cité. La seule question qui préoccupait l’officier c’était de savoir vers quelles portes l’essentiel de l’assaut porterait pour y envoyer au plus vite des renforts.
Calem poussa le pan de mur qui s’entrouvrit, laissant apercevoir la lueur blafarde du jour naissant.
— La nuit a laissé place à l’aube, constata-t-il, il va falloir redoubler de prudence.
Ils sortirent de dessous la terre à l’abri d’une butte herbeuse qui les dissimulait aux regards indiscrets provenant des bâtiments de la Cité Royale.
— Rigo, je vais prendre douze hommes pour pénétrer dans le Palais. Avec un peu de chance, si nous nous emparons de mon frère, nous pourrons mettre fin à tout cela sans plus attendre. Vous prendrez le reste de la section et vous tenterez de gagner les portes en passant derrière l’enclos aux dragonnaux et les écuries. En longeant le mur est, vous passerez inaperçus le plus longtemps possible. Si vous parvenez à ouvrir les portes, Tour’Mira pourra investir la place plutôt que d’en bloquer seulement la sortie.
Le lieutenant inclina la tête en signe d’assentiment et donna rapidement ses ordres à la petite troupe qui s’éloigna sans plus attendre à l’abri du talweg. Isil considéra un instant la statue qui surmontait le socle duquel ils étaient sortis.
— Ton aïeul aimait vraiment jouer à cache-cache. Un socle de statue… c’est convenu, mais terriblement efficace.
Calem esquissa un sourire en s’enfonçant de nouveau dans la galerie.
— Nous n’en avons pas fini, encore un petit tour sous la terre… il y a un peu plus loin un passage qui va nous emmener directement dans la salle de chasse du Palais. De là, nous devrions parvenir à mettre la main sur Taimi.
— N’oublie pas Dolmie, rappela Jarval en maugréant, elle est bien plus dangereuse que ton frère.
Le roi secoua la tête.
— Ne t’inquiète pas, je ne l’oublie pas celle-là !
Ils progressèrent de nouveau quelques minutes dans des couloirs puis des escaliers avant d’atteindre leur but.
— Éteignez vos lampes, ordonna-t-il comme il s’arrêtait devant la paroi d’un apparent cul-de-sac.
Avec précaution, Calem déverrouilla une grande plaque qui pivota silencieusement sur ses gonds, dévoilant un miroir sans tain derrière lequel se trouvait la salle de chasse. Isil put admirer l’incroyable variété de trophées qui en ornaient les murs. La pièce était vide.
Calem prit son pistolet en main et fit signe aux hommes de l’imiter.
— À partir de maintenant, nous sommes à découvert, articula-t-il à voix basse. Tirez pour tuer en cas d’agression.
Après avoir refermé la plaque, il apposa sa main sur un capteur et un léger clic leur indiqua que le panneau tout entier venait d’être déverrouillé. Ce dernier pivota sous la pression des doigts du monarque et aussitôt, les hommes se répartirent dans l’espace de la salle, un œil collé au viseur de leur fusil d’assaut.
— Comment trouver Taimi ? demanda Jarval.
— À l’heure actuelle, il doit avoir compris ce qui se passe à l’extérieur et s’il veut coordonner ses troupes, il se trouve là où je me trouverais si j’étais à sa place... dans la salle de commandement qui jouxte mon bureau !
— Vous n’avez pas de Q.G. enterré ? demanda Isil.
— Si… mais pourquoi s’y rendre tant que la menace n’est pas aérienne et que le Palais est encore en sécurité ?
La Padawan approuva de la tête en saisissant à son tour son sabre laser. Calem se retourna vers Jarval.
— Il y a deux chemins qui mènent à mon bureau. Tu vas prendre la moitié des hommes et passer par le grand salon du premier, moi je vais passer par la bibliothèque. Isil va vous accompagner.
— Pas question, répliqua le capitaine, Isil doit rester avec toi ! Tu es le roi, ne l’oublie pas. Tu dois absolument rester en vie pour mettre fin à tout ce bordel. Il est impératif qu’elle assure ta protection… n’est-ce pas, Isil ?
La jeune fille les regarda tous deux et hocha les épaules afin d’éviter de prendre parti. Ce fut Calem qui reprit.
— D’accord… dans ce cas, prends huit hommes avec toi.
Jarval acquiesça.
— C’est parti !
Après avoir désigné d’une série de gestes brefs les hommes qui devaient le suivre, il s’éloigna avec eux par l’une des issues de la salle.
— Quelle est la situation ? demanda le Prince Taimi d’un ton irrité aux deux personnes qui se tenaient en face de lui.
Il se trouvait dans la salle de commandement jouxtant le bureau du roi, debout devant une table ronde sur laquelle était projetée le plan de la ville en trois dimensions, raide comme un piquet, les bras croisés et la lèvre boudeuse. Le général Pardo échangea un regard avec son homologue saurocéphale, le général Glarr’Dorro.
— Il semble que nous ayons sous-estimé l’ampleur du mouvement qui a commencé à l’aube par l’attaque de quelques portes de la ville, Votre Majesté, déplora Pardo de sa voix de basse. Le général Glarr’Dorro vient de m’informer que des forces armées bloquent également l’entrée de la Cité Royale, sur l’avenue de la Victoire.
— Et mes troupes de l’École Militaire sont également cernées par vos hommes, gronda l’homme-serpent en frappant du poing sur le bureau. Je veux savoir ce que cela signifie !
— Vous voulez ? cria Taimi en serrant les poings, ne prenez pas ce ton avec moi, je suis le roi ! Pardo, pourquoi des militaires s’en prennent-ils à nos alliés ?
Le Cathar grogna.
— Je ne sais pas. Tout a commencé très tôt ce matin par des attaques sur des portes de la ville… j’ai alors envoyé des patrouilles voir ce qui se passait précisément mais elles ont rencontré une forte résistance.
— Combien d’attaques ?
— Je l’ignore, Votre Majesté, les alertes initiales sont venues de quatre portes mais peut-être que d’autres n’ont pas eu le temps de donner l’alarme… il est à craindre que ces attaques fassent partie d’un plan d’ensemble.
— Mais dans quel but ? Et qui commande cette rébellion… car il s’agit bien de ça, non ? clama Taimi en frappant le sol du pied. Et où est Dolmie ? Elle s’est absentée hier soir pour aller je ne sais où, mais elle m’avait dit qu’elle serait revenue à l’aube !
Le saurocéphale grogna de nouveau.
— Nous avons beaucoup de mal à avoir une vue d’ensemble de ce qui se passe. Les transmissions avec les patrouilles qui répondaient encore viennent d’être brouillées et il est à craindre que le Centre des Communications soit tombé entre des mains ennemies. Nombre de détachements en ville ont signalé avoir été accrochées par des groupes armés et beaucoup n’ont plus donné de nouvelles depuis.
— D’après ce qu’on peut observer des remparts, l’avenue de la Victoire est bloquée par des éléments du deuxième Régiment Royal, grommela Pardo, mais je ne sais pas qui a donné l’ordre de passer à l’attaque. Peut-être Qulos ?
— Je le ferai traduire en cour martiale et exécuter ! cria Taimi hors de lui. Et que font vos Dragons ?
— C’est que… je n’ai pas réussi à joindre le colonel Cross… j’ai pourtant essayé dès que j’ai compris que la situation devenait problématique…
— Problématique ? Je constate que vous maniez mieux les euphémismes que les armes, général. Mais faites quelque chose, bon sang, rétablissez la situation !
— Ça va être fait, sous peu, Votre Majesté, le général Glarr’Dorro a ordonné à l’ensemble de ses troupes qui campent dans la plaine d’Amar d’investir la capitale, elles devraient pour l’heure arriver sous les remparts de la ville. Elles attaqueront trois portes simultanément : la porte sud, celle d’Amina et celle du Baron Ghausma.
— Mais mon Maître ne va pas aimer cette situation, objecta l’homme-serpent, vous l’aviez assuré de votre entière coopération et voici que vos officiers se dressent contre vous et qu’il me faut assiéger la ville !
— Je les ferai tous pendre, grinça le prince entre ses dents, cela ne remettra pas en question l’alliance que j’ai souhaitée avec votre Maître, Dark Zarek. Une fois vos troupes dans la cité, je veux qu’elles rétablissent l’ordre coûte que coûte, suis-je assez clair ?
Les deux généraux firent oui de leur tête. Au même moment une ordonnance pénétra dans la pièce.
— Votre Majesté, la comtesse de Tamburu vient d’atterrir avec son dragonnal, elle arrive ici dans quelques instants.
— Parfait se félicita Taimi, je veux avoir au plus vite son point de vue sur la situation.
L’avenue de la Victoire montait vers l’entrée du Palais en longeant sa muraille et effectuait un coude de quatre-vingt-dix degrés sur la gauche devant les puissantes portes fermées. Il était de ce fait très difficile d’envisager de les détruire par des tirs d’artillerie directs. Or, il était impossible au commandant Tour’Mira d’investir la Cité Royale tant que les portes demeuraient closes. Aussi, se contentait-il de riposter aux tirs provenant des remparts en interdisant toute sortie de l’occupant.
De con côté, le lieutenant Rigo était en vue de l’entrée principale devant laquelle une section d’hommes-serpents était stationnée, prête à intervenir le cas échéant. Le reste de la garnison avait pris position sur les remparts ou circulait en patrouilles autour du périmètre de la Cité Royale pour prévenir toute intrusion depuis l’extérieur. Aplati avec ses hommes dans le fossé qui les avait si bien dissimulés à la vue de l’ennemi, Rigo observa silencieusement les alentours avant de se retourner vers ses sous-officiers.
— Dès que nous quitterons ce fossé, nous serons à terrain découvert. Aussi, nous n’aurons pas d’autre choix que de foncer jusqu’aux portes. Il faut pénétrer dans le poste de garde et actionner leur ouverture. Lewy, avec votre groupe, ce travail vous échoit. Ne vous préoccupez de rien d’autre que de parvenir jusqu’à la salle de garde, d’entrer, de nettoyer et d’ouvrir les portes.
Le sergent-chef Lewy, un rouquin surnommé « le balafré » à cause d’une profonde cicatrice qui lui barrait la joue droite, approuva de la tête. Rigo continua à l’adresse de l’autre gradé.
— Jalo, avec votre groupe vous couvrirez l’accès aux remparts et en interdirez la descente. Si la garnison veut revenir vers les portes, ils devront passer par les tours sud-est et sud-ouest. Ça leur prendra du temps et donnera à Tour’Mira le temps d’arriver.
Le sergent qui avait momentanément ôté son casque, frotta vigoureusement son crâne rasé, brillant comme une boule de billard.
— Facile, la descente des remparts est un vrai coupe-gorge, un homme bien armé pourrait l’interdire à lui tout seul durant des heures sans aucun effort.
Rigo sourit devant l’enthousiasme du sous-officier.
— D’accord. Alors, première phase, à mon commandement, on balance tout ce qu’on a sur le peloton qui attend là-bas. Pas un ne doit rester debout. Chacun sa cible. On grenade avant de tirer. Ensuite on fonce.
— Oui lieutenant, répondirent-ils en chœur avant d’aller rejoindre leur groupe pour passer les consignes.
Rigo consulta sa montre le cœur battant. À cette heure-là, l’armée des hommes-serpents devait déjà tenter de forcer une ou plusieurs portes de la ville.
Pourvu qu’elles tiennent.Il leva son bras en s’assurant qu’il était bien vu de chacun de ses hommes, une grenade dégoupillée dans sa main puis il donna le signal de l’attaque en la lançant vers la section ennemie.
En quelques secondes ce fut un déluge énergétique qui s’abattit sur les malheureux saurocéphales. Une vingtaine de grenades explosèrent sur le parvis au milieu des créatures. Il y eut des cris qui se perdirent rapidement dans les rafales des armes automatiques. Ce fut un véritable carnage. Les hommes-serpents s’effondrèrent rapidement pour la plupart. Rigo donna le signal de l’assaut et la quarantaine d’hommes sous ses ordres surgit comme une armée de diables depuis le talus derrière lequel elle était planquée en hurlant et en tirant à qui mieux mieux. La marée arriva rapidement au niveau du tunnel d’accès à la Cité Royale et Lewy enfonça le premier les portes du poste de garde des remparts, tirant frénétiquement avec son fusil mitrailleur. À l’intérieur, les hommes-serpents tentèrent vainement de juguler l’invasion. Ils furent rapidement réduits à l’impuissance.
Sur les murailles, l’alerte était donnée. Mal placés pour tirer en contrebas, côté intérieur, les créatures devaient se pencher pour essayer d’atteindre l’ennemi. Rigo prit position derrière de petits murets qui bordaient la cour d’honneur avec son groupe en balayant les murs de rafales meurtrières.
Sur l’avenue de la Victoire, on entendait toujours des tirs, mais ceux-ci n’étaient plus dirigés vers les forces du deuxième Régiment Royal.
— Par exemple, s’écria un lieutenant, voilà qu’ils tirent vers l’intérieur de la Cité à présent ?
— Ça sent le commando d’infiltration, tonna le commandant Tour’Mira.
Saisissant son poste de communication, il rugit dans le micro.
— À tous, préparez-vous à faire mouvement vers les portes dès qu’elles s’ouvriront. Une fois lancés, au pas de charge, rien ne doit vous arrêter ! Reprenez-moi ce Palais et que ça saute !
Quelques hommes-serpents tentèrent de redescendre du chemin de ronde vers la cour d’honneur mais ils furent fauchés par les hommes du sergent Jalo et durent se replier sur la hauteur des remparts.
Au même instant, les lourdes portes commencèrent à pivoter sur d’invisibles gonds.
Jarval regarda les corps des quatre hommes-serpents qu’ils venaient d’éliminer en réalisant que l’effet de surprise et sa connaissance parfaite des lieux constituaient un véritable atout dans la partie de cache-cache qu’il disputait avec le Prince et ses alliés. C’était le deuxième groupe qui tombait devant eux sans avoir eu le temps de donner l’alerte. À présent, il avançait prudemment à travers un grand salon dont les murs sur sa longueur étaient ornés de multiples vitrines renfermant des panoplies d’armes et d’armures rutilantes, témoignage des millénaires passés. Tout était calme. Trop calme. Une oreille exercée pouvait percevoir la rumeur qui parvenait de l’extérieur du Palais. On se battait dehors. Sans doute était-ce Rigo qui avait engagé les hommes gardant les portes de la Cité Royale ?
Autour du capitaine de la Garde, les hommes pivotaient sur eux-mêmes tout en progressant, l’œil rivé à leur ligne de mire, pour couvrir l’ensemble du terrain. Soudain, devant eux, une silhouette se détacha dans l’embrasure d’une porte et une voix familière retentit.
— Jarval ! Mon beau capitaine de la Garde avançant comme un voleur dans le Palais !
Tous les soldats se retournèrent comme un seul homme pour faire face à l’intruse, le doigt sur la détente, prêts à faire feu.
Jarval s’était arrêté sans cesser de mettre en joue celle qui venait de les surprendre.
— Dolmie ? laissa-t-il échapper.
Diva Shaquila souriait. Elle tenait dans sa main cette sorte de bâton qu’il connaissait désormais parfaitement et ne montra aucune surprise lorsque la lame rouge s’éleva dans l’air en grésillant.
— Rends-toi, proposa-t-il, et il ne te sera fait aucun mal.
La Sith ricana.
— Et puis quoi encore ? Ne préfères-tu pas que je te serre dans mes bras pour mieux te transpercer de mon sabre ?
— Ne m’oblige pas à donner l’ordre de te tirer dessus, tu n’as aucune chance de t’en sortir. Calem est ici, il va reprendre les rênes du pouvoir et rétablir la situation. Je ne sais pas à quel jeu tu t’es livré auprès de Taimi, mais c’est fini, tu comprends ? Vous avez perdu !
— Perdu ? Je ne connais pas le sens de ce mot, mon beau Jarval, minauda Diva qui éteignit son sabre et le rangea de façon inattendue à sa ceinture. Sais-tu que j’ai toujours eu un faible pour toi ? Par conséquent, je te tuerai seulement en dernier.
Jarval fit un pas en avant mais la Sith tendit ses bras et une nuée d’éclairs électriques projeta le capitaine de la Garde plusieurs mètres en arrière en le faisant glisser sur le sol.
Il s’écoula deux secondes de stupéfaction avant qu’un jeune sous-officier n’ordonne.
— Feu à volonté !
En même temps que les tirs fusaient, Diva se projetait sur le côté d’un puissant salto tout en reprenant son sabre qui s’alluma avant même qu’elle ne retombe sur ses jambes.
— Je suis par ici, lança-t-elle goguenarde.
D’un geste, elle mit en lévitation un lourd fauteuil qu’elle projeta au milieu des soldats. Le groupe éclata et chacun se mit à l’abri. La lame rouge intercepta sans trop d’efforts les tirs qui parvenaient jusqu’à elle, pour les renvoyer vers leur expéditeur. Trois hommes tombèrent. La Sith se retourna et parut désigner de la main une vitrine dans laquelle étaient alignée une vingtaine de lames courtes, allant du stylet au couteau de chasse. Le verre explosa et les armes volèrent à travers la pièce vers les hommes médusés. Deux d’entre eux ne purent échapper à la volée mortelle et s’affaissèrent, le corps transpercé. Habilement Diva esquiva les tirs suivants puis elle se projeta elle-même vers les ennemis en pirouettant dans les airs. Sa lame trancha une tête puis un bras avant de plonger à travers l’abdomen du dernier militaire qui s’écroula dans un râle.
Un peu plus loin, Jarval se relevait en essayant de reprendre ses esprits au plus vite. Diva l’observa sans broncher, l’œil narquois.
— Le beau capitaine est parti aux pays des rêves pendant que ses vaillants guerriers se battaient jusqu’à la mort ?
Jarval balaya le salon du regard. Ses hommes n’avaient eu aucune chance face aux pouvoirs de la Sith. Lui-même n’en aurait aucune. Dans un dernier effort désespéré, il braqua vers elle son pistolet. Diva fit un simple geste du bras et il sentit une main invisible mais irrésistible lui arracher l’arme pour la projeter à travers toute la pièce.
— Tu te sens invincible avec tes pouvoirs, sorcière, grinça-t-il les poings serrés, pourquoi ne te bats-tu pas à la loyale pour une fois, sans avoir recours à ta magie ?
La Sith éclata d’un rire spontané.
— Le brave chevalier veut terrasser la vilaine sorcière dans un duel à l’épée ? Pauvre Jarval, tu crois vraiment pouvoir me battre si je ne me sers d’aucun de mes pouvoirs ?
Une lueur s’alluma dans les yeux de la Theelin.
— Et pourquoi pas ? continua-t-elle en tendant un bras vers chacun des alignements de vitrines.
Dans un grand fracas, deux d’entre elles se faisant face, explosèrent, chacune remplie d’armes anciennes. Deux épées en sortirent, l’une à la droite de la Theelin, l’autre à sa gauche, lévitant dans l’air, telles des plumes dans le vent. Les armes flottèrent ainsi en se rapprochant, la première de la Sith qui se tenait les bras tendus pareille à un chef d’orchestre dirigeant ses musiciens, la seconde de Jarval hypnotisé par cette scène surréaliste. D’une main hésitante, il attrapa la garde lorsqu’elle ne fut plus qu’à quelques centimètres de lui. Diva qui avait également pris possession de son arme, s’avança vers lui d’un pas lent et souple.
— À la loyale, comme on dit, annonça-t-elle d’une voix amusée. Toi et moi. Un beau duel à l’épée comme on en voit dans les fictions, avec de la passion, de la haine, du sang…
Jarval se mit en garde, les jambes écartées, un pied devant l’autre. Diva arrivait vers lui avec une désinvolture désarmante, le sourire aux lèvres. Elle était très séduisante mais le capitaine savait que sous cette beauté se cachait un cœur froid et cruel.
— C’est quand tu veux, trésor ! lança-t-elle en le défiant du regard.
Jarval serra sa garde au maximum et attaqua.
Des pas précipités se firent entendre dans le couloir, mélangés au bruit caractéristique d’une fusillade. Un groupe de sept saurocéphales entrèrent en reculant dans le bureau au fond duquel Taimi s’entretenait avec les deux généraux.
— Que se passe-t-il ? demanda le prince d’un ton agacé.
Les créatures tiraient sur un ennemi invisible à ses yeux. L’une d’elles se retourna.
— Un groupe armé vient par ici, grogna-t-elle, ils ont abattu les autres gardes.
— Un groupe ? reprit le général Glarr’Dorro, combien sont-ils ?
— Six, général.
— Et vous reculez devant six hommes ? tonna Pardo en saisissant son pistolet. Qu’attendez-vous pour en finir avec eux ?
— C’est que… il y a une femme à leur tête, avec une arme étrange, comme celle du Maître Zarek mais avec une couleur verte.
— Une arme étrange ? répéta Taimi.
— Oui, Majesté, et elle intercepte tous nos tirs avec. Douze hommes y sont restés dans la bibliothèque.
Le prince se tourna vers Glarr’Dorro.
— Général, faites venir des renforts, immédiatement. Et vous autres, fermez la porte de ce bureau, on va les attendre de pied ferme !
Deux des créatures fermèrent les lourds battants cependant que le général saurocéphale se ruait sur un communicateur. Il s’écoula quelques instants puis quelqu’un dut répondre car aussitôt il se mit à parler d’une voix rauque dans son langage natif, incompréhensible pour les deux hommes qui le regardaient. L’échange ne fut pas à son goût car progressivement son ton monta, mélange d’incompréhension et d’exaspération, et s’acheva en rugissement. Quand il coupa la communication, il regarda sauvagement le prince.
— Il n’y a plus de renforts disponibles, tous mes hommes se battent dans la cour d’honneur. Les portes ont été forcées par un commando infiltré et vos militaires sont entrés dans la Cité. La situation est perdue.
Pardo s’écria.
— Perdue ? Comment, avec tous vos hommes ?
L’homme-serpent cria plus fort.
— Mes hommes sont à l’extérieur de la ville, comme le stipulaient les accords que vous avez approuvés et pour lesquels vous vous êtes portés garants, vous et le prince ! À présent, il leur faut prendre d’assaut les murailles de votre capitale car ceux qui étaient à l’intérieur sont bloqués dans leurs enceintes ou ont tous été massacrés par vos régiments… ces mêmes militaires qui devaient rester enfermés dans leurs casernes sans intervenir ! Pour le moment, il faut fuir, nous cacher pour reprendre la situation en main dès que mes troupes auront réussi à réinvestir la ville.
Au même moment, sous une formidable poussée de Force, les deux vantaux de la porte du bureau furent violemment expulsés de leurs gonds tuant net les deux créatures qui se trouvaient derrière. Les lourds battants retombèrent à grand fracas sur le sol sous les yeux des occupants de la pièce, figés et incrédules. Au centre de l’ouverture apparut Isil aux côtés du roi.
— Calem ! s’écria Taimi tétanisé.
— Sire… laissa échapper Pardo avant de se ressaisir et d’ordonner : feu, abattez-les !
Les hommes-serpents recommencèrent à tirer en reculant vers le fond de la pièce. Devant le monarque, un tourbillon vert protecteur fit office de bouclier et renvoya chacun des projectiles d’énergie. Trois saurocéphales s’écroulèrent en râlant. Entretemps, Calem s’était réfugié derrière le mur, dans le couloir. Quand il fut à l’abri, Isil l’imita. Les quatre militaires qui les accompagnaient ouvrirent à leur tour le feu en faisant de courtes apparitions dans l’embrasure désormais béante.
— J’en ai eu un, s’excita un jeune soldat dont le nez garni de taches de rousseur se plissa de plaisir. Je crois qu’il en reste deux autres en plus du général Pardo et du prince, ajouta-t-il à l’adresse du roi et de ses coéquipiers.
Isil passa sa tête blonde par l’ouverture avant de lancer son sabre qui disparut pour revenir quelques secondes plus tard dans sa main.
— Il ne reste plus que le général saurocéphale au niveau créatures, annonça-t-elle avec flegme. Calem, tu veux négocier ?
Le jeune monarque adressa un sourire à la Jedi et murmura.
— J’adore négocier.
Puis en haussant la voix.
— Taimi, c’est moi, Calem. Dis à ceux qui sont encore avec toi de poser leurs armes et discutons.
Dans le bureau, le prince murmura à l’adresse des deux généraux.
— Il faut gagner du temps. Dolmie va bientôt arriver. Elle possède de puissants pouvoirs et saura bien anéantir mon frère et cette catin venue d’ailleurs.
Dans le couloir, Calem attendait une réponse qui lui parvint au bout de quelques instants.
— Entendu, grand frère, je t’attends pour parler.
— J’y vais en premier, chuchota Isil en se déplaçant sur le seuil de la pièce pour analyser la situation.
Il ne restait effectivement plus que le prince, le général Pardo et un saurocéphale en uniforme porteur de galons évocateurs. Chacun d’eux posa ostensiblement l’arme qu’il détenait sur le bureau en geste de bonne foi. Aussitôt, Isil balaya l’air de sa main pour propulser les pistolets dans un recoin de la pièce à l’aide de la Force.
— C’est bon, fit-elle à haute voix.
Calem parut alors à son tour dans l’embrasure, entouré des quatre soldats, l’œil rivé sur leur ligne de mire et qui tenaient en joue les trois occupants du bureau. Le petit groupe avança lentement sans quitter des yeux leurs adversaires.
— Ainsi, toi aussi tu as des pouvoirs, Isil ? s’enquit Taimi en se remémorant ce que pouvait accomplir Dolmie.
La Padawan s’abstint de toute réponse. Ce fut Calem qui enchaîna.
— Donne immédiatement l’ordre aux créatures qui se battent encore dans la cité de cesser le feu.
Le prince fit non de la tête.
— Je ne peux pas, j’ai passé un pacte avec la Forteresse du désert de Sang… avec Dark Zarek. Nous sommes alliés. Tu as rompu ce pacte en attaquant les hommes-serpents dans la ville. C’est à moi de t’intimer l’ordre de te rendre. L’armée de la Forteresse est aux portes de la capitale, les portes cèderont sous peu si elles n’ont pas encore cédé, et nos forces seront balayées, impitoyablement massacrées. Est-ce cela que tu veux, un bain de sang ? Que nos régiments soient décimés ? Que la ville devienne un champ de bataille jonché de ruines fumantes ?
Calem se raidit devant le ton ferme et convaincu de son jeune frère.
— Les hommes-serpents ne pourront pas pénétrer dans la ville, les régiments les contiendront.
— Il y a dix mille saurocéphales hors de ces murailles, crois-tu que quelques portes et trois mille soldats pourront les retenir longtemps ?
— Je crois que tu exagères leur nombre.
— Tu verras le moment venu, grand frère, c’est pourquoi je t’implore de te ranger à mes côtés.
Calem prit un air exaspéré.
— Mais enfin, Taimi, qu’est-ce qui t’a pris ? Tu étais chargé de défendre la ville, non de la vendre à l’ennemi !
— Je ne l’ai pas vendue, nous sommes alliés.
— Mais pourquoi ?
— Parce que le roi d’Édinu devrait être le roi d’Édéna toute entière.
— Mais c’est le cas, je suis roi d’Édéna !
— Un titre honorifique qui te donne juste la présidence du Conseil Planétaire. Je te parle d’être un vrai souverain… «
le » vrai souverain de toute la planète !
— En faisant la guerre à tous les autres pays ? Tu es fou, Taimi… est-ce Dolmie qui t’a mis cela en tête ?
— Et même… qu’est-ce que cela changerait ? Elle m’a ouvert les yeux.
— Cette Dolmie… ou quel que soit son vrai nom, est une Sith ! C’est l’apprentie de Dark Zarek ! Ils veulent se servir de toi pour parvenir à leurs fins… gouverner la planète après en avoir asservi tous les royaumes, tous les états ! Ils se débarrasseront de toi… de moi… dès qu’ils y seront parvenus, c’est évident voyons, comment ne peux-tu pas le voir ?
— Tu mens, Dolmie m’aime et ensemble nous règnerons sur Édéna, s’écria Taimi exaspéré.
— Dolmie est une Sith, intervint Isil, les Sith n’aiment personne. Ils cultivent la haine et se nourrissent de la douleur qu’ils font naître chez leurs victimes. Ils font parti du Côté Obscur de la Force et tirent leur puissance du mal qui l’anime. Elle se sert de toi, Calem a raison et elle te tuera sans regret ou fera de toi son esclave dans le meilleur des cas.
Le ton ferme mais dépassionné de la Padawan ébranla Taimi qui demeura un instant sans rien répondre. Ce fut Calem qui demanda.
— Et d’ailleurs, où est-elle cette apprentie Sith ?
Comme son frère restait muet, le monarque se tourna vers Isil.
— Isil ? Qu’y a-t-il ?
La Jedi était toute pâle les yeux perdus dans le vague comme absente.
— Isil ? insista Calem.
La jeune femme parut émerger d’un rêve et papillota des paupières.
— Jarval ! s’exclama-t-elle, il est en danger.
— En danger, où ça ? Comment le sais-tu, tu as eu quoi, une vision ?
— Appelons ça comme tu veux, je dois y aller, ça va aller ici ?
— Tant que Dolmie ne pointe pas le bout de son nez, oui.
— Aucun risque… elle est avec Jarval !
Sans plus attendre, la Padawan s’élança à travers la pièce et disparut en courant dans le couloir.
Le cliquetis des épées résonnait dans le salon des armes sur un rythme effréné, témoin du violent engagement qui s’y déroulait. Fin escrimeur, Jarval tenait tête à la Sith avec brio, forçant cette dernière à reculer chaque fois qu’il reprenait l’avantage. Dolmie paraissait avoir du mal à trouver une ouverture chez son adversaire et chacun de ses assauts se heurtait à un véritable mur défensif comme une vague se brisant sur des rochers. Certes, l’apprentie de Dark Zarek pouvait à tout moment rompre sa promesse et en finir avec le capitaine de la Garde d’un simple geste. Il lui suffisait pour cela de faire appel à la Force et tout serait terminé. Mais jusqu’alors, la Sith avait respecté son engagement de ne pas y avoir recours.
Habilement elle sauta sur une table et tenta de prendre son adversaire en hauteur pour le déstabiliser, mais Jarval ne s’y laissa pas prendre, et bondit sur une chaise pour monter à son tour au même niveau que Diva. Du tranchant de sa lame, il contra la pointe qui lui était destinée et d’un revers il fouetta l’air, frôlant la joue de la jeune femme de si près qu’une légère écorchure dessina une fine ligne rouge sur sa peau.
Diva s’arrêta et passa le revers de sa main gauche sur sa pommette. Quelques gouttes de sang s’étaient étalées sur le dos de ses doigts. Une lueur meurtrière s’empara de ses yeux.
— Tu as osé me toucher ? grinça-t-elle entre ses dents.
Elle laissa échapper un cri et se rua sur Jarval, plus farouche que jamais. Ce dernier fit un bond de côté pour redescendre sur le sol tout en l’évitant. Diva emportée par son élan arriva en bout de table sans rien rencontrer et tomba la tête la première. Elle se reçut habilement en effectuant un roulé-boulé au terme duquel elle se redressa immédiatement en pivotant sur elle-même pour faire face à son adversaire.
Jarval s’était éloigné sans la quitter des yeux de l’autre côté de la pièce et se tenait au centre de celle-ci, cherchant vainement dans sa tête une stratégie gagnante. Il savait bien au fond de lui que Dolmie jouait au chat et à la souris mais cela lui faisait gagner un temps précieux. Tant que la Sith se battait contre lui, elle ne pouvait se retourner contre Calem et interférer dans ses plans. Aussi devait-il continuer ce duel dans lequel aucune des deux protagonistes ne parvenait à prendre l’ascendant sur l’autre.
Soudain, derrière Jarval, une silhouette apparut, qui arrivait en courant dans le long couloir. Diva considéra la Jedi qui venait à la rescousse de son ami et laissa échapper un ricanement.
— Voici la cavalerie, grinça-t-elle. Dommage, je connais les sentiments que tu nourrissais pour elle… tu aurais dû en profiter tant que cela t’étais permis.
— Je t’en prie, Dolmie, cesse ce jeu, rends-toi, c’est fini pour Taimi et toi, la ville va être reprise… ton plan a échoué.
— Tu me sous-estimes, Jarval, il n’y a en fait qu’un seul obstacle qui peut empêcher les volontés de mon Maître de se réaliser… et ce n’est pas toi.
Elle regarda loin derrière Jarval, la Padawan qui se rapprochait et parut prendre une décision. Comme elle tendait son bras libre vers le capitaine distant d’une dizaine de mètres, il sentit son épée lui échapper des mains puis le sol se déroba sous lui. De façon incompréhensible, ses pieds ne touchaient plus le marbre que de leur pointe comme si toute pesanteur avait cessé d’exister. Tout à coup, Dolmie se rapprocha de lui à toute vitesse. Mais en fait, durant les deux secondes que durèrent le mouvement, il comprit que c’était lui qui était attiré vers elle comme un bout de métal vers un aimant. Sans qu’il ne puisse rien y faire, il flottait dans l’air en se dirigeant vers la Sith et la pointe de son épée tendue vers lui. Incapable d’esquisser un mouvement pour l’éviter, Jarval ressentit très nettement la lame s’enfoncer dans sa poitrine. Ce fut comme une brûlure qui irradiait tout son corps et une douleur très violente le vrilla de l’intérieur au niveau du cœur tandis que le sang affluait dans ses tempes à tout rompre. Il eut le temps d’entendre de façon très assourdie un cri derrière lui qui retentissait et qui hurlait son nom avant que sa vision ne se brouille et qu’un puits noir sans fin ne l’engloutisse.