C'est la première fois que j'écris une fan fiction. J'ai la structure globale en tête, ce devrait être un récit assez court, avec une trame générale chronologique mais également beaucoup de retours en arrière. C'est un premier jet, je pensais proposer des publications régulières parce que j'ai lu, ailleurs, que c'était mieux de procéder ainsi que de publier plusieurs chapitres d'un coup. Mais je m'adapte

Bonne lecture!
Le procès
Il était en avance. La salle était déserte. C’était un moment parfait pour s’offrir un petit instant de méditation. Il s’abandonna dans l’un des grands fauteuils, soupira et posa un regard circulaire autour de lui. A bien des égards, la pièce ressemblait à l’ancienne salle du Haut conseil du temple Jedi: haute de plafond, pourvue de larges baies vitrées, elle était généralement baignée de lumière, comme c’était le cas en ce début de matinée. De larges lambeaux de soleil venaient lécher le bord de la grande mosaïque qui ornait le sol. Ne manquait guère que la vue sur les rues trépidantes de Coruscant.
Obi-Wan ferma les yeux et s’adonna aux exercices de respiration habituels: il inspirait de grandes bouffées d’air et expirait longuement en essayant de vider entièrement ses poumons. Puis il recommençait, encore et encore, jusqu’à sentir son rythme cardiaque diminuer progressivement et une légère torpeur engourdir ses muscles. Au loin, les légers cliquetis métalliques audibles de l’extérieur lui parvenaient assourdis. Pourtant, il n’arrivait toujours pas à se détendre tout à fait. Il était trop nerveux.
Il plongea dans la Force et dans ses souvenirs.
Il était alors assis au même endroit. Yoda, lui, se tenait au centre; Qui-Gon, à l’autre extrémité. Avec le temps, d’autres les avaient rejoints, des padawans morts avant d’avoir eu le temps d’achever leur formation: Briales Midrai, une jeune humaine originaire de Garqi, Tarkev Chakra, un abyssin assez agile. Et Kanan Jarrus.
Il appréciait Kanan. C’était un humain d’une trentaine d’années, grand, athlétique, un visage anguleux troué de grands yeux d’un vert intense, presque surnaturel pour cette espèce. Obi-Wan avait beau fouiller dans sa mémoire, il ne se souvenait pas de lui en tant que disciple, puis jeune padawan, quand il se faisait encore appeler Caleb Dume; par contre, il avait un souvenir plus net de son maître, Depa Billaba, dont il admirait la détermination et le sens du compromis.
A bien des égards, Kanan avait hérité des techniques de combat et de la personnalité de Depa. Mais il était encore très jeune quand cette dernière avait succombé, sous ses yeux, aux tirs de ses propres clones. Il avait continué à s'entraîner seul et avait acquis une manière singulière de se battre: souvent gauche et imprécise, mais également intéressante. En effet, les nombreuses années où Kanan avait vécu, survécu plutôt, encore enfant, absolument seul, meurtri par l’assassinat de son mentor, terrorisé par l’effondrement de tous ses repaires, par la crainte d’être découvert et tué à son tour; toutes ces années où il avait été contraint de rompre avec les préceptes avec lesquels il avait été élevé, d’épouser une vie de filou et de contrebandier tout en conservant précieusement, caché au fond de lui-même, son coeur d’enfant de paix; tout cela avait entrainé la création d’une force de combat très singulière, brute, sauvage et sincère.
Obi-Wan poussa un long soupir et focalisa son attention sur ce jour-là. Ils étaient tous réunis dans cette même salle, débattant d’un sujet depuis longtemps oublié, mais moins mus par la nécessité de trouver des solutions que de simplement faire s’entrechoquer leurs idées et s'entraîner à l’exercice complexe de l’écoute mutuelle. Ils débattaient, donc, et à un moment, la conversation s’essoufflant, Kanan, désignant l’un des fauteuils, avait demandé: “mais au fait, à quoi peut bien servir ce siège?”.
Obi-Wan avait sursauté. Avec le temps, à l’instar des autres Jedi, il s’était habitué à voir ce grand fauteuil toujours vide et ne lui prêtait plus attention. La question de Kanan l’obligeait à se rappeler ce que ce vide représentait.
“Le propriétaire de ce fauteuil, jamais ne vient. Mais susceptible de venir, toujours il est, répondit Yoda.
- et qui est ce propriétaire?
- Anakin Skywalker”.
Les yeux de Kanan Janus s’étaient tellement arrondis de stupeur qu’ils semblaient sur le pont de jaillir de leurs orbites. “Quoi? Darth Vader est lui aussi devenu un fantôme de Force?! Mais c’est une blague!
- Pas Vader: Anakin, riposta Obi-Wan”. Mais Kanan ne décoléra pas. “Anakin Skywalker, puis que vous y tenez, a, en basculant du côté obscur, provoqué la mort de milliers d’innocents et participé au génocide de nombreux Jedi qui le considéraient comme l’un des leurs.
- Mais il est revenu du côté obscur.
- Oh, pardon. Tiens, j’ai entendu dire que l’empereur s’était abstenu d’écraser un irling qui lui volait autour, un jour. Peut-être devrait-on le remercier pour cet acte d’extrême bonté et lui proposer de nous rejoindre, lui aussi?”. La bouche du jeune homme se fendit d’un sourire que vînt contredire l’éclat farouche de son regard. “Il est revenu du côté obscur, dites-vous. Grand bien lui fasse. Mais avant d’en revenir, il l’a bien rejoint!”.
Il poussa un soupir, se cala dans son siège puis, la seconde d’après, changea de position et s’assit au bord. Les mains serrées l’une contre l’autre, il plongea ses yeux brûlants de colère froide dans ceux d’Obi-Wan. “Et QUI a permis à ce monstre de rejoindre la Force? J’imagine que c’est vous?
- Oui, avoua ce dernier, mal à l’aise.
- Super”. Kanan se rassit bruyamment au fond de son siège. “Nous sommes tous là, à pleurer nos morts, à pleurer de valeureux Jedi qui se sont battus jusqu’au bout pour la justice et la liberté et vous, parce que vous ne parvenez pas à faire votre deuil, vous sauvez le seul qui ne méritait pas de l’être, par pur égoïsme. Un égoïsme pas même récompensé! Car votre ancien padawan vous a-t-il seulement remercié comme il se doit? Combien de fois l’avez-vous revu, depuis?”.
Une seule fois. Puis plus rien. Et Kanan avait raison: cela rendait Obi-Wan amer.
Ils avaient poursuivi leur discussion. Les deux autres anciens padawans, qui avaient eux aussi tragiquement entendu parler de Vader, partageaient l’incompréhension de Kanan. Yoda était moins vindicatif qu'eux, mais l’ancien maître d’Anakin savait qu’il désapprouvait sa décision. Qui-Gon, lui, était resté silencieux mais quand il eût été question de destituer Anakin, il avait répondu qu’il fallait en décider à la manière des Jedi: à l’issue d’un procès. “Oui, avait conclu Yoda. Un procès, il y aura”. Un procès à l’issue duquel Anakin Skywalker serait, sans doute, condamné à la mort définitive.
Obi-Wan ouvrit les yeux. Il devait se faire une raison: méditer ne lui permettrait pas de vaincre la tempête émotionnelle qui sévissait en lui. Il se leva et décida de partir; pour cela, il lui suffisait de visualiser la destination souhaitée - c’était l’une des nombreuses possibilités que ses nouveaux pouvoirs lui conféraient - et, l’instant d’après, il foulait le sol de Maridun.
Le Jedi enleva ses chaussures afin de goûter au plaisir de sentir le contact de ses pieds avec la terre ocre. Son sens personnel des convenances lui aurait peut-être dicté un moment d’hésitation de son vivant mais il était désormais affranchi du poids du regard des autres et de la crainte des morsures des bestioles locales. Lorsqu’il marchait, son pied n’imprimait aucune empreinte et, pourtant, il ressentait bien la douceur molle du sol tandis que l’air lourd d’humidité matinale emplissait ses poumons. Il regarda autour de lui. Il aimait ces grands espaces, cette terre rougeoyante sur laquelle se détachaient quelques arbustes vert pâle et maigrichons, ces étendues presque infinies, à peine perturbées par l’érection de gros arbres trapus.
Il marcha en silence, loin des hommes, perdu dans ses pensées. Attentif à ce qui se passait au fond de lui.
Toute sa vie, il avait pris beaucoup de soin à appliquer la philosophie stoïque des Jedi: accéder à l’ataraxie en évitant toute forme d’attachement. Quand il éprouvait une trop forte émotion, il la laissait couler hors de lui. Ainsi, s’il avait ressenti une très vive douleur à la mort de Qui-Gon Jin, il avait réussi à la freiner et à ne pas la laisser contrôler ses perceptions. Si cela n’avait pas été le cas, sa soif de vengeance aurait sans doute obscurci ses sens et ne lui aurait pas permis de vaincre darth Maul… Mais pendant ses longues années d’exil sur Tatooine, il avait dû accepter l’évidence: malgré toutes ces années d’entrainement, malgré toute sa volonté, ce détachement s’appliquait à tout, tout. Sauf à sa relation avec Anakin Skywalker.
Il avait parfois passé des journées entières à méditer, à tenter de mettre à distance ses sentiments mais la nuit venue, les mêmes cauchemars venaient troubler son sommeil et mettre en échec toutes ses tentatives. Et toujours les mêmes questions: comment, pourquoi. Parce qu’après toutes ces années passées aux côtés de son ancien Padawan, à tenter en vain de le modeler selon les préceptes Jedi, il n’avait pas compris que cette relation qu’il croyait ascendante était en réalité réciproque et que ce dernier avait lui aussi changé sa vision de voir les choses. Parce qu’Anakin était impulsif, instable, colérique, mais également empathique, généreux, lumineux, entier. Il aurait donné sa vie pour ceux qu’il aimait et Obi-Wan ne doutait pas un seul instant qu’il avait la chance de faire partie de ce petit groupe. Parce qu’il avait eu la conviction que quoiqu’il arrive, Anakin serait toujours là pour lui. Parce que se sentir ainsi aimé lui procurait un tel sentiment de paix que cette sensation lui était finalement devenue indispensable. Parce qu’il avait aimé cet homme comme jamais il n’avait aimé personne.
Chaque jour, absolument chaque jour depuis son basculement vers le côté obscur, il lui avait manqué. Cruellement. Leurs joutes verbales, leurs chamailleries, leur complicité, le rire d’Anakin, son sourire franc, sincère, qui lui barrait le bas du visage et faisait briller ses yeux, il aurait tout donné pour revoir cela. Alors, oui, quand son ami était revenu du côté lumineux de la Force, il avait agi égoïstement et l’avait appelé. Il avait absolument besoin de le retrouver, mais également de trouver des réponses. Pourquoi. Qu’est ce qu’Obi-Wan avait fait, ou pas fait. Comment aurait-il pu empêcher Anakin de s’auto-détruire. Il avait espéré des retrouvailles. Mais au lieu de cela, il n’y avait eu que du silence.
Obi-Wan se mit à penser à Luke, auquel il allait rendre visite quelques fois. Son fils, lui aussi, cherchait des réponses. Parfois, au cours de ses nombreux voyages, quand le jeune homme déclinait son identité, quelqu’un s’exclamait “Skywalker? Comme Anakin Skywalker? Le héros de la guerre des Clones?”, et Luke se rendait compte avec fierté que son père avait été une célébrité de l’holonet et avait durablement marqué les esprits. Il avait également appris, au cours de ses recherches, qu’il avait été, très jeune, pilote de podracer, mais également esclave. Mais c’est tout. Luke, comme Obi-Wan, tentait désespérément de rattacher toutes ces informations entre elles, mais n’y parvenait pas. Et son père, loin de l’aider, brillait par son absence.
La lumière qui emplissait désormais la salle était plus franche et l’atmosphère, nerveuse. Obi-Wan jeta un regard à son ancien maître. S’il discutait habituellement souvent et bien volontiers avec Qui-Gon, ils n’avaient jamais osé évoquer le procès qui allait débuter d’une minute à l’autre. Dans quel état d’esprit était son ancien maître? Partageait-il, lui aussi, son sentiment de culpabilité? Le Jedi était tout entier à ses réflexions quand il ressentit un choc mental. C’était sans équivoque: il approchait. Sa respiration s’accéléra et il se força à fermer les yeux et à tenter de faire le vide dans son esprit. Mais l’émotion était trop forte et son pouls encore beaucoup trop rapide quand le claquement des bottes raisonna dans le couloir. Le bruit s’intensifia, puis s’arrêta. Il entendit Midrai pousser une petite exclamation de surprise et ouvrit les yeux.
Il comprenait l’étonnement de Midrai. Elle avait beau savoir que Vader était humain, il restait surprenant de constater qu’il existait si peu de ressemblance entre l’homme-machine qu’avait été le seigneur sith et celui qui se tenait devant eux! C’était un homme grand, jeune, paré d’une évidente aura de puissance. Jambes écartées, mains derrière le dos, son regard était résolument dirigé droit devant lui, les traits crispés et le visage, fermé.