Voici l'histoire achevée, au stade des corrections (merci d'avance à tous ceux qui la liront
):
Jen
« Le Prince Xizor n'avait été qu'un imbécile », m'avait expliqué mon père, « de n'avoir pas songé un seul instant que l'entretien auquel il avait été autorisé à assister entre Vador et son Empereur ne pouvait être en fait que l'irrésistible appât d'un piège tendu par ce dernier en vue de s'amuser avec lui. »
Il m'avait dit cela pour que je me méfie de l'homme qui aujourd'hui régente toute la galaxie, ce vieillard qui sur nos âmes a jeté un voile de noirceur plus absolu que les ténèbres de l'univers lui-même.
Le Falleen, leader notoire de l'organisation criminelle Soleil Noir, avait été il y a quelques mois encore le troisième personnage le plus important dans la hiérarchie Impériale, et pourtant à peine un pion dans la stratégie de Palpatine. Et lorsque on joue à un si haut niveau, le vaincu avait tout à perdre. En l'occurrence, Xizor, plus que ses richesses, y avait perdu la vie.
Je m'appelle Jen. Seulement Jen. Ici, sur Coruscant, le nom de notre famille, autrefois respecté, est aujourd'hui devenu synonyme de paria et il a coûté sa vie à mon père, tombé lui aussi dans les griffes du dictateur auto-proclamé, et condamné depuis ce même jour où le Prince Sombre s'était fait piéger sans le savoir.
Et tandis que Xizor s'en était allé trouver son maître, mon père avait après lui attendu avec méfiance l'audience à laquelle l'Empereur l'obligeait. La raison pour laquelle il avait été convoqué au Palais Impérial n'avait pas été difficile à deviner; ce qu'il craignait le plus avait fini par se produire.
Mon père était télépathe. Il n'était pas autant un Jedi. Enfant, ses parents l'avaient présenté au Temple mais les tests avaient démontré qu'il n'était pas sensible à la Force. Personne alors ne s'expliquait d'où provenait ce don unique qui allait devenir une malédiction pour notre famille, dont la jalousie de certains des membres ont provoqué la chute. Mon père, un haut fonctionnaire de l'administration Républicaine, n'avait parlé de sa télépathie à personne; seule sa famille connaissait son secret.
Cependant, depuis la proclamation de l'Empire, qui encourageait l'ambition, le profit personnel et la délation, les choses avaient changé. Mon père avait réussi à se maintenir en poste, bien que ne croyant pas aux valeurs du Nouveau Régime, et la chose avait déplu à son cousin, l'actuel dignitaire Impérial Kren Blista-Vanee, qui avait vu là une opportunité de gravir plus rapidement les échelons d'une hiérarchie corrompue, afin de devenir l'un des proches conseillers de Palpatine et ainsi mieux s'en attirer les faveurs.
Kren avait constamment cherché à nuire à la réputation de mon père, dont l'intégrité – et peut-être aussi ses talents de télépathe - lui avait valu d'être approché il y a cinq ans par le sénateur Organa, qui avait été l'un des acteurs de la création de l'Alliance Rebelle, sur Corellia puis sur Kashhyyyk. Il recrutait des alliés car il voulait combattre la tyrannie de l'Empereur; il n'a pas réussi.
J'étais présent ce jour-là, je me souviens, alors que le sénateur d'Aldéraan était accompagné d'un drôle de droïd répondant au nom de Proxy, qui n'a pas eu l'air d'apprécier la manière dont j'avais de scruter chacun de ses servo-moteurs, mais jamais encore je n'avais vu de modèle semblable capable de tant d'incroyables transformations, et il les utilisaient pour me narrer les trois premiers chapitres trop édulcorés de ce qui devait être la légende d'un jeune esclave venu d'un coin reculé de l'univers, une histoire peuplée d'improbables amis et jalonnée d'extravagantes aventures, même pour une si vaste galaxie.
Mais j'ai passé l'âge de me faire raccompagner par des droïds nounous tels ceux de la série E et je ne crois pas à ce genre de contes, dont Proxy me parla uniquement parce que, tout comme son héros, je me passionnais pour la mécanique et tout particulièrement la maintenance des vaisseaux spatiaux. J'aimais les modèles RCO-170 de l'Ancienne République, qu'on avait arrêté de fabriquer depuis longtemps, et j'espérais alors pouvoir devenir un jour mécano à bord d'un transporteur de chasseurs.
Je n'avais jamais voulu suivre les traces de mon père et je fus soulagé de voir qu'il l'entendait également ainsi. Pour preuve, il m'avait fait entrer en apprentissage l'année suivante auprès d'un vieil Ithorien nommé Tok Wau qui tenait une petite mais honorable boutique de pièces détachées ici même dans la Capitale. En mal de compagnie plus que tout autre raison je pense, et après le départ de son précédent apprenti, un certain Nak Pittareeze qui s'en était retourné chez lui sur Kalarba, Tok Wau avait cherché une nouvelle personne à former. Dans son arrière-cour, j'aurais pu être heureux et passer ma vie à trouver d'innombrables trésors, mais cette paisible existence devait être brutalement interrompue le jour de l'audience, après mon père apprit que Kren était allé jusqu'à raconter à son sujet qu'il utilisait son pouvoir en vue d'extorquer divers secrets auprès de fonctionnaires et militaires Impériaux, dans le but ultime de chercher à déstabiliser le Régime.
En fait, son seul véritable crime avait été de capter malgré lui les pensées du falleen, tandis que ce dernier s'entretenait avec Palpatine. Et le secret qu'il avait extirpé par accident de l'esprit du Prince avait dû être d'importance, au point qu'il l'emporta avec lui dans sa tombe, sans jamais me le dévoiler.
Xizor n'était pas un politicien et sa haine du Seigneur Vador, depuis l'affaire Emma Wermis, l'avait aveuglée. Mais il demeurait le leader du Soleil Noir et il était donc en mesure de nous créer des ennuis. Et c'est bien ce qui arriva. Au soir de l'entrevue, alors que nous étions mon père et moi à l'atelier de Tok Wau, après avoir convenu qu'il nous fallait quitter la planète, un gang de fonceurs a débarqué. En faisant vrombir leurs machines, les bandits, arborant les insignes de l'organisation criminelle, ont saccagé l'établissement du vénérable Ithorien, puis ils l'ont tué avant d'assommer et d'enlever mon père. Depuis, je ne l'ai plus jamais revu.
Je ne dois ma survie que parce qu'il a réussi à me cacher avant que les assassins ne me voient. Par la suite, laissé seul dans les décombres d'un bâtiment que ces mêmes crapules ont depuis lors ré-investi, et dont ils ont fait leur nouveau quartier général pour ce secteur, j'ai rapidement quitté les lieux, de peur que l'on se mette à ma recherche.
J'ai tenté de comprendre ce qui s'était passé. Selon moi, l'infâme tyran avait de nouveau convoqué Xizor après le départ de mon père, pour l'informer de ce qu'il avait fait. En réponse, le prince avait organisé cette expédition punitive à laquelle j'ai réchappé.
C'était il y a quelques mois. Au début bien sûr, j'ai tenté de retrouver sa trace, je me répétais qu'il était toujours vivant, que je finirais par le retrouver, mais on entend des rumeurs. Celles-ci circulent, persistantes, comme les nuées de vaisseaux qui quadrillent inlassablement le ciel de la planète, un ciel éternellement gris crevé de tours sur lesquelles la nuit courent les lueurs hideusement déformées des lumières du ballet perpétuel de ces machines en suspension.
On dit que Palpatine aime à torturer ses victimes avant de les tuer. Il ne connaît pas la pitié et les dissidents qu'il parvient à faire capturer sont assurés d'une mort lente et douloureuse. Hier encore, non loin d'ici, une escouade de stormtroopers a fait irruption dans un entrepôt désaffecté où s'étaient réfugiés des civils dont certains, je le savais, aidaient des rebelles. Au final, une femme et le bébé qu'elle tenait dans ses bras ont été les derniers abattus à bout portant; les victimes pour l'exemple d'un massacre organisé auquel nous tous n'avons eu d'autre choix que d'assister.
J'ai douze ans. A cet âge, on est pas un héros. Je ne suis ni un Jedi, ni un pilote ni un rebelle. Et de toute façon, à quoi bon? Il y en a bien assez comme ça. On en trouve tous les jours, sortis de nulle part, et pendant ce temps personne ne se soucie vraiment de nous. De ceux qui n'existent pas, sinon pour souffrir, de ceux qui crèvent de faim et dont l'existence ne laisse qu'une impression fugace sur une page glacée.
Je vis dans la rue depuis la mort de mon père. Je mendie, je vole pour survivre, alors que tous nos biens ont été saisis par l'Empire sur proclamation du tyran et que le reste de ma famille a été arrêtée au nom de son bon plaisir. J'ai entendu dire qu'il avait déjà procédé de même avec la famille d'un pilote qui s'était crashé par accident sur son château; les espoirs ruinés sont partout.
Aujourd'hui, il pleut encore. Depuis deux semaines maintenant une pluie battante tombe artificiellement sur ce district. Je me dis que c'est peut-être là toutes les larmes que nous ne pouvons verser, nous qui n'existons pas aux yeux du monde, aussi je ne cherche pas à lui échapper; je l'accueille et la laisse ruisseler sur moi, comme elle le fait sur le corps de ce gigantesque droid de construction laissé à l'abandon dans lequel j'ai trouvé refuge; un vieux mastodonte déconnecté et à moitié affaissé sur un bâtiment en ruines, un colosse écroulé sur le ferrobéton qui doit être là depuis bien longtemps si l'on en juge par toute la rouille qui le perfore.
Je l'ai découvert alors que j'essayais d'échapper à une bande de racailles qui voulait me soutirer des crédits que de toute façon, je n'avais pas, et depuis lors, ce géant inanimé est devenu le compagnon silencieux qui berce mes nuits et dans lequel parfois je rêve des héros de mon père.
Car mon père me parlait souvent du temps de la République. En particulier de ses derniers jours, où un certain Anakin Skywalker, qui avait été le Héros de toute galaxie, et rien de moins, avait porté les espoirs de chaque être vivant sur nombres de planètes, jusqu'à ce qu'il succomba lui aussi aux forces des ténèbres.
Skywalker avait été tué lors d'un raid effectué dans le Temple Jedi où une armée de clones avait massacré les siens, mais une autre version prétendait qu'il avait survécu, et qu'on avait vu son chasseur d'abord dans le district sénatorial puis en partance pour une planète volcanique du nom de Mustaphar.
C'est là-bas que le Héros Sans Peur serait mort, attiré dans un piège que lui aurait tendu les membres du Haut commandement Séparatiste. Ces derniers, revanchards et se sachant condamnés alors que Skywalker approchait, l'auraient fait disparaître en même temps qu'eux dans leur forteresse, non sans envoyer d'abord un message à travers l'Holonet affirmant la mort du Jedi le plus doué que l'on ait connu. Paraît-il que des bribes de ce message peuvent encore être captés dans l'espace, à qui sait l'entendre...
Skywalker. Skywalker et son maître, Obi-Wan Kenobi. Ce dernier aussi avait disparu, assassiné par Dark Vador, après avoir passé vingt années sans faillir, isolé sur la planète Tatooine, à veiller sur Luke Skywalker, le fils de son défunt apprenti, qui il y a quatre ans a réussi à détruire l'Étoile Noire près de Yavin IV. Mais ce coup d'éclat n'a pas fait disparaître Vador et son Empire; et même si la ruse avait fonctionné le temps que grandisse Luke, celui-ci était toujours activement recherché par l'Empereur. Kenobi avait fait de son mieux pour tenter de conserver une étincelle d'espoir pour la galaxie; cela suffirait-il?
Deux Jedi à l'époque, alors qu'aujourd'hui il n'en reste plus qu'un, à cause de l'Ordre 66 qui a expurgé les rangs de l'Ordre. Mais Tok Wau m'avait dit qu'on trouvait des Jedi dans toutes les espèces de la galaxie, y compris les plus incongrues, telles les Jawas et même les droïdes, et mon père avait fait remarquer qu'après la proclamation de l'Empire et l'extinction des Jedi, le nombre de leurs survivants s'était bizarrement accru. Des noms de Jedi qu'on avait jamais entendu auparavant s'étaient mis à circuler: Dass Jennir, Ashoka Tano, Ferus Olin. Mon père pensait que tout cela n'était que propagande élaborée par l'Ordre Nouveau, dans le but de maintenir un état de guerre aussi artificiel que permanent, afin d'accroître et de mieux ancrer la peur dans l'esprit des habitants de la Capitale.
A l'inverse, d'autres Jedi tels Roan Shryne, Shaak Ti et la Femme Sombre avaient réellement existé. L'Empereur avait soigneusement transformé leur défaite en retentissante victoire pour l'Empire, et il faisait aujourd'hui de même avec les rebelles.
En nul autre endroit de la galaxie qu'ici, au Centre Impérial, tant d'efforts sont déployés pour rappeler au habitants que l'Empire est tout-puissant. Outre la magnificence des symboles du pouvoir, chaque événement à mettre au crédit des militaires impériaux fait l'objet d'une mise en valeur savamment orchestrée. Tous les ans depuis l'avènement de l'Empire, les parades Impériales ponctuées de fastueuses fêtes battent leur plein. Depuis la Shaldania Parade avant le début du calendrier jusqu'au Festival des Etoiles, ce sont autant d'occasions où le cortège de l'Empereur sillonne la Capitale rebaptisée aux rythmes de spectacles sanglants organisés à sa gloire. Ce jour-là, exécutions publiques d'ennemis du régime, rafles dans les rues et tests de nouveaux vaisseaux ainsi que nouvelles armes sont au menu des festivités.
Il y a quelques mois par exemple, Vador avait ramené le sabre laser de Luke Skywalker de la planète Bespin et Palpatine avait tenu à exposer au public la main tranchée qui tenait encore l'arme, avant que celle-ci ne rejoigne, disait-on, une impressionnante collection privée. Cela avait été la dernière apparition en public du tyran, alors qu'il avait mystérieusement déserté les fêtes habituelles du calendrier Impérial ces deux dernières années.
A l'époque, jamais alors mon père et moi n'avions pu approcher Palpatine d'aussi près; sa nacelle survolait les rues à un kilomètre seulement au dessus de l'endroit où nous nous trouvions. Non, jamais je n'avais pu le sentir si proche, jamais, jusqu'à ce jour. Xizor est mort, mais reste l'Empereur. Je dois me hâter, car ce sera ma seule chance.
Cela fait des semaines maintenant que je suis Kren dans tous ses déplacements, notamment ici, dans ce riche restaurant proche des quartiers du 500 Republica, où il a laissé échapper que le tyran devait sur rendre sur Endor. Aujourd'hui. Maintenant.
Cela fait des semaines que je viens ici, au sommet de cette tour située en face de la plate-forme flottante d'atterrissage, où j'ai caché un fusil Blastech DLT-20a que j'ai dérobé à une patrouille impériale qui s'était un peu trop attardée à boire pendant son service.
Cela fait des semaines que je répète inlassablement les mêmes gestes, que je prends soin de tout planifier, jusqu'au moindre détail. L'arme ne doit pas s'enrayer.
La pluie qui me trempe jusqu'aux os et qui coule le long de mes yeux ne m'arrêtera pas. De là d'où je suis, j'ai une vue plongeante sur la plate-forme flottante d'atterrissage sur laquelle se tient une navette de classe lambda, un insignifiant engin que le vide semble prêt à engloutir, tout comme l'abîme à mes pieds avale sans ciller les torrents de pluie qui disparaissent loin, très loin en contrebas, dans les tréfonds de ténèbres aussi noire que l'âme de Palpatine.
« Plus que quelques minutes, papa » . Ce n'est pas pour une cause, c'est pour toi. Les Jedi ont été décimés, les rebelles meurent; je me fiche de la galaxie. Là, le voilà. Comme à son habitude il est entouré de ses gardes vêtus de rouge mais de là d'où je suis, ils ne peuvent me voir. Et encore moins agir. La chance est avec moi, Vador n'est pas ici, son maître a dû l'envoyer quelque part en mission.
« Plus que quelques mètres, papa. » Ça y est, le cortège s'arrête. Toute la cohorte des dignitaires Impériaux est également du voyage; tous y compris Kren se tiennent immobiles derrière Palpatine, qui s'apprête à embarquer. Je relève mon viseur sans m'occuper de ce que le vent hurle à mes oreilles; le tyran avance. Mais... ce n'est pas possible! Le voilà qui s'arrête et qui tourne sa tête vers moi, et son hideuse face grise et ravagée, teintée du fond rouge de ma lunette de visée... me sourit? Un sourire tendre, pareil à ceux de mon père, à ceux que j'ai vu si souvent dans mes rêves de revanche. Non, cela ne.... Agh !
Le lendemain, la Tribune Impériale titrait:
Encore une tentative d'assassinat sur la personne de sa Majesté l'Empereur.
Hier, un jeune dissident âgé de douze ans dont nous ne connaissons pas l'identité a tenté de tirer sur son Excellence du toit d'un gratte-ciel, alors que Palpatine rejoignait sa navette pour se rendre à Endor. Heureusement, le cortège de sécurité a parfaitement fonctionné. C'est un garde du corps Noghri de l'escorte personnelle du Seigneur Vador, arrivée en renfort à la dernière minute, qui n'a eu d'autre choix que de tuer le jeune garçon, d'un coup de lame dans le dos. Sage Pestage, porte-parole de sa Majesté dont la précieuse vie doit être la souci de chacun, nous a confié qu'il s'agissait du dernier membre encore en vie d'une famille déchue, qui usait d'influence afin de détourner à son profit l'argent du Régime.
Une fois encore la justice était du côté de notre bien-aimé Empereur et de ses sujets et l'on peut se réjouir qu'après la traitrise déjouée, c'est cet acte odieux qui a pu être avorté. Que cela nous rappelle que nous devons tous rester vigilants car les ennemis de l'Empire peuvent prendre les formes les plus sournoises. Profitons-en pour souhaiter un bon voyage à son Excellence Palpatine en attendant son retour dans la Capitale, où tous l'attendent avec impatience.