Merci Alfred ! À présent, la suite... Et quelle suite ! Un chapitre imaginé de longue, très longue date, que je rêvais de sortir depuis longtemps...
<<Chapitre précédant<< Sommaire >>Chapitre suivant>>Chapitre 155 Quelques jours plus tôt. Le masque de la folie était devenu une seconde peau pour Ardus Kaine.
Assis derrière son bureau, dans la suite qu’il occupait à bord du
Reaper, le Grand Moff ruminait les événements survenus depuis Endor. Cela lui arrivait souvent, ces derniers temps. Il tentait de déceler, dans ses souvenirs, le moment précis où la situation lui avait échappé.
Tout avait pourtant si bien commencé…
Ardus Kaine se targuait d’être le seul Seigneur de Guerre ayant réussi à vraiment résister à la Nouvelle République. Deux termes qu’il se refusait à employer, d’ailleurs. L’Empire était le seul héritier légitime de l’Ancienne République, et lui, Ardus Kaine, demeurait un Grand Moff, le plus haut de tous les dignitaires ayant survécu à ces années troublées.
L’Ordre Nouveau n’est pas mort, songea-t-il.
Seulement l’Empereur… Mais la survie du régime était en péril, à présent. L’Alignement de Pentastar était en danger de mort, et, Ardus Kaine le savait, c’était probablement de sa faute.
Sa première erreur avait été de traiter avec un Jedi Noir. Il savait pourtant, pour avoir côtoyé Vador et l’Empereur, que les utilisateurs de la Force étaient à manier avec précaution. Mais il s’était quand même compromis avec ce Jerec, et l’avait laissé se retourner contre lui.
L’attaque lui avait laissé des séquelles, physiques et morales, bien difficiles à résorber.
Kaine avait parfois des problèmes de mémoire, il le savait, mais son intelligence était redevenue similaire à ce qu’elle était autrefois. Le flair qui lui avait permis d’accéder au rang de Grand Moff demeurait intact.
C’est ce qui l’avait incité à refuser l’alliance offerte par Carth Poldrei.
S’il avait feint la cordialité lors de son premier entretien avec le Moff, c’était pour endormir sa méfiance. Il savait de longue date que le Polcaphréen était un libéral, mais il avait reçu sa défense de Thrawn – ce non-humain de malheur, qui avait déshonoré le grade Grand Amiral – comme une véritable trahison de l’Ordre Nouveau.
Puis ses Services Secrets avaient découvert que la fille de Poldrei, Siveline, avait intégré l’Escadron Rogue. Ardus Kaine vénérait le souvenir de son propre père, et regrettait souvent de n’avoir pas eu d’enfants pour poursuivre sa lignée. Que penser d’un homme dont la progéniture s’était jointe à l’ennemi ?
Il avait préféré s’en tenir à son plan initial, et il ne le regrettait pas. Il savait que l’Alignement pouvait se renforcer d’ici à une éventuelle guerre… Et qu’il pouvait la remporter.
Mais c’était à condition qu’il corrige ses erreurs, et notamment la pire de toutes.
Vilim Disra.
L’homme était un serpent, et le Grand Moff l’avait compris dès leur première rencontre. Mais c’était aussi un administrateur talentueux, et Kaine avait accepté cet état de fait jusqu’à ce qu’il comprenne que son subordonné n’avait qu’un seul maître.
Lui-même.
C’était après l’incident Jerec, pendant sa convalescence forcée. Le Grand Moff avait été la cible de deux tentatives d’assassinat. La première, grossière, avait été facilement déjouée ; mais ses services de sécurité avaient tellement pris confiance en eux qu’ils avaient négligé les indices menant à un second complot, qui avait failli réussir. Plusieurs hommes de confiance étaient morts, ce jour-là, dont son aide de camp de l’époque.
Il avait fallu les remplacer – et c’était le Moff de Sartinaynian qui lui avait proposé du personnel.
Avec le temps, Kaine avait compris que la manœuvre était parfaitement préméditée. Disra avait parfaitement prévu son coup. Le nouvel infirmier personnel du Grand Moff (le précédant faisait opportunément partie des victimes de l’attaque) avait ajouté à son traitement initial des produits psychotropes et des sédatifs.
Affligé d’un état de plus en plus précaire, Ardus Kaine avait ordonné de nouvelles analyses – et découvert le pot aux roses. L’infirmier avait été promptement exécuté.
Mais aucune preuve ne remontait à Disra.
Le Moff avait ensuite agi avec toujours plus de discrétion. Il avait fallu à Ardus Kaine une grande ingéniosité pour déceler la trahison qui avait caractérisé tous ses aides de camp depuis lors. C’était comme un éternel recommencement : il recrutait un nouvel officier pour le servir et découvrait, quelques jours, semaines ou mois plus tard, que l’homme était en contact avec de mystérieux intermédiaires pour le surveiller ou agir contre ses intérêts.
Et aucune preuve ne remontait jamais jusqu’à Disra.
Sous l’Empire, il aurait pu intriguer auprès de l’Empereur pour obtenir l’exécution immédiate du Moff scélérat. Mais l’Alignement de Pentastar reposait sur un équilibre plus fragile. S’il agissait ainsi contre le plus puissant de ses subordonnés, ses partenaires risquaient de craindre pour leur vie et d’intriguer contre lui.
La toile d’intrigues tissées par Disra menaçait de faire s’écrouler l’édifice auquel le Grand Moff avait consacré tant d’énergie.
Et il avait parfois l’impression de ne rien pouvoir y faire.
Un signal sonore le tira de sa méditation maussade. On tentait de le joindre sur sa ligne holocom privée.
Il l’activa d’un geste impatient.
— Ici Kaine, j’écoute.
Une silhouette se matérialisa face à lui, et il eut un hoquet de surprise. L’homme était vêtu d’un uniforme blanc pimpant où étaient fièrement accrochés ses galons de Grand Amiral, il portait haut ses épaulettes dorées, mais ce n’était pas Thrawn.
Il connaissait ce visage, et cette voix.
—
Bonjour, Ardus, mon vieil ami. — Octavian ! s’exclama le Grand Moff.
C’était bien le Grand Amiral Grant, celui que les Rebelles avaient longtemps cru être, à tort, le « dernier Grand Amiral ».
—
Vous êtes surpris de me voir ? — Je croyais que vous étiez toujours sur Rathalay, entre les mains de nos ennemis, répondit Kaine, suspicieux.
—
C’est ce qu’ils pensent, en effet, répondit l’homme de son habituel ton guindé.
Mais il faut croire que les non-humains peuvent avoir leur utilité, après tout. Surtout ce mercenaire clawdite grassement rémunéré pour prendre mon apparence et vivre dans mes quartiers privés… — Vous êtes parvenu à vous enfuir ?
— Dans des circonstances que je garderai secrètes, si vous le voulez bien.
Nous pourrons peut-être en discuter plus tard, autour d’un bon verre de vert d’Aldérande, s’il vous reste encore de ce Palais-Aldera de l’an 4. Le Grand Moff saisit la référence : Grant lui avait offert, peu de temps avant sa défection, une caisse de ce grand cru extrêmement prisé des connaisseurs.
— Cela peut s’arranger, promit-il, si vous me fournissez quelques explications.
—
Sur mon retour, je présume. — Vous n’avez pas été capturé ; vous vous êtes constitué prisonnier, avec votre vaisseau.
Le Grand Amiral ne se laissa pas démonter par l’accusation.
—
C’est exact. — Et vous souhaitez revenir maintenant.
—
Je me suis rendu aux Rebelles parce que j’avais perdu tout espoir. Ironiquement, cette campagne lancée par Thrawn et Poldrei m’a rendu des raisons de croire à une possible victoire. Il existe une fenêtre de tir – mince, certes, mais néanmoins présente – qui nous permettrait de réaliser notre devoir envers l’Ordre Nouveau. Comme vous l’avez sans doute déjà compris, la guerre va s’intensifier et laisser les deux camps exsangues. Je pense qu’en conjuguant nos efforts, nous pourrions être en mesure d’attaquer au moment opportun. Mais il faudra faire attention, car vous êtes en grand danger. — En danger ? répéta Kaine.
—
J’ai mes propres sources au sein de l’Empire. Poldrei se méfie de vous. Il n’a pas digéré son incapacité à vous rallier à sa cause, pas plus que le fait que vous ayez débauché son aide de camp. Il vous fait surveiller et guette lui aussi la moindre opportunité qui pourrait se présenter. J’ai des détails supplémentaires, des noms à vous donner, mais je ne veux vous les remettre qu’en mains propres. Je crains que nos ennemis ne parviennent à les intercepter sans cela. — Vous pourriez me rejoindre sur Sartinaynian.
—
Pas tant que vous n’aurez purgé votre entourage. Sans cela, je serais mort dès mon arrivée. La seule solution, Ardus, c’est que nous rencontrions discrètement. Avez-vous des pilotes de confiance ? — J’en ai un, confirma Kaine. Cela suffit pour ma navette.
—
Excellent. Retrouvons-nous demain à l’emplacement de notre première rencontre. J’ai un vaisseau et des agents fiables qui pourront nous aider à vous protéger. — Je l’espère.
La silhouette du Grand Amiral le salua, puis l’homme disparut et le silence revint dans la suite. Puis le Grand Moff se leva d’un coup et frappa son bureau du plat de la main.
Encore des trahisons ! Encore des traîtres ! tempêta-t-il intérieurement.
Cela n’en finira-t-il donc jamais ? Fort heureusement, s’il disait vrai, Grant était en mesure de l’aider. Peut-être même pouvait-il démasquer Disra – qui, supposait Kaine, était une fois de plus l’instigateur de ce complot.
Il ne mit guère longtemps avant de se décider et de sortir son comlink.
— Garind, je veux que l’on prépare ma navette sur le champ, ordonna-t-il aussitôt. Prévenez seulement Paldr, nous partirons seuls.
—
Oui, Excellence, répondit aussitôt son aide de camp.
Où dois-je vous contacter si des affaires urgentes surviennent ? — Nulle part. C’est un voyage privé.
Même s’il ne lui faisait pas totalement confiance, il appréciait Garind. C’était un garçon droit, travailleur et intelligent, un parfait représentant de la Haute Culture Humaine que le Grand Moff tentait de perpétuer. Kaine espérait sincèrement qu’il ne figurait pas sur la liste de Grant.
Sinon… Eh bien, il le ferait exécuter, lui aussi.
* *
*
À des parsecs de là, debout dans son luxueux bureau, le Prince-Amiral autoproclamé Delak Krennel observait l’horizon de Daplona, la capitale de Ciutric, le cœur du royaume dont il s’était emparé près de cinq ans plus tôt.
C’était une belle prise, mais il n’était pas vraiment satisfait de la façon dont il l’avait acquise. Le meurtre de Sate Pestage – ce vieillard débilitant, ce traître prêt à livrer Coruscant aux Rebelles – n’avait rien eu de glorieux. Tenir tête à Ysanne Isard était plus à son honneur, mais la Directrice des Renseignements Impériaux n’avait en réalité jamais agi contre lui. Non, vraiment, il manquait à Delak Krennel un coup d’éclat pour asseoir sa légitimité.
Il aurait rêvé de s’emparer de nouveaux mondes grâce à ses seules capacités stratégiques, et aux destroyers qui répondaient à ses ordres, mais sa position était trop précaire pour qu’il s’engage dans une telle aventure.
Ses yeux bleus s’étrécirent et il serra son poing de métal. Cette impuissance le mettait hors de lui !
Il aurait pu choisir de s’allier aux autres Impériaux et de profiter des récentes évolutions de la situation pour consolider son territoire. Ç’aurait été un choix logique, celui que ses hommes attendaient de lui. Mais un problème l’en empêchait.
Un problème à la peau bleue et aux yeux rouges.
Un problème nommé Thrawn.
Thrawn. Il avait envie de cracher à chaque fois qu’il entendait ce nom. Il avait servi le « Grand Amiral » dans les Régions Inconnues, et cette expérience le dégoûtait encore. L’être avait du talent, c’était indéniable. Mais il était non-humain, et se reposait bien trop sur ses prétendues « œuvres » d’art. Un non-sens pour Krennel, qui ne s’intéressait qu’au métal et aux hommes pour mesurer les forces de l’ennemi.
Leur « différent » stratégique avait dégénéré, et Krennel avait menacé de détruire l’une des œuvres avec une vibrolame. Thrawn n’avait eu qu’un geste à faire pour que son garde du corps noghri, Rukh, réagisse aussitôt.
Le Prince-Amiral massa l’extrémité de son bras mutilé, à l’endroit où la chair rencontrait le métal. Oui, il avait payé bien cher cette leçon…
Mais les choses avaient plutôt bien tourné pour lui, et il avait tiré de cette altercation des leçons intéressantes. Il n’était plus cet homme impulsif ; à présent, il songeait aux situations à plus long terme.
C’était ce qui l’avait incité à soutenir officieusement Thrawn, alors que son cœur brûlait d’envie de serrer cette main de métal autour du cou du Grand Amiral.
Bien sûr, il s’était contenté d’envoyer le strict minimum au non-humain et à son comparse Moff, mais il pensait s’être attiré, sinon leurs bonnes grâces, une indulgence appréciable. Toutefois, sa position était une fois encore précaire ; si la campagne tournait en leur faveur, Thrawn et Poldrei seraient en position de force pour exiger l’annexion de l’Hégémonie de Ciutric par l’Empire. S’ils échouaient, la Nouvelle République aurait le champ libre pour nettoyer la Galaxie des seigneurs de guerre subsistants – lui compris.
Je dois trouver le moyen de renforcer mes défenses, songea-t-il.
Je dois faire de l’Hégémonie un gâteau trop gros pour qu’on l’avale – même avec le plus grand des appétits. La tâche n’était pas simple, mais il la pensait réalisable si la guerre entre l’Empire et la Nouvelle République se poursuivait ainsi pendant quelques années. Les deux protagonistes s’affaibliraient, pendant que lui, au contraire, ne ferait que se renforcer…
La porte de son bureau siffla et l’homme qu’il attendait entra.
— Eh bien, Vict ? demanda-t-il en se retournant.
Le capitaine Darron était le commandant du
Direption, un des destroyers de l’Hégémonie, mais c’était surtout son ancien aide de camp. Quand Krennel avait exécuté le capitaine Rensen, l’ancien commandant du
Direption, pour insubordination, il avait choisi d’y nommer cet homme de confiance.
— Les nouvelles sont bonnes, dit-il en montrant la bouteille qu’il apportait.
Du rubis de Maléa, lut Krennel avec plaisir. Il était particulièrement friand de ce vin de la couleur du sang.
Et des yeux de Thrawn… Il chassa vite cette pensée malheureuse de son esprit.
Sans succès, hélas.
— Les Rebelles sont en panique, expliqua-t-il. Apparemment, Rogriss et Poldrei ont attaqué Kuat, et Thrawn menace directement Coruscant. Ils sont en train de perdre en quelques mois ce qu’ils ont mis des années à conquérir !
— Et c’est pour cela que vous amenez une si bonne bouteille ? répondit Krennel, perplexe. Si ce que vous dites se confirme, c’est assez inquiétant pour nous. Je n’imaginais pas que l’Empire pourrait se reprendre si facilement. Avec quelques victoires, ils pourraient revoir les termes de notre accord…
— En fait, c’est pour fêter un heureux événement, expliqua le capitaine. La famille Darron comptera bientôt un nouveau petit humain !
Le Prince-Amiral sourit face à l’enthousiasme de son ex-second.
— C’est assurément une bonne nouvelle.
— La meilleure qui soit. Cet enfant pourra grandir au sein d’un monde où il ne sera pas confronté perpétuellement aux non-humains, grâce à votre politique. Cela mérite bien un bon verre, n’est-ce-pas ?
Krennel fit un geste pour l’inviter à s’asseoir.
— Alors prenons-en un.
* *
*
Gaen Drommel n’avait aucun monde à contempler, pourtant il observait également des tours et des canyons de métal. Un spectacle qu’il avait aimé dès le premier jour, dès l’instant où il avait pris le commandement du
Guardian.
C’était un cuirassé stellaire, semblable à l’
Executor et au
Reaper, l’un des rares vaisseaux de cette classe encore en service dans la galaxie, et il faisait la fierté de son commandant.
Drommel était un homme grand, au visage sévère à peine adouci par une barbe en collier aussi noire que ses cheveux courts. Partisan de longue date de l’Ordre Nouveau, il avait eu l’intelligence de se placer dans le sillage d’une des figures les plus en vues de l’Empire : le Grand Moff Tarkin en personne.
Avec son mentor, il partageait une conception de la Galaxie et une foi totale dans cette politique de la peur à outrance qui était passée à la postérité sous le nom de Doctrine Tarkin. Cette proximité avait permis au jeune Drommel de monter un à un les échelons de la flotte, malgré un talent qui ne sortait guère de l’ordinaire.
Même l’explosion de l’Étoile Noire au-dessus de Yavin n’était pas parvenue à entraver sa progression. Du moins, pas autant que celle de l’Étoile de la Mort en orbite d’Endor, quelques années plus tard.
C’était trop tôt, voilà tout. Gaen avait alors déjà dépassé la cinquantaine, mais il avait encore quelques échelons à gravir pour transformer ce beau commandement qu’était le
Guardian en un véritable levier de pouvoir, comme pouvait l’être le
Reaper pour Kaine.
Moff, Grand Moff… C’étaient là des positions dont Drommel s’estimait tout à fait digne, pour peu qu’il s’en donne les moyens.
Quand l’Empereur était mort, il n’y avait plus eu qu’un seul moyen pour progresser dans la hiérarchie impériale : devenir le chef de son propre Empire. N’était-ce pas, après tout, ce qu’avait fait Kaine ?
Dès que la nouvelle avait été rendue publique, il était retourné sur son monde natal, Oplovis, et il s’était proclamé seigneur de guerre. C’était, peu ou prou, le même cheminement que celui qu’empruntait Kaine au même moment.
Mais Drommel avait alors échoué.
La bataille de Tantive V avait été une catastrophe. Il avait perdu ses trois destroyers de soutien et son bijou, le
Guardian, avait subi de graves dommages. Si bien que, depuis plus de cinq ans, le cuirassé stellaire était au repos dans le système de Soullex, au fin fond de l’Espace Sauvage.
Mais, bientôt… se prit à espérer Drommel.
Il n’avait jamais cessé de croire qu’il regagnerait un jour le devant de la scène galactique. Mais les dégâts du
Guardian étaient tels qu’il aurait été trop vulnérable lors de nouveaux affrontements. Si bien que le Seigneur de Guerre avait choisi la patience. Il n’avait pas eu vraiment le choix, d’ailleurs ; le vaisseau était arraisonné à des installations de fortune, ce qui limitait la vitesse de réparation.
Le principal problème, c’étaient les pièces détachées. Bon nombre d’éléments du vaisseau avaient été irrémédiablement endommagés, et ils devaient absolument être remplacés avant de reprendre le combat. Les achats se faisaient via le marché noir, au compte-goutte pour ne pas attirer l’attention d’ennemis potentiels.
Mais le second de Drommel, le colonel Niovi, avait déniché deux mois plus tôt une nouvelle source d’approvisionnement, beaucoup plus prolifique ; et le
Guardian serait, d’ici quelques heures, prêt au départ.
Enfin.
L’amiral vit justement Niovi arriver sur la passerelle.
— Alors, quand serons-nous prêts, Gastos ? l’interrogea-t-il.
— Dans trois heures, tout au plus, répondit le colonel. Les dernières soudures sont en cours d’achèvement… Il faudra quelques tests, bien sûr, mais nous devrions pouvoir partir d’ici à la prochaine rotation.
— Formidable… murmura le Seigneur de Guerre.
Il embrassa une nouvelle fois du regard cette puissante coque qui se déployait devant lui. Le
Guardian avait été trop longtemps sa prison ; il allait redevenir sa fierté… et le symbole de sa puissance.
— C’est une chance que vous ayez découvert ce stock de pièces…
— En fait, ce n’est pas un véritable stock, corrigea Niovi. Il se trouve qu’à ma dernière expédition, j’ai repris contact avec un ami officier. Il travaille dans l’intendance au sein de l’Alignement de Pentastar, mais il aspire à mieux… Je l’ai « convaincu » que si certaines pièces destinées au
Reaper nous parvenaient, il pourrait finir gouverneur d’une planète entière.
— Ou même d’un système ! Je suis d’humeur généreuse, Gastos. Et d’humeur belliqueuse aussi.
Il serra le poing.
— Alors… Qui subira le premier mon courroux ? La Nouvelle République… ou l’Empire ?
Niovi sourit en sortant son arme.
— En fait, j’avais une autre idée.
* *
*
Ils étaient quatre. Quatre stormtroopers venus en pleine nuit extraire leurs deux prisonniers des suites qu’ils occupaient au Grand Horizon, l’hôtel le plus prisé d’Orinda – fermé à toute clientèle depuis quelques semaines.
Le trajet s’était fait dans un silence total. Sarcev Quest avait reconnu son condisciple Ars Dangor, mais ils n’avaient pas été autorisés à communiquer par le sergent de l’escouade. L’homme avait menacé de les molester s’ils se faisaient remarquer.
En temps normal, Quest aurait réduit le présomptueux sergent en un petit tas de chair et d’os, mais il en était à présent incapable.
Ces créatures – ces ysalamiris – le privaient de la Force depuis le coup d’État de Poldrei. Sans accès au Côté Obscur, Quest n’était plus qu’un homme, un simple humain, ne faisant pas le poids face à des soldats de choc surentraînés.
Quelle déchéance pour la Main de l’Empereur…
Les deux proches de Palpatine furent conduits à un hangar où attendait une navette de classe Sentinelle, avec deux pilotes en tenue de vol.
— Ils sont à vous, leur annonça le sergent.
— Faites-les monter à bord, demanda l’un des hommes vêtus de noir.
Le sous-officier grommela mais s’exécuta. Dangor et Quest furent promptement poussés sur la rampe du vaisseau pour gagner la soute, équipée comme un transport de troupe. On leur apposa au poignet gauche des bracelets magnétiques, et l’un des pilotes appuya sur un commutateur.
Des liens énergétiques s’allumèrent, retenant les anciens conseillers attachés à leurs chaises.
L’autre pilote gagna la cabine, tandis que les stormtroopers quittaient le vaisseau.
Un seul homme demeura en compagnie des prisonniers. En l’observant, Quest comprit pourquoi ; il avait aperçu la structure nutritive d’un ysalamir.
— Où nous emmenez-vous ? demanda Dangor en entendant le vaisseau allumer ses moteurs.
Le pilote avait un casque, mais Quest devina qu’il souriait.
— Vous savez ce qu’on dit : la destination compte moins que le voyage…
Il entra dans le poste de pilotage ; Dangor se tourna aussitôt vers son condisciple.
— Sarcev, qu’a-t-il voulu dire ?
Le Jedi Noir soupira.
— Si vous n’avez pas compris, je ne peux rien pour vous, Ars.
— J’ai
peur d’avoir compris.
— La peur ne vous sauvera pas, grommela Quest.
Lui comptait sur sa colère, mais il ne pouvait pas en faire usage.
Le pilote arrogant revint quelques minutes après le décollage, une fois la navette passée en hyperespace. Il s’installa près de l’ysalamiri et attendit.
Sarcev Quest, en silence, méditait sur les options qui s’offraient à lui, sans succès malheureusement… Jusqu’à ce qu’une vieille sensation lui revienne enfin.
Il ouvrit les yeux, guettant l’ysalamir. Mais la créature avait disparu ; le pilote avait emmené sa cage vers la cabine, dont il avait ouvert la porte.
— Eh, Hal ! s’exclama-t-il. Tu crois qu’il faut nourrir cette chose ?
Le cerveau de Quest se mit à réfléchir à toute vitesse. Il ne devait pas rater son coup. Il aperçut un objet qui convenait à son dessein.
Le pistolaser du pilote, abandonné sur un siège.
Il se saisit télékinétiquement de l’arme, résista à l’idée séduisante d’abattre son geôlier et tourna plutôt le canon en direction de la maudite créature.
Le premier coup de blaster détruisit la cage, le second transperça le petit reptile gisant au sol. Son gardien hurlait de douleur ; le rayon d’énergie l’avait touché à la jambe.
Sarcev ressentit sa douleur avec un double plaisir : celui de voir ce pédant souffrir, et celui d’être désormais assuré de la mort de l’ysalamir.
Le Côté Obscur jaillissait à nouveau en lui, flot bouillonnant qui ne demandait qu’à être déchaîné.
Grâce à lui, il attrapa le commutateur toujours attaché à la ceinture de l’homme et désactiva les entraves. Dangor jaillit de son siège comme s’il craignait que les menottes se réactivent ; mais Quest ne l’imita pas, préférant plutôt détruire définitivement la télécommande.
Puis il se leva et marcha doucement en direction du pilote blessé.
L’homme se tourna difficilement vers lui.
— Pitié… gémit-il.
Le Jedi Noir se saisit de lui grâce à la Force, et lui ôta son casque en usant des mêmes moyens. Ce n’était qu’un gamin humain, un peu vantard, à qui on avait confié une mission trop lourde pour lui.
Autrefois, quand il était à l’Agricorps – et plus encore avant, lorsqu’il aspirait à devenir Jedi –, Sarcev Quest aurait pu éprouver de la pitié envers lui.
Mais le Côté Obscur retenu trop longtemps en lui réclamait son tribut.
Il leva le bras en maintenant son étreinte télékinétique, comme Vador avait l’habitude de le faire. Mais il n’allait pas accorder au garçon une simple gorge écrasée.
Non, ce n’était décidément pas assez.
Avec la Force, il exerça une forte pression sur tous ses organes internes. Avec délectation, Sarcev sentit l’intestin se percer, le foie se dégorger de toute sa bile, les poumons qui cherchaient à sortir de la cage thoracique…
Il a failli à sa tâche par manque de réflexion, se dit-il. Aussi décida-t-il de faire grossir son cerveau. Encore vivant malgré tous les tourments subis, le jeune homme sentit la pression grimper dans sa boîte crânienne, jusqu’à ce que ses yeux sortent de ses orbites.
Puis il expira finalement, accueillant la mort comme une délivrance.
Son meurtrier, haletant, domina le corps supplicié. Ars Dangor vint se placer à ses côtés.
— C’est répugnant, lâcha-t-il d’une voix hautaine.
Quest enjamba la dépouille pour gagner le cockpit. Le pilote restant avait enlevé son casque ; c’était un humain un peu plus âgé que l’autre, aux cheveux blonds et d’une pâleur extrême – sans doute due à ce qu’il venait d’entendre.
— Eh bien,
Hal, lui glissa le Jedi Noir d’une voix où perçait une joie mauvaise, on dirait que vos ordres de mission viennent de changer.
L’homme déglutit.
— Dites-moi ce que vous deviez faire et qui vous l’a ordonné, intima Quest.
— C’est un agent des Renseignements Impériaux… Mais je ne connais pas son nom, je vous le promets ! glapit le dénommé Hal. Il a dit qu’on nous amènerait deux prisonniers et qu’il faudrait les balancer dans le vide stellaire une fois dans l’espace profond. Rien d’autre ! Nous ne savions pas…
— Assez !
Dangor profita d’un instant de silence pour les rejoindre.
— À tous les coups, c’est Poldrei qui a essayé de nous faire tuer, lui annonça Quest. Nous étions sans doute trop menaçants pour lui…
— Peut-être est-il temps de le devenir vraiment, répondit le Conseiller Impérial. Cette farce a assez duré. L’Empire doit redevenir ce qu’il aurait toujours dû être.
Les deux hommes échangèrent un regard équivoque. Ils savaient tous deux ce que cela signifiait.
Quest se pencha donc vers le pilote.
— Dites-moi, Hal, si vous voulez vivre…
— Oui, oui, bien sûr !
— Ne m’interrompez pas ! cria le Jedi Noir en frappant sa victime.
Hal se recroquevilla sur son siège.
— Vous allez nous conduire sur Byss, dans le Noyau Profond, reprit Quest. Cette fois, vous servirez vraiment l’Empire.
* *
*
Le Prince-Amiral trinqua avec son ancien aide-de-camp à un futur radieux, pour l’Hégémonie et pour eux. Puis ils savourèrent leur breuvage.
Le rubis de Maléa exhalait un parfum absolument exquis, comme toujours, mais dès qu’il avala la première gorgée, Krennel lui trouva un arrière-goût légèrement amer.
Un deuxième essai avec ce vin d’habitude sucré se révéla pire encore.
Quelque chose ne va pas, comprit-il.
Il sentit soudainement des bouffées de chaleur le gagner, alors que la température ambiante de la pièce, il l’aurait juré, n’avait pas bougé.
La panique le gagna. Il tenta de se lever, mais un vertige l’interrompit dans son geste et il fut obligé de mettre un genou à terre.
Toujours assis à table, Darron contemplait les poussières nobles en suspension dans son verre, sans prêter attention aux déboires de son vis-à-vis.
— Le vin… haleta Krennel.
Le capitaine du
Direption le regarda enfin.
Et ses yeux ne montrèrent aucune surprise.
— Ne vous inquiétez pas pour moi, Delak, lâcha-t-il. J’avais évidemment pris l’antidote avant de venir.
Le choc laissa le Prince-Amiral interdit, incapable de comprendre ce qui se passait.
— Je crois même que j’en avalerai une autre dose pour pouvoir savourer cette bouteille jusqu’à la dernière goutte, ajouta Darron.
Alors, Krennel saisit enfin la trahison dont il était victime. Il aurait voulu pousser un cri de rage et étriper le félon, mais tout ce qui sortit de sa gorge fut un horrible gargouillement. Incapable de commander à ses muscles, il retomba en arrière.
Il était mort avant de toucher terre.
* *
*
La cape et l’uniforme noir décoré de motifs or du Seigneur de Guerre avaient été percés par le coup de blaster, de même que sa poitrine désormais fumante.
Le corps s’abattit sur la passerelle, sous le regard stupéfait des membres d’équipage.
Ils se tournèrent vers Gastos Niovi, le colonel qui venait de tuer leur maître.
— Pourquoi ? lâcha l’opérateur des senseurs.
— Parce que c’était ce qu’il y avait de mieux à faire, Jurgen, lui répondit Niovi. À cause de lui, nous avons passé cinq ans coupés du monde, loin de nos familles. Et tout ce qu’il voulait nous offrir, en remerciement, c’est la poursuite de cette existence de parias, le risque de mort en plus.
Le dénommé Jurgen baissa le regard. C’était un vieil homme, respecté sur la passerelle pour son expérience, mais qui aurait dû regagner son foyer des années plus tôt si la guerre ne l’avait pas retenu.
Il acquiesça en signe d’assentiment.
Désormais commandant
de facto du
Guardian, le colonel s’approcha de la baie d’observation. L’endroit où Gaen Drommel avait tant aimé se tenir…
Il activa l’intercom du vaisseau.
— Ici Gastos Niovi, annonça-t-il. Notre exil est terminé.
* *
*
Krennel et Drommel n’avaient pas été les seuls à connaître la trahison, la douleur et la mort.
Partout, au sein de la Galaxie, les Seigneurs de Guerre et les dissidents impériaux passaient du statut de prédateur à celui de proie. Seuls ceux qui étaient demeurés inaccessibles, à l’abri dans le Noyau Profond, se trouvèrent épargnés.
Des Moffs dissidents comme Bliss Shargael ou Anton Fargger furent mystérieusement abattus par des tireurs d’élite qui semblèrent s’évanouir dans la nature. Leurs successeurs proclamèrent aussitôt le retour de leurs mondes sous le giron de l’Empire.
Les officiers Iolan Gendarr et Arndall Lott périrent ensemble, alors qu’ils discutaient de leurs futures attaques, lorsque la salle de réunion où ils se trouvaient se décompressa subitement. Le
Reliance, vaisseau de Gendarr, changea alors de cap.
Les pirates ne furent pas épargnés. Le capitaine Lon Donell, qui suscitait la terreur chez les marchants indépendants du secteur Weneen, fut abattu dans le dos par le chasseur de primes Dengar, alors qu’il se trouvait incognito sur un marché de Jussafet IV. Leonia Tavira, qui s’était proclamée amirale et avait dérobé l’
Invidious à l’amiral Teradoc, fut exécutée sur la passerelle de son vaisseau par ses hommes, à qui l’on avait promis l’absolution pour leurs crimes… et une substantielle récompense, s’ils remplissaient un autre contrat avant de rendre le destroyer à ses véritables maîtres.
Les spoliateurs de l’Empire payaient enfin le prix de leurs ambitions.
* *
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Le dernier à périr fut celui qui avait été le premier d’entre eux.
La navette personnelle d’Ardus Kaine émergea à l’endroit prévu, en orbite de Marquarra, l’un des mondes les plus isolés de l’Alignement de Pentastar.
C’était là, à l’extrémité du secteur Prefsbelt, que le Grand Moff avait rencontré pour la première fois Octavian Grant, quelques jours après la bataille d’Endor.
Il se souvenait assez bien du spectacle de ces deux silhouettes massives qu’étaient l’
Oriflamme et le bien plus impressionnant
Reaper. Deux ombres immenses s’étendant sur ce monde rural. Deux chefs renommés se concertant avant de s’unir.
La reddition de Grant à la Nouvelle République avait porté un sérieux coup au moral de Kaine. Il s’était persuadé, à un moment, que le Grand Amiral avait agi ainsi pour éviter d’attirer l’attention sur l’Alignement, pour apaiser un temps les Rebelles. Qu’il s’était sacrifié pour que l’Ordre Nouveau survive.
C’était faux, bien entendu – mais l’image était belle.
— Paldr, vous voyez un vaisseau ? demanda Kaine à son pilote personnel.
— Il n’y a rien sur les scanneurs, Monsieur…
Le Moff fronça les sourcils. Grant était du genre ponctuel.
— Attendez… reprit Paldr. Il y a bien un vaisseau, mais très petit. Et il fonce droit sur nous !
— Activez les boucliers ! réagit aussitôt le Grand Moff.
Mais le mystérieux appareil ne les attaqua pas pendant qu’il approchait. Il les dépassa en les frôlant et poursuivit sa route à plus grande vitesse que la navette de Kaine. Celui-ci s’étonna du design de l’engin. C’était un vaisseau très étrange, plus haut que large, avec une flopée de réacteurs.
— Je l’aurais cru hostile… murmura-t-il.
Il vit alors le vaisseau lâcher une sorte de débris dans son sillage. Un petit objet lumineux.
Qui explosa dans un assourdissant vacarme. L’onde de choc bleutée fondit en un instant sur la navette, pulvérisant le cockpit et tous ses occupants.
* *
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Une sonnerie de comlink tira le jeune homme de ses pensées. Son cœur s’accéléra, devinant que c’était l’appel qu’il attendait.
— Garind, répondit-il en activant l’appareil. J’écoute.
—
C’est fait, dit simplement une voix rauque.
Ahris ferma les yeux, partagé entre le soulagement et la tristesse.
— Merci, Fett, souffla-t-il avant de raccrocher.
L’heure du paiement arriverait plus tard, comme Carth l’avait convenu avec le chasseur de primes en échange de ses services. Les priorités étaient ailleurs, à présent.
Il quitta sa cabine, ruminant ce qui venait de se produire. Avec les mois, il avait appris à respecter Ardus Kaine. Jadis, l’homme avait été un bon officier, un gestionnaire compétent, un visionnaire même. Ahris n’était pas d’accord avec lui sur tout, notamment les questions de spécisme, mais il était forcé de reconnaître à l’homme ses mérites.
C’était le seul Seigneur de Guerre à avoir réussi. Dans une galaxie déchirée par les conflits, les habitants de l’Alignement avaient connu une paix relative au cours des cinq dernières années.
Oui, Kaine n’avait plus toute sa tête… Et Ahris essayait de se consoler en se disant que l’Opération Renaissance avait au moins permis de mettre un terme à ses souffrances – en plus de débarrasser la galaxie d’une poignée d’opportunistes qui ne manqueraient pas à grand-monde.
Mais quelque chose le dérangeait, à propos de cette maladie du Grand Moff. Il soupçonnait qu’il y avait davantage qu’une simple sénilité. Son instinct le lui soufflait.
Arrivé à sa destination, il frappa à la porte devant lui. Quelques instants plus tard, le panneau s’écarta, révélant l’occupant de cette cabine, l’une des plus luxueuses du vaisseau.
— Il est mort, lâcha Ahris.
Vilim Disra hocha doucement la tête.
— Quelle perte tragique pour l’Alignement de Pentastar.
Son visage était resté tout à fait passif. Il sortit de sa suite et emmena Ahris avec lui vers la passerelle de commandement.
Pendant qu’ils marchaient, le Polcaphréen observa le Moff de Sartinaynian. Il affichait une tranquillité que le jeune homme trouva désagréable. Disra avait exprimé trop peu de scrupules lors de la mise en place du plan. D’après ce que lui en avait dit Jahan Cross, qui s’était chargé de recruter plusieurs officiers tels que Darron ou Niovi, tous avaient exprimé une certaine hésitation à l’idée de trahir leur supérieur.
Disra, lui, s’était prêté de bonne grâce à cette affaire. C’était lui qui avait apporté à Ahris les clés de décryptage permettant d’accéder aux fichiers personnels de Kaine – ses enregistrements personnels, notamment. Le jeune homme avait ainsi pu découvrir les liens d’amitié entre le Grand Moff et Octavian Grant à travers leur correspondance archivée. Un masque holographique et une bonne interprétation avaient fait le reste.
Les deux hommes entrèrent sur le pont. L’officier de quart vint les accueillir.
— Excellence, Colonel…
— Le Grand Moff Kaine est mort, annonça de but en blanc Disra.
Il poursuivit, sans se soucier des expressions choquées sur les visages des membres de l’équipage.
— Dès cet instant, le colonel Garind assumera le commandement du
Reaper et de toute la flotte de l’Alignement.
— C’est inacceptable ! s’insurgea le capitaine. C’est un officier de terrain, il n’appartient pas à la Marine !
— C’est exact, répondit le Moff en se tournant vers Ahris. Mais je dispose de pouvoirs militaires me permettant de conférer certains grades aux hommes qui en sont dignes. Félicitations, amiral Garind.
Le Polcaphréen salua, sans exprimer la moindre joie à cette nomination.
— Des objections ? demanda Disra au capitaine.
L’homme baissa la tête.
— Aucune, Excellence.
— Disposez.
L’officier s’éloigna honteusement. Ahris le regarda partir.
— C’est à vous de jouer, à présent, dit-il à son allié de circonstance. Souvenez-vous : il faut garder le secret le plus longtemps possible sur ce qui vient de se produire.
— Comme le veut notre plan, confirma Disra.
— Êtes-vous sûr de parvenir à garder les Douze en laisse ?
Le Moff le regarda comme s’il venait de poser une question particulièrement stupide.
— Vous avez bien prévu de laisser la moitié de la flotte à ma disposition ?
— Bien entendu, confirma Ahris avec un certain malaise.
L’ambition à peine masquée de Disra le dérangeait.
Il était extrêmement utile pour la mise en place de cette opération, mais Carth va devoir le tenir à l’œil, à présent… — Alors, faites-moi confiance,
Amiral : les négociations ne dureront pas.
* *
*
Rassembler la flotte de l’Alignement sans laisser la nouvelle de la mort de Kaine se répandre n’avait pas été simple, mais Ahris y était parvenu. Il avait aussi déplacé l’imposant groupe de combat à travers l’espace impérial puis néo-républicain sans être repéré, en choisissant des routes plus longues mais moins fréquentées, et en effectuant les sauts depuis les abords des différents systèmes-étapes.
Il était finalement arrivé aux abords du secteur de Kuat quelques heures avant le moment fatidique, pour y trouver un assemblement hétéroclite de vaisseaux déjà en attente dans cette portion de l’espace profond.
Il y avait des destroyers, bien sûr. Ils étaient issus de la flotte de l’Hégémonie de Ciutric, comme le
Reckoning et le
Direption, ou de propriétaires indépendants, comme le
Reliance ou l’
Invidious.
Ils étaient accompagnés d’un assemblage hétéroclite de vaisseaux : croiseurs Carracks, Strike, frégates Lancer et autres corvettes en tous genres.
Et il y avait le
Guardian, qui aurait été le plus imposant vaisseau de la flotte s’il n’y avait eu face à lui le
Reaper, bien mieux entretenu lors de son service au sein de l’Alignement.
C’était une flotte plus puissante encore que celle qui avait assailli Kuat quelques jours plus tôt, et que les Rebelles avaient pensé avoir surpassée.
Leur présomption allait causer leur perte.
Ahris garda son comlink en main, arpentant le pont avec nervosité jusqu’à ce que le signal lui parvienne enfin.
Lâchant un soupir de soulagement, il accusa réception aussitôt et distribua ses ordres à toute la flotte, qui plongea quelques instants plus tard dans l’hyperespace.
Lorsqu’elle en ressortit, une poignée de minutes plus tard, Kuat était en vue. Mais entre la surface de la planète et le
Reaper, se dressaient successivement les chantiers navals, le
Gatherer, son groupe… et la flotte rebelle, dont Ahris ne voyait à présent que les réacteurs.
Il sourit. Tout s’était passé comme prévu.
Il activa son comlink et positionna l’émetteur sur une fréquence ouverte.
— Ici l’amiral Garind, à l’attention des forces impériales. Puis-je vous prêter assistance ?
Bon, déjà, je suis quasiment certain que c'est le chapitre le plus long que j'aie publié depuis le début de cette histoire. Je vérifierai, mais comme il fait 18 pages sur mon Word, alors que je tourne d'ordinaire entre 4 et 10 pages, je suis quasiment certain d'avoir raison.

Ensuite, j'aimerais savoir si quelqu'un décèlera l'inspiration cinématographique aux sources de la construction de ce chapitre...
Alfred M. a écrit:Je veux dire dans la façon ou il traite tout le monde sans penser à les ménager. Les Noghri principalement mais aussi Pellaeon quand il lui dit "Vous avez perdu à Endor parce que vous étiez nuls". Mais il a toujours tendance à se concentrer sur un truc qu'il considère décisif et négliger les trucs aléatoires, les petits échelons.
Je suis d'accord pour les Noghris, mais concernant Pellaeon je ne l'avais pas vu ainsi... Je percevais plutôt le capitaine, vu son âge, comme un "élève" apprenant de Thrawn - chose que j'ai essayé de retranscrire dans cette histoire. À l'issue de cette quatrième partie, ce parcours initiatique n'a plus tellement lieu d'être, puisque Thrawn a, lui aussi, appris de Pellaeon.
